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tome 1, Chapitre 2 « Samaël » tome 1, Chapitre 2

Trois ans. C’était le temps qui s’était écoulé entre le jour où Arthur avait terrassé la faucheuse et celui où mon temps allait se fixer. Trois longues années durant lesquelles plus rien ni personne ne perdit la vie naturellement. Bien entendu, nombreux furent ceux qui s’en était réjouis. Comment ne pas l’être en même temps ? Le roi Arthur avait promis à tout son peuple, et à la Terre entière, la vie éternelle. Mais comme une épée à double tranchant, cette aubaine avait ses défauts.

Des vieilles personnes, pour qui le corps faisait à présent défaut, vivaient non pas leur meilleure vie, mais survivaient chaque jour, fatigués. Parmi eux, certains étaient incapables de se mouvoir, d’autres, incapables de parler.

Ceux qui perdaient la vie en ces temps reculés étaient ceux qui se laissaient mourir, de faim ou de soif, ou ceux à qui on l’avait ôté, à la guerre ou à la chasse, et cette triste règle s’appliquait aussi bien aux humains qu’aux animaux.

De nouvelles maladies, liées à la consommation d’animaux sauvages trop âgés, étaient apparues. Le roi avait alors hérité du titre du Sanglier de Cornouailles, d’après les rumeurs, c’était Merlin qui le lui avait attribué, d’une part pour se moquer de lui, et d’autre part pour qu’il se souvienne de ce nom, comme de celui de la honte d’avoir tué la mort. A ceux qui ne mourraient plus, venaient s’ajouter ceux qui naissaient. La population avait drastiquement augmenté et non pas à cause du nombre de naissances qui était resté sensiblement le même, vous l’aurez compris. Pour Arthur et les chevaliers de la table ronde, le prix de la vie éternelle venait enfin d’être fixé. Il était d’une vie longue, certes, mais infernale sur la fin. Arthur, qui était un homme du peuple, ne put tenir plus longtemps face à la détresse de son peuple. Ce fait d’arme était une erreur. Néanmoins, Arthur avait beau avoir retourné le problème dans tout les sens et avec tous les chevaliers, nul ne savait comment redonner vie à celle qui la prenait. Le roi avait alors convoqué tous les chevaliers de la table ronde, à cette même table, et avait exceptionnellement convier Merlin à les rejoindre.

Lorsque cette réunion eut enfin lieu, Arthur, qui croulait sous les injures du peuple à son égard vis-à-vis des doyens et de leur vie damnée, perdit patience juste après que l’ordre du jour ne fut évoqué :

— Merlin, aidez-nous, je vous en conjure !

— Alors c'est maintenant que vous comprenez votre erreur Arthur ?

— Je ne pensais pas... Je ne pensais pas que cela allait avoir des répercussions aussi dantesques !

— Voilà votre problème Arthur ! Vous n’arrivez pas à anticiper les conséquences de vos actions ! A présent que comptez-vous faire pour sauver toutes ces âmes en quête du silence éternel d’un espace infini ?

Le réplique de l’enchanteur avait jeté un froid dans la salle. Arthur se leva, s'agenouilla devant Merlin et déclara :

— Je m'en remets à vous Merlin.

— Allons ne soyez pas aussi pitoyable mon jeune ami ! Tout ce dont vous avez besoin est d'un nouveau "Zéro" !

Arthur, agacé par cette réponse à laquelle il avait déjà songé, se redressa face à Merlin :

— Parce que vous avez peut-être un sort dans vos grimoires qui peut le faire ?

—On ne crée pas la mort Arthur.

—Alors pourquoi vous dites ça ? Je n’ai pas ce pouvoir non plus. Aucune des personnes ici présente n’a ce pouvoir et j’ai pas attendu que vous me le confirmiez pour que je le sache !

— Sans Zéro vous serez contraint de faire des exécutions régulières.

— Personne n'acceptera ça... souffla Bohort.

— Dans ce cas, nommez un nouveau Zéro ! conjura Merlin aux chevaliers.

Arthur se rassit exaspéré par cette injonction qui n’avait aucun sens à ses yeux :

—Nommez un nouveau Zéro. Comme si on nommait la mort comme on adoube un chevalier. Vous en avez des bonnes vous hein ?! En attendant, y’a des gens qui attendent de claquer convenablement dehors ! Vous êtes censé nous aider là, pas nous noyer dans vos élucubrations de magicien !

Au tour de la table légendaire, tous étaient gênés. C’était la première fois que leur roi cédait à la panique sans raisonnement rationnel. Habituellement, quand Merlin lui donnait des directives évasives, il convoquait les chevaliers afin d’en discuter calmement et de trouver le sens à son énigme. Malheureusement, c’était la première fois que notre sorcier était convié à la table ronde, et pour lui, cette première foi avait aussi été la dernière tant l’attitude d’Arthur l’avait dégoûtée :

— Je ne veux plus être votre homme à tout faire Arthur ! Tout ne peut se réparer continuellement à coup de baguette magique ! Votre massacre des créatures légendaires vous en coutera, ça, vous le savez déjà, mais je ne peux décemment pas laisser la Terre dans cet état, ceci sera la dernière aide que je vous offrirais. Après quoi, vous ne me reverrez plus jamais.

