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tome 1, Chapitre 7 « Mala » tome 1, Chapitre 7

Une impression d’immensité l’écrasait à chaque souffle qu’elle prenait dans cette ville. Après leur marche de deux bonnes semaines, les Enfants de Gaïa étaient eux aussi arrivés à Urbaïs, au milieu de cette forêt de pierre et de verre. Mala ne comprit pas l'engouement qui se développait autour d'eux mais, obéissant à sa déesse, elle salua la foule avec une légère réserve.

Beaucoup de gens. De bruits assourdissants. D’odeurs : des parfums épicés, sucrés, ou nauséabonds. Les pavés qui s’incrustaient dans leurs pieds nus. Et cette nature domestiquée, qui ne subsistait que dans les pots où les hommes avaient bien voulu la faire pousser. La découverte de cette nature sous contrôle la frappa plus que le reste. Elle avait appris à vivre au milieu des arbres et des plantes, et devait négocier chaque jour son existence au milieu de la nature. Ici, on pouvait l’assujettir sans que cela ne pose de difficulté. Son regard tomba sur un chien, tenu en laisse par une gamine dont les habits richement décorés ne laissaient aucun doute sur le statut social de ses parents. Mala fronça les sourcils.

Elle s’était attendue à ce que tout soit différent : les nombreux récits qu’en faisaient les siens l’avaient maintes fois alertée. Pour autant, elle ne s’était pas attendue à pénétrer dans un autre monde.

Mala ne pouvait pas rester longtemps dans la chambre qu’on lui avait attribuée : trop petite, trop fermée, trop solitaire. Elle avait essayé de méditer mais, comme à chaque fois depuis leur départ d’Adeyabo, depuis que sa mère s’était confiée, une seule chose lui revenait en tête. L’image de cet homme, dans les souvenirs d’Ossia, la hantait. Elle devait retrouver son identité.

Avec difficulté, Mala troqua son pagne contre une chemise croisée et une large jupe de combat. Impossible d’enfiler le pantalon : le tissu frottant contre l’intérieur de ses cuisses l’en avait dissuadée. Mala ne supportait la sensation des vêtements contre sa peau que parce qu’ils constituaient une barrière non négligeable contre le froid qui régnait ici. Les bottines fournies dans la malle à habits étaient aussi une obligation. Zalin, Donneur de Gaïa, avait été bien clair sur le sujet.

Mala descendit les escaliers en se tenant à la rambarde. Ses pieds enfermés étaient gourds et il fallait les empêcher de se prendre dans le tapis. Une fois arrivée au rez-de-chaussée, Baako et d’autres de leurs amis l’attendaient. Mala ne les reconnut pas de suite. Leurs silhouettes revêtues d’ocre et de blanc lui parurent étranges, mais la familiarité revint dès qu’un sourire para leurs traits.

— T’es la dernière, soupira Baako.

La langue commune, qu’on les obligeait à parler à la place de leur idiome natal, sonnait étrange dans la bouche de son ami.

— C’est pas facile à mettre, se justifia-t-elle en tirant sur sa chemise.

— T’aurais pu te presser, râla Yago, j’ai faim. J’ai vu des tonnes de nourriture là, dans une rue, tout à l’heure quand on passait. Et puis…

Adija frappa son jima à l’épaule.

— Arrête de laisser ton estomac parler à la place de ton cerveau.

Ils passèrent la porte d’entrée de leur bâtiment sous le regard des gardes, silencieux dans leur parure dorée. Zalin leur avait dit qu’ils avaient le droit de sortir tous les jours en attendant les candidats thaelins et mushadins. Les Orgoïs étaient arrivés quelques jours avant eux et résidaient dans l’édifice voisin. Ils en croisèrent quelques-uns en descendant vers le centre-ville, reconnaissable à leurs longues tresses et leur teint mat.. En passant près d’eux, le groupe de Mala s’attira leurs regards noirs, coincés sur leurs mines déjà méfiantes.

— Ils ont les mêmes tenues que nous, chuchota Adija en les désignant du menton.

— Peut-être, mais j’ai pas envie d’aller leur faire la causette, lâcha Yago.

Ils continuèrent leur chemin avec plus de lenteur que d’habitude. Mala devina que comme elle, ses amis n’étaient pas habitués au poids de leurs chaussures.

