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Défis Twitter #04 - Ducs de Bourbon
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Bon, pour ce faire un nom dans le milieu du grand banditisme, on devait faire fort. Très fort. Alors Béni à eu cette simple idée : dérober au nouveau duc de Bourbon, un dénommé Louis, la chevalière de son aïeul Charles II dont il aurait hérité. Ce vol serait de haut niveau, car d’après les médias locaux, arborer cette chevalière suffisait pour acquérir le titre de duc de bourbon. Ce n’était pas un simple vol de bijoux, c’était le vol d’une ligné entière. Du génie à l’état pur. Et comme si cela ne suffisait pas pour dorer notre blason, il s’avérait que ce bon vieux Louis de Bourbon mouillerait dans pas mal d’affaires de notre milieu. Si ce coup venait à fonctionner, on volerait un voleur et son titre de noblesse. Sans parler d’annihiler sa légitimité auprès de certains grands noms publics et obscurs. J’en tremblais d’avance et tout allait aller très vite.

— Le plan est on ne peut plus simple Sylvain – commença à exposer béni – Étape une, tu entres dans le manoir. Étape deux, tu persuades un des serveurs en service de te donner son uniforme. Étape trois, tu t’arranges pour servir une boisson bouillante à Louis et à lui ébouillanter la main gauche par inadvertance, là, tu t’excuses en brandissant la serviette accrochée à ton pantalon pour la lui sécher en lui retirant sa chevalière. Dernière étape, tu déguerpis par la porte de derrière et tu rentres au bercail !

— Et s’il ne la portait pas ?

— Mais enfin Sylv’ ! Bien sûr qu’il l’arborera ! C’est son anniversaire ! Et de très grands noms sont invités, aussi bien des politiciens que d’autres nobles. Leur rappeler son rang sera son meilleur cadeau crois moi !

— Ouais, t’as raison.

— Et n’oublie pas, plus tu la joue ouverte plus-

— Plus je serais discret.

Béni me sourit. J’étais à la fois excité et angoissé. Notre premier fait d’arme allait tout de même avoir une résonance exacerbée et me foirer reviendrais à me jeter en prison pour longtemps. Tout devait bien se dérouler. Tout allait se dérouler dans trois jours. Pour cet évènement, un Dress code était imposé cela va de soi. Le plan débuterait à vingt-heure, heure à laquelle les convives étaient amenés à se présenter d’après les infos de Béni. Plus le jour se rapprochait, moins je dormais. Puis, le jour arriva.

— Bonne chance mon gars !

C’étaient les premiers mots que Béni me chuchota à travers l’oreillette après m’avoir déposé à deux rues du manoir. Le costard que je portais me serrait, mais je devais l’endurer encore quelques minutes avant de pouvoir le troquer contre une tenue de serveur. A un coin de rue du manoir, j’entendais déjà les invités arriver.

— Béni, je suis sur liste des invités ?

— ça aurait été trop simple Sylvain, il va te falloir trouver un autre moyen d’entrer.

Une sueur froide me courut le long de la colonne vertébrale. Comment entrer dans un manoir entouré par des murs de près de deux mètres de haut sans passer par le portail principal ? Ok, je ne devais pas paniquer. Je sortis de mon pantalon une vielle pièce en cuivre noircie par le temps d’une valeur de 10 centesimi. Si la tête de ce vieux Vittorio résultait du hasard, j’irais par la grande porte, sinon, j’improviserais. Je lançais donc le cœur serré ma pièce dans les airs. Elle tournoya avec mon avenir avant que je ne la rattrape au vol pour la plaquer sur mon poignet gauche. Je fermais les yeux, pris une grande inspiration et découvris le résultat.

— Pile ou face ? demanda Béni qui avait entendu le bruit clair de la pièce.

— Pile. J’ai jamais autant détesté sa face à Vittorio.

— Ah ?

— J’y vais par la grande porte.

— Le joueur français s’élance !

— J’ai besoin de concentration Béni.

— Pardon.

Je tirai sur mon costume comme s’il était froissé et m’élança à l’assaut du grand portail. Arrivé devant, un véritable gorille en costume laissait ou non passer les convives si son assistant, un lilliputien, confirmait que le nom était sur la liste. Rentré là-dedans, se serait déjà du grand banditisme en soit. Je me présentai donc à l’homme de petite taille sans évoquer mon nom :

— Alors c’est ce soir qu’il se fait couronner ce bon vieux Louis ?

