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tome 1, Chapitre 38 « Une certaine compagnie (Part 1) » tome 1, Chapitre 38

Les épaules de Picarel se détendirent lorsqu’il reconnut avec soulagement la voix de Sytry. Il se retourna vers lui, tout sourire, pour se confronter à une paire d’yeux agacée. Il se raidit, tandis que Sytry lâchait son épaule. Pourquoi un tel mécontentement ? Ils n’avaient été séparés que pendant quelques minutes… enfin, le supposait-il ? Il n’avait pas eu le temps de croquer grand-chose, et sa discussion avec Scalpel n’avait pas été si longue !

— Que se passe-t-il ?

Près d’eux, Scalpel n’osa prononcer un mot ; l’aura que Sytry dégageait lui signifiait qu’il n’était pas un simple démon lambda, malgré son apparence colorée, de ses cheveux bleus à sa tenue voyante, et la fausse innocence, presque candide, que renvoyaient ses traits doux. Qu’il ferait mieux de s’écraser, même s’il n’avait aucune idée de son identité ou de son rang. Il suffisait de l’observer pour comprendre qu’il avait une certaine importance dans la hiérarchie infernale et que, de ce fait, lui était peut-être censé le connaître.

— Oh ! Tu étais inquiet ? supposa alors Picarel, ravi par la perspective.

Le démon jaugea l’ange, les yeux écarquillés. Il secoua la tête puis se départit de sa crispation pour se recomposer une moue moqueuse, plus habituelle chez lui. Picarel se demanda alors s’il avait seulement imaginé cette sorte d’anxiété dans les yeux, prenant ses rêves pour une réalité.

— Tu t’es cru où, à AmiLand ?

Sans attendre de réponse, il se mit à fixer Scalpel, les yeux plissés. Un sourire onctueux se dessina sur ses lèvres, entre lesquelles disparut une sucette rose. Il tapota l’épaule d’un Picarel dépité avant de daigner apporter une réponse à sa première interrogation :

– Je te cherchais, et voilà que je te trouve en une… certaine compagnie. J’imagine que ce doit être quelqu’un pour que tu m’aies abandonné au passage, fit-il d’un ton mielleux, faussement vexé.

Picarel fronça les sourcils. Sytry croyait-il réellement cela ? Qu’il s’était éloigné de lui pour retrouver Scalpel ?

— Qui est-ce ?

– Un… un ami. Juste un ami, répondit Picarel, gêné.

Il jeta un coup d’œil autour d’eux et fut soulagé de constater qu’aucun démon ne s’intéressait à eux. Quelques œillades, tout au plus, qui se détournaient vite. Réel désintérêt ou crainte causée par Sytry ? C’était un Prince, après tout, et Picarel en remerciait le Ciel, même si c’était sans doute plutôt inapproprié pour un ange d’être rassuré par une telle chose. En l’occurrence, cette situation l’arrangeait bien – attirer l’attention était bien la dernière chose qu’il désirait –, même s’il trouvait cela un peu dérangeant. Se ferait-il agresser, torturer et tuer sous leurs yeux qu’ils ne réagiraient même pas ?

… Question stupide ! Sans aucun doute ; il s’agissait de démons, après tout ! Peut-être même qu’ils y participeraient avec joie ! La pensée lui arracha un frisson horrifié tandis que son imagination galopante commençait à esquisser la scène dans sa tête. Il s’efforça de ne plus y penser.

Sytry acquiesça d’un léger signe de tête, comme si cette réponse lui convenait. Scalpel osa demander :

– Et… vous êtes ?

Le démon se figea avant de glousser pendant que, devant lui, Scalpel se glaçait, conscient d’avoir commis un impair. Les démons supérieurs, très orgueilleux, aimaient être connus ; l’idée qu’un démon de rang inférieur se montrât incapable de les nommer leur était insupportable, pour beaucoup. Et pouvait se payer très cher.

– Quel démon fais-tu pour ne pas connaître mon nom ? fit Sytry d’un ton pompeux.

