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tome 1, Chapitre 30 « Décision importante (Part 1) » tome 1, Chapitre 30

– Qu’ai-je dit à propos de vos tenues ?

Un long silence ponctua les paroles de Michael, qui résonnèrent dans la pièce immaculée comme un glas sinistre aux oreilles de ses condisciples. Nuls prémices d’hystérie ou de menaces dans sa voix, aussi atone qu’une mer calme. Il en était toujours ainsi avec lui ; aussi, la question seule suffisait à agiter son auditoire de frissons. Tous devinaient ce qui allait suivre.

Malgré l’urgence de la réunion, sur laquelle le Prince avait bien insisté afin de les réunir au plus vite, il avait pris le temps de scruter chacun d’entre eux avec attention dès leur arrivée afin de vérifier que leurs tenues fussent irréprochables. Ses exigences concernaient jusqu’à l’ange du plus bas niveau hiérarchique, alors il lui paraissait inconcevable que les représentants des différents Ordres angéliques ne s’y pliassent pas avec zèle ! Et cela valait aussi pour les anges moins importants, convoqués malgré tout car concernés par l’inventaire et donc par cette affaire. Or, il venait de trouver un malheureux dont la tenue était, à son sens, négligée.

Une partie du col n’était pas bien pliée.

L’ange pris pour cible, dont le teint crème devenait livide, ne parvint pas à articuler un mot, réduit au silence par le regard insistant et réprobateur de leur chef. Autour de lui, les œillades gênées s’entrecroisaient sans qu’un seul tentât de le défendre. C’était impossible. Nul besoin de lui répondre, en vérité, car nul ne l’ignorait ; il ne cessait de le leur asséner tous les jours. Et la sentence serait irrévocable.

– Michael, il y a urgence, nous n’avons pas de temps à perdre sur un tel sujet, intervint Uriel dans un soupir.

Ce dernier remonta ses lunettes sur son nez, agacé de l’attente que l’incident occasionnait. Près de lui, Michael fit la moue. Il n’aimait pas être interrompu lors de ce type d’interventions, car il espérait ainsi marquer les esprits et ne pas avoir à répéter la même scène avec le même individu quelques heures plus tard. Toutefois, il dut reconnaitre qu’il n’avait pas tort ; le sujet dont il était question était bien plus important.

– Latrines, pendant une semaine, à compter de maintenant. Dehors.

Puis il fit volte-face, jugeant l’affaire close. L’ange en question fut ainsi jeté hors de la pièce, remis à la garde d’un confrère qui s’assurerait de son acheminement vers son nouveau poste provisoire, et les portes se refermèrent devant son nez, sans qu’il eût prononcé un mot. C’était inutile.

Michael ne plaisantait pas avec la discipline.

– Heureusement pour nous qu’il n’est pas indispensable à cette réunion, lâcha Uriel en nettoyant ses lunettes.

Tous craignirent un instant la réaction du Prince. Cependant, Michael se contenta de jeter un regard torve à son collègue avant de leur désigner à tous la table d’un geste grandiloquent.

– Prenez place. Nous avons à débattre.

**

– … Minitel voulait just’ aider en le rendant plus joyeux, voyez ? Lui montrer la voie ! Donc elle – hic ! – voulait le caser avec U-U-Urièèèl, pareil que Bibi, parce que –

– Bibi, c’est pour les intimes, je doute qu’elle accepte ce genre de surnom de ta part, le corrigea Sytry, un sourire goguenard sur les lèvres.

Le trajet de retour chez Byleth n’avait pas été évident. Rendu ivre à la suite de leur passage au bar, Picarel tenait à peine sur ses jambes lorsqu’il était immobile, et c’était pire encore lorsqu’il devait se mouvoir. Toutefois, Sytry s’en était très bien accommodé, bien qu’il fût lui-même un peu éméché. Il s’était abstenu de trop boire en voyant la catastrophe venir, car sinon, il aurait été incapable de leur éviter les quelques ennuis que Picarel leur avait attirés en chemin – vomir sur les paillassons de démons colériques, par exemple, n’était pas la meilleure idée du monde pour rester discret. L’ange, lui, préférait consacrer ses efforts à parler, en particulier de rumeurs et autres anecdotes en circulation au Paradis. Les informations ainsi glanées n’avaient nul intérêt stratégique pour le démon ; il s’agissait de commérages et de stupidités comme des couples imaginaires ou des blagues entre anges. Tout ce que Sytry adorait.

Vraiment, il avait eu une sacrée bonne idée de l’emmener chez Bibesia.

A présent, ils se trouvaient dans l’une des pièces de confort de Byleth, dont le sol était couvert de poufs et d’oreillers en tous genres. Adamanth suivait l’échange avec intérêt tandis que Coussin, l’âme humaine, faisait le service. Jus de fruits ou sodas sans alcool pour les deux, sur insistance du serviteur de Byleth qui refusait de les voir régurgiter sur les tissus. Si Sytry n’avait pas encore touché au sien, Picarel en était déjà à son cinquième – son ivresse et son débit de paroles lui donnaient soif.

– Ok, ok, pas Bibi, concéda Picarel avec retard.

Malgré la grande gorgée qu’il venait d’avaler, sa bouche restait pâteuse, alors il en reprit une.

– Pas’que l’amour, ça rend plus joyeux !

– Ca, ça dépend de qui, ricana Sytry.

– Et pi, ça les aurait p’t’être rendus plus agréables – hic ! –, c’aurait été cool pour nous aussi.

– Michael et Uriel en couple heureux et agréables, j’ai quelques doutes…, glissa le démon en tentant de se les imaginer ensemble.

L’exercice lui était difficile.

– Et donc ? insista-t-il après un moment car Picarel commençait à dodeliner de la tête, comme s’il tombait de sommeil.

Ce dernier se ressaisit et leva son nez hors de son verre pour clamer haut et fort :

– Édonque ? M’kael a rien compris !

– Kael ?

– Je crois que c’est Michael.

– Ah, oui, sans doute. En même temps, il n’y a pas beaucoup de protagonistes dans l’histoire.

– Pas vraiment, non.

– … A parlé de-d’attaque à la pudeur – mais c’quoi, ça ? – et de-de… je ne sais plus trop quoi, m’en rappelle plus. Alors que c’tait juste pour voir si z’étaient pas d’jà ensemble, et les aider si pas le cas !

– L’élocution commence à devenir compliquée pour lui, observa Adamanth, attentif. Peut-être faudrait-il le laisser dormir.

– Attends au moins qu’il ait fini son histoire, répliqua le jeune prince en sortant une sucette de son emballage.

– Et pour quelle récompense ? Les latrines !

– Les latrines ? Quel rapport avec les latrines ?

– L’a envoyée récurer les latrines. Pendant plein de mois. Nous a battus dans le record de temps passé à les récurer. Pauvre Minitel, gémit Picarel d’un ton pitoyable, avant de piquer du nez dans son verre. Voulait juste être gentille.

Il se redressa brusquement avant de taper du poing un oreiller.

– T’ça pour rien, en plus ! En fait, y couchent d’jà ensemble !


Texte publié par Ploum, 29 janvier 2022 à 13h20
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