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tome 1, Chapitre 12 « Medveđa » tome 1, Chapitre 12

Deux semaines plus tard

— Je suis persuadé que c’est une idée de merde, grommela l’hologramme de Dimitrije. Tu as assez travaillé sur le dossier, rien ne t’oblige à aller là-bas.

— On a déjà clarifié ça hier soir, rétorquai-je. Tout va bien, Dimi. Nous serons rentrés avant la nuit.

Je raccrochai, puis vérifiai une dernière fois ma tenue. Je ressemblais à une bigote avec ma robe rose pâle, mes cheveux attachés en chignon de grand-mère, et mes fausses lunettes carrées. Elles n’arrêtaient pas de tomber sur mon nez, mais le costume était parfait. De plus, j’avais de nouveau teint mes cheveux afin d’éliminer les dernières mèches claires.

Mes collègues, Anja et Dunstan, patientaient dans la voiture. La première me fixait d’un air dubitatif, mais je fis semblant de ne rien remarquer. Elle avait essayé de m’exclure en prétendant que mon état mental ne correspondait pas aux critères requis pour la mission, malgré mes efforts acharnés.

Pendant trois semaines, je m’étais noyée dans le travail afin de retrouver un semblant de vie normale. J’avais étudié chaque portail potentiel, apporté de nouveaux éléments aux dossiers et ce, en dépit de la disparition de Kaća. Je n’avais aucune nouvelle, l’enquête piétinait, et malgré mon souhait de revoir Konstantin, je lui répondais en pointillé et jouais la petite amie dévouée auprès de Dimitrije. C’était un mensonge, un pur mensonge, mais je ne pouvais pas céder à une simple attirance physique. Si je ne m’accrochais pas à Dimitrije, je sombrerais du mauvais côté de la barrière.

J’adressai un sourire à ma collègue, en m’installant côté conducteur. J’écrivis une dernière fois à Dimitrije, tout en ignorant la moue agacée de Dunstan. Puisque nous étions déguisés en bigots, il aurait été plus logique de lui laisser le volant. Certains clichés avaient la vie dure, mais j’adorais trop conduire pour rester assise pendant trois heures à ne rien faire.

— Le matériel est prêt ? demandai-je.

Ils acquiescèrent, puis me désignèrent le sac dans lequel nous avions rangés une bible, plusieurs chapelets, de l’eau bénite, ainsi que des armes de pointe. Dunstan sortit ensuite un guide local et commença à le lire.

— Bien, que les consignes soient claires : nous ne nous séparons sous aucun prétexte, rappelai-je en démarrant. Personne ne s’aventure seul dans les lieux à risque et vous obéissez à mes ordres.

Beaucoup m’accusaient d’avoir les faveurs de Misha, mais de nous trois, je demeurais l’agente la plus expérimentée. Anja effectuait surtout des tâches administratives et Dunstan n’avait jamais fait de mission aussi importante que celle-ci. Il était excité comme une puce et son enthousiasme contrastait avec l’angoisse perceptible de ma collègue. Un rappel à l’ordre me paraissait donc nécessaire.

— C’est dingue, commenta-t-il une fois en route. Si le portail se trouve à Medveđa, il s’agit du lieu où le premier vampir aurait fait son apparition en Europe.

— Arnault Paole ? devinai-je.

— Ouais. Un paysan, qui serait revenu sous la forme d’un buveur de sang après sa mort.

— Espérons que cela reste seulement une légende, soupira Anja.

En quinze jours, les meurtres s’étaient multipliés. Les médias tournaient en boucle sur le sujet, et la psychose des serbes avaient atteint le point de non-retour. La plupart des bars de Beograd fermaient la nuit ou avaient mis la clef sous la porte, tandis que les habitants plus croyants se réfugiaient à l’église toute la journée.

Quoi qu’il en soit, Misha avait décidé de localiser le portail le plus vite possible. Il avait ainsi envoyé plusieurs agents dans les lieux suspects, même si cela n’avait rien donné jusqu’à présent. Medveđa restait toutefois l’endroit le plus risqué, puisqu’en moins de trois ans, le village avait perdu la moitié de sa population. Les rumeurs prétendaient que les gens fuyaient à cause de l’absence de travail, mais le taux de disparition avait considérablement augmenté.

Le temps urgeait et notre objectif était simple : confirmer l’existence du portail, repérer sa localisation, nous tirer vite fait et envoyer une équipe plus expérimentée le sceller.

— J’ai eu la famille Pavlovic au téléphone tout à l’heure, révéla Anja. Ils ont réussi à maîtriser leur fille pour l’examen.

