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tome 1, Chapitre 34 « Droit vers le danger (Part 1) » tome 1, Chapitre 34

– C’tait un massacre, Sytry ! Un véritable massacre ! se plaignit Adamanth avec emphase.

Picarel percevait presque des larmes dans sa voix. C’était étrange. Adamanth se montrait plutôt flegmatique, l’essentiel du temps. En quoi le sort de ces crevettes géantes terrestres le concernait-il ? En était-il fan ? Cela expliquerait peut-être sa présence auprès d’elles, lors de leur rencontre, lui laissant croire qu’il était une sorte de berger. Ou bien un zoo… zoo… un chercheur spécialisé dans leur étude ? Etonnant pour un démon à la solde de Byleth. L’idée était aux antipodes de leurs mots d’ordre. Non, il devait juste les adorer, comme lui-même adorait les koalas et les limaces.

Sytry l’avait assuré qu’il le guidait vers l’antre de Belzébuth et, après tout ce que Picarel avait vu de l’Enfer, il s’était imaginé beaucoup de choses sur celui-ci. Des maisons en pain d’épices, des piscines-cocktails… Des perspectives telles qu’il salivait à leur seule pensée. Après tout, le domaine de la Gourmandise se devait de vouer un véritable culte à la nourriture et de la fêter chaque jour en la déployant en des quantités gargantuesques, au-delà de toute raison et de toute nécessité… Que ce fût par des banquets, mais aussi jusque dans ses fondations, n’est-ce pas ? De tous les quartiers de l’Enfer, Picarel estimait que ce dernier était sans doute l’un des plus dangereux pour lui car l’un des plus aptes à le détourner de sa quête, avec celui de Byleth. Il avait conscience de ses lacunes et les admettait, ce dont il était fier ; tout le monde n’y parvenait pas. Il se savait faible devant la nourriture, sans compter qu’il était peu difficile. La lutte serait âpre et sans merci pour réussir à s’en détourner mais il était déterminé. La vie – ou plutôt l’après-mort – de Nana était en jeu.

Enfin, pour l’heure, le dilemme ne se posait pas du tout, car rien de tel ne s’offrait à ses yeux. Du Royaume des Estomacs Prêts à Exploser, il n’en voyait nulle trace.

— … Déjà qu’une bande de ces maudits poulpes a débarqué et a festoyé – Lucifer devrait réellement considérer l’importante tâche d’exterminer ces nuisibles – mais ces saloperies de suppôts de Belzébuth n’ont rien trouvé de mieux à faire que de surenchérir et de transformer le reste en cadavres pour les caprices de leur souverain !

Ils déambulaient présentement sur des sentiers de terre battue tracés entre des entrepôts sinistres, de simples pavés ou cubes aux hauteurs incommensurables. Certes, ils étaient colorés, arborant un mélange imbuvable de couleurs tantôt flashy, tantôt pastels, comme du mauve, du fuchsia, du vert tendre et du jaune poussin… Et pourtant, l’endroit lui donnait froid dans le dos. L’absence de vie, peut-être, si ce n’était ces bourdonnements incessants. Ils s’étaient fait entendre dès leur arrivée et ne cessaient de croitre tandis qu’ils s’enfonçaient dans ce labyrinthe plongé dans l’obscurité, parfois rompus par quelques bêlements ou meuglements lointains. Picarel n’osait pas lever la tête pour scruter plus en détails ces points noirs qui zigzaguaient au-dessus d’eux. Des grosses mouches ? Pourquoi y en avait-il autant ? Etaient-elles attirées par d’éventuels monticules de cadavres cachés à leur vue ? Des salles de torture ? Des sortes de fosses communes ou de morgues pour déposer les corps avant leur destination finale ? Pourtant, nulle odeur de sang ou de chair faisandée n’était perceptible. La hauteur étourdissante de ces hauts murs lisses, les fumées miroitantes aux origines énigmatiques qui sortaient par intermittence des toitures de certains édifices... Autant d’éléments qui, associés à son hypothèse glauque, suscitaient chez l’ange un effroi galopant.

Il ne lui avait pas fallu trois secondes d’exposition à ce décor pour se coller à Sytry, apeuré, ce qui lui avait valu une œillade amusée de ce dernier. Depuis, il s’appliquait à rester aussi proche de lui que possible, sans que la question cessât de le hanter. Où étaient-ils donc et pourquoi passer par cet endroit ? Y étaient-ils réellement obligés ?

– Elles n’ont pas été exterminées, il y a à peine eu une centaine de morts sur des milliers d’individus ! C’est juste ce troupeau-là en particulier qui en a pris pour son grade. Si elles devaient disparaitre pour si peu, il n’y en aurait plus depuis longtemps, argua Sytry, faussement nonchalant.

Comme à son habitude, il semblait s’amuser de la situation, ce qui agaçait son interlocuteur. Son impatience progressive, face à un tel manque de compassion, était palpable.

– Les survivantes sont traumatisées ! affirma Adamanth, une nuance de colère dans la voix.

Puis ses traits s’effondrèrent sous l’horreur.

— Et si elles n’arrivent plus à se reproduire ? geignit-il avant de sangloter bruyamment.

Était-ce réellement dans la perspective de se goinfrer, comme Sytry l’avait assuré, ou dans le but de tenir à Belzébuth un plaidoyer sur l’importance de ne pas s’attaquer à ses chères crevettes, qu’Adamanth avait tenu à se joindre à eux ? Picarel se posait la question depuis leur départ. Le démon n’avait cessé de parler d’elles.

C’était étrange de l’avoir avec eux alors qu’il ne sortait plus qu’avec Sytry depuis un moment. La nuance était palpable ; il se sentait bien plus en confiance avec ce dernier. Une très mauvaise idée puisqu’il s’agissait d’un démon, mais Picarel en était venu à le considérer comme… un ami. Une amitié non officielle, bien sûr, car il préférait ne pas l’avouer au concerné, afin d’éviter un éventuel rejet. L’idée lui serrait le cœur, mais qu’y pouvait-il ? Il n’était pas sûr que Sytry connût ce terme, si ce n’était pour s’en moquer. Ainsi, préférait-il ne nourrir aucun espoir, ou presque, et se résoudre à ce que ce fût sans doute à sens unique. Il le savait, pourtant, qu’il était impossible de nouer une relation amicale avec un démon ! Les abords avenants de celui-ci n’y changeaient rien.

Rendu aveugle par ses réflexions intenses, son pied buta sur un objet et il faillit trébucher. Seul un réflexe de Sytry lui évita une rencontre violente avec le sol. Une fois redressé, il se retourna vers le coupable. Une simple bêche, calée contre un mur. Un liquide verdâtre goûtait de la partie métallique. Un frisson le parcourut et il se détourna pour se rapprocher de Sytry. Les images issues des interprétations de son esprit étaient effrayantes. Quand allaient-ils enfin quitter cet endroit ?


Texte publié par Ploum, 11 avril 2022 à 18h05
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