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tome 1, Chapitre 16 tome 1, Chapitre 16

Le silence est là. Bien installé, vous enlaçant, sans que vous tentiez quoi que ce soit pour le rejeter. Vous ne le pouvez pas. Vous ne savez pas comment faire. C’est gênant, pesant. Mais vous ne le briserez pour rien au monde. Kaare est aux aguets depuis votre départ et ne parvient aucunement à se détendre. Toi non plus, à dire vrai. Vous devez fuir encore et encore, obligés d’abandonner vos effets personnels restés à l’hôtel. Vous volez des véhicules, des habits séchant au soleil. Le borgne te montre ses talents de pickpocket, cela ne l’amuse absolument pas, quand tu es admirative et que tu as parfois envie de le taquiner à ce sujet. Mais vous ne vous permettez pas de moment de répit, de détente. L’un dort quand l’autre veille. Vous ne prononcez pas une parole, vous limitant au langage des signes que vous avez inventé. Vous n’usez de la voix qu’en cas de réelle nécessité. Cette situation te frustre. Tu avais fini par croire que Rogers t’offrirait le bénéfice du doute et accepterait de vous amener à James. C’était ce qu’il s’était passé, il était allé jusqu’à te confier où il se trouvait. Malheureusement, cette information avait un prix. Arenstoff ne devait pas venir, mais devait être remis aux autorités. C’était sa condition et elle n’était pas discutable. Tu avais refusé et cela ne lui avait pas plu. Il ne comprenait pas pourquoi tu t’étais attachée à un terroriste. Tu lui avais assené que lui-même était considéré comme tel. Steven et ses amis n’avaient pas apprécié ta remarque et la sentence avait été sans appel. Puisque vous saviez où se reposait Bucky et que vous refusiez de coopérer, ils ne pouvaient pas vous laisser partir. Autrement dit, vous deviez mourir. Tous les deux. Le regard du Captain America était glacial, son visage fermé et tout son corps tendu prêt à se battre, à donner la mort. Lui qui sauvait autrefois des vies.

Pour la première fois, tu avais eu peur de lui.

Il y avait eu des cris, des tirs, des signes d’une violente rixe quelque part dans la gare. Il n’en avait fallu pas plus pour le trio pour accourir vers les appels à l’aide. Et vous deux, vous en aviez profité pour fuir loin de cette rame de métro, loin de ce quartier. Loin de New York. Vous vous attendiez à être poursuivis, pourchassés, mais personne n’était venu pour vous arrêter. Toi et le muet aviez longuement discuté. Pour rejoindre ton ancien cobaye, prendre l’avion était trop risqué. Vous seriez arrêtés à coup sûr avant même de vous installer à votre siège. C’était trop dangereux. Il n’y avait plus qu’une seule option et vous ne l’appréciez guère. Le bateau. C’était beaucoup trop long et vous n’aviez pas le temps. Mais le choix vous manquait cruellement. Il vous fallait prendre votre mal en patience, rejouer le couple en vacances profitant de sa lune de miel. Mais, tous les deux, vous étiez comme des lions en cage, tournant en rond et grinçant des dents à chaque matin où vous constatiez que l’océan vous emprisonnait toujours. Et pour en rajouter une couche, Kaare avait le mal de mer. Il n’avait d’autres choix que de rester alité la majorité du temps. Tu te retrouvais donc seule à arpenter les couloirs, à découvrir les différentes occupations que proposait cette croisière. La plus rapide et la moins chère. Celle devant durer une semaine et accoster dans un port maghrébin.

— Il n’est pas bon pour une femme de rester seule dans un tel voyage.