J’opinai, soulagée. Plus vite nous terminerions cette visite, plus vite nous rentrerions. Se rendre à Medveđa directement au nom de l’Agencija aurait suscité la méfiance des habitants. Les Patrouilles religieuses n’appréciaient pas les interventions scientifiques, susceptibles d’atténuer la ferveur des personnes qu’ils avaient enrôlées. Puisque notre influence ne s’étendait pas au-delà de Beograd, nous devions afficher une couverture.

— Vous pensez vraiment que leur fille est possédée ? demanda Dunstan.

— Non, répondis-je. Ils sont paranos, voilà tout. Les démons n’existent pas. Depuis la conquête des Cachés, ils sont prisonniers de l’Antimonde et ceux qui traînent chez nous n’ont jamais possédé quiconque. C’est un mythe des intégristes, ça.

— Elle est sûrement très malade, renchérit Anja en consultant une fiche. Vu les symptômes, la fièvre, les hallucinations, les crises d’hystérie, il s’agit d’un trouble mental ou de la consommation d’une substance illicite. Hélas, les parents n’ont pas l’air très ouverts d’esprit…

— Le diagnostic sera vite rendu, commentai-je. Si elle pose problème, Dunstan les apaisera.

Nous étions tous les trois formés pour calmer une personne en crise, mais les gens faisaient plus confiance aux hommes pour contrôler les choses. Je trouvais cela ridicule, cependant, que Dunstan joue les médiateurs vis-à-vis de la famille m’arrangeait. Je gérais mieux les analyses médicales que les conflits.

Pendant le trajet, je roulai bien au-dessus de la vitesse autorisée, aussi excitée que désireuse d’en terminer au plus vite. En retournant sur le terrain, je me sentais renaître.

— Es-tu sûre que ça ira, Svetlana ? s’inquiéta Anja.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas, tu as l’air agitée.

Son commentaire, prononcé avec bienveillance, dissimulait une réelle inquiétude. Elle tripotait la fiche de Ludmila Pavlovic, jouait machinalement avec ses fausses lunettes et me toisait avec appréhension.

— Je vais bien, assurai-je.

Le reste du trajet se déroula en silence, parfois rompu par Dunstan qui nous abreuvait d’anecdotes sur les vampiri. J’en connaissais la plupart pour avoir approfondi le sujet ces derniers temps. J’avais envisagé d’utiliser Konstantin afin d’obtenir des informations, mais il se braquait dès que je lui posais trop de questions. Il n’était pas dupe, et je ne voulais pas griller mes cartes avec lui.

Lorsque nous arrivâmes à Medveđa, le temps demeurait plus maussade que jamais. Nous nous garâmes à l’entrée du village, qui n’était pas très grand, de toute manière. La pluie menaçant de tomber, je sortis un parapluie, puis attrapai une bible. Dunstan scrutait chaque détail autour de nous, les yeux papillonnant de béatitude.

— Reste tranquille, le sermonnai-je. Tu ne prends aucune initiative sans mon aval et tu te comportes sérieusement !

Je lui fourrai la Bible dans les mains, tandis qu’Anja rangeait la fiche. Nous marchâmes ensuite jusqu’à l’adresse indiquée, dans un malaise palpable. Il y avait peu d’habitants ici, et ceux qui vivaient encore là se terraient chez eux. Aucun chat ne traînait dehors alors que nous étions en début d’après-midi. Les volets étaient fermés, des gousses d’ails étaient disposées à chaque entrée de maison, et les rares commerces semblaient avoir mis la clef sous la porte.

Nous passâmes devant le cimetière, dont l’arrière était bordé par des arbres. Il paraissait lugubre, tout comme l’église située juste à côté. Je me demandais bien comment un portail pouvait se dissimuler ici ; tout était si calme que la moindre présence suspecte aurait déchaîné les foules.

— On devrait fouiller ici, dit Dunstan. Pourquoi ne pas y aller maintenant ? Il n’y a personne !

— Parce que nous devons préserver l’image de l’Agencija.

— Mais on est avance, et on devrait en profiter avant que le soleil ne se couche !

Je jetai un œil à ma montre, agacée. Il était une heure de l’après-midi et si je comprenais son impatience, nous ne pouvions pas courir le risque de croiser des Cachés sans qu’un habitant sache notre présence. Si nous disparaissions, personne ne serait en mesure de donner l’alerte.

— Il faut suivre le protocole, intervint Anja. En discutant avec les habitants, nous grappillerons des informations. Je ne m’aventurerai dans ce cimetière que si nous y sommes obligés.