— Je vous demande pardon ?

Le gorille s’intéressa à moi suite à la déclaration pour le moins condescendante du nain.

— Et bien, il m’a dit qu’il allait jouer le roi pour son anniversaire et peut-être même évoquer un couronnement. Allons, ne me dites pas qu’il ne vous a pas mis au parfum ?

Le gorille grommela.

— Monsieur, je ne sais pas qui vous êtes, pouvez-vous je vous pris me donner votre nom ?

— Jean-Marie de Félicie.

Je venais d’inventer sur le tas un nom de toute pièce sans même savoir si ça pouvait passer ou non.

— De Félicie, de Félicie, de… Non, j’ai bien peur que vous ne soyez pas convié. me répondit-il après avoir parcouru sa liste.

— Pardon ?

— Vous n’êtes pas sur la liste. souffla d’une voix effrayamment grave le gorille.

— Très bien, je prends note. Pourrez-vous au moins dire à Louis que Jean-Marie, s’en souviendra je vous prie ?

— Nous ferons passer le message, bonne soirée à vous monsieur. Hem, Madame, avancez je vous prie.

Je repartais la tête haute tandis que ce petit personnage continuait de recevoir de véritables convives. Ok, il va falloir passer au stade supérieur.

— T’es mauvais, tu sais pas jouer Jack.

— Ferme-là Béni.

Je desserrais ma ceinture et m’enquis de longer le mur du manoir.

Après cinq minutes de marches, rien, pas une ouverture. Mais de là où j’étais, aucun bruit n’était audible. Pas un chat, l’endroit était calme et faiblement éclairé par un lampadaire.

— Béni, retrouve-moi avec le van, je vais passer par-dessus le mur.

Je l’entendis rire, puis j’entendis le moteur démarré. Quelques minutes après, les phares jaunes du van m’éblouissaient. Béni baissa la vitre :

— En termes de sournoiserie, on repassera.

— On fait ce qu’on peut.

— C’est sûr que moi, je pourrais pas faire ça.

— Tu sers à quoi Béni dans ce plan au juste ?

— A brouiller tous les signaux radars qui pourraient nous gêner, à pirater les ordis, à entretenir le matériel que tu utilises, à faire les comptes ou encore à rendre totalement inutile les caméras du manoirs. Entre autres bien sûr.

— Ouais, bah t’as bien raison.

Je grimpais sur le capot puis sur le toit. Il ricana puis serra le van au plus proche possible du mur. Hors de question de sortir une lampe torche pour voir ce qu’il y avait de l’autre côté. Je jetais donc mes chaussures de costumes par-dessus le mur et enfilais des baskets bien plus appropriées pour ma réception de l’autre côté.

— A toute Béni !

— Force et honneur Sylvain !

J’enjambais le mur, me suspendis, inspirai et me laissai tomber dans un bruit sourd.

— Ksh !

— ça va fraté ? entendis-je dans l’oreillette.

— J’ai connu mieux, mais ça va.

Stompf. Ça, c’était le bruit de la bouteille d’eau qu’il venait de me lancer.

— Bien vu Béni-boy.

— N. P.

Je bu une gorgée, remis mes chaussures de costume et observa les alentours. On aurait dit un grand parc, un peu plus loin, je devinais dans cette obscure clarté les murs du manoir. Pas de chiens, ou en tout cas, pas pour le moment. Je pris soin de renvoyer à Béni la bouteille d’eau et mes baskets avant de resserrer ma cravate. J’étais dans l’enceinte du manoir, l’acte deux pouvait enfin se jouer. Pour me rapprocher du manoir, je décidais de longer le même mur que je venais de sauter afin de rester dans la pénombre. A hauteur des murs du manoir, je percevais des rires et de la musique. Plusieurs nouvelles options s’offraient à moi, des fenêtres, une double porte vitrée et un accès de ce que je considérais être en sous-sol au vu de l’étrange architecture. Je courus pour rejoindre le mur du manoir. Toujours aucun son ne me trahissait. Tandis que je réfléchissais aux pourcentages de chance d’être grillé en passant par tel ou tel endroit, juste au-dessus de moi la fenêtre s’ouvrit. Plaqué tel que je l’étais, j’aurais pu être crépi avec le mur sans que l’on ne remarque de bosse, pensais-je en retenant ma respiration.

— Ah je ne tenais plus cette chaleur milady !

— Moi non plus Gontrand, Qu’elle grande idée vous avez eu là !

