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tome 1, Chapitre 1 « Un Étrange Étranger » tome 1, Chapitre 1

Un jour qu’il était chez lui, occupé à jouer dans le salon, un étranger se présenta à la porte de la maison. Il en fut étonné, ses parents certainement, car il n’avait aucun souvenir que quiconque fut attendu ce soir-là. Hélas, à son grand désarroi, l’on le priera obligeamment, mais non moins fermement de bien vouloir quitter les lieux et monter dans sa chambre, car ils devaient avoir une discussion de grandes personnes. Cependant qu’il ramassait ses jouets, il surprit l’expression furieuse de sa mère, dont les doigts se tordaient de manière grotesque. Toutefois, il ne s’attarda pas et s’éclipsa à l’instant même où l’étranger pénétrait dans la pièce. De lui, il n’avait rien vu, mais le frisson qu’il avait ressenti lorsqu’il avait franchi le seuil de la maison était bien réel. Dès qu’il fut dans sa chambre, il déposa ses affaires dans un coin et ferma sa porte à double tour, non sans prendre la précaution de bloquer l’œilleton. Ainsi, personne ne serait tenté de surprendre ses secrets. Par chance, sa chambre était située au-dessus du salon et il avait découvert que certaines lames du parquet s’étaient désolidarisées, de telle manière qu’il était en mesure d’entendre toutes les conversations. De plus, à l’aide d’un tube et d’un jeu de miroirs, qu’il glissait au milieu du lustre, il pouvait regarder la scène sans être surpris. D’en dessous ne lui parvenaient seulement que des murmures étouffés. Avec précaution, il souleva deux planches et tendit l’oreille.

Agréable à l’écoute la voix de l’étranger était semblable à un chant d’oiseaux ou encore au murmure d’un ruisseau. Pourtant ses paroles contrastaient avec la candeur de son ton. Cependant personne ne protestait ; son père marmonnait des borborygmes incompréhensibles et sa mère groumait dans son coin. Inquiet, il n’osa pas introduire son jeu d’espion et se contenta d’épier la conversation.

— Hum, vous me semblez avoir largement profité de mes largesses, ronronnait l’étranger. Cependant, et si vous me le permettez, tout cela est encore fort modeste en regard de ce que je pourrais encore vous offrir.

— Modeste ! s’étrangla son père.

— Allons ! Ne montez pas ainsi sur vos grands chevaux ! Ce n’est qu’une simple observation de ma part, rien de plus. De plus, pourquoi tenter ainsi, par une pitoyable démonstration d’autorité, de dissimuler vos véritables aspirations ? Vous êtes un livre ouvert dans lequel j’ai un plaisir ineffable à me plonger : vos angoisses, vos joies, vos colères, vos terreurs, vos envies… Toutefois, ne croyez pas que cette fois, je vous exaucerai pour rien. Toute chose à son prix et ce que je vous propose a le sien.

— Mais…

Dans sa chambre, bien qu’il n’observât pas ce qui se déroulait en bas, il imaginait fort bien la scène.

— Vous savez, ce que vous possédez actuellement n’est rien en comparaison de ce que je m’apprête à vous présenter ; rien du tout. Vous croyez posséder un titre ! Peuh ! Ce n’est qu’apparence, de l’esbroufe ! Vous ne trompez que vous-même, vous et votre femme. Mais tout cela m’importe peu, puisque vous me donnerez ce que j’exige en échange de ce bien si précieux, que je tiens au creux de ma paume.

— …

— Vous me le donnerez, car c’est une chose qui n’existe pas à vos yeux ; trop subtile, trop philosophique, trop imaginative ; une fiction.

Les instants, ponctués de silence, devenaient de plus en plus lourds.

— Vous troublerai-je avec mon discours, cher ami ? Non ! Bien sûr que non ! En fait, vous brûlez de curiosité ! Que puis-je détenir de si précieux qui tienne dans la paume d’une main ? Approchez-vous donc ! Il n’y a pas de secret que je ne puisse vous révéler.

— Est-ce possible ! s’exclama soudain son père.

— Pourquoi mentirai-je ? Je suis en affaires avec vous et je n’obtiendrai rien si je me montrais malhonnête.

De l’autre côté du plafond, le garçon crut un instant que l’étranger allait poursuivre. Mais non, il s’était tu, savourant le désarroi provoqué par son silence soudain.

— Bien sûr, bien sûr, marmonnait son père, perdu dans ses propres considérations. Et que me demanderez-vous en échange ?

Bien que de l’autre côté de la hauteur, le garçon devinait le sourire qui illuminait la face de l’étranger.

— Permettez ! s’exclama-t-il brusquement, suivi du bruit d’un glaçon balancé dans un verre et de’une liqueur qui s’écoule de son flacon.

— Une âme, très cher… voilà ce que j’exigerai de vous. Seulement, une âme, cette chose imaginaire que les anciennes civilisations, pétries de superstitions, situaient dans le cœur.

— À vous entendre, je pourrais croire que vous êtes le diable, murmura son père.

— Le diable ! s’esclaffa l’étranger. Vous me flattez, mais je n’ai pas cet honneur. De toute façon, ni la vôtre ni celle de votre femme ne m’intéressent, je les possède déjà.

À son tour, son père éclata de rire :

— Mais si elles vous appartiennent comme vous l’entendez. Laquelle exigerez-vous, puisque vous ne pouvez vous détroussez vous-même.

— En effet, en effet, ce serait absurde. Aussi, vous réclamerai-je celle de votre fils. Toutefois, comme tout bon marchand qui se respecte, je vous octroie un délai de réflexion. Disons… trois jours. Après quoi, je reviendrai et vous me ferez part de vos désirs. Il va de soi que si vous refusez mon offre, je reprendrai tout.

Sur ces mots, l’étranger les salua et sortit, ne laissant à personne le temps de lui répondre. Dans sa chambre, le garçon avait replacé les lames de bois à leur place et s’installa au milieu de ses jouets jusqu’à ce qu’on l’appela pour le dîner.


Texte publié par Diogene, 19 janvier 2020 à 10h46
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