Pour une fois, je la comprenais. Ces endroits abritaient de véritables nids à vampiri. Beaucoup n’appréciaient pas la lumière du soleil et se réfugiaient dans les tombes, avant de chasser la nuit. Ils buvaient le sang de leurs victimes, souvent des voyageurs isolés pour ne pas se faire repérer. Les moins expérimentés commettaient un véritable carnage, les plus disciplinés nourrissaient sans tuer leur proie. Malheureusement, ces derniers demeuraient rares.

— Nous ne cherchons pas des Cachés, mais un portail, lui rappelai-je. Il est probable que certains se dissimulent ici, mais nous ne les affronterons pas à trois. De plus, nous devons nous assurer que la fille Pavlovic ne couve pas le virus de Jouvence à son tour. Au moindre signe suspect chez eux, on décampe.

— Mais vous avez dit que la fille était probablement folle…

— Probablement, m’agaçai-je, mais ce village n’est pas considéré à risque sans raison. Prouve que tu es un agent de terrain expérimenté si tu tiens à faire carrière.

Une fois devant la maison de la famille Pavlovic, nous prîmes une minute pour apaiser nos nerfs. Anja croisa les doigts, le teint plus pâle que d’ordinaire. Je récitai mentalement une prière afin de me remémorer mon rôle, puis sonnai en retenant mon souffle à cause de l’odeur d’ail. Ils en avaient accroché un peu partout dans le jardin, au point qu’il y avait plus de gousses que de fleurs.

— Tu dois surtout te montrer rassurant, expliquai-je au jeune homme. Même si tu es plus jeune que nous, tu sers de repère. Nous devons être unis et ne dévoiler aucun signe de discorde, tu comprends ?

Il acquiesça, et j’observai discrètement Anja, pour lui indiquer que la remarque lui était aussi adressée. Elle avait dix ans de plus que moi, mais son poste administratif la rendait aussi débutante que Dunstan. Je me demandais pourquoi Misha l’avait choisie pour m’accompagner, mais je présumais qu’il comptait sur son sérieux pour tempérer nos ardeurs, à Dunstan et moi.

Un couple nous ouvrit ensuite. Dunstan cessa de s’agiter et arbora une mine très sérieuse, en posant la Bible sur son cœur. J’étouffai un rire, avant de me figer face aux parents désespérés. L’intérieur de la maison était plongé dans la pénombre, et l’odeur d’ail était plus présente encore. Des dizaines de crucifix avaient été accrochés aux murs, ainsi que des icônes de la Vierge.

— Nous avons protégé notre maison, expliqua madame Pavlovic. Nous espérons que cela repoussera le démon qui détruit notre fille.

Dunstan récita une prière, et nous l’imitâmes en chœur. Il jouait son rôle à la perfection, au point que personne ne nous demanda nos cartes. Nous nous dirigeâmes dans le salon, où le couple nous détailla la situation.

— Tout a commencé il y a une semaine, révéla Lucia Pavlovic. Notre fille sort très peu en dehors de l’école, surtout à cause des rumeurs qui hantent notre village. Un soir, en rentrant de l’école, elle a commencé à éprouver des douleurs très violentes.

— Des crampes, des maux de ventre, de la fièvre ? demanda Anja.

Lucia opina.

— Le médecin lui a prescrit des médicaments, mais elle a commencé à délirer. Elle ne dort plus, ne se nourrit plus, c’est tout juste si nous arrivons à la faire boire. Parfois, elle a des crises de démence, où elle nous insulte et envoie tout valser dans la pièce.

— Qui vous a suggéré l’exorcisme ? l’interrogeai-je.

— Le médecin, puis le prêtre, révéla le père.

— Nous allons étudier les symptômes de votre fille et déterminer si nous pouvons procéder à un exorcisme ou non, décréta Dunstan.

Il était évidemment hors de question que cela aboutisse sur une telle chose. La violence des prêtres menait bien souvent au décès de la personne « possédée », et je refusais d’engager la vie d’une innocente, dont la place se trouvait à l’hôpital. Je me gardai cependant de livrer mon avis, et approuvai les dires de mon collègue.

Nous récitâmes une prière, tandis que Dunstan traça le signe de croix sur le front des parents. Nous montâmes à l’étage, où la malheureuse Ludmila avait été ligotée sur son lit. Le père déverrouilla la porte, mais je lui indiquai de ne pas avancer.