— Oh vous savez ma chère, il ne m’a pas fallu hésiter longtemps !

— Souhaitez-vous boire quelque chose jeunes gens ?

— Poupoupou ! gloussa la voix de femme.

— Et pourquoi pas une coupe de champagne !

— Je vais vous chercher ça. Si je puis me permettre, monsieur de la Villardière, la terrasse est grande ouverte, vous y seriez mieux vous et vot-

Inutile de rester plus longtemps ici, le serveur venait de me donner la solution à cette énigme : La Terrasse. Je me dirigeais donc vers cette grande double porte vitrée que j’avais vu plus tôt. Ici et là, des convives se prélassaient, discutaient et riaient de ces rires de nobles insupportables. Par chance, aucun ne s’intéressa à moi et je pu pénétrer avec la plus grande des simplicités dans cet immense manoir. Sans perdre de temps, je pris un serveur qui avait l’air jeune en filature. Arrivé à hauteur des cuisines, je l’interpellai :

— Veuillez m’excuser jeune homme, pourriez-vous m’indiquer la salle d’eau la plus proche ?

— Ouais bien sûr, deuxième porte sur votre gauche en suivant le couloir.

— Trop aimable.

Je pris donc le couloir adjacent, mais ne m’arrêta pas aux toilettes et fonça tout droit. Banco ! La dernière porte du couloir à gauche était un escalier qui descendait à la cave. Une immense cave avec des tonneaux énormes et des rayons de bouteilles à perte de vue. Tout était parfaitement huilé, je n’eus même pas besoin d’attendre deux minutes en étant caché derrière un tonneau, qu’un serveur pénétrait déjà ce sanctuaire à l’honneur de Dionysos en quête d’un breuvage pour satisfaire X convives. Pauvre de lui. Il était un peu enrobé et un peu plus court des jambes que moi, mais ça ne m’empêcha en rien de l’assommer lourdement, de le trainer derrière le dernier tonneau de la cave et de le dépouiller de son haut de son costume. Grâce à son ossature lourde, son costume de serveur m’allait comme un gant. Sur le costume, son nom, Tonio, était épinglé. Mon nouveau nom était donc déjà choisi. Je pris une bouteille de coteau du layon quatre-vingt-trois et remontais les marches deux à deux.

— Sylvain ! Sylvain ! Sylvain ! criait Béni à priori effaré.

— Moi c’est Tonio maintenant. chuchotais-je a Béni.

— Tu répondais plus bordel ! T’étais où ?

En continuant d’avancer naturellement dans la grande salle armée de mon vin blanc, je chuchotais le plus naturellement du monde tout en débouchant ma bouteille :

— A la cave, je suis un bon serveur à présent.

— Oh ! Mais quel homme !

— Tu verrais ça - dis-je en m’observant du coin de l’œil dans un miroir – il n’y a aucune différence entre moi et un de ces bons toutous.

— Continue comme ça mon gars !

— Excusez-moi serveur ! interrompit un invité à la barbe blanche.

— Monsieur ?

— J’ai demandé à l’un de vos collègue une coupe de champagne voilà dix minutes et elle n’arrive pas, pouvez-vous me chercher ça je vous prie ?

— Mais bien entendue. Puis-je néanmoins me permettre de vous proposer ceci en attendant ? dis-je en lui présentant mon blanc.

Il se pencha, souleva ses fines lunettes et se redressa en gloussant :

— Oh oh oh ! Louis est bien généreux ce soir ! Je m’en contenterais volontiers !

— Et comment, d’ailleurs, si ce n’est pas trop vous demander, j’aimerais aller la lui emmener, sauriez-vous où il se trouve ? lui dis-je tout en lui servant un verre bien gourmand.

— En plein milieu du grand salon en train de danser !

Il vida sa coupe d’une traite et j’en profitais pour m’éclipser de nouveau à la conquête du grand salon. Entre plusieurs nouveaux verres desservis, je l’aperçus enfin. Ce bon vieux Louis valsait, sourire aux lèvres, sous les feux des projecteurs, avec dans ses bras une jeune femme beaucoup trop maquillée à mon goût. Et là, une nouvelle sueur froide me parcourut le dos. Je faussai compagnie à la vieille croulante qui réclamait à boire et fonçais droit aux cuisines tout en fulminant à l’intention de Béni :

— Il porte pas sa putain de bague.

— Impossible.

— Je l’ai vu valser, ses doigts étaient aussi nus et charnus que les tiens Béni.