L’inconnu qui avait pris la parole était un homme d’affaire en vacances avec son épouse qui n’hésitait manifestement pas à draguer le maître plongeur quand lui était venu te voir. Sans doute dans l’espoir de pouvoir conclure à son tour. Soit leur vie était triste, soit ils étaient libertins. Vu le regard haineux que lança sa femme lorsqu’elle vous remarqua, tu choisis la première option. C’est pour cette raison que tu as pris la décision de l’envoyer balader, n’hésitant pas à l’humilier devant les autres vacanciers. À une certaine époque, tu n’avais aucun scrupule et te moquais de savoir si l’individu avait la bague au doigt ou non. Tant que tu pouvais obtenir ce que tu voulais. Mais les choses ont changé… Tu as changé. En bien ou en mal, tu ne le sais pas. Tu l’ignores.

— C’est ainsi que vous agissiez lorsque Crâne Rouge était présent ? Vous aviez si peu de respect envers vos camarades ?

Tu avais fait quelques pas pour t’en aller, retourner à l’immense bibliothèque puisque l’extérieur était si ennuyant. Mais tu t’es arrêtée net en entendant ces questions. Ces interrogations prononcées par un étranger. Tu te retournes lentement, remettant ton masque que tu adorais porter autrefois, lorsque tu étais le docteur Ashleigh Amber Fox, loyale partisane d’Hydra. Le menton haut et l’air hautain, indiquant qu’il n’est qu’un vulgaire insecte. Il en ricane et tu ne sais pas comment réagir. Le prétendu homme d’affaire s’approche de toi jusqu’à vouloir tenir ton menton entre ses doigts. Tu le repousses. Tu es celle qui choisit avec qui tu dois coucher. Pas l’inverse. Il ne s’en offusque pas et se rapproche un peu plus. Un coup d’œil et tu vois que sa femme fulminer.

Elle ne sait rien.

— Vous avez vraiment cru que vous et le chien ne seriez pas surveillés ? Que vous seriez lâchés dans la nature sans surveillance ?

— Cadélia de Musy nous avait chargés de tout faire pour retrouver le Soldat…

— La Française est morte, crache-t-il doucereusement. Les priorités ont changé. Le chien ne nous est plus d’aucune utilité.

Tu t’écartes d’un pas. Puis de deux. Tu vois très bien où il veut en venir et alors que, du coin de l’œil, tu vois son épouse arriver d’un pas enragé, tu en profites pour effectuer un geste qui te protégera un minimum. Juste assez pour garder la face. Tu le gifles. Une de celle qui résonne, fait tourner la tête et qui fait mal, chauffant la peau, avant de t’en aller à grands pas. Tu ne te permets de courir que lorsque les portes battantes se sont refermées derrière toi. Tu bouscules les passants, ignorant les injures et les cris outrés. Tu es pressée. Tu es effrayée. Kaare est en danger et tu dois rapidement le rejoindre, le prévenir. Tu regrettes de ne pas avoir d’armes avec vous. Cela vous aurait été d’une grande aide dans un cas pareil. Tu manques de chuter à plusieurs reprises et de te fouler la cheville dans les escaliers. Les talons, même petits, restent dangereux et tu décides de te débarrasser de tes chaussures, estimant que tu sera plus rapide pieds nus. À peine arrives-tu devant la porte de votre cabine que tu l’ouvres en catastrophe, faisant sursauter Arenstoff qui semblait parvenu à trouver le sommeil malgré son teint malade. Il s’inquiète immédiatement de ton état paniqué, de ton visage livide et de ton souffle haletant. Il te demande même où sont donc passées tes chaussures hors de prix. Ce dernier trait t’étonne et te fait rire.

Cela ne te détend pas.

C’est juste tellement inattendu.

