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Uriel soupira. Évidemment.

– L’Ange Shrapnel est justement là pour te protéger au cas où il y aurait à –

– Le problème n’est pas là.

Soudain, un cri strident les alerta. Leurs regards se rivèrent vers Cockatiel, qui les dévisageait avec horreur, les mains sur la bouche. Les yeux de Picarel s’agrandirent lorsqu’il les reconnut à son tour. Ils l’avaient tant traumatisé qu’il était marqué, capable de les reconnaître à travers leurs artifices. Cependant, il ne comprit pas lorsque Cockatiel lui attrapa la main pour s’élancer dans la direction opposée aux deux Archanges, pas plus que Sytry dont le regard allait et venait entre eux.

– Viiiiite ! Sytry, la sortie ! Ils sont venus pour le tuer !

– Tuer qui ? couina Picarel.

– Ils veulent vous tuer ? s’étonna le Prince démoniaque. Mais pourquoi ?

– Tu es venu tuer quelqu’un ? demanda Uriel avant de s’apercevoir que Michael s’était élancé à leur suite en beuglant aux deux anges de s’arrêter tout de suite.

Évidemment, le fait de les traiter de traîtres ne les engagea pas à ralentir, et le fait qu’un Sytry hilare se portât finalement à leur secours ne les aida pas non plus à réviser leur jugement.

Uriel soupira. Derrière lui, il sentit Shrapnel hésiter quelques secondes, déchiré entre sa loyauté envers Michael, qui courait seul au-devant du danger – des trois fuyards, parce qu’aucun démon n’était déterminé à intervenir, bien au contraire – et la tâche que ce dernier lui avait confiée, soit protéger Uriel, qui n’était pas décidé à suivre leur Prince. Son impression était bonne, car ce dernier ne comptait pas le faire. Cela n’en valait pas la peine. Michael était assez grand pour se débrouiller tout seul. À la surprise de l’ange guerrier, qui conserva malgré tout un visage imperturbable, il se dirigea vers un groupe de démons spectateurs qui observaient les sprinteurs avec intérêt. Shrapnel le suivit sans un mot et Uriel ne fit pas mine de s’y intéresser, concentré sur ses cibles.

Personne dans le groupe ne se rendit compte de leur approche. L’Archange posa sa main sur l’épaule du premier démon à sa portée. Celui-ci hoqueta et tourna brusquement la tête vers lui. Il eut un frisson devant le regard froid d’Uriel qui, pour certains, reflétait des promesses de mort et de tortures, et son attitude détachée, angoissante, qui lui donna envie de prendre ses jambes à son cou. Ses camarades furent incapables de se moquer de son léger tremblement ; ils ne se sentaient pas plus rassurés que lui devant l’étrange énergumène, bien qu’il ne leur évoquât rien.

– Qui sont les deux individus qui accompagnent le Prince Sytry ?

Inutile de les dénoncer comme des anges, cela ne devait sans doute pas se savoir. Dans le cas contraire, ils seraient morts. Cependant, passaient-ils réellement pour des démons ? Associés à qui, dans ce cas ? Il n’avait presque aucun doute qu’ils devaient leur survie à un Seigneur démon qui aurait un intérêt ou un autre à les couvrir. Était-ce réellement Sytry ? Il ne comprenait pas le bénéfice qu’il espérait en tirer, que ce fût pour les deux anges ou pour l’artéfact. Trop volage, instable et négligent pour cela.

Il dut se répéter pour enfin obtenir une réponse :

– C-ce sont P-Pika et P-Pouik, messire.

Uriel ne réagit pas au ‘messire’ ; qu’il passât pour un de leurs seigneurs inconnus – ils changeaient tellement, surtout les petits – l’indifférait. Cela l’arrangeait, même. Inutile de le démentir, donc, car ainsi, il n’aurait même pas à justifier sa conduite ou ses interrogations, ni à payer pour obtenir des réponses.

Les démons, par leur système archaïque de la loi du plus fort, se révélaient parfois des plus arrangeants.

— Pika et Pouik ? Ce sont leurs noms ?

— O-oui.

— Et à qui sont-ils affiliés ? Au Prince Sytry ? C’est étrange.

— N-non, m-messire. Au Roi Byleth, messire.

Byleth. Cela expliquait bien des choses… y compris que le duo eût réussi à donner le change jusque-là. Nul besoin de chercher longtemps quels étaient les intérêts du roi démon ; ils recevaient régulièrement des messages de sa part, sous différentes formes – lettres dégoulinantes d’amour et de repentance, cadeaux divers et fantasques, audios de concerts de trompettes absolument affreux… –, car il avait dans l’espoir qu’ils daignassent le réintégrer dans leurs rangs. Un bel effort de la part du Roi de la Flemmardise, qui mettait sa paresse de côté à ces occasions ; un bel effort qui n’avait jamais porté ses fruits, jusque-là.

Uriel doutait qu’il les portât un jour.

– Et que faisaient-ils donc avec le Prince Sytry ?

Il dut serrer sa prise sous ses doigts pour obtenir une réponse, après avoir arraché un hoquet effrayé à sa victime.

– Je ne sais pas, ils se baladent tout le temps ensemble ces derniers jours, il y a une histoire d’âme de limace et d’une Nana, peut-être sa copine, je ne sais rien de plus alors s’il vous plaît, ne me tuez pas ! geignit le démon d’une traite.

Une limace ? Nana ? Uriel tapota gentiment l’épaule du démon, qui faillit s’évanouir de peur. Les autres couinèrent en guise d’élan de solidarité, heureux que l’attention de l’être effrayant ne fût pas portée sur eux, et s’écartèrent lorsqu’ils crurent que leur camarade allait tomber.

– Merci.

Ce simple mot arracha un autre frisson au groupe. Puis Uriel s’éloigna d’un pas tranquille, suivi par son armoire à glace attitré. Le démon s’effondra alors comme un tas sans qu’aucun de ses comparses ne l’aidât. Ces derniers préférèrent suivre Uriel du regard jusqu’à le voir disparaître, et veiller à ce qu’il ne réapparût pas ensuite par surprise quelques secondes plus tard. Ils connaissaient les caprices de certains démons pour craindre qu’il se ravisât.

Uriel, lui, les avait déjà oubliés, et songeait plutôt à ce qu’il allait faire pendant que Michael continuait de s’amuser à poursuivre les deux anges sans défense. Son regard tomba sur les boutiques et il haussa les sourcils, avant de réfléchir un instant.

Après tout, pourquoi pas ? Il avait bien quelques achats à effectuer, alors que ce fût sur Terre ou ici…