Plusieurs paires d’yeux se concentrèrent sur eux, particulièrement attentifs cette fois.

— Tu n’appartiens pas à Byleth, pourtant.

Quelques voix étouffées, surprises par l’ignorance de Scalpel, murmurèrent autour d’eux, le renseignant sans le vouloir. Il écarquilla les yeux.

– Prince Sytry ! s’écria-t-il d’une voix étranglée.

De tout ce qu’il aurait pu croiser, il avait fallu que ce fût un Prince ! Il tourna un regard hébété vers Picarel. Comment un ange comme lui avait-il pu se retrouver en compagnie d’un être démoniaque aussi important ? Dans quelle affaire dangereuse – et probablement stupide à l’origine – Picarel s’était-il impliqué ?

– A la bonne heure. Enfin, je me sens d’humeur miséricordieuse aujourd’hui, alors je ne dirais rien quant à ce léger oubli.

Déçus de ne pas avoir davantage de distraction, les quelques démons spectateurs de la scène retournèrent à leurs occupations gastronomiques.

– C’est ton maître ? glissa Scalpel à Picarel.

Celui-ci s’étouffa tandis que Sytry se mit à rire, satisfait de la ‘boutade’.

– Bien sûr que non ! s’écria le principal concerné, effaré.

Il n’accepterait certainement pas d’être le serviteur d’un démon ! Et il n’avait pas non plus envie que Sytry le considérât comme un subalterne. Cela étant, Scalpel n’était pas supposé savoir qu’il entretenait une amitié à sens unique avec le démon en question. Il ne valait mieux pas.

– Ce n’est pas mon serviteur, mais celui de Byleth, répondit Sytry en agitant négligemment sa sucette pour appuyer ses propos.

— Oh ! J’imagine que cela tombe sous le sens, lâcha Scalpel après un instant de silence, songeur.

Picarel ne sut comment le prendre mais Sytry ne lui laissa pas le temps de s’attarder sur le sujet.

— As-tu fini avec lui ? Nous ne sommes pas venus pour une promenade de santé – ni lui pour discuter, ajouta-t-il après une œillade dégoûtée à la tunique maculée de sauce et de restes de Scalpel.

Picarel secoua la tête pour signifier que non, trop heureux de partir. Sytry était arrivé pile au bon moment, tel un chevalier servant. Pour un démon, il avait le sens du timing. Autre que pour de mauvaises choses, bien sûr.

Le regard du démon s’aventura vers le vêtement de Picarel, sali suite à l’étreinte partagée avec Scalpel. Il fronça le nez et, d’un geste, fit disparaître les taches. C’était répugnant et la tolérance du jeune prince avait des limites.

Sans attendre, il l’enjoignit à s’éloigner d’une main pressante sur son épaule et ils quittèrent un Scalpel hébété, qu’ils plantèrent sans scrupule – pour le premier, surtout. Picarel lui accorda une œillade mais l’envie, trop forte, avait déjà replongé l’ange disparu dans sa précédente activité. Quelques secondes lui avaient suffi pour qu’il écartât son ancien camarade de son esprit… Il en fut un peu blessé et préféra l’imiter pour l’heure. Il lui faudrait juste apporter la nouvelle aux autres, Cockatiel, Minitel, Falafel… Pixel. Elle serait sans doute dévastée, elle qui avait eu tant de mal à se remettre de sa disparition. Comme elle avait pleuré leurs parties perdues de jeux vidéo et de jeux de rôle ! Ils étaient alors quasi inséparables, toujours à se disputer sur l’identité du gagnant et à accuser l’autre de tricherie ! Comment avait-il pu jeter à bas une si belle amitié pour de la nourriture ? Picarel ne le comprenait pas, et il en venait presque à regretter de l’avoir croisé. Il avait l’impression d’avoir été trahi.

Amère désillusion.


Texte publié par Ploum, 12 octobre 2022 à 20h18
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