Mais avant de lui répondre, tu prends bien le soin de fermer derrière toi à double-tour, et de poser un doigt sur ta bouche pour lui intimer le silence, lui faisant saisir que vous êtes sûrement écoutés. Assurément surveillés, filmés. Il opine du chef, à présent sur ses gardes et s’apprête à se lever. Mais tu poses une main sur sa poitrine et lui intimes l’ordre de se rallonger tandis que tu t’assieds près de lui, sur le lit. Il te regarde, cherchant à savoir ce qui ne va pas. Il craint le pire et tu prends une grande inspiration avant de faire danser tes mains dans les airs, lui racontant tout avec autant de détail que ce langage te le permet. Il ne bouge pas, pâlissant à son tour avant de verdir. Aussitôt, tu lui tends une bassine à laquelle il s’agrippe comme un naufragé à sa bouée de sauvetage. Tu passes une main tendre dans ses cheveux avant de te lever pour aller mouiller un gant. Tu le passes sur son cou, sa nuque, sa gorge avant de le poser doucement sur son front. Il soupire et tu vois dans son œil de la gratitude. Tu lui souris, profitant que tes doigts soient encore frais pour les poser sur sa paupière meurtrie. Il se tend, n’ayant sûrement pas l’habitude qu’on le touche ainsi, surtout ici. Mais tu ne te retires pas et il finit par se détendre. Ses mains s’agitent mollement, demandant si l’homme a donné son nom. Tu réponds par la négative, mais essaye de le décrire aussi fidèlement que tu le peux. Il grimace. Ce n’est pas bon signe. Kaare pense savoir de qui il s’agit et ne te cache pas qu’il est très dangereux. Il est puissant, riche, influent et travaille toujours dans l’ombre. Si la Française donnait des ordres ; c’était, en réalité, les siens. Ainsi, s’il avait pris la décision que le borgne devait mourir, alors tout le monde devait se plier à sa décision. Même toi.

Surtout toi.

— Il n’est pas question que j’obéisse à ce type. On a pris une décision tous les deux, non ?

— J’ai pris une décision. Toi, tu n’as fait que suivre sans savoir où ça te mènerait. Je suis le chien qui a arraché sa laisse et mordu ses maîtres. Toi, tu peux encore t’en sortir et le retrouver.

— Mais tu vas mourir !

Et c’est précisément ça le problème. Tu as vu tant de personnes mourir. Tu as perdu tant d’êtres que tu aimais sans avoir jamais pu leur dire à quel point ils comptaient. Ton frère, tes parents, Steven, James, Isaaki. Tu ne veux pas rajouter son nom à cette liste. Tu n’y arriverais pas. Tu ne le supporterais pas. Tu baisses la tête et détournes le regard, refusant de montrer que cette discussion te touche un peu trop. Il pose une main sur la tienne, indiquant qu’il comprend et qu’il n’insistera pas. Ce n’est pas de l’amour. Il n’y en a pas entre vous. C’est plus que cela. C’est un lien que vous avez créé au fil des jours. Invisible, mais tangible. Tu ne veux plus être seule. Tu as peur de redevenir celle que tu étais avant. Une vipère. Une veuve noire.

Un monstre.

Tu te racles la gorge, reprenant contenance et retirant tes doigts des siens. Tu remets de la distance entre vous deux et lui demandes ce que vous allez faire maintenant que Hydra est devenu votre ennemi. Tu insistes bien sur le « votre », lui faisant bien comprendre que vous êtes tous les deux dans le même bateau et qu’il est hors de question que tu détournes le regard pendant qu’il se fera tuer. Ashleigh devait mourir. Tu t’emploieras maintenant à ce que son souvenir ne refasse plus surface. Tu as pris ta décision. Kaare le comprend et se redresse sur son oreiller sous ton œillade désapprobatrice. La bassine est encore à côté de lui et tu notes qu’il va falloir aller la nettoyer. Mais, pour l’instant, tu souhaites savoir ce qu’il a en tête. Ce qu’il ne tarde pas à te partager. Le borgne te demande si tu as remarqué l’étrange bâche accrochée tout en haut du bateau, là où les vacanciers sont formellement interdits de passage. Tu opines du chef, ayant vaguement noté cette étrangeté. Arenstoff te glisse être persuadé qu’il s’agit d’un hélicoptère et que vous pourriez en profiter pour vous enfuir par la voie des airs dès le moment propice.

