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tome 1, Chapitre 10 tome 1, Chapitre 10

D’un commun accord, vous avez décidé de débuter vos recherches par la Sibérie. Du moins, c’est Kaare qui a décrété que ce serait un excellent point de départ. Il sait que vous n’allez pas retrouver ton cobaye là-bas – à moins d’avoir beaucoup trop de chance –, mais vous pourrez toujours trouver des pistes et des indices intéressants concernant le lieu de chacune de ses missions et, surtout, de ses planques. Après tout, un homme qui a tout perdu dans un monde qui n’est plus le sien… Lui aussi, il doit vouloir retracer, découvrir son passé, redécouvrir qui il était et se dissimuler aux yeux du monde, là où il sait que personne ne le cherchera ; ne le trouvera. Tu n’as pas pu contredire les arguments de ton partenaire, lui faisant entièrement confiance. Il a l’expérience du terrain, il sait parfaitement ce que vous devez faire, comment vous devez agir, parler. Il sait faire semblant. Pas toi. Certes, tu savais prétendre être éprise d’une personne, Isaaki l’a toujours cru, mais tu n’avais pas à te faire passer pour quelqu’un d’autre. Tu n’avais pas à créer un visage heureux, une attitude amoureuse. Tu n’avais pas à simuler des gestes de tendresse et d’affection. C’est pourquoi il te reproche ton attitude froide et hautaine alors que tu dois être chaleureuse envers lui. Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas recherchés, que vous avez été détruit des dossiers de l’Ordre, que vous devez vous comporter n’importe comment. C’est ce qu’il t’a expliqué alors que vous preniez le transsibérien. Tu as pincé les lèvres, vexée par cette remontrance, mais n’as pas répondu. Tu sais qu’il a raison. Depuis que vous savez que Hydra est tombé, l’heure est la suspicion, la méfiance et à la paranoïa. Surtout concernant les étrangers. De son côté, il n’attend pas de réponse de ta part, il a bien remarqué que tu te laisses bercer par les quelques soubresauts du train. Alors, l’homme te laisse t’allonger, veillant sur toi et ton sommeil, sur votre sécurité. Depuis votre départ.

C’est quelque chose que tu as noté et tout à fait compris après deux heures et trente de vol. Dès lors que vous avez posé le pied sur le sol de Moscou, Kaare s’est mis à tout gérer, te laissant le seul soin de traduire ses signes et de tenir ton rôle. Tu n’es parvenu à faire qu’une seule chose sur deux. Lorsque vous êtes arrivés à la gare Iaroslavl, il a fallu qu’il te tienne la main tant tu ne parvenais pas à faire attention au monde qui vous entourait. Le lieu est magnifique avec son style historicisme néo-russe, intriguant, fourmillant de vie comme tu n’en as jamais vu. Tu n’as pas cherché à te dégager de sa poigne, consciente d’en avoir besoin pour ne pas le perdre. Son rythme est soutenu, tu trottines presque à côté de lui. Fichus talons. À cause de toi, vous avez presque failli rater le départ, mais la provodnitsa a rapidement surveillé que tous vos papiers étaient en ordre avant de vous permettre de rentrer dans votre wagon en première classe. Celui que vous occuperez durant tout votre voyage. Vous n’avez pas bougé depuis le début et, lorsque tu te réveilles et frottes tes yeux avec fatigue, tu découvres au travers de la vitre que la nuit est tombée. Tu jettes alors un coup d’œil vers Arenstoff et le découvres assis, le dos droit et son regard fixement tourné vers la porte.

Il monte la garde.

— Vous ne vous êtes pas reposé ? demandes-tu, la bouche pâteuse.

Son attention se porte immédiatement vers toi et tu te sens rougir lorsqu’il tapote le bord de son menton, te faisant ainsi passer un message. Tu as bavé durant ta sieste. Nul doute que tu as ronflé également. La gêne s’empare de toi durant quelques secondes jusqu’à ce que tu tombes sur l’heure affichée sur ta montre. Il est presque minuit. Le wagon-restaurant doit être fermé à cette heure et tu lui demandes s’il a pu tout de même aller manger un morceau. En guise de réponse, ton prétendu époux pointe du doigt la petite table située juste en dessous de fenêtre. Dessus, sont posés deux beignets à la viande. Tu les reconnais facilement pour en avoir souvent mangé lorsque tu n’avais pas le temps de te rendre au réfectoire du bunker dissimulé en Sibérie. Tu rejettes ta fine couverture, grommelant sur le fait que les Russes ne savent décidément pas gérer les températures dans les lieux fermés et que leur goût en matière de décoration laisse toujours autant à désirer. Pas que tu sois une férue de la mode, mais il y a des limites sur les vieux motifs floraux en moquette sur le sol, les couchettes ainsi que les rideaux d’un vieux marron ayant connu des jours meilleurs. C’est triste, ennuyeux et rien n’est prévu pour vous faire passer le temps. Kaare, lui, s’est allongé dos à toi, la fine couverture remontant jusqu’à ses épaules. Perdue dans tes pensées, tu ne l’as pas vu se déchausser, retirer sa veste ainsi que sa montre. Néanmoins, tu éteins toute lumière dans la cabine et tu te plonges dans la contemplation du paysage. Tu te souviens qu’il y a beaucoup de pins dans ce pays. Tu ignorais simplement jusqu’à quel point.

