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tome 1, Chapitre 11 « Absence remarquée (Part 2) » tome 1, Chapitre 11

Adamanth lui secoua l’épaule pour attirer son attention.

– Va falloir t’y faire. En même temps il en tombe des milliers, ‘faut bien en faire quelque chose.

– En fait, c’est moins pire que ce que je croyais, avoua Picarel.

Le démon ne répliqua pas. Un peu plus loin, un chat bailla puis miaula faiblement, perdu dans ses songes. Alors que Picarel l’observait, Adamanth reprit la parole :

– Bref, toi t’as rien à faire alors fais c’que tu veux. Juste, te paume pas, j’ai pas envie de perdre mon temps à te chercher. Ah ! Évite de sortir, tu serais capable de t’attirer des ennuis. Fais pas de conneries et viens pas m’emmerder non plus... ‘Fin, le mieux serait que tu restes juste là ou que tu te trouves une salle où te mettre pépouze.

Il n’est pas sérieux ? Picarel n’eut pas le temps de réfléchir à une réplique qu’Adamanth l’abandonna là et disparut. Il se retrouva les bras ballants, seul avec plusieurs chats ronflotant ou à la poursuite d’une souris démoniaque imaginaire en agitant vainement leurs pattes en tous sens. Désespéré, Picarel se laissa tomber sur le sol. Il le regretta aussitôt alors qu’il frottait ses fesses endolories. Il oublia bien vite son postérieur meurtri et serra ses genoux contre lui. A cette vitesse-là, jamais il ne retrouverait Nana à temps ! Certes, il était à l’abri, mais qu’en était-il pour elle ? Il fut pris de remords. Peut-être n’aurait-il jamais dû les suivre, au moins il serait en mesure de la chercher… Il se redressa brusquement, un large sourire aux lèvres. A présent qu’il y pensait, Adamanth lui avait déconseillé de sortir pour ne pas risquer de finir en ragoût mais rien ne le lui interdisait ! Et au fond, le fait d’être un serviteur qui n’avait rien à faire lui laissait beaucoup de temps libre ! Sans compter que le nom de Byleth lui servirait d’alibi et lui éviterait quelques rencontres malencontreuses.

Il se dirigea vers la porte, fier de ses déductions. Il n’avait pas la moindre idée de l’endroit où il allait se rendre pour commencer ses investigations mais cela n’avait pas d’importance. Il aurait bien le temps d’y réfléchir une fois dehors ! Peut-être fouinerait-il dans ce quartier de paresseux, tiens.

Mais tout d’abord, il lui fallait une carte !

**

Cockatiel aimait bien rêver. Parfois, ses rêves lui inspiraient de futures créations pour ses séances de sculpture de nuages. Le plus souvent, ils étaient occupés par des mets appétissants qui lui donnaient l’eau à la bouche. Il s’empiffrait avec plaisir, souvent sous le nez de Michael qui finissait par céder lui-même à ses envies malgré ses tentatives pour y résister. Cette fois, il venait tout juste d’entamer un énorme gâteau au chocolat recouvert d’une belle quantité de coulis de fruits rouges. Il fut surpris lorsqu’une odeur de café vint flotter dans l’air mais il n’y prêta pas attention. C’était trop amer pour lui ; cela devait venir de Michael.

Son expulsion forcée vers le sol le réveilla tout à fait et le laissa hébété, avec un mince filet de bave coulant sur son menton. Il cligna des yeux sans comprendre et gémit. Où était donc son gâteau ? Il n’avait pas eu le temps de le terminer ! Barbares. Il se redressa lentement pour s’asseoir, son matelas en guise de dossier. Il s’apprêta à tancer durement ces gêneurs impertinents mais ses protestations moururent dans sa gorge lorsqu’il reconnut celui qui se tenait devant lui. Ce visage aux traits austères, cette coupe droite dont pas un seul de ses cheveux blonds ne dépassait, ce costume tiré à quatre-épingles encore plus strictement que cela n’était normalement possible… Michael !

Cockatiel pâlit. Il se redressa brusquement sur ses jambes, maladroit et pataud à cause des effluves de sommeil qui persistaient. Derrière l’Archange se dressaient ses trois confrères : Gabriel le planqué avec son éternel sourire resplendissant, Raphael l’innocent avec ses airs de poupin et Uriel le rat de bibliothèque avec ses lunettes qui n’avaient pourtant aucune utilité puisqu’aucun ange ne souffrait de troubles de la vision. Il déglutit. Si même Uriel était là…

Il n’en connaissait pas la raison, mais il était sûr d’une chose : il était mort. Quoique, si Uriel était là, Michael le vouait à un destin bien plus funeste encore...

Alors qu’il constatait qu’Uriel tenait dans ses mains un gobelet fuchsia d’où s’échappait de la vapeur, Michael saisit brusquement son vêtement. Cockatiel crut qu’il allait l’étrangler mais il réalisa qu’il s’efforçait juste de remettre correctement le tissu et d’en effacer les plis.

– Rester présentable en tout temps est une base élémentaire, Ange Cockatiel ! Il va falloir surveiller davantage votre tenue, vous vous laissez grandement aller !

Cockatiel se contint de répliquer qu’on était difficilement présentable à peine jeté du lit, ne souhaitant pas précipiter sa fin. Michael cessa de le triturer et jeta une œillade dégoûtée au sillon de bave sur son menton. Le soupir derrière lui le poussa à ne pas s’en occuper. Il joignit ses mains dans son dos en une attitude stricte.

– Ange Cockatiel, confirmez-vous que l’absence de votre collègue, l'Ange Picarel, est due à une expédition non déclarée en Enfer ?

Cockatiel se figea. Il avait promis d’en garder le secret. Les yeux de Michael, sévères, et ceux insondables d’Uriel, l’enjoignaient à le leur confier. Il lui fallait résister… Dix secondes plus tard, il couina :

– Oui.

A sa surprise, les Archanges réagirent peu ; Michael secoua juste la tête, dépité. Il fit apparaitre une planchette à pince avec une feuille. Un immense tableau y était imprimé et Michael en raya une ligne. Cockatiel hoqueta, les yeux écarquillés. Ils le considéraient comme mort !

– Mais pourquoi ? Il est peut-être encore en vie ! protesta Raphael, perplexe.

Ni Uriel ni Gabriel n’intervint, juste désireux de boucler cette histoire au plus vite. Michael les avait trainés avec lui sans leur réel consentement.

– On s’en fiche, il est mort ! répliqua sèchement Michael. Je ne risquerai pas la vie d’autres anges pour un idiot pareil ! De toute façon, ce n’est pas une grande perte.

Ainsi Picarel fût-il considéré comme décédé au Paradis.


Texte publié par Ploum, 9 mars 2020 à 17h27
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