— Mais comment ? Nous sommes sous surveillance. Si ce que tu dis est vrai, on nous empêchera de fuir, voire de traverser le couloir.

— C’est vrai que ce serait plus simple si tu me laissais mourir, signe-t-il.

— Ce n’est pas bête, souffles-tu, ton irritation disparaissant aussi vite qu’elle était apparue.

Ton époux factice te regarde fixement, étonné par ta réponse, s’attendant à quelque chose de plus virulent. Sans attendre, tu lui fais part de ton idée, la susurrant dans son oreille. Tu es persuadée que l’Ordre a récupéré vos affaires à New York et qu’ils ont trouvé votre langue inventée. Tes lèvres touchent sa peau, mais tu n’en fais pas grand cas et lui, il ne bouge pas, acceptant votre soudaine promiscuité. Tu lui souffles que tu vas prétendre être toujours fidèle à Hydra. Vous savez tous les deux que l’homme a plus de chance de s’en sortir si tu ne te trouves pas dans ses pattes. Il sera donc sûr de pouvoir s’enfuir avec cet hélicoptère si tu n’es pas avec lui. Lorsque tu te recules pour étudier sa réaction, tu es étonnée de le voir aussi fermé. Tu cherches à savoir ce qui ne va pas et il ne faut que planter son œil dans les tiens. Tu finis par saisir.

T’abandonner ne lui plaît pas.

Tu lui souris doucement avant de poser une main sur sa tempe. Tu te veux rassurante, confiante et tu n’hésites pas à déposer un chaste baiser sur ses lèvres. Contre toute attente, il y répond doucement. Il n’y a pas d’amour entre vous deux. Il aime encore sa femme. Il l’aimera toujours. Jusqu’à la fin. Toi, tu viens seulement de faire le deuil d’Isaaki quand tu te remets en question concernant James. Tu es perdue. Et tu te lèves du lit, t’éloignant de l’homme, t’obligeant à ne pas te retourner tandis que tu fermes la porte derrière toi. Tu avances dans le couloir, le pas assuré et la tête haute. Il est temps pour toi de remettre ton masque honni qui t’allait si bien. Tu croises un individu semblant t’attendre, habillé d’un costume aussi sombre que l’expression de son visage. Il ne t’inspire pas confiance. Il porte à son bras un habit bordeaux cintré et une paire de chaussures pour femme. Tu comprends que cela t’est destiné. Tu t’approches.

— Monsieur veut que vous portiez ceci lors de votre rendez-vous de ce soir.

— Je n’avais rien prévu avec monsieur, notes-tu d’un ton froid.

— Soyez présente au restaurant à dix-neuf heures pile où monsieur pourrait prendre la décision que votre aide n’est plus vitale pour nous.

Tu acceptes les affaires qu’on te tend avec autorité, réalisant que tu ne pourras plus la jouer aussi finaude que les fois précédente. Être son amante ne sera pas suffisant pour te protéger. Tu as peur, mais tu le caches avec plus ou moins de brio. Tu as perdu l’habitude. Tu reprends ta marche. Il faut que tu t’apprêtes pour ce soir. Il faut que tu fasses de l’ombre à sa femme.

Ce sera chose facile.

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Tout est flou dans ton esprit.

