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Défis Twitter #03 - Amour entre Voisins et Coronavirus
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Dix-neuf heures trente, j’avais fini le taf’ il y a déjà trente minutes et j’avais mis le même temps pour rejoindre un bar-pub que j’appréciais énormément dans Lyon. Rincé par une journée de galères, j’avais décidé d’aller boire seul une bonne bière fraîche avant de me lover dans mon canapé pour regarder un film sans aucune importance. Je me faufilais alors jusqu’à la terre promise qu’était ce bar en bois d’ébène lustré par le temps, mais surtout par l’alcool. Coincé entre deux groupes de gens, j’attendais patiemment qu’un barman vienne prendre ma commande. Qu’elle ne fût pas ma surprise quand je vis qu’il s’agit non pas d’un, mais d’une barmaid qui vint me saluer :

— Bonsoir, qu’est-ce qu’on vous sert ? me demanda-t-elle d’une voix suffisamment forte pour être perçue, mais aussi suffisamment calme pour ne pas provoquer de silence gênant.

Le côté garçon manqué de cette jeune femme ne me laissa pas indifférent, aussi je crois que c’est avec les joues empourprée que je lui répondis sur le même ton :

— Corona s’il-

— Mais putain va bien manger tes morts gros con ! beugla ma voisine directe de gauche en se retournant sur moi. C’est pas parce que je suis typé asiatique que j’ai le coronavirus sale baltringue !

— Quoi… Mais… Je…

— Mademoiselle – interrompit la barmaid – Ce gars demandait juste une Corona. C’est une bière.

Elle ne répondit pas, mais lança un regard noir à la barmaid, qui elle, totalement indifférente à tout ça, venait de sortir la fameuse canette en verre que j’avais commandée. Elle me la tendit et me dit :

— Huit’ trente s’teuplait.

Interdit, je sortis mon portefeuille de la poche intérieur gauche de mon manteau puis lui tendis ma carte bancaire. La jeune femme qui m’avait virulemment insulté s’était retourné sur son groupe d’amis sans même s’excuser. Après avoir payé et replacé mon portefeuille près de mon cœur, je bus ma première gorgée. Elle était amère. Étrange, habituellement, je savais savourer son goût, mais là, elle n’était pas bonne du tout. Je réfléchis cinq minutes. Ce goût devait être lié à cet évènement. Un peu gêné, je tapotais l’épaule de ma voisine furibonde. Elle se retourna, me dévisagea et lâcha :

— Quoi encore ?

— Bah je… ‘Fin s’cuse moi, j’avais pas fait attention. dis-je en baisant les yeux telle la bonne grosse victime que j’étais.

— Oh bordel. souffla-t-elle. C’est moi, j’aurais pas du m’emporter alors que t’avais encore rien dit, c’est bon, tu m’lâches maintenant ?

Elle n’attendit aucune réponse pour se retourner. Impressionnante. Charmante également, mais surtout impressionnante, ces yeux noisette et cette chevelure d’obsidienne, incroyables, mais ce tempérament bestial, à couper le souffle. Je repris une gorgée, elle était meilleure, bien meilleure. Sirotant tranquillement ma bière, je surveillais du coin de l’œil cette ingénue qui ne l’était pas tant au regard de son vocabulaire. Non pas que j’épiais la conversation qu’elle avait, en même temps avec tout le brouhaha environnent je n’aurais rien compris, mais plus que j’admirais sa silhouette. Quand, à mon grand désarroi, j’eus fini ma bière, je sortis du pub, mais je ne rentrai pas chez moi. Non, je dégainai mon téléphone et me perdis sur Twitter en m’adossant contre le mur juste à côté du bar, attendant que cette lionne ne ressurgisse de cette tanière. Quelques minutes après, bingo, elle sortit seule. Je l’interpellai avec beaucoup trop d’assurance, tirade que j’attribue maintenant à la Corona :

— Wesh coronavirus-girl !

