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tome 1, Epilogue « Le Retour » tome 1, Epilogue

– Non…

Byleth eut beau se frotter les yeux, rien n’y faisait. Il avait pourtant eu son quota d’heures de sommeil, alors un éventuel souci d’insomnie n’était pas incriminable… et il n’avait rien consommé d’illicite ou de moins illicite susceptible de lui donner des hallucinations. Une plaisanterie, peut-être, ou une surinterprétation de sa part ? Ce ne pouvait être que cela ! Il ne voyait que cela pour justifier la présence de Picarel et de Cockatiel devant le perron de sa porte, accompagnés par un Adamanth somnolent.

– Les ai trouvés dans l’champ d’crevettes, se justifia ce dernier devant la mine hébétée de son patron.

– Mais qu’est-ce que vous fichez là, vous deux ? s’écria-t-il en l’ignorant. C’est quoi, cette fois, une araignée ?

Cockatiel détourna le regard, gêné, tandis que Picarel haussait les épaules. Son visage s’illumina lorsqu’un Sytry ensommeillé apparut aux côtés de Byleth dans un nuage de fumée, avant de bailler ouvertement. Ses cheveux avaient conservé leur couleur bleutée mais ses yeux étaient désormais jaune citron, assortis au vernis sur ses ongles.

– Que se passe-t-il ? On entend tes hurlements depuis l’autre bout du domaine.

Sytry exprima sa surprise lorsqu’il reconnut le duo puis un large sourire se dessina sur ses lèvres.

– Hey, vous revoilà déjà ? Quel bon vent vous amène ?

– Tu n’étais pas à l’autre bout du domaine mais dans la pièce à côté, et je ne hurlais pas, fit remarquer le Roi Démon avant de reporter son attention sur les deux anges. Et vous n’avez pas répondu à ma question ! Qu’est-ce que vous fichez là ? Si Lucifer vous voit – j’me suis déjà pris un savon de sa part parce qu’évidemment – Et si c’est pour nous refaire une scène avec Michael, alors – A moins que ce ne soit pour annoncer ma réintégration ? s’exclama soudain Byleth, ravi.

– Ce n’est pas pour cela, désolé…, s’excusa Picarel, contrit. Nous… nous avons été jetés du Paradis !

– Quoi ?

– Oh ? lâcha Sytry avec un intérêt réjoui.

Seul Adamanth ne réagit pas, puisqu’il était déjà au courant de la situation. Il préféra fixer ses doigts avec ennui. Se replier à l’intérieur de la demeure lui était impossible puisque Sytry et Byleth en bouchaient l’accès.

– Mais qu’est-ce que vous avez fait ? s’écria Byleth, horrifié.

Picarel esquissa une grimace dépitée tandis que la tête de Cockatiel s’enfonçait entre ses épaules, comme s’il espérait y disparaître.

– Bah, c’est-à-dire que… on a juste…

– Oui ?

– Michael les a retrouvés en train de coucher ensemble, répondit Adamanth, dans l’espoir de libérer le passage au plus vite.

– Quoi ?

**

– … Et voilà. Donc, nous nous sommes fait jeter dehors sous prétexte d’être des dépravés, et Michael a crié à l’influence démoniaque !

Une fois encore, Picarel estimait que les Archanges exagéraient. Certes, Michael les avait retrouvés à moitié ivres, en train d’expérimenter la chose interdite – l’alcool avait eu ce pouvoir de lever leurs inhibitions, et la curiosité aidant, cela était venu tout seul – mais bon, une seule fois, ce n’était pas si grave ! Et puis, en quoi était-ce si mauvais ? Il n’avait pas trouvé la chose si désagréable, bien au contraire.

– Il a dit qu’on risquait de contaminer d’autres anges, souffla Cockatiel, la tête basse, honteux. Qu’on était déjà en train de le faire avec Minitel, qui regardait les bouteilles de bourbon pendant que nous... hum.