La lune est belle ce soir.

Les soubresauts de la chenille de fer te bercent.

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Trois jours passent ainsi dans le plus grand ennui. Vous ne parlez que rarement et, lorsque vous le faites, tu demandes tous les conseils qu’il puisse te donner pour que votre couple puisse paraître crédible aux yeux des étrangers et des personnes que vous serez amenés à rencontrer. Aucune parole n’est prononcée à haute voix. Vous signez. Tu jettes très souvent un coup d’œil sur le bouquin jusqu’à ce que ton supposé époux te le confisque et décrète que tu l’as bien assez feuilleté durant toutes ces dernières heures pour que tu puisses t’en sortir. « Et je suis là » ajoute-t-il avant d’enfiler son manteau, prendre votre sac de voyage et de t’attendre. Tu te hâtes de terminer ton chignon lâche pour prendre tes affaires et le suivre de très près. Kaare, voyant que tu as du mal à avancer sans te faire quasiment marcher dessus par les autres passagers bien trop pressés de sortir, n’hésite pas à te prendre la main et à te coller contre lui. Tu te laisses faire. Il est celui qui te guide, qui te protège. Alors, s’il estime qu’il doit passer devant, tu ne discutes pas et obéis.

Le vent glacial te coupe immédiatement le souffle et tu te figes quelques secondes. Tu es pourtant bien couverte pour la période hivernale, mais tu ne peux empêcher un long frisson parcourir toute ton échine, te faisant rentrer la tête dans tes épaules. Tu n’hésites pas une seule seconde à te blottir contre ton partenaire malgré que tu aies un peu de mal à suivre son rythme. Il fraye un chemin pour vous deux et vous parvenez enfin à sortir de la gare sans trop d’encombres et à rejoindre un taxi. Tu te charges de donner l’adresse au chauffeur tandis que vous vous installez à votre place. Tu ne prends pas la peine de regarder le paysage au contraire d’Arenstoff qui scrute le moindre détail. Toi, tu es bien trop occupée à pianoter sur le téléphone portable et jetable – pourquoi pas – que l’on t’a donné afin de prévenir la Française de votre arrivée en terre sibérienne. Il te faut un peu de temps avant de parvenir à envoyer le message à cause de tes gants épais, les virages et les arrêts brutaux de la voiture ainsi que le mal du transport qui commence à pointer le bout de son nez. Une fois cela fait, le borgne s’en empare brusquement, ouvre la vitre et balance l’objet sans autre forme de procès.

Bien, c’est ce qui s’appelle ne pas perdre de temps.

Et toi, tu dois prétendre bouder.

Rien de plus simple, en somme.

— Enfin quelque chose de confortable, soupires-tu en t’affalant sur le lit, manquant le sourire amusé et calculateur de l’homme qui en profite pour se ruer dans la salle de bain.

Tu grognes et jures dans ta barbe tandis que tu vois le filou fermer la porte derrière lui. Tu n’as plus qu’à espérer qu’il ne vide pas le ballon d’eau chaude avant que ne vienne ton tour. En attendant, tu jettes à coup d’œil sur la carte de cet immense pays qui a été, autrefois, ton foyer. Tu ressens comme une pointe de mélancolie. Cette époque, c’était la tienne. La Russie n’existait pas encore. C’était l’U.R.S.S.. Les alliés de Hydra. Hydra qui n’avait pas de frontière, qui n’avait pas de langue, qui n’avait pas de limite hormis celles imposées par ses ennemis. C’était le temps où on te respectait pour ton travail, mais où tu devais baisser la tête face à l’autorité des militaires. Où tu te fichais bien d’utiliser les hommes pour ton profit tant qu’ils ne devenaient pas trop envahissants et qu’ils te permettaient de continuer et d’aboutir dans tes recherches. Tu devais supporter les déclarations sirupeuses du colonel Isaaki Baranov et y répondre avec mièvrerie.

Il te manque.

