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tome 1, Chapitre 3 « Thomas Malory » tome 1, Chapitre 3

L’après-midi où Gégé avait perdu la vie, mon père était parti dans le cœur de la ville pour faire cuire au four le pain de la semaine. Jeanne et Eurydice, mes deux sœurs, l’avaient accompagné afin de nettoyer du linge au lavoir. Pendant que le pain cuisait de lui-même, notre père était allé boire un alcool de mauvaise qualité avec quelques-uns de ses amis non loin du four.

De son côté, le roi Arthur n’avait pas lésiné à la tâche. Il avait sauté son repas du midi, préférant trouver dans les plus brefs délais une nouvelle mort. En lieu et place d’un déjeuner royal, il s’était rendu aux quatre coins du château et des dépendances attenantes afin de rassembler une tenue de citoyen lambda, une « tenue de pécore » comme il disait. En le voyant revenir ainsi vêtue du cabanon du jardinier, Guenièvre n’avait pu s’empêcher de rigoler à gorge déployée :

— Wah Ah Ah Ah ! Vous voilà fort bien vêtue cher mari ! Est-ce dont là votre nouvelle tenue d’apparat ?

— Ne vous occupez pas de moi Guenièvre, je ne guère le temps pour ça.

— PffPff ! Et puis-je au moins savoir où diable allez-vous aller comme ça ?

— A la taverne.

—Oh bah dites donc ! - dit-elle surprise – C’est bien rare que vous vous y rendiez, mais pourquoi ainsi ?

—Mais je vous en pose moi des questions ? demanda-t-il agacé.

—A l’instant. Alors ? Pourquoi allez-vous cette foi vous retourner le cerveau ?

—Figurez-vous que je n’y vais pas pour me pinter la gueule. J’y vais pour avoir des renseignements.

—Ah bon… Et pourquoi ne pas envoyer Perceval ou Tristan comme à votre habitude ?

—Parce que cette fois, l’affaire m’est trop délicate pour daigner la déléguer.

—Soit. Puis-je avoir la curiosité de vous demander quels genres de renseignements vous escomptez trouver auprès de gens ronds comme des barriques et incapable d'aligner deux phrases cohérentes entre elles ?

Arthur s’était stoppé net.

—Vous n’avez pas tort… J’ai une question pour vous.

—Ah ! dit-elle joyeusement surprise.

—Si vous cherchiez des renseignements sur une personne en particulier, vous iriez où vous ?

—Et bien j’irais voir le père Blaise, j’imagine…

—Nan mais si le père Blaise était malade et que personne dans le château n’était là, vous feriez quoi vous ?

—Vous en avez de drôle de question vous, laissez-moi un peu de temps pour y réfléchir…. Alors voyons…

Arthur se contentait d’observer les nuages dans le ciel tandis que sa compagne soliloquait sur ses réflexions, chose qu’elle faisait couramment. Au bout de quelques minutes, elle lui avait tiré légèrement la manche pour lui faire comprendre qu’elle avait enfin trouver réponse à sa question.

—Pardon, je vous écoute ma mie.

—Je pense que j’irais au lavoir. Après tout, c’est là le lieu où les femmes dénouent leurs langues tout en nettoyant leur linge.

—Le lavoir. Et pourquoi des bonnes femmes me renseigneraient là-bas ?

—Oh bah ça se voit que vous n’êtes pas une fille vous ! Elles vous le donneront, car là-bas on agit toutes comme des commères, alors vous pensez, pouvoir débattre d’un sujet, surtout avec vous, ça va en motiver plus d’une croyez-moi !

—Ah bah c’est pas tout à fait stupide comme raisonnement. Merci, sincèrement.

—Je peux vous y accompagner ?

—Vous avez du linge à laver ?

—Bah, non, on a quelqu’un pour ça…

—Bon bah dans ce cas, non. Restez donc là, à lire vos poésies à l’eau de rose, vous y aurez bien meilleurs comptes, croyez-moi.

Sur ces entre-faits, Arthur avait confié Excalibur à Perceval, pris un sac de lin à l’épaule dans lequel il avait fourré sa couronne, s’était ébouriffer les cheveux et s’était également sali une joue avec de la terre. L’illusion était parfaite. Avant de partir en quête du lavoir, il avait ordonné à Perceval deux choses, le suivre en mettant entre eux une distance d’environ trente hommes et la seconde, la plus importante, d’aller chercher la faux et de revenir à lui au moins deux heures après avec, si et seulement s’il levait ses deux bras au ciel comme pour accueillir dans ses mains une parole divine.

—Même si cela n’arrivera sûrement pas, soyez près. Et ne faites rien foirer surtout d’accord ?

—C’est promis sire !

—Bon, j’ai foi en vous Perceval, ne l’oubliez jamais !

Heureuse (ou malheureuse) coïncidence, Jeanne et Eurydice étaient venues pour laver du linge. Le hasard fit que le roi s'intéressa d'abord à mes jeunes sœurs. Il leur demanda :

— Mesdemoiselles, veuillez excuser mon irruption mais puis-je vous posez une question ?

