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La nuit n’existait pas à New York. En tous cas pas comme on l’entendait généralement, c’est-à-dire le moment où l’on dort.

Bob un taxi de nuit le savait bien. Sur Broadway l’avenue des spectacles l’obscurité elle-même ne parvenait pas à se faire entendre face à toutes ces lumières. Seule la circulation un peu moins dense était signe de changement.

Bob en venait même à trouver la journée plus tranquille. Au moins les gens étaient au travail, et par conséquent il pouvait dormir dans son taudis mal insonorisé. Sur un trottoir une femme marchait ou plutôt tanguait. Son bras levé signalait le besoin d’un taxi.

Le chauffeur soupira en voyant cette femme dont l’alcool émergeait de chaque parcelle de son corps. Prohibition tu parles ! Ne pouvant se permettre de refuser une course il se rangea.

« Vous avez de quoi payer ? » Demanda-t-il en ignorant quelle réponse était préférable.

Elle s’appuya ou plutôt s’accrocha à la fenêtre, puis émit un petit ricanement.

« Et comment ! » Dit-elle en agitant quelques billets avant d’en jeter un sur le siège avant. « T’auras même droit à un beau pourboire. »

Son instinct lui disait, qu’elle ne causerait pas trop de problème. Bob lui dit donc de monter. Eva donna son adresse, et s’installa sur la banquette arrière satisfaite de sa longue soirée. Elle n’aurait même pas de regret les jours suivant. A présent elle pouvait voir venir. Certes Eva entamait sa réserve consacrée à sa future voiture. Mais ce n’était pas si grave. Il s’agissait d’un luxe pas comme la nourriture par exemple.

Son rire hystérique revint. Bob connaissait la suite, elle allait lui raconter sa vie ou lui faire un long discourt philosophique sur le fonctionnement du monde.

Il préféra prendre les devant.

« Une grosse nuit hein ? »

En orientant la conversation ainsi, il aurait éventuellement quelques anecdotes rigolotes.

« Oh oui je me suis amusée pour deux. » Répondit-elle en se marrant de plus belle.

Il fallait bien que quelqu’un réagisse à sa blague. Et Eva était une des deux seules personnes à être capable la comprendre. L’autre était Benny.

Son arrogance avait finit par lui jouer un sale tour. Un mois s’était écoulé depuis le fameux appel téléphonique de Hell’s Kitchen. Un mois durant lequel Benny n’avait plus donné de signe de vie à part un « je suis occupé. »

Eva aurait préféré un « je suis lassé. ». Ca aurait été plus sincère. Enfin ce n’était pas dramatique non plus. Puis soudain Benny proposa une soirée dans un grand restaurant. Il croyait vraiment pouvoir la traiter de cette façon !

Heureusement pour lui Eva n’était en rien une de ces terribles femmes fatales. Aucun empoisonnement n’était à attendre de sa part. Elle se contenta de s’éclipser au début du repas sous le prétexte d’un besoin naturel à satisfaire.

Cette vengeance ne volait tout de même pas bien haut. C’est justement la raison pour laquelle Eva insatisfaite décida de s’offrir cette nuit blanche. Elle était capable de s’amuser sans ce salaud !

Voilà sur quoi reposait la blague.

**********************

Eva qui croyait sans tirer sans conséquence, eut droit à une leçon en ce samedi matin. Comment avait-elle pu négliger la bonne vieille gueule de bois ?

Au mal de crâne vint s’ajouter l’envie d’un bon café. Eva se résigna donc une fois de plus à ouvrir les yeux et à se lever. A cet instant précis le cauchemar commença. Eva ne se trouvait pas chez elle. Visiblement il s’agissait d’une chambre d’hôtel. D’abord la stupeur monta en elle, rapidement suivi par la colère.

Comment ? Qui ? Le chauffeur de taxi ! Ça ne pouvait être que lui. Il avait profité de son ivresse et abusé d’elle avant de l’abandonner dans cette chambre.

Eva était parfois égoïste, mais pas particulièrement cruelle ou violente. Sauf que là on l’avait violé. Elle songea immédiatement à envoyer Benny sur les traces de ce salaud. Ça faisait partie de ses engagements. Et se faire fausser compagnie n’était pas une raison pour se désister.

A quoi ressemblait-il déjà ?

Eva s’assit sur le lit, fit abstraction de ses maux de tête, et se concentra. Des images de la nuit précédente apparurent. Elle descendait du taxi, payait le chauffeur, montait dans son appartement, et sursautait. Tiroirs, et penderie ouverts, lit retourné, on l’avait cambriolé.

Remettre de l’ordre, appeler la police...ces réactions normales Eva avec son esprit embrumé, n’était pas en état de les appliquer. A la place elle avait quitté cet endroit souillé, et errée au hasard des rues jusqu’à se dégotter ce petit hôtel.

Deux soupirs se succédèrent un de soulagement, et un autre d’agacement. Ne pas avoir été abusée sexuellement était plus que satisfaisant. D’un autre coté pas mal de tracasseries l’attendaient

Pour commencer il y avait la note d’hôtel à régler. Combien lui restait-elle ? Eva ouvrit son sac. Des nouvelles surprises l’y attendaient : la liasse complète de billets fournie par Benny, et son bracelet en argent.

Qu’est-ce qu’ils faisaient là ? Ne considérant plus son logement comme un endroit sûr, elle avait dû les emmener au passage. Dans ce cas pourquoi le voleur ne les avait-il pas prit auparavant ? Les billets étaient cachés sous le sommier renversé. Quant au bracelet il se trouvait dans la commode dont le tiroir avait été ouvert.

Cet instant précis fut comme une sorte de déclencheur, d’ouverture des vannes, d’illumination. Une avalanche de questions et de réponses suivirent.

Quelle était les motivations du cambrioleur ? Si ce n’était pas l’appât du gain, il ne restait que l’occupante des lieux.

Qui Eva modeste employée sans histoire pouvait-elle bien intéresser ? A vrai dire il y en avait eu une histoire illégale récemment. D’ailleurs cette intrusion s’était produite peu de temps après, plus précisément pendant sa sortie avec Benny.

Une coïncidence ? Certainement pas.

Benny était-il derrière ce cambriolage ? Il connaissait l’adresse, et avait une raison d’en vouloir à Eva.

Pourquoi n’avait-il pas simplement attendu son retour ? Manque de patience.

Pourquoi ne lui avait-il pas laissé un message un peu plus clair que cette fouille ? Manque de créativité.

Cette dernière réponse ne fonctionnait pas. Car Benny savait être imaginatif. Eva le savait très bien.

En revanche une chose demeure certaine. On la visait elle. Et c’était lié à cette affaire de Hell’s Kitchen. Une affaire importante puisque des riches étaient concernés du fait de la présence de la maison bourgeoise.

Eva ne voulait pas de tout çà. Sa vie, ses plaisirs, voilà ce qui comptait et rien d’autre. La solution était toute trouvée : la fuite.


Texte publié par Jules Famas, 30 janvier 2020 à 07h32
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