— ... J’imagine que je n’ai pas le choix… déclara Arthur.

— Arthur, la faux du précédent Zéro possède les pouvoirs nécessaires. Confiez-là à la bonne personne.

Merlin quitta la pièce. Arthur était dépité, la solution, pourtant si simple, venait de lui faire perdre Merlin. Gauvain prit la parole :

— Sire, qui allez-vous nommer ?

— Je ne sais pas encore Gauvain...

— Êtes-vous conscient des risques que vous prenez en faisant cela Sire ?! s’emporta Perceval.

— Avez-vous une meilleure idée Perceval ?

— Avez-vous une idée de qui nommer Sire ? demanda timidement Gauvain.

— Je... Je...

— Seule une personne vierge de tout crime le peut. Elle sera juste en sa sentence et comprendra... déclara solennellement Tristan.

— Vous comptez nommer un nouveau-né Tristan ? demanda Yvain.

— Loin de moi cette idée cher ami.

— Mais qui alors ? repris Perceval.

Arthur se leva et déclara :

— J'irais moi-même chercher cette personne parmi mes sujets. J'irais déguiser et je ramènerais cet être. Je prends cette tâche à charge, car tout cela est de ma faute. Je jure solennellement que le prochain Zéro sera neutre et vierge de tout crime. Messieurs, cette réunion est terminée !

Sans attendre nulle réponse, il avait traversé la pièce et l’avait quittée, laissant derrière lui de preux chevaliers déboussolés et méfiants face à la tournure de ces funestes évènements.

Pendant que cette réunion se déroulait, moi, je jouais encore dehors, dans l'herbe grasse avec nos chiens qui gardaient nos trois vaches. J'étais heureux. J'étais jeune. J’imagine que c’est à peu près au moment au Merlin s'était retiré de la salle de la table ronde, que ma mère m’avait appelé depuis la fenêtre de la cuisine :

— Samaël !

— J'arrive la mère !

Une fois rentré dans ma maison, qui était pauvre mais grande. Ma jeune mère, dont les cheveux de blé lui tombaient dans le dos me donnait marche à suivre :

— Ah Samaël, enfin ! Met la table bichot.

Je m’exécutais. Sortant les assiettes, je demandais :

— Somme-nous toujours douze la mère ?

— Oui, mais le père du tiens commence à en avoir marre. Ses soixante-dix printemps lui montent à la tête. Je serais pourtant heureuse de vivre comme lui.

Une fois la table mise, j'allais chercher mon père, mon grand-père, mes deux grand-mères, ainsi que mes quatre frères et mes deux sœurs, tous plus âgés que moi. A table mon père m’engueulait encore :

— Samaël as-tu égorgé le cochon pour le sauciflard ?

— Père... Vous le savez pourtant... Je ne peux pas faire ça...

— Samaël ! Tu m'égorgeras ce foutu cochon comme je te l'ai quémandé !

— Mais père...

— Samaël !

— Oui père...

—Nom d’un chien, j’t’ai pourtant éduqué comme tes frères et aucun d’eux n’a jamais rechigné à la tâche. Foutu gosse. Avec ton visage fin et tes satanés cheveux longs, t’aurais fait une bin bonne femme, mais t’es un homme alors comporte toi comme tel gamin !

—Soit plus tendre chéri, Samaël n’aime pas l’sang ni son odeur, tu l’sais bien !

Mon père s’était alors contenté de grommeler quelque chose d’inaudible avant que cette discussion ne soit close. Moi, je n’en voulais pas à mon père, après tout, à l’époque, c’étaient les mœurs. D’ailleurs, je savais et mes fesses aussi, que ne pas le faire me vaudrait encore une salve de fessées déculottées, dont je me serais souvenu longtemps.

L'après-midi, j'étais dans l'arrière grange avec Gégé. Gégé, c’était le nom que j'avais donné au cochon. Je caressais la bête en pleurant, marmonnant :

— Gégé... Je suis désolé... Je... Je...

Je m’éloignais de lui pour attraper le couteau. Une fois face à lui, Gégé me regardait, semblant ne pas comprendre ce qui allait se passer. Je m’effondrais alors en larmes. Mon frère Jean entra alors, il me souleva disant :

— Alala Samaël, tu es vraiment une petite nature, allez fous le camp d’là.

Je me jetais alors sur le cochon pour que mon frère ne le tue pas. Il me souleva par le col une nouvelle foi et me sortit. Une fois la porte fermée, je me jetais contre elle, mais n’entendis que la longue plainte de Gégé. Choqué, j’étais resté plaqué contre la porte, puis, une odeur de fer âcre envahit mes narines, je dégluti avant d’aller me réfugier dans ma chambre en pleurant. C'est à ce moment qu'il rencontra mon père. C'est à ce moment qu'il ne me restait plus que quelques heures...


Texte publié par Yumon, 1er mars 2020 à 00h00
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