Dès qu’ils rejoignirent une rue plus desservie, elle eut le vertige. Il y avait énormément de monde. Les éclats de voix agressèrent ses tympans. L’air se chargeait de parfums capiteux et de mille odeurs provenant des différents étals de nourriture. Elle réussit à distinguer du pain ou de la brioche, mais beaucoup d’autres lui étaient inconnues. Immobile dans la rue, elle hésita à se plonger dans cette marée humaine de couleurs et de bruits. Un gamin la bouscula en courant et ne prit pas la peine de s’excuser. Chez elle, à Adeyabo, elle n’aurait pas eu besoin de le reprendre : une foule de personnes l’auraient déjà fait avant qu’elle n’ouvre la bouche. Ici, hormis Yago qui lança une remontrance outrée, personne ne s’en souciait.

Baako attendit patiemment qu’elle se remette de ses émotions. Elle inspira un grand coup et se lança. Une imperfection dans le pavé la fit chavirer, mais elle parvint à garder in extremis son équilibre. Au fur et à mesure qu’elle avançait, cela devenait moins compliqué d’évoluer entre les gens, de composer avec ses bottines et de regarder les alentours. Elle savait qu’Urbaïs fonctionnait pas comme chez elle, mais elle ressentait une pointe de surprise à chaque découverte : la monnaie qu’une dame échangeait contre un morceau de pain, le tissu brillant et coloré que tirait un marchand pour le montrer à son client, les poteries ouvragées que protégeait une commerçante en houspillant des gamins à aller jouer plus loin avec leurs cerceaux…

Elle se mit à essayer de décrypter les devantures des échoppes, dans cette langue dure de l’empire qu’elle avait apprise depuis toute petite, loin des tonalités chantantes des dialectes alayis.

Chez le sorcier. Ce dernier mot, “sorcier”, était écrit de sorte à être prononcé dans le dialecte d’Adeyabo.

On tenait la petite boutique au fond d’une grande rue bien fréquentée, pas très loin de l’Amphithéâtre où tous les divertissements possibles sont offerts par l’empereur.

Mala ouvrit la bouche pour interpeller ses camarades, mais tous les trois étaient hors de vue parmi la foule dense. Elle soupira, puis leva les yeux. L’échoppe était plutôt grande et sa devanture était faite d’un bois précieux qui lui était familier. Elle s’avança et y posa les deux paumes, puis chuchota une prière pour cet être qui avait dû être majestueux.

— Tous les Alayis ont besoin de venir se ressourcer ici.

Elle ouvrit les yeux. Sur le pas de la porte, adossé au chambranle, un homme d’âge mûr lui souriait. Des yeux noirs pétillants, une allure noble et rassurante, une sympathie débordant autour de lui en une aura chaleureuse.

Issah.

Mala se précipita vers lui et l’enlaça. La façon dont il resserra son étreinte et respira ses cheveux avait quelque chose de paternel. Avant que sa mère lui avoue son secret, Mala avait longtemps pensé qu’Issah était son géniteur.

— Il y avait d’autres moyens de me rejoindre que d’endosser ce rôle, ma belle, lui dit-il de sa voix chaude et douce.

Il attrapa son menton pour ancrer son regard dans le sien. Mala vit dans ses prunelles une inquiétude qu’elle ne comprit pas.

— J’ai été choisie par Gaïa, tu n’es pas fier de moi ?

Les lèvres d’Issah s’étirèrent dans un nouveau sourire.

— Bien sûr que si, wossi. Allez, rentre un peu.

Il passa un bras autour de ses épaules et poussa la porte de sa boutique, qui s’ouvrit en carillonnant. Le plancher craqua sous leurs pieds. Les étagères s’élevaient jusqu’au plafond et regorgeaient de bocaux et de boîtes qui contenaient, Mala le savait, tous les secrets de la nature. Au centre et en libre service, des étals débordaient de plantes séchées ou réduites en poudre. Les parfums, condensés de la forêt, redevinrent familiers à ses narines. Il l’entraîna dans l’arrière-boutique, assez exiguë en comparaison de l’espace de vente, où un poêle à bois en fonte ronflait. Une théière en métal y sifflait. Issah prit la hanse de bambou et servit le breuvage dans deux grandes tasses de porcelaine. Il en tendit une vers Mala qui la prit avec précaution, avant de prendre une longue inspiration : elle reconnut à l’odeur et à la couleur une décoction de ginseng. Il s'assit sur un haut tabouret de travail, et elle l’imita.

— Tu n