– Voilà, c’est ça ! Et comme j’ai dit que je ne regrettais rien parce que, quoi qu’ils en disent, en vrai c’était sympa – je lui ai dit au passage qu’il couchait bien avec Uriel alors il n’y avait pas de quoi en faire tout un drame et que c’était un peu hypocrite de sa part, mais je crois qu’il n’a pas apprécié…

— Oh, tu crois ? couina Byleth, exaspéré par une telle bêtise, tandis que Sytry riait à gorge déployée.

Tous étaient rentrés à l’intérieur et Adamanth en avait profité pour s’éclipser. Les autres s’étaient réunis autour d’une petite table en fer forgé, d’un vert d’eau que Picarel trouvait fort joli, et prenaient des petits gâteaux autour de tasses de lait chaud. Picarel était content parce qu’ils n’avaient pas cela au Paradis. Là-bas, ils avaient surtout droit à du nettoyage d’écuries et de crottins de poney à longueur de journée. Super, la reconversion imposée par Michael. Car évidemment, aucun Chœur n’avait voulu d’eux et le Prince des Anges les avait pris en pitié – les Chœurs, pas eux –, alors il avait affecté le duo à une tâche qui ne dépendait d’aucune d’entre elles.

Et ils s’étonnaient réellement qu’ils eussent cherché à se consoler durant leur temps libre, avec des activités plus agréables ?

Autant dire que Picarel ne se sentait pas des plus attristés par ce départ inopiné et il était sûr qu’au fond, Michael ne l’était pas davantage. Il avait paru bien trop enchanté de la scène qui lui avait donné un sacré prétexte pour acter sa décision. Sa crise de colère avait seulement porté sur la remarque concernant sa liaison hypothétique avec son confrère. Cockatiel était encore un peu choqué mais Picarel était sûr qu’il s’y ferait. Un bien meilleur horizon s’ouvrait à eux, désormais, il ne nourrissait aucun doute.

Enfin, si Byleth avait la gentillesse de les accueillir de manière définitive.

Sytry était hilare. Byleth, lui, était effondré. Il avait réfugié son visage entre ses mains, atterré par ce qu’il venait d’entendre.

– Non, il n’a pas apprécié, confirma Cockatiel d’une voix basse. Vraiment pas.

– De toute façon, il ne risquait pas, il n’est pas drôle. Et donc, Michael a pris nos ailes et nos auréoles, tout ce qui faisait de nous des anges, quoi, avant de nous jeter hors du Paradis. En fait, je crois que c’est cela que je regrette vraiment, dans cette histoire, ajouta Picarel, désappointé. Mes ailes. Je les aimais bien. Surtout quand elles étaient vertes.

Cockatiel poussa un soupir triste. Lui qui aimait tant ses ailes grises ! C’était monstrueux. Il fut interrompu dans le fil de ses pensées par Sytry qui l’aborda avec une bourrade à l’épaule.

– Et du coup, ça t’a plu ?

Il l’observa un instant sans comprendre, obligeant Sytry à expliciter ses pensées.

– Je parle de votre séance de galipettes. Picarel l’a confirmé, mais toi…

Il appuya ses propos d’un clin d’œil. Cockatiel rougit jusqu’aux oreilles et détourna la tête dans l’espoir de le cacher, mais c’était peine perdue.

– Je… je…

– J’imagine que cela veut dire oui, gloussa le démon.

L’écarlate vira au cramoisi. Sytry tapota l’épaule de Picarel.

– Je vois que mes quelques leçons t’ont bien servi, même si elles n’ont pas été bien loin. Nous pourrions approfondir la question, si tu veux.

Picarel tiqua, interloqué, réfléchissant au sens de ses paroles, avant de rosir. Il ne sut que répondre.

– Donc, si je résume, vous êtes des anges déchus, désormais ? intervint Byleth, le menton logé au creux de sa main, indifférent quant à leur potentielle affaire.

Songeur, Picarel prit quelques secondes avant d’acquiescer.

– Je n’y avais pas pensé avant mais… oui. Oui, j’imagine que nous le sommes, à présent.

– Mais pourquoi ? se plaignit alors le roi démon, levant les mains comme pour prendre le plafond en témoin. Avec vos bêtises, vous avez ruiné mes chances de retourner au Paradis !