— Mais quoi ?!

— J’ai besoin de temps Béni.

Arrivé aux cuisines, sans demander mon reste, je posais mon cadavre de bouteille et repartis avec un plateau de petits fours que je portai au-dessus de moi jusqu’à la grande salle. La musique se stoppa. Tout le monde applaudit. Louis s’inclina. Puis une autre musique, cette fois-ci d’ambiance, s’installa. Je m’approchais tant bien que mal au bord de la piste et servais déjà à des invités, visiblement aussi riches que le PIB du Zimbabwe, quelques petits fours. C’est là que je me sentis, on ne peu plus soulagé, Louis venait d’extirper de sa poche de pantalon sa chevalière et l’avait replacé sur son annulaire. Quand il sortit de la piste, je l’interpellai :

— Très belle prestation monsieur, puis-je vous proposer un amuse-bouche ?

— Volontiers hem votre nom, Ah ! Tonio… Hum, merci. Dites voir Tonio, pourriez-vous demander à Médor et Jack si tous les invités sont là, j’aimerais passer à table si possible.

— Bien entendu monsieur.

Je m’éclipsais en laissant sur une table le plateau en argent. Nul besoin de demander qui était Médor et Jack. Je regrettais déjà d’avoir voulu faire le malin à l’entrée.

— J’ai besoin d’une idée de Béni, génie. dis-je en chuchotant.

— A ton service dis-moi sylvain.

— Faut aller voir à l’entré si tout le monde est entré ou non. Si non, Louis ne s’assiéra pas et je ne pourrais pas subtiliser la bague.

— Ok. Et toi pendant ce temps ?

— Je détruit mon costume que j’ai laissé à la cave et je m’assure que Tonio dort toujours.

— Vendu.

L’horloge du van affichait vingt-et-une heures et deux minutes. Je pris mon chapeau de journaliste et ma fausse carte de presse à l’arrière et partit en courant, calepin et crayon à papier en mains, vers la grande porte. Arrivé là-bas, à bout de souffle, un colosse et un Playmobil gardaient le portail de fer forgé. Personne à l’horizon.

— Messieurs bonsoir !

— Pas de journaliste. Bonsoir. me répondit le petit homme.

— Juste quelques questions s’il-vous-plait !

— Non.

La montagne de muscle ne bougeait pas. A priori, tant que je n’essayais pas de rentrer, il se teindrait tranquille.

— Même pas le nombre d’invités et s’ils sont tous arrivés ?

— Non.

Il va falloir ruser. Je pris le temps de reprendre mon souffle et lui tendis ma carte de presse sans mot dire. Il n’y porta qu’à peine les yeux, mais n’en fit rien. Je la rangeais.

— Il n’y a pas eu d’accro ?

— …

— Je vois – dis-je en gribouillant sur mon calepin – C’est pas trop dur de ne pas pouvoir profiter de la soirée ?

— On pourra en profiter quand notre travail sera terminé.

— Ah ! Donc tout le monde n’est pas encore arrivé et il est… Il est Quasiment neuf heures quinze ! Quelle ponctualité chez les riches j’vous jure !

Le colosse ricana. J’avais gagné un point ! Si lui riait, le teigneux devrait se détendre également.

— Bon écoutez – me dit-il en soufflant – on n’a pas que ça à faire, pourriez-vous partir s’il-vous-plait ?

Je me tournai pour observer les alentours, personne. Je souris intérieurement et me reportais sur mes clients du jour :

— Mais il n’y a personne.

Il sourit étrangement et me dit :

— Plus personne précisément, mais tant que vous êtes là, nous devons faire acte de présence.

Et là, pour la première fois, le géant fronça ses sourcils et me regarda méchamment. L’heure avait dû sonner pour eux et je les empêchais donc de rejoindre la soirée. J’inclinais la tête et repartis aussi vite que j’étais arrivé. Je repris ma place côté conducteur, attendis cinq minutes supplémentaires et passa devant le portail au volant du van, les grilles étaient fermées. Je me garais de nouveau et repris mon micro-casque qui me permettait de communiquer avec l’intérieur.

— Ok Sylvain tu m’entends ?

— …

— Sylvain ?

— …

— Oh putain. Tonio t’es là ?

— On a soif béni-boy ? me répondit-il amusé.

— Fait le malin, en attendant tes potes se ramènent. Tout le monde est là.