C’est une présence à laquelle tu t’étais habituée. Une voix, un corps, une odeur, une peau, un regard. Tu ne ressentais rien pour lui, tolérais sa compagnie et sa mièvrerie uniquement parce qu’il t’était utile pour l’avancée de tes expériences et pour assurer ta protection dans un lieu majoritairement masculin. Mais depuis que tu t’es réveillé, que tu ne l’entends plus écorcher la langue anglaise – ou américaine –, depuis qu’il n’est plus à tes côtés, tu ressens comme un manque. Parfois, tu l’attends, tu l’entends. Tu le cherches. Et puis, tu réalises que des années ont passé depuis ta cryogénisation. Qu’il est passé à autre, qu’il s’est marié. Tu te rappelles qu’il est mort. Et ton visage se ferme, s’attriste. Tu ne pleures pas. Il n’y a plus lieu de pleurer à présent. Tu aurais aimé lui dire, lui répondre que son amour, c’est ton regret. Mais durant cette période où tu étais une chercheuse émérite, tu entretenais en toi Haine et Rancœur. Celles qui t’ont accompagnée durant tant de temps, qui ont guidé tes pas, influencé tes décisions. Elles ont toujours été là, ces ombres malfaisantes. Plus maintenant. Elles sont restées dans leur cage respective. Vont-elles se réveiller un jour ? Tu l’ignores.

Une tape sur ta cheville te fait réagir et lorsque tu te tournes, c’est pour découvrir ton partenaire entièrement nu, à peine dissimulé sous une serviette qui n’en porte que le nom. Tu rougis. Tu ne devrais pas. Ce n’est pourtant pas la première fois que tu vois un individu sans aucun vêtement et il vous est déjà arrivé de faire douche commune. Alors, pourquoi réagis-tu ainsi et maintenant ? Tu ne le sais pas. Tu ne le comprends pas. Et, ni une, ni deux, te lèves et te précipites dans la salle d’eau dans le but de t’y enfermer, te fustigeant pour ton comportement d’adolescente. Ce n’est pas le sentiment d’amour qui t’a fait réagir ainsi. De ceci, tu peux être persuadée. Kaare est ton partenaire. Un époux factice. C’est juste qu’il t’a surpris durant un instant de faiblesse. Un moment où tu te remettais en question sur le plan sentimental. C’est injuste. Ce n’est pas fair-play. Et tu es persuadée qu’il doit silencieusement se moquer de toi, à l’heure actuelle. Tu soupires. Grand bien lui fasse si cela l’amuse. En attendant, tu gémis de bonheur en sentant l’eau chaude couler sur ta peau. Cela te fait tant bien. Vous êtes resté enfermés trois jours dans le transsibérien, à ne vous laver qu’à l’aide de lingettes.

Un cauchemar.

— Vous allez graisser la carte si vous la toucher à vos doigts sales, notes-tu sur un ton blasé tandis que tu le vois hausser les épaules en guise de réponses.

Il s’en moque et toi, tu lèves les yeux au ciel et fusilles du regard ces beignets à la viande dont tu commences légèrement à en être dégoûtée à force de t’en nourrir. Que ne donnerais-tu pas pour une bonne salade ou pour un plat un peu plus élaboré et, surtout, beaucoup moins gras. Peut-être que tu en toucheras deux mots à Arenstoff. Lorsqu’il cessera de déposer sa graisse sur le pauvre papier fragile exposant la Russie dans son entièreté. Tu t’approches de lui et tu mets un temps fou à trouver la ville qui vous intéresse. Votre prochaine destination dans la région sibérienne. Khatanga. Situé dans la péninsule de Taïmyr, à l’Est de la Sibérie, sur les rives du fleuve portant le même nom, ce petit village de plus de trois mille habitants a toujours été le point de passage des membres de votre Ordre. Tu te souviens que cet ines avait été utilisé comme poste militaire face au Pôle Nord et au Canada. Depuis, il n’est plus qu’un miséreux petit port fluvial, prisonnier par les glaces neuf mois par an.

— À quelle heure devons-nous nous lever demain matin ?

— Je vous réveillerai, signe-t-il distraitement.

Tu grognes. Il ne lâchera donc jamais cette fichue carte… Traînant des pantoufles, tu le rejoins et le tires par l’épaule, l’obligeant à focaliser toute son attention sur toi et tu t’en veux presque de l’avoir ainsi dérangé, surtout vu la façon dont Kaare darde son œil vers toi, la mine contrariée. Cependant, tu ne flanches pas pour autant et lui argues qu’il connaît la carte dans ses moindres détails, que tout a été réglé dans la dernière demi-heure et qu’il n’y a rien de plus qu’il puisse faire avant votre départ mis à part en profiter pour se reposer. Il boude – oui, oui – et indique qu’il n’est pas si fatigué que cela et qu’il veut tout d’abord prendre le premier tour de garde.