– Byleth, t’en as jamais eu aucune…, intervint Sytry, désabusé.

– Moi qui comptais sur vous pour me donner des points supplémentaires en faveur de ma réintégration ! continua-t-il, comme si l’autre démon n’avait rien dit.

– Ce ne sont pas eux qui changeront grand-chose à ta situation. Entre tes fornications, ta flemmardise et le reste, tu es conscient que cela ne se produira jamais ?

– Ne dis pas ça, j’ai mes chances ! Dieu peut me pardonner !

– … Mouais. Enfin, je ne crois pas que ce soit Lui le plus gros problème, si tu veux mon avis.

– Il conserve bien Uriel avec Lui alors que c’est un sadique !

– Ce n’est pas prouvé.

– Et alors que la plupart de Ses anges forniquent entre eux ou avec des démons !

– Ce n’est pas prouvé non plus.

– Quel ange fornique avec un démon ? s’étonna Picarel.

– Peu importe, soupira Byleth avec lassitude. Je suis sûr qu’il y en a plein.

– Ça, ce sont les rumeurs qui le disent.

– Et sinon, on peut rester ici ?

Byleth garda le silence quelques secondes avant d’hausser les épaules.

– Vu les crétins que vous êtes, il n’y a pas meilleur endroit pour vous, je suppose, confirma-t-il, résigné.

Il extirpa une photo de sa poche avant de la fixer avec nostalgie. Picarel, curieux, se pencha pour l’observer. L’essentiel de l’image était occupé par une grande paire d’ailes blanches.

– Des ailes… ?

Byleth poussa un profond soupir.

– Il s’agissait des miennes. Celles que j’avais quand j’étais encore un ange. Mes pauvres ailes chéries, que j’ai perdues dans ma chute, murmura-t-il en caressant la photo du pouce.

Il renifla comme s’il était sur le point de pleurer.

– Elles étaient les plus belles du Paradis. Je gagnais toujours les concours clandestins de beauté ailée avec elles, ajouta-t-il, une note de fierté dans la voix. Mes chères ailes…

– Attendez, c’est juste pour cela que vous voulez redevenir un ange ? s’exclama Cockatiel, stupéfait.

La remarque piqua l’indignation du Roi Démon qui écarquilla les yeux, outré.

Juste ? Comment peux-tu dire ‘juste’ ? Ce n’étaient pas juste des ailes, pour moi – elles étaient mes fidèles compagnes bienaimées, mes fiertés, ma vie ! Et elles m’ont été impitoyablement arrachées ! Mes pauvres ailes ! Quelle cruauté ! Juste parce que je n’ai rien fichu pendant la rébellion de Lucifer et que j’ai prétexté une migraine pour rester au lit ! Et que j’ai accessoirement dit que ce n’était qu’une petite rébellion de rien du tout et qu’il n’y avait pas de quoi en faire tout un drame.

– Ah, oui, effectivement…

Comme épuisé par ses lamentations passionnées, Byleth s’affala sur la table, tête logée entre ses bras croisés et photo disparue sous lui. Picarel toussota, gêné. En un sens, il partageait sa peine. C’était d’autant plus triste que cela remontait à des milliers d’années et, pourtant, Byleth n’en avait pas fait le deuil. Picarel s’inquiéta soudain pour lui-même, et surtout pour Cockatiel. Risquaient-ils de ne pas se remettre de la perte des leurs, eux non plus ?

– Et Nana, la limace ? Qu’est-elle devenue ? demanda Sytry pour changer de sujet, car l’ambiance était devenue malaisante.

Les deux anciens anges n’étaient venus avec rien d’autre que leurs vêtements sur eux. Après toutes leurs péripéties, il avait pensé que Picarel l’aurait gardée comme limace de compagnie et qu’il l’aurait donc emmenée avec lui. Or, ses mains étaient vides. Les âmes supportaient-elles l’absence d’air des poches sans fond ?

Le visage de Picarel se ferma et ses yeux se voilèrent.