— Mes potes se ramènent ? Non, me dit pas qu’ils viennent à la fête ?!

— Si si.

— Oh bon sang c’est pas le pied.

— Courage !

Ok.

Récapitulons.

Médor et Jack ont déjà vu mon visage et ils se ramènent ici. Louis, lui, est assis à la seule table que tout le monde peut voir dans la salle à manger et il arbore comme prévu sa chevalière. Je dois commencer par lui faire savoir que tous les convives sont présents. Pour ça, j’attrapais un autre serveur prétextant une urgence avec une vieille dame qui m’empêchait de le tenir informé. Pendant qu’il se chargeait de prévenir Louis pour moi, moi, j’étais à la balustrade de l’étage, épiant toutes les personnes attablées présentes. Quand mon homologue eut fini de chuchoter à l’oreille de Louis, ce dernier se leva, puis il haussa à hauteur de torse son verre en cristal qu’il fit sonner avant de déblatérer un discours sans fin. Pendant son élucubration, je trouvais du regard la brute et le truand qui étaient assis à droite proche des fenêtres. Impossible de les manquer vu la carrure du garde-portail. Etant donnés qu’ils étaient proches des fenêtres, j’aurais eu le temps de subtiliser la bague de Louis avant qu’ils ne me remettent dans leurs mémoires, mais, pas assez de temps pour m’enfuir. Je commençais à suer. La pression et l’excitation en moi étaient à leur paroxysme. Le temps des entrées, je restais à ma balustrade pour compter les tables. Si mes calculs étaient corrects, Médor et Jack étaient à la table treize et Louis à la première. Je descendis à la cuisine. Plus que quinze minutes avant que le plat de résistance ne soit servi. Je demandais à l’un des commis s’il savait où je pouvais trouver une armoire à pharmacie pour soigner des brûlures d’estomac, il m’indiqua la réserve juste avant la cave. Libre d’accès, je pu fouiner sans crainte dans l’armoire.

— Bingo !

— Que se passe-t-il ?

— J’ai trouvé des bons gros somnifères pour offrir à nos deux amis un allé simple pour le pays des rêves !

— Et c’est ça qu’on aime ! Champion !

Je ressortis, subtilisais deux coupes de champagne et y retournai sans me faire remarquer. Je pris deux somnifères que je réduisis respectivement en poudre dans mes deux coupes. Il ne me restait plus qu’à les faire boire à nos deux pingouins. Pour ça, pas le choix, je devais les approcher. Je pris un plateau empli de coupes de champagnes, y plaçais les mienne et partais dans la fosse aux lions. Trop occupé à se baffrer d’amuse-gueule, Obélix ne me remarqua pas. Quant à Astérix, lui, il était trop absorbé par les deux arguments de celle qui lui faisait face. Quelle déception. Je n’eus pas une once de plaisir à leur donner les coupes et à repartir. Ainsi dilués, les somnifères ne devraient pas tarder à faire effet, j’espérais juste que la dose administrée ne serait pas trop forte pour Spirou et pas trop légère pour le yéti. Je repris ma position de sniper et patienta.

— J’ai plus qu’à attendre le dessert et la chevalière devrait être à nous Béni.

— Notre gang va être le plus réputé d’ici à paname mon bon Sylv’ !

— Calmes-toi Béni, La chevalière n’est pas encore dans le van.

— C’est pas faux, je te laisse travailler alors.

Le plat de résistance fut servi, puis le dessert. C’est là que mes deux cibles baillèrent à s’en décrocher la mâchoire. D’une démarche patibulaire, ils s’extirpèrent de la salle pour aller prendre l’air et nous étions à dix minutes du café. Parfait. Je redescendis alors dans les cuisines. Trouva celui qui devait le servir à Louis et lui fit comprendre que j’allais m’en occuper. L’heure avait sonné. Je remis mon nœud papillon en place, pris le plateau et me dirigea vers la table de Louis. Six personnes, six tasses à remplir. Je posais le sucrier et le récipient à lait en porcelaine au milieu de la table :

— Veuillez m’excuser jeune gens, je préfère vous laisser la main libre sur le sucre et le lait, on dit de moi que j’ai la main lourde.

Les six rirent volontiers, puis, Louis, qui à mon grand désarroi m’avait reconnu, m’interpella :

— Ah Tonio, merci pour le service que je t’ai demandé, tu as pu t’en sortir avec la dame âgée qui avait des problèmes ?