Tu te souviens que tu passais une étonnante et agréable soirée en compagnie de ton ennemi. Tu parvenais à le séduire sans trop de peine jusqu’à comprendre que cela ne lui faisait ni chaud ni froid. Il s’amusait de tes simagrées. À partir de ce moment, tu as cessé de faire semblant et préféré jouer cartes sur table. Il savait que tu cherchais à protéger ton collègue, ton ami et amant. Mais il s’en fichait. L’homme était persuadé de son succès. D’autant plus que le bateau accosterait plus rapidement que prévu et que vous pourriez rapidement passer à l’action. Tu avais de nombreux cobayes à tester. D’autres Soldats de l’Hiver à créer. Tu étais pieds et poings liés. Seulement, voilà. Tout ne s’était pas passé comme prévu. Pour lui comme pour toi. Encore aujourd’hui, dans ton véhicule, tu ne parviens pas à saisir ce qu’il s’est passé. Tu te remémores qu’il y a eu des cris horrifiés, paniqués, des supplications, des appels à l’aide. Et, en face de toi, l’homme s’agrippait à la table tandis que tu le voyais s’envoler en cendre. Tu étais immobile, stoïque, tes mains accrochées à ta serviette. Tout autour de toi, de nombreuses personnes disparaissaient ainsi. Homme, femme. Adulte, enfant, vieillard. Personne n’était épargné et les survivants ne pouvaient que pleurer, supplier. Et toi, tu ne pouvais que te redresser de ton siège et trottiner jusqu’à l’extérieur, priant pour qu’il ne soit rien arrivé à Arenstoff, qu’il ait eu le temps de prendre l’hélicoptère et de s’enfuir. Tu bousculais les gens, mais tu t’en moquais. Ils n’existaient pas à tes yeux. Tu grimpais les étages sans aucune difficulté et te retrouvais à l’air libre, le vent fouettant ton visage et massacrant ta coiffure. Tu le vis alors, à genoux et te précipita vers lui. Quelque chose n’allait pas. Tu arrivas à temps et mit sa tête sur tes genoux, posant sa main sur sa tempe et l’appelant doucement, caressant ses cheveux. Il n’y avait pas de trace de sang, mais tu voyais de la cendre apparaître sur son corps. Tu l’appelais plus fortement. Son œil s’ouvrit et il sourit. Ses doigts se posant sur ta peau. Un « merci » se formait du bout de ses lèvres et tu ne tins plus que du vide.

— Merde, renifles-tu rageusement.

Tu l’as appelé tant de fois, mais il n’y avait plus que le silence pour te répondre. Ce n’est qu’une fois que le bateau avait accosté que vous, les survivants, avez appris la vérité. Un être venu d’ailleurs avait « snapé », réduisant en cendres la moitié de la population de l’univers. Comme ça, au hasard, pour une raison que tu ne comprends pas. Que personne ne saisit. Cela fait maintenant cinq ans et personne ne s’en remet encore. Pas même toi. C’est comme si le temps s’était figé, les événements laissés en suspens. Les gens pleurent leurs pertes, mais ne cherchent plus à les retrouver. Ils ont abandonné. Toi aussi. Volant des véhicules sans propriétaire, tu as réussi à rouler jusqu’à la frontière, ne sachant plus trop ce que tu espérais trouver. Tu étais seule. Seule avec tes incertitudes et tes questions sans réponse. Tu avais peur. Étonnament, des gens sont venus à toi et t’ont bandé les yeux. Tu n’as pas été très bien accueillie, mais tu ne l’as pas mal pris. Tu comprenais. On savait déjà qui tu étais, ce que tu avais fait et dans quel but. Ce qu’ils ignoraient, c’était pourquoi tu avais effectué l’effort de te rendre jusque sur leurs terres et pourquoi. Pourquoi ? Toi-même, tu l’ignores encore aujourd’hui. Tu leur as raconté, n’omettant que des détails que tu estimais sans importance. Ce que tu voulais ? Trouver James et le libérer une bonne fois pour toute. Lui retirer ce dernier mot auquel il était inconsciemment enchaîné. Que désirais-tu en retour ? Rien. Rien du tout. Pas même son pardon. Juste la possibilité d’avoir une nouvelle vie, celle que deux amis espéraient pour toi. C’est tout ce que tu souhaites.

— James Buchanan Barnes a été snapé.