— Hors de question, je veille la première. Ne croyez pas que j’ai manqué vos bâillements. De plus, il serait logique que vous preniez le second quart pour me réveiller aux aurores, non ?

Il grimace, souffle comme un bœuf, mais finit par céder. Tu avais déjà prévu tous les arguments pour le faire céder. Et c’est avec un petit sourire que tu le vois retirer sa veste et son haut. Cependant, tu détournes le regard alors que tu entends sa ceinture se déboucler, laissant un minimum de pudeur à ton partenaire. Fouillant dans le sac, tu y déniches ton livre confisqué, papier et stylo avant de t’installer sur le bureau que vous avez préalablement bougé de sorte à ce que vous puissiez voir la fenêtre, la salle d’eau ainsi que la porte d’entrée. Rien ne doit échapper à votre surveillance. C’est pour cela que tu te rabroues à plusieurs reprises tandis que ton esprit oublie où tu es. Ta feuille blanche se noircit au fur et à mesure que tu tournes les pages de ton bouquin. Cela t’occupe, te fait passer le temps et cela peut également s’avérer utile pour vous deux lorsque vous en aurez besoin. Cela te prend des heures et ce n’est que lorsqu’on pose doucement une main sur ton bras que tu réagis vivement en braquant l’arme, que tu avais posé sur tes genoux, sur l’importun qui trouve pour seule répartie de signer :

— Bon réflexe.

— Merde. Tu m’as fait peur.

— Va te reposer, te pousse Arenstoff. Je te réveillerai.

Un bâillement, le tien, lui répond tandis que tu te lèves de ton siège et te diriges vers l’unique lit présent dans cette chambre. Tu retires chaussures et chaussettes en même temps et autant de vêtements que possible, ne restant plus qu’en sous-vêtement. Tu soupires de bonheur et soulagement alors que ta poitrine, libérée de toute entrave – ce qui est un réel bonheur – touche le matelas aux ressorts un peu trop présent et que tu poses ta tête sur un oreiller sensiblement un peu trop mou. La lumière s’éteint. Tu ne t’inquiètes pas. Tu sais que Kaare préfère monter la garde dans le noir. Toi, tu te contentes de fermer les yeux et de te laisser bercer par les bruits de la ville. Cela fait tellement de temps que tu n’as pas entendu cela. Cela te perturbe quelques secondes. Juste quelques secondes. Car la fatigue te frappe et le sommeil s’empare de toi avec une facilité déconcertante. Ton ouïe se concentre vaguement sur un bruissement proche de toi, mais tu n’y fais pas attention jusqu’à ce que tu sentes la couverture se poser sur tes épaules. C’est lui qui te couvre tandis que tu t’endors. C’est lui, ton partenaire.

Ton protecteur.

Ton époux.

— Merci…

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Tu sursautes et manques de pousser un cri de surprise mêlé de panique lorsqu’une main se pose brusquement sur ta bouche et tes narines, t’empêchant de respirer. Tu te débats, mais des doigts agrippent les cheveux de ta nuque pour t’obliger à tourner la tête. Plongée dans le noir, tu reconnais la silhouette du danois au-dessus de toi. Doucement, il lâche tes mèches et se hâte de poser un doigt sur sa bouche, t’invitant à garder le silence. Tu opines du chef, lui faisant comprendre que tu es prête à le suivre et exécuter le moindre de ses ordres. Bien que tu ne sois pas très bien réveillée et que tes sens ne soient pas en alerte, tu as conscience qu’il ne te sortirait de ton sommeil ainsi qu’en cas de réel danger. L’homme te libère de son emprise et tu te faufiles hors du lit pour te hâter de te rhabiller. Pantalon, chaussettes et chaussures. Tee-shirt, sous-pull, pull et manteau. Vos sacs sont déjà prêts. Sans nul doute que ton partenaire les a préparés tandis que tu dormais. Tu as à peine le temps de récupérer ton écharpe que la porte s’ouvre avec fracas, venant s’écraser sur le mur. Des hommes armés apparaissent et tu as tout juste le temps de te planquer dans la salle de bain avec toutes vos affaires que les tirs fusent déjà. Toi, tu te démènes pour ouvrir cette satanée fenêtre bloquée par le givre et la glace. Au final, tu finis par briser la vitre et passe la tête à l’extérieur, scrutant les bâtiments, les rues. En dessous, il y a une voiture qui semble vide. Juste un gars à l’extérieur qui doit attendre que le sale boulot soit fait. Un chauffeur, donc. Tes mains tremblent tandis que tu sors ton arme, la charge et vise. C’est une chose de tirer sur une cible en papier, c’est tout autre chose que de le faire sur une vraie personne. Elles s’agitent trop, tu ne parviens pas à t’immobiliser.

