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La marquise d'Orgeval hurlait de fureur !

A la soirée chez le Comte d'Hanville, elle avait vu ce dernier minauder avec la baronne, lui murmurer des douceurs dans le cou, fureter dans son large décolleté, peu avare de ses baisers ! et elle avait quitté son poste d'observation quand elle avait découvert, outrée, qu'il commençait à s'égarer dans ses jupons !

Malédiction ! Peste soit de cette dépravée de baronne ! Et que le comte soit maudit sur dix générations !

La marquise ne décolérait pas. Le comte lui avait envoyé tant de billets tendres, lui avait déclaré sa flamme avec tant de vigueur, ils avaient été si heureux ! Comment avait-il pu la trahir ainsi ?

Elle était folle de jalousie et ne rêvait que de vengeance ! Elle lui règlerait prestement son compte à ce fourbe d'Hanville !

Ses yeux d'eau limpide prenaient des couleurs d'étangs morbides, ses jolis traits se durcissaient, ses belles mains blanches aux ongles fins semblaient se racornir comme celles d'une sorcière et sa voix avait des intonations d'outre-tombe qui faisait frémir les valets et les domestiques.

- " Qu'on me laisse seule ! Je ne veux pas être dérangée ! "

Il lui fallait échafauder un plan. Et une idée diabolique s'organisa dans ce cerveau machiavélique et elle prit la forme d'une simple galette ...

En ce début d'année, elle décida qu'une galette serait l'instrument de mort idéal qui, par un malencontreux hasard, ôterait la vie à cet être indigne et odieux, qu'est le comte d'Hanville.

Elle passa plusieurs jours à tout manigancer et lança ses invitations pour la semaine suivante.

Le jour dit, tous les invités étaient au rendez-vous.

La belle demeure de la marquise rayonnait de lumières joyeuses, résonnait de musiques langoureuses, le salon était paré de mille décorations, rubans, fleurs, angelots. On servit du thé dans de magnifiques services en porcelaine fine et aussi du café, puis sur la table, au centre de la pièce, furent apportées huit belles galettes ...

Les huit napperons aux coloris exquis apportaient une note de couleur raffinée et surtout un repère infaillible à la marquise.

Celle-ci, très enjouée, proposa que l'on suive la tradition et quand les premières galettes furent servies, elle s'approcha du napperon jaune et pria, quel hasard, la jeune baronne de se prêter au jeu ... Eugénie d'Orgeval jubilait intérieurement que la petite baronne devienne la voix du destin qui enverrait son comte chéri, plus en enfer qu'au paradis !

A la question :

' "Pour qui ? "

de dessous la table la baronne répondit. Evidemment, il ne restait que six convives qui furent appelés les uns après les autres.

Sa pelle à gâteau dans une main, un sourire mêlé d'amertume au coin des lèvres, la marquise jouait son rôle à merveille et contrôlait la situation avec un sang-froid redoutable.

- " Pour qui ?" dit-elle, sournoise. Cette fois, la baronne innocente prononça d'une voix sucrée, le nom de son amant, le comte d'Hanville et l'habile marquise, grâce au petit repère qu'elle avait fait sur le napperon, choisit d'une main qui ne trembla pas, la part fatale qui aurait raison du comte et laverait l'affront qu'elle avait subi. Elle fit glisser le morceau de galette dans une petite assiette et la tendit au pauvre condamné.

Qui pourrait l'accuser d'avoir manipulé ce jeu bien innocent autour d'une galette ?

Se servant la dernière et sûre de son affaire, elle observa du coin de l'oeil la mâchoire gourmande du comte qui mordait dans la pâte feuilletée ignorant tout du stratagème mortel. Quant à la marquise, elle grignotait sans appétit, priant tous les démons des enfers que rien ne vienne contrecarrer son ignoble ruse.

Le comte savourait et mangeait de bon coeur la bonne galette au beurre, sa baronne l'avait rejoint. Quand finirait donc cette scène exaspérante ?

Mais voici qu'une lueur victorieuse éclaira la figure mauvaise de la marquise : le comte toussait, lâchait son assiette qui se brisa au sol, il s'appuyait au bras de sa maîtresse, desserrait le col de son habit. La marquise faisait mine de ne rien voir encore. Le malheureux cherchait sa respiration, se tordait de douleur. Qui pouvait deviner que déjà, le poison faisait effet ?

Dans le dos, on le frappa vigoureusement :

- "Il a dû avaler la fève !" s'exclama la baronne dans tous ses états.

- " Il faut le faire boire ! " recommandait-on , ici.

- "Surtout pas ! " criait-on, là.

Finalement le comte dans un accès de toux, recracha miettes et frangipane puis la fève, petit Jésus emmailloté qui roula sur le parquet.

Alors, prenant judicieusement part à l'émoi, pour la première fois et faisant ainsi diversion, la marquise s'élança, pleine de prévenance en invitant l'assemblée à rapprocher le fauteuil, à accompagner le pauvre comte, à l'asseoir, à ouvrir la fenêtre et tout cela fut fait sans qu'on puisse remarquer, comme vivement elle ramassait la fève criminelle pour la dissimuler dans ses dentelles !

- "...ça y est ! " pensa-t-elle, la partie est jouée et je l'ai gagnée ! "

En effet, gisant sur le fauteuil, le comte blanc comme un mort semblait sans défense contre le mal qui opérait. Petit à petit, son souffle s'est éteint et le médecin que l'on avait fait quérir arriva bien trop tard et ne put que constater le décès.

Il ne restera dans l'histoire que cette fin tragique, d'une fête de la galette où le comte d'Hanville, victime d'un étouffement , ne put être sauvé. Une bien triste fin, un hasard stupide et cruel qui fit du comte un cadavre froid alors qu'il aurait pu devenir un roi !


Texte publié par Lisa D., 9 janvier 2020 à 18h04
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