— Oui, j’ai pu lui trouver ce qu’il fallait dans l’armoire à pharmacie juste à temps pour le dîner ne vous en faites pas.

— Tu m’en vois ravis.

Plus que deux tasses.

— Pas de café pour moi jeune homme. me dit le vieil homme.

— Autant pour moi, dois-je vous faire amener un thé ou tisane ?

— Ni l’un ni l’autre mais c’est gen-

— Pas même un chocolat chaud ?

— Auf…

— Mh ?

— Est-ce là bien raisonnable ?

— Mais oui papa, Tonio vous lui emmènerez un chocolat chaud.

— Avec plaisir Monsieur.

— Mais t’es con ou quoi ?! Tu viens de t’engager à y retourner ! beugla Béni dans mon oreille.

— Un café monsieur ? dis-je à Louis.

— Jamais après vingt heures mon brave.

— GNNNNNN !

Béni venait de cesser de fonctionner rationnellement à priori.

— Puis-je vous proposer autre chose ?

— Non merci ça ira.

— Pas même un chocolat pour accompagner votre père ?

Le père et le fils s’échangèrent un sourire.

— Pas trop de lait dans le mien dans ce cas. me dit-il tout en fixant les yeux fatigués de son père.

— Donnez-moi cinq minutes.

Je repartais le cœur battant la chamade vers les cuisines. Béni était toujours cassé, et me cassait le tympan, je retirais mon écouteur et le fourrais dans ma chaussette en faisant croire que je refaisais mes lacets. Dans la chaussette, car ainsi, je m’assurais qu’il ne tomberait pas de ma poche par la suite. Arrivé aux cuisines, je donnais les nouveaux ordres de Louis. Trois minutes suffirent pour que l’on m’apporte les deux chocolats chauds. Je repartais à la table de Louis où je fus accueilli chaleureusement. Je donnais le premier chocolat au père et par inadvertance renversa le second sur la main gauche et le costume de Louis.

— Ouah ! C’est chaud ! s’exclama-t-il interpellant les regards de tous les autres convives sur nous.

A notre table, certains se levèrent mais je fus le premier à dégainer ma serviette :

— Pardon vraiment je suis désolé ! dis-je en essuyant sa main, puis son costume puis sa main une nouvelle fois en lui retirant sa chevalière discrètement.

— C’est chaud bon sang !

— C’est pour ça que ça se nomme chocolat-chaud. le nargua son père.

— Suivez-moi aux cuisines monsieur, on va nettoyer tout ça et passer votre main à l’eau froide.

— Volontiers Tonio.

Nous étions sortis de la salle de réception, nous traversions le couloir, moi m’excusant platement et lui minimisant mon erreur. Arrivés aux cuisines je criais :

— Vite faites de la place à l’évier que Louis puisse se passer la main sous l’eau froide, je l’ai malencontreusement brûlé avec le chocolat.

Tout le monde nous laissa passer, Louis avait à présent la main sous l’eau froide, je repris :

— Je vais vous faire chercher une tenue de rechange, ne bougez pas et surtout, laissez votre main sous l’eau froide pour annuler la brûlure.

— C’est très gentil Tonio.

En sortant des cuisines, j’alpaguais un homme de maison et lui expliquais la situation. Il partit en courant pour remplir sa mission à bien. Quant à moi, je sortais par la porte d’entrée du manoir, chevalière à l’annulaire. Je n’entendais pas Béni, mais je savais que lui, oui. Je dis donc calmement :

— Tu viens me chercher au portail s’il-te-plait Béni ?

J’escaladais sans peine aucune la grande grille du portail et remontais dans le van, bague au doigt. Pendant que Béni conduisait, je retirais mes lentilles de couleurs bleu électrique, retirais ce vieux bout de plastique de ma bouche qui gonflais mes joues et également les aimant qui me collaient les oreilles. Une fois redevenu moi-même, il me dit alors que je m’ébouriffais les cheveux :

— T’a réussi Sylvain ! Putain t’es mon poulain ! On va être tellement bien !

— Béni tu oublies un truc.

— Quoi donc ?

Je le regardais avec un immense sourire aux lèvres tout en lui montrant ma main :

— Je suis Sylvain, Sylvain fils de voleur et duc de Bourbon.

¤ Sur Twitter, les gens se sont calmés, la prochaine histoire courte sera sous le thème " Le clochard et l'avocat" proposé par Lisa D. Merci à elle ! ¤


Texte publié par Yumon, 16 février 2020 à 23h18
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