Elle se retourna avec dans ses yeux la lueur qui signifiait que j’allais prendre une baffe aller-retour et que je la méritais amplement. Elle fit de grand pas l’air furieuse vers moi et avant qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit je surenchéris avec la voix tremblante :

— Pardon, c’était plus fort que moi mais j’ai pas su résister.

Je pris ma claque. Aller-retour, ma prédiction était juste, mes joues étaient enflammées. Elle me saisit par le col :

— Azy redit-le si t’a des couilles pour voir ?

— Je m’appelle Lucas.

— Qu’est-ce tu baves maintenant ? demanda-t-elle déboussolée en desserrant légèrement son emprise.

— Je voulais juste faire ta connaissance mais comme je savais que comment te faire réagir j’ai pris la confiance, c’était stupide pardon.

— Tu voulais faire connaissance ? T’es sérieux mec ?

— Ou-ouais.

— Azy, t’sais quoi, donne-moi une seule bonne raison de faire connaissance avec toi plutôt que de t’en coller une autre avant de partir.

— J’connais un super resto dans le vieux Lyon, c’est moi qui rince ?

Moi-même je n’en revenais pas. La Corona, ce n’est vraiment pas pour moi en fait. Mais cet excès de confiance n’était pas tout à fait néfaste, après tout, après cette proposition aussi incongrue que malvenue, elle me lâcha et ricana.

— T’es pathétique mec, trouve-toi une meuf.

Elle se retourna et commença à partir en levant un doigt d’honneur. Je n’avais pas pris de baffe. Au vu de son tempérament, soit elle venait de lancer le jeu pour faire connaissance, soit elle avait pitié de moi. Au vu de son caractère, je me suis dit que je pouvais me risquer à une seconde baffe. Je la rattrapais donc sans mot dire et me calai à son allure. Elle reprit en me lançant un regard meurtrier :

— J’crois qu’on s’est pas très bien compris là.

— J’ai jamais fait le forceur avant, mais là, j’ai pas envie de retourner chez moi sans avoir au moins mangé en ta compagnie meuf.

Elle s’arrêta, me dévisagea longuement d’un regard assassin qui me mit mal à l’aise. Ce petit jeu dura peut-être trente secondes et pas à un seul instant, pas une seule fraction de seconde, je n’ai été capable de soutenir son regard. Quelle indignité.

— Mec, je te le redis une dernière fois gentiment : rentre chez toi, tu ne m’intéresse pas. Bonne soirée.

Et elle repartie, d’un pas beaucoup plus las cette fois. Mais ces mots avaient eu raison de moi, ou peut-être que c’était la confiance due à la bière qui me disait que j’avais mieux à gagner en rentrant chez moi. Je ne cherchai donc même pas à la suivre du regard, me contentant de repartir la tête dans les épaules en direction du métro pour retrouver mon moelleux canapé. Je me dis que ce n’était peut-être pas plus mal ainsi. Perdus dans mes pensées de vagabond solitaire, je ne m’étais même pas aperçu du trajet parcouru que j’étais déjà à deux pas de la bouche du métro. Je me stoppai là. Pris mon temps pour trouver ma carte de métro perdue dans l’une des poches de mon manteau. Une fois trouvée, je la fis tourner entre mes doigts et fis un pas avant d’être interrompu par une voix juste derrière moi :

— Pizza ça te va ?

Je décrochais mon regard fixé droit devant moi et dévisageais cette jeune femme au minois aérien.

— Avec plaisir.

— Au fait, mon prénom, c’est Cléa, pas ‘coronavirus-girl’.

— Je prends bonne note.

Nous avons passé le reste de la soirée ensemble à errer dans Lyon. Je ne pensais pas que ce week-end débuterait aussi bien avec une Corona et ma voisine de bar. Comme quoi.


Texte publié par Yumon, 16 février 2020 à 09h44
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