Le glas est tombé d’une voix sèche et c’est comme si un poids venait s’écraser sur toi. Tu es arrivée trop tard. Tu n’as pu qu’opiner du chef et leur demander pardon pour ce dérangement. Tu es venue… pour rien, au final. Ce n’est pas grave. Au moins, as-tu essayé de racheter ta plus grande faute. Néanmoins, cela n’a pas été suffisant pour que la monarque te laisse partir. Elle t’a invitée à rester, mais tu as bien senti que tu n’avais guère le choix. Alors, tu es restée polie et as accepté l’offre. De toute manière, tu n’as plus d’endroits où te rendre. Una Wynn Gallagher n’a jamais eu de domicile fixe. Tu en as finalement trouvé un et voilà maintenant cinq ans que tu vis ici, dans ce dernier havre de paix. Tu ne penses plus à la vengeance, au sang, au pouvoir. Tu ne songes plus à la domination par le sexe ou par la peur. Tu as vraiment changé. Tu es juste encore incapable de déterminer si c’est en bien ou en mal. Est-ce que tu vas rechuter ? N’est-ce qu’une façade ? Tu ne sais pas. Mais ce lieu te fait du bien et tu saisis mieux pourquoi James avait choisi de s’y réfugier. C’est calme, reposant. Tu ne te sens pas revivre, mais c’est comme si on acceptait de t’offrir une dernière chance. Et tu mets cela à profit.

Cela te fait du bien.

Tu te sens à nouveau utile.

— Una ! Una !

Ta tête se tourne vers le petit garçon qui t’appelle. Il court, te fait de grand signes de la main et tu te redresses, frottant tes genoux avant de partir, priant pour que l’accouchement de sa mère ne soit pas pour tout de suite. C’est encore trop tôt et tu n’as pas encore cueilli toutes les herbes. Pas qu’on ait spécialement besoin de cela, – le Wakanda étant le pays le plus avancé du monde –, mais cette famille fait très peu confiance à la technologie. Tu as été chargée de prendre soin de ces gens, le temps pour eux d’accepter la modernité. C’est long et compliqué, mais tu es patiente. L’enfant te fait comprendre qu’on te demande de toute urgence au palais et tu le remercies avant d’avancer d’un pas rapide vers ton véhicule, le déposant au passage. Avec les mois passant, c’est devenu très rare que la seigneur de ces terres exige ta présence. Tu es parvenue à obtenir leur confiance. Ils te laissent vivre. Arrivée dans le bâtiment monarchique, tu notes que c’est l’effervescence et tu t’inquiètes. Quelque chose de grave est arrivé. Que s’est-il passé ? Tu dois jouer des coudes et des épaules pour te frayer un chemin dans les couloirs pour arriver jusqu’à la salle du trône, moins bondée, mais tout aussi bruyante.

— Una ! Tu es ici ! Je te présente mon frère, T’Challa, le véritable roi de ce pays.

Le silence s’installe lentement tandis que tous tournent la tête vers toi. Tu angoisses. On t’a raconté qu’il faisait partie des victimes. S’il est revenu, cela ne veut donc dire qu’une seule chose et tu ne sais pas si tu es prête pour cela. Tu es pâle, tu as peur, mais tu ne recules pas. Tu effectues une révérence comme on te l’a appris et lui souhaites un bon retour parmi les siens tout en le remerciant pour son hospitalité et sa générosité. Il te retourne le compliment, te remerciant d’avoir aidé son pays et ses habitants malgré les événements tragiques et compte tenu de ton passé. Tu croises tes doigts devant toi, tentant de dissimuler tes tremblements, et réponds que ça a été un honneur pour toi d’utiliser tes connaissances pour répandre le bien. Il n’en doute pas une seule seconde, mais il t’avoue qu’il ne t’a pas convoquée pour ces échanges de politesse. Tu opines du chef ne te formalisant pas de cette réponse abrupte.

— James est actuellement à l’infirmerie.

Tu pâlis considérablement.

Tu as sérieusement besoin d’un siège.

Et d’un verre d’alcool.


Texte publié par Edda T. Charon, 26 mai 2022 à 17h23
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