– Elle est au Paradis. Michael m’a obligé à la conduire à Saint Mammès et à Sainte Rita, qui accueillent les âmes des animaux. Je lui rendais visite de temps en temps, mais maintenant… J’espère qu’elle s’est fait des amis. Je ne la reverrai sans doute plus jamais.

Il se tut, déprimé par l’évocation. Il avait préféré ne pas y penser mais cela le minait. Dire que tout cela s’était produit parce qu’il était venu la chercher, il avait pris des risques pour elle et… il n’avait même plus la possibilité de la voir. C’était terriblement injuste.

Sytry lui tapota gentiment l’épaule, un tantinet chagriné pour lui, malgré le fait qu’il ne comprenait toujours pas l’attachement qui liait l’ancien ange à cette limace. Cependant, il doutait que lui proposer d’en adopter une autre le consolerait – peut-être même risquait-il de mal le prendre.

Il sourit. La nouvelle de leur déchéance le satisfaisait grandement, et pas seulement parce qu’il avait réussi à corrompre un ange – ou plutôt deux, indirectement. La suite promettait d’être amusante. Sa main se posa sur l’épaule de Picarel.

– Je ne peux rien pour ton amie, mais que dirais-tu que je t’emmène – ou vous ? – visiter le reste de l’Enfer, à présent que vous en êtes des habitants permanents ?

Picarel acquiesça avec enthousiasme, reléguant sa tristesse dans un coin, tandis que Cockatiel levait les yeux avec intérêt.

— Bon, en revanche, il faudra faire gaffe à ne pas utiliser vos noms d’anges, vous pouvez les oublier, souleva le prince, songeur. En plus, vous êtes déjà relativement connus par certains, donc…

— Cela signifie que je suis condamné à m’appeler Pouik ? geignit Cockatiel, effrayé par la perspective.

Il n’oserait jamais quitter le quartier s’il devait porter continuellement un nom pareil !

Sytry le considéra avec un mélange d’amusement et de pitié. Byleth redressa la tête, et leurs yeux se croisèrent.

— Bah, cela peut s’arranger…

— Ils comprendront, confirma Sytry avec un hochement de tête. Même si c’est dommage. J’aimais bien Pouik.

— Pas moi ! Je n’aimerais pas être votre enfant !

— Je n’infligerais pas cela à mon gosse.

— Comment cela, ils comprendront ? intervint Picarel, perplexe.

Sytry haussa les épaules. Ce fut Byleth qui répondit :

— Tout le monde le plaindrait d’avoir un nom pareil et comprendrait, d’une certaine manière, si notre cher Pouik avait fini par avoir… une dépression, à cause de cela.

— Une dépression ? couina le concerné, hébété.

Mais quelle réputation allaient-ils lui refourguer, sérieusement ?

— Je suis sûr que certains doivent même être étonnés qu’il ait survécu à un nom pareil aussi longtemps. La honte, ce fléau…

— Il y a vraiment eu des démons qui sont morts à cause de leurs noms ?

Byleth agita la main pour écarter la question.

— Peu importe. L’important, c’est qu’ils compatissent et qu’ils ne chercheront donc pas plus loin. Bien, tu t’appelleras Coca, désormais. Maintenant, déguerpissez ; j’ai besoin de me remettre de cette terrible nouvelle.

Picarel allait protester mais, d’un geste silencieux, Sytry l’interrompit et l’enjoignit à le suivre. Tandis que Byleth reprenait sa sieste méditative, le front contre la table, ils se levèrent et contournèrent la table pour sortir, Cockatiel en dernier, le temps de fourrer quelques gâteaux supplémentaires dans ses poches. Ils quittèrent le manoir et admirèrent le ciel jaune ponctué de taches turquoise pendant quelques secondes.

— Bien, maintenant que la question est réglée… Où pourrions-nous aller ? réfléchit Sytry en déballant une sucette.

Ce ne fut pas Picarel mais Cockatiel qui intervint le premier, d’une petite voix suppliante :

— Il y a moyen de faire des sculptures de nuages, ici ?


Texte publié par Ploum, 15 octobre 2022 à 23h35
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