— Nous avons besoin d’examiner la situation calmement, sans être entravé par le moindre jugement, expliquai-je. Nous revenons vers vous dans quelques minutes.

Sans leur laisser le temps de protester, j’entraînai mes collègues dans la chambre et claquai la porte. L’air était étouffant et la pièce sentait le renfermé. Personne n’avait aéré depuis des jours, mais une autre odeur rance embaumait l’atmosphère. Dunstan toussota, tandis que je me couvrais le nez avec mon châle fleuri. Anja ouvrit notre mallette, où se trouvait nos instruments médicaux.

— L’électricité ne marche pas, pestai-je en appuyant sur l’interrupteur. Anja, attrape la lampe et éclaire-nous.

Elle s’exécuta, tandis que Dunstan et moi nous penchâmes sur la jeune fille. Ses longs cheveux noirs masquaient son visage. Elle ne réagit pas à mes sollicitations, signe qu’elle dormait. J’enfilai des gants, puis retirai la couverture. Elle portait un pyjama d’adolescente, mais elle avait dû se tortiller un moment, car il ne le couvrait qu’à moitié.

— Elle est couverte d’ecchymoses, m’épouvantai-je.

En effet, de multiples traces violettes parsemaient sa peau. Conséquences de sa maladie ? Ou preuve de maltraitance ? Dunstan me passa le thermomètre, qui m’indiqua… Son hypothermie.

— Trente-trois degrés, annonçai-je dans un souffle. On a un problème.

— Ne devrait-elle pas avoir de la fièvre ? s’étonna Anja. Ce genre de délires s’accompagne d’une hausse de la température, mais il y a peut-être des exceptions. Les autres symptômes ?

Je lui tapotai la joue, sans obtenir de réaction.

— Va demander aux parents si elle somnole depuis longtemps, ordonnai-je à Dunstan. Rassure-les, au passage. Je vais avoir besoin de temps supplémentaire.

Il obéit aussitôt. Anja se rapprocha avec précaution, en éclairant son visage avec la lampe. La peau de Ludmila était blême, gelée, et elle paraissait déshydratée. Ses lèvres étaient quant à elles sèches et morcelées.

— Elle a besoin de soins, déclara ma collègue. Nous devrions les persuader de l’hospitaliser…

J’approuvai en silence, bien que perplexe. Je ne croyais pas en la possession, mais son hypothermie m’alarmait. Cela correspondait aux symptômes du virus de Jouvence ; néanmoins, comment avait-elle pu l’attraper ? Je ne discernai aucune trace de morsure et elle devrait déjà être morte pour que la transformation ait lieu. Or, si je me fiais au récit des parents, elle ne dormait pas depuis une semaine.

Cependant, je ne perçus aucun souffle. Elle respirait à peine, ou plus du tout. Je vérifiai que ses poignets soient bien attachés, puis sortit mon couteau.

— Tu fais quoi ? s’affola Anja. Tu vas la blesser !

— Mesure de précaution. Recule.

— Mais…

— Écoute-moi !

Elle protesta, mais je serrai l’arme. En touchant la nuque de Ludmila, je constatai que son pouls ne battait plus. Je soulevai ensuite l’une de ses paupières, qui dévoila des yeux entièrement blancs.

— Tout va bien ? demanda Dunstan, de retour dans la chambre.

— Qu’ont répondu les parents sur sa somnolence ? l’éludai-je.

— Ils affirment qu’elle dort depuis deux jours environ.

La révélation me glaça le sang. Deux jours étaient un délai suffisant pour la considérer comme morte. Anja recula jusqu’à se cogner contre le mur, tandis que Dunstan nous fixait d’un air incrédule.

— Le virus tue obligatoirement la victime avant que la transformation débute, murmurai-je. Il y a une phase d’agonie, plus ou moins longue selon la personne.

Cela correspondait à la semaine de torture endurée par l’adolescente.

— Ensuite, il faut de quelques heures à une journée pour qu’elle se réveille en vampir, ajoutai-je.

Ludmila n’avait pourtant pas réagi, alors qu’un jeune Caché ne maîtrisait pas sa soif de sang. Elle se serait débattue dès notre entrée dans la maison, vu son odorat surdéveloppé. Avec un peu de chance, le processus prenait plus de temps que prévu et nous pouvions encore éviter la catastrophe.

— Es-tu sûre de toi, Svetlana ? m’interrogea Anja. Si cette fille se réveille, ce sera un carnage, mais si nous lançons l’alerte pour rien…

— Non, mais nous n’avons pas le temps de tergiverser. Dunstan, amène les parents dans le salon, ordonnai-je. Ne dis rien sur nos conclusions, et approfondis les questions. Il faut éclaircir les circonstances de la disparition, et surtout savoir quand ils sont entrés dans sa chambre pour la dernière fois.