Eurydice et Jeanne ne s'étaient pas retournées et n'avaient ainsi pas vu qui leur adressait la parole. Eurydice répondit :

— Que veux-tu savoir le noble ?

Arthur fut surpris. Il se regarda, il n'avait en rien l’air d'un noble et venait une fois de plus de comprendre son erreur. Il écrasa son pied sur le muret du lavoir, pile entre mes deux sœurs. Sa botte rapiécée surprit mes sœurs qui se retournèrent. Il dit :

— Dites-moi mes mignonnes, savez-vous qui est le clampin le plus sage de ce foutu royaume ?

Elles éclatèrent de rire, Jeanne dit :

— Je vous préférais en noble, le gueux...

Arthur était dérouté ce qui fit rire une nouvelle foi mes sœurs. Puis Eurydice reprit :

— Je ne sais pas si c'est le plus sage, mais mon frère n'a jamais pu tuer ne serait-ce qu'un poulet.

Arthur, intéressé par la nouvelle, reprit :

— Y a-t-il moyen de le rencontrer ?

— Vous ne savez vraiment pas qui vous êtes en fait. Il va falloir se décider mon grand, sois noble soit péteux. lui avait cinglé Jeanne.

— En voilà des manières Jeanne ! rétorqua Eurydice.

— Et peut-on savoir pourquoi vous chercher une telle personne monsieur...?

— Malory. Thomas Malory. Je cherche une personne comme votre frère, car de là où je viens, notre père m’a dit que parler à une personne vierge de tout crime me permettrait d'expier ma faute.

— Pas commun comme père ça. M’enfin, il faudra demander à mon père s’il est d'accord... répondit Eurydice pensive.

— Et où peut-on trouver votre père ?

Jeanne se leva d'un bond et lança :

— Suivez-moi. Eurydice, je te laisse finir !

Les deux complices sortirent du lavoir laissant ma pauvre sœur à la tâche. Arthur, qui suivait Jeanne, se retrouva finalement à la taverne. A peine avait-il rit intérieurement en se remémorant son échange avec sa femme qu’un homme, au nez aussi rouge qu’un fraise et à la carrure aussi imposante qu’un menhir, beuglait sur sa guide :

— Jeanne ! Où est ta sœur ?

— Elle finit de laver le linge. Père, ce monsieur voudrait rencontrer Samaël.

Mon père dévisagea l'inconnu et demanda après avoir roté intensément et s’être redressé de telle sorte à paraître menaçant :

— Pourquoi mon fils t'intrigue-t-il, homme ?

— De là d'où je viens, le père de mon village m'a pressé de parler à quelqu'un vierge de tout crime pour expier le mien.

Mon père fût alors pris d’un fou rire incontrôlable et tellement communicatif que tous les autres piliers de bars étaient à présent pliés de rires. Jeanne était gêné, Arthur apeuré. Quand mon père finit par reprendre ses esprits, il répondit en essuyant quelques larmes de rire :

— Ah ça ! Il est vierge de tout crime, je vous le certifie ! Un incapable celui-là...

— Pourrais-je le rencontrer ?

— Grand dieu ça dépend. Quel est votre crime ?

— J'ai tué, tué quelqu'un et j'en éprouve le remords maintenant...

— Ça lui fera pas de mal de parler avec quelqu'un comme vous ! Il comprendra ce qu'est la bêtise humaine !

— Je vous remercie.

—Le pain est bientôt cuit, on va pas tarder. Et vous en êtes où avec le linge Jeanne ? Et Eurydice où qu’elle est ?

—Je vais la chercher, on revient vite promis père !

—Trainez pas, le pain s’ra trop cuit après !

Jeanne quitta la taverne laissant mon père, qui s’était retourné au bar pour boire une nouvelle pinte, seul avec Arthur.

—J’ai cru comprendre que votre fils s’appelait Samaël c’est ça ?

—Ouaip ! Il est pas méchant, mais il aurait été mieux dans ses pompes s’il avait était une nana croyez-moi !

—Si vous le dites.

—Et vous c’est quoi votre nom mon p’tit gars ?

A cet instant précis, Arthur avait compris qu’il n’était pas tombé sur un simple villageois, car au-delà de cette question, si simple en apparence, se terrait dans les yeux de mon père la fougue de ces commerciaux qu’on ne pouvait pas duper et ça, ça avait eu le mérite de tenir Arthur en respect. Toujours est-il qu’il n’eut pas eu le temps de répondre qu’Eurydice et Jeanne avaient franchi la porte de la taverne :

—Ah bah bon dieu ! J’vous attendais moi hein ! Bon aller, on prend le pain et cet artisan-là et on se rentre ! avait beugler mon père en donnant une grande claque bien cinglante dans le dos d’Arthur.

Perceval, qui suivait Arthur à sa demande tout en se tenant à l'écart, fût soulager d’enfin le voir sortir de la taverne. Arthur arborait une grimace et suivait un père et ses deux filles.

—Et bah, on dirait que vous n’avez pas perdu de temps sire. Se dit Perceval à lui-même.


Texte publié par Yumon, 8 mars 2020 à 22h58
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