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tome 1, Chapitre 2 « L'Enfant du Miroir » tome 1, Chapitre 2

Au cours du repas, pas un mot ne fut échangé, sinon des banalités ; quant à l’étranger, jamais il ne fut évoqué. Après un dessert expédié, il demanda la permission de monter dans sa chambre et se coucher. Son père approuva, sa mère acquiesça et il en fut ainsi fait. Aussitôt, il s’enferma et tendit l’oreille. D’en bas lui parvinrent les murmures d’une conversation à bâtons rompus. Soulagé, il se dirigea vers le miroir et chuchota :

— Enfant ! Enfant ! Enfant des miroirs ! Viens à moi, car j’ai besoin de toi !

Un instant son reflet se troubla et un enfant, aussi semblable que lui, apparut dans le miroir.

— Je t’entends ! Que veux-tu de moi ?

— Enfant des miroirs ! Le diable s’en est venu et il a promis grandeur et fortune à mes parents en échange de mon âme. Il doit revenir dans trois jours. Que puis-je faire d’ici là ?

En face, son double fronça les sourcils, puis lui répondit ceci :

— Reviens me voir demain soir, je te dirai quoi faire. D’ici là, agis comme si tu ne savais pas.

Dans la psyché, l’enfant avait disparu et le garçon était parti se coucher. Le lendemain, tout se passa comme si de rien n’avait été. Ainsi, le soir, dans le secret de sa chambre, le garçon se plaça son miroir et appela :

— Enfant ! Enfant ! Enfant des miroirs ! Viens à moi, car j’ai besoin de toi !

— Je t’entends ! Maintenant, écoute-moi attentivement. Je vais échanger ton cœur, réceptacle de ton âme contre celui-là. Il brille, mais tout ce qui brille n’est pas d’or et lorsque le diable s’en apercevra il te le rendra et s’en ira. Cependant, il te faudra ensuite me vaincre pour recouvrer ton âme. Es-tu prêt à l’accepter ? murmura l’enfant.

— Je le suis enfant des miroirs et, même, si je devrai m’élever contre toi pour te réclamer mon âme, alors c’est un juste prix en regard de ce qui m’attend, lui affirma le garçon.

— Qu’il en soit ainsi ! jeta l’enfant, un cœur aux éclats mordorés dans la main. Approche-toi et surtout ne crie pas lorsque tu sentiras le froid ; je suis Tunglbarn, l’enfant lune..

En face, le garçon approuva et, les dents serrées, il colla sa poitrine contre la surface glacée. Il faillit hurler lorsque les doigts de son reflet pénétrèrent sa chair. Mais il tint bon et aucun son ne sortit de sa bouche.

— Voilà, tu peux te retirer. Demain, feins une forte fièvre et reste au lit. Le diable viendra et tu verras.

Le garçon le remercia et l’enfant s’en alla. Aussitôt dans son lit, la lampe éteinte, il s’endormit. Au petit jour, ainsi que l’enfant lui avait prescrit, il fegnit une fièvre soudaine et garda le lit jusqu’à ce que l’on vint sonner à la porte ; ce ne pouvait être que l’étranger. Sûr que personne ne l’entendait, il se leva et se dirigea vers le centre de sa chambre ; là où il pouvait tout entendre. Les planches ôtées, il colla l’oreille au plancher et écouta avec attention.

— Non ! Vraiment ! Vous me voyez navré de ne pouvoir vous exaucer. Tout ce qui brille n’est pas d’or. De même que vous. Vous étincelez bien sûr, mais vos éclats ne sont que vulgaires, comme le cœur de votre fils. Pensiez-vous me tromper avec une ruse aussi grossière ?

— Mais enfin…

— Non ! Non ! Non ! Je suis honnête marchand. Vous ne l’êtes pas. Il serait alors de juste que je me retire, n’est-ce pas ?

— …

— Non ! Non ! N’ajoutez rien. Je sais aussi me montrer magnanime et je me contenterai de son ombre ; ce n’est pas bien cher payé, une ombre. En plus, c’est une chose si vulgaire, si insignifiante, si… inutile ; tout juste bonne à amuser les ingénus et les incrédules.

— Son ombre ?

— Mais oui. Oh bien entendu, je ne saurai vous octroyer la même chose ; une ombre est de moindre valeur, tout de même. Toutefois, je doute que cela ne vous satisfasse point. Approchez ! Approchez-vous donc que je vous en confie la teneur.

— Mais…

— Hé oui ! Si peu, c’en est même insignifiant. Enfin, ne vous l’avais-je pas promis. Maintenant, si vous me le permettez, sur ces mots, que je me retire et vous dise à dans trois jours, mon cher.

L’étranger partit, le garçon reprit le lit et attendit, la gouvernante ne tarderait plus. En effet, quelques minutes plus tard, quelqu’un frappait à la porte et une femme en robe noire et tablier blanc entrait dans la chambre, un plateau entre les mains. Il la remercia et dès qu’elle fut sortie, il se précipita sur la porte et tourna la clé dans la serrure. Assuré qu’elle redescendait, il s’assit devant le miroir.

— Enfant ! Enfant ! Enfant des miroirs ! Viens à moi, car j’ai besoin de toi !

— Je t’entends ! Que veux-tu de moi ?

— Enfant des miroirs, le diable s’en est revenu et il a découvert la supercherie. Maintenant, il promet fortune et gloire à mes parents en échange de mon ombre.

— Reviens-t’en me voir demain soir, je te dirai quoi faire. D’ici là, agis comme si de rien n’était.

Le garçon le remercia et acheva son repas. Puis il rouvrit la porte et partit se coucher. Le lendemain, il se prétendit guéri et la journée passa. Le soir, après le dîner, alors qu’il prétextait le sommeil, enfermé dans sa chambre, il s’en retourna auprès du miroir.

— Enfant ! Enfant ! Enfant des miroirs ! Viens à moi, car j’ai besoin de toi !

— Je t’entends ! À présent, écoute-moi attentivement. J’ai taillé une ombre dans ce tissu d’étoile, car tout ce qui brille n’est pas d’argent. Je vais l’échanger contre la tienne ; le diable s’en apercevra et s’en ira. Cependant que je posséderai ton ombre, je deviendrai encore un peu plus toi et tu oublieras. Es-tu prêt à accepter cela ?

— Je le suis, enfant des miroirs, et même si je me perds dans un au-delà, c’est un prix dérisoire en regard de ce qui m’attend.

— Alors, approche-toi et surtout ne crie pas lorsque tu sentiras la morsure du froid ; je suis Stjörnbarn, l’enfant étoile..

Le garçon obéit et se plaqua contre le miroir. Il ne cria pas, non plus qu’il ne hurla lorsque les grands ciseaux d’argent découpèrent son ombre belle et que l’aiguille et le fil cousirent à lui son ombre vilaine.

— J’ai fini ! Tu peux te retirer. Demain, prétexte une fièvre maligne et garde le lit. Le soir, le diable s’en viendra et tu verras.

Le garçon le remercia et prit le lit, non sans contempler son ombre qui désormais brillait dans la nuit. Le lendemain, ainsi que l’enfant lui avait recommandé, il demeura couché, non sans satisfaction, car il sentait épuisé et lourd ; il refusa même le dîner lorsque la gouvernante vient le lui apporter.


Texte publié par Diogene, 25 janvier 2020 à 22h21
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