Après le départ de mon collègue, Anja rangea le matériel en vitesse tandis que je prélevai la salive de Ludmila. Elle informa Misha de la situation par message, puis nous rejoignîmes les autres comme si de rien n’était. Je n’avais pas été concentrée sur une tâche depuis longtemps, même si l’appréhension augmentait. En missionnant trois agents, dont deux inexpérimentés, mon patron avait minimisé les risques. Or, si nous abandonnions la famille, Ludmila tuerait toutes les personnes qu’elle croiserait sur son chemin, sans se soucier des gousses d’ail ou de l’eau bénite.

— Que se passe-t-il avec notre fille ? s’inquiéta le couple.

Anja et Dunstan m’observèrent, tendus, me confiant indirectement la responsabilité de leur répondre.

— Les symptômes de votre fille sont assez graves, avouai-je, en pesant chaque mot. Quand l’avez-vous maîtrisée ?

— Avant-hier soir, lorsqu’elle a commencé à se calmer.

— De quand date votre dernière visite dans sa chambre ?

— Ce matin, à l’aube, dit la mère.

— Vous devriez prier à l’église, suggéra Dunstan. Notre Seigneur vous procurera le réconfort nécessaire pour affronter cette terrible épreuve. Je pourrais vous accompagner ?

Je serrai les dents, affolée par son initiative. Nous étions coincés. Si nous partions et que Ludmila se réveillait, nous aurions un massacre sur la conscience. Si nous nous éternisions ici, les patrouilles religieuses s’interrogeraient et susciteraient la panique chez les villageois.

— Qu’en est-il de l’exorcisme ? demanda le père.

— Il ne faut pas un exorcisme, monsieur. Votre fille n’est pas possédée, annonçai-je d’une voix dure.

— Elle a besoin de soins, intervint Anja. Nous devons discuter de la meilleure façon de procéder.

Je l’entendais mentir, mais les parents la crurent sur parole. Sans solliciter mon autorisation, Dunstan les entraîna dehors. Anja se laissa choir contre le sofa, prête à craquer.

— L’équipe de l’Agencija n’arrivera que dans deux heures, soupira-t-elle. Nous devons surveiller la fille, mais à deux…

Je lâchai un soupir, aussi inquiète qu’elle. Dunstan avait réussi à occuper les parents, puisque ces derniers semblaient absorbés par ses paroles. Si l’idée de séparer notre équipe en deux ne m’enchantait pas, je devais admettre qu’il nous serait plus aisé de réfléchir seules, même si une solution s’imposait.

— Les liens ne la retiendront pas à son réveil, dis-je. Si elle est morte, aucun produit ne l’endormira… Le mieux serait de l’éliminer et de faire passer cela pour un accident.

— Tu es folle ! Nous allons attirer les soupçons et…

— Comment veux-tu faire autrement, hein ? m’agaçai-je. Si elle se réveille avant l’arrivée de l’équipe, nous ne la contiendrons pas !

Par chance, nous avions récupérées des balles spéciales, que j’avais chargées dans nos pistolets. J’en tendis une à Anja, qui ne réagit pas. Je levai les yeux au ciel ; dire que cette garce raconterait à tout le monde que j’avais le goût du sang !

— Attends au moins une alerte, me supplia-t-elle. Il vaut mieux que l’Agencija gère le problème… Ils feront les choses proprement et…

— Et courir le risque de perdre le contrôle ? ironisai-je. Je l’éliminerai proprement si cela t’inquiète tant, mais cette fille est déjà morte. Quand elle se réveillera, elle ne verra que du gibier.

Je rejoignis la chambre en courant, ouvris la porte d’un geste, mais Anja resta sur le seuil, pétrifiée, tandis que je pointai le pistolet sur le cœur de Ludmila. Le doute m’envahit, me rappelant que je n’étais pas spécialiste, que je pouvais me tromper, mais je décidais de me fier à mon instinct. J’ajoutai le dispositif silencieux à l’arme, puis tirai. Le corps de Ludmila tressauta, et ses grands yeux blancs s’ouvrirent en lâchant un râle. Je reculai, mais elle retomba aussitôt. Anja enfouit son visage contre ses mains, tandis que j’observai la jeune fille dans un mélange de fascination et de soulagement.


Texte publié par Elia, 26 avril 2020 à 14h53
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