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tome 1, Chapitre 37 « Une tentation qui se tente ? (Part 2) » tome 1, Chapitre 37

– … Eh bien, j’imagine que je n’étais pas assez important pour qu’il s’embête à employer tant de moyens dans ce but ! supposa Scalpel avec un haussement d’épaules gêné. Michael m’a toujours considéré comme un incapable, il a dû m’oublier derrière…

– Mais que s’est-il passé ? Que t’ont-ils fait ? Tu as été capturé ? Torturé ? supposa Picarel, effrayé. Pourquoi ne nous as-tu jamais contactés depuis le temps ? Nous aurions pu revenir te chercher !

Scalpel rit en agitant la main.

– Oh, rien de tout cela ! J’avais juste été… retardé ? L’armée de Michael était partie et je n’avais aucune idée de la localisation de la sortie, alors je m’en suis accommodé. Il ne m’est rien arrivé de grave, je te jure ! J’ai plutôt eu de la chance, je dois dire, ajouta-t-il lorsqu’il vit la panique s’accroître dans les yeux de son ami. Et je ne vous ai jamais contactés, parce que j’ai été très occupé et, euh, comment dire… honnêtement, je crois que c’est la meilleure chose qui aurait pu m’arriver !

Picarel se figea, interloqué. Il mit de nombreuses secondes à réagir.

– Q-quoi ?!

En quoi était-ce une chance de se retrouver en Enfer, le nid de démons par excellence, seul et démuni ? Même si, jusque-là, son propre séjour n’avait pas été aussi affreux qu’il ne l’avait cru en arrivant sur les lieux. En grande partie grâce à Adamanth, Byleth et Sytry, du moins – il n’oubliait pas l’espèce de minotaure qui avait voulu le ramener chez lui pour le transformer en rôti ou en ange à la broche.

Mais de là à penser que cet abandon avait été une aubaine ?

– Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

Scalpel fit un geste large de la main pour désigner l’endroit, en particulier le déploiement de plats appétissants.

– Que c’est le paradis, ici !

– Quoi ?

– Regarde autour de toi ! J’ai toujours été un gourmand et je n’ai jamais pu trouver satisfaction au service de Michael. Celui-ci souhaite que nous ne nous consacrions qu’à notre devoir et veut nous mettre à la diète ! J’imagine qu’il n’a pas changé d’idée, depuis ?

– Euuh, non mais… A la diète, quand même pas, plutôt à la modération –

– Alors qu’ici, je peux enfin être moi-même ! Je peux manger comme je veux, ce que je veux, et personne ne me dit rien, bien au contraire ! N’est-ce pas merveilleux ?

Picarel avouait en lui-même que cela sonnait bien, pire même, qu’il s’y verrait bien lui aussi, mais les restes coupables du papillon au sol suffisaient à instiller un goût amer dans sa cavité buccale. Au contraire, il ne s’était pas trouvé, il s’était perdu ! Heureusement que Scalpel était apparu pour l’en extirper ! Sans doute le seul acte angélique qu’il avait effectué depuis des lustres… au nom de leur ancienne amitié ou d’un reste d’intégrité en lui ? Il ne saurait le déterminer.

Quoi qu’il en fût, mieux valait rester sur l’effroi.

– Tu as complètement cédé à la tentation ! couina-t-il, effaré.

Était-il devenu un démon, à s’être ainsi enlisé dans la gourmandise et le péché ? Ou un ange déchu perdu entre les deux ? Scalpel n’avait jamais été un modèle de sainteté mais comme l’essentiel des anges, une telle chose lui paraissait effrayante voire impensable.

Scalpel haussa les épaules avec indolence.

– Oui, on peut dire cela. Et je ne le regrette pas le moins du monde. Ma place est ici, désormais. Et puis, n’as-tu pas fait la même chose avec ce papillon ? Peux-tu prétendre qu’il était mauvais et que tu as regretté de mordre dedans ?

Picarel se glaça et il recula d’un pas, comme frappé par ces paroles. Il aurait aimé réfuter mais aucun son ne sortit de ses lèvres. Il en était incapable, ce serait mentir. Il avait adoré cette bouchée, il avait – Mais au fait, il avait déjà mangé de la nourriture infernale ! Avec Sytry ! Pourquoi en faisait-il un tel cirque désormais ? Et où était Sytry, d’ailleurs ?

Incertain et gêné, il préféra détourner le sujet sur ce qui le troublait vraiment dans cette forme de trahison de la part de l’ancien ange.

— Mais – et tes amis ? Pixel, Crécerel, Falafel ?

Avait-il oublié leurs concours où ils se vantaient de qualités parfois inexistantes comme Crécerel, qui prétendait avoir une voix de diva alors qu’elle tenait plutôt de la casserole, ou Falafel, qui se rengorgeait d’être un cordon bleu alors que tout ce qu’il cuisait finissait carbonisé ? Ceux où ils aimaient tous se moquer les uns des autres en se vexant des retours qu’ils recevaient ? Et ses innombrables parties de jeux vidéo avec Pixel, ponctuées çà et là de prises de bec et de bouderies interminables ?

— Ils ne comptent plus, pour toi ? geignit Picarel d’une voix lamentable, presque douloureuse.

Scalpel vacilla et, pendant un court instant, il parut hésiter. Il détourna le regard, comme honteux.

— Ils m’ont oublié, depuis le temps, rétorqua-t-il, brandissant cette affirmation comme une excuse.

— Bien sûr que non, c’est faux ! s’exclama Picarel en lui prenant les mains, décidé à le rassurer. Bien sûr qu’ils pensent à toi de temps en temps ! Ils –

— Et toi, alors, que fais-tu donc ici ? le coupa Scalpel pour mettre un terme au sujet. Je ne me rappelle pas avoir entendu parler de l’intrusion de l’armée angélique en Enfer ou de la lancée d’une énième guerre avec le Paradis. Tu as été engagé pour une opération spéciale ? Une infiltration ?

En prononçant ces mots, Scalpel trahit tout son scepticisme. Picarel ne s’en rendit pas compte, car la remarque l’avait, une fois de plus, immergé de force dans ses pensées. Ciel, il avait encore oublié Nana ! Il recula, les yeux hagards, coupables. A quoi pensait-il donc encore ? Son temps était limité, et lui… ! Et Sytry ! Il lui fallait retrouver Sytry !

— Picarel ? Ça va ? s’inquiéta Scalpel devant son attitude si soudaine.

— Je… je…

Il ne pouvait plus perdre son temps ainsi, c’était une question de vie ou de mort. Enfin, de mort tout court, mais il se comprenait.

— Il faut que j’y aille ! s’écria-t-il avec brusquerie, une fois qu’il se fût ressaisi. Désolé !

Il se détourna pour partir mais une main se posa brusquement sur son épaule et la serra, le bloquant dans son mouvement. Il faillit hurler. Quel idiot ! A force de papoter allègrement et sans retenue, quelqu’un avait dû les entendre ! Ou une de ces mouches, ces satanées mouches… Ou même Scalpel ! Peut-être s’était-il seulement efforcé de le retenir pour le vendre à son maître ? Le traître !

Et voilà, c’en était fini de lui, il allait être arrêté, il allait mourir cuisiné en rôti ou à la broche et Sytry n’était même pas là pour le sauver !

– Je te mets enfin la main dessus, Pika !


Texte publié par Ploum, 12 octobre 2022 à 15h31
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