‘Fait chier !

Soudainement, on te pousse sur le côté et tu vois ton coéquipier prendre ta place. Tu prends la sienne et tires dans le tas. C’est plus facile. Tu sais que tu ne parviendras pas à faire mouche, que tu ne toucheras et blesseras personne. Mais tant que tu peux les retarder, les empêcher d’avancer, alors c’est toujours ça de pris. Tout va vite. Très vite. Trop vite, en fait. On attrape ton col et on te tire vers l’arrière. Tu l’aides à déplacer un meuble plutôt lourd pour bloquer durant un laps de temps la porte de la salle d’eau verrouillée. Kaare te pousse avec empressement. Il faut que tu sautes et rejoignes la voiture le plus rapidement pour la mettre en route le temps qu’il te rejoigne. Le message n’a pas été échangé avec des mots ou avec des gestes, mais dans son unique oeil valide, dans son expression, tu saisis tout ce qu’il attend de toi et prends ton courage à deux mains.

Tu es morte de trouille.

Tu te laisses tomber dans la neige presque molle et ne prends pas le temps de scruter les environs. Arenstoff le fait pour toi. Tu préfères te précipiter vers le quatre roues, contournant le cadavre peignant la poudre blanche en rouge, pour pénétrer à l’intérieur et démarrer le mo… Les clés. Putain de bordel de merde ! Où sont les clés ! Tu paniques et te jettes à moitié sur le macchabée pour fouiller ses poches avec précipitation. Tant pis pour le sang qui te tache. C’est bien le cadet de tes soucis. Tu finis par les dénicher dans son pantalon et en profite pour embarquer son portefeuille que tu avais trouvé à l’intérieur de son manteau. Tu te rues vers l’automobile et tu entends des pas derrière toi ainsi qu’une voix que tu ne connais pas. On t’attrape le bras. Tu cries. De panique et de terreur. Tu te débats, le frappes. Il finit par s’effondrer, sa gorge gargouillant du sang, te fixant avec horreur et douleur. Il ne s’attendait pas à ce que tu aies une petite lame avec toi. Il ne s’attendait pas à ce que tu saches l’utiliser, que tu tu t’en serves. Un « Bong » te fait sursauter et réagir. C’est ton partenaire qui est dans la voiture et qui te somme de te presser. Tu obéis. Tu cours vers l’homme et lui lances les clés qu’il réceptionne avec agilité. Les pneus glissent sur le verglas et vous êtes secoués dans tous les sens alors que tu essayes de t’attacher. Tu comprends à son grognement que c’est une mauvaise idée, mais tu ne veux surtout pas prendre le risque de passer à travers la vitre. Vous roulez à toute allure, faisant fi des limites de vitesse ou des feux de signalisation. Peu importe si vous provoquez des accidents, des bouchons. Tout ce qui compte, c’est que vous parveniez à fuir le plus loin et le plus rapidement possible Krasnoyarsk.

— Ce sont des membres du S.H.I.E.L.D., tu penses ?

Le conducteur ne répond pas, trop concentré sur la route à suivre et à surveiller vos arrières dans les rétroviseurs. Il veut s’assurer que personne ne vous suive ou ne vous bloque le chemin. Quant à toi, pas du tout vexée par l’absence de réponse, tu fouilles le maroquin que tu as dérobé sur le mort. Tu ranges directement dans ta poche les billets et les pièces de monnaies que tu trouves et mets devant tes yeux la carte d’identité rangée à l’intérieur. C’est un nom que tu ne connais pas, mais tu n’es pas dupe. Sans doute, ont-ils changé d’identité pour vous atteindre tous les deux.

— Il te rappelle quelqu’un ?

Kaare tourne la tête vers toi et pince les lèvres avant de reporter son attention sur la route. Tu ne manques pas sa mâchoire qui se crispe, ses mains qui serrent fortement le volant, retenant visiblement une réaction violente. Tu n’as pas besoin de plus pour en déduire que ces deux hommes se connaissent. Et puis, quelque chose attire ton regard dans le rétro de droite. Un doute. Une sueur froide. Tu te retournes.

— Kaare… !

Il grogne en guise de réponse.

Il a vu, lui aussi.

Vous êtes suivis.


Texte publié par Edda T. Charon, 16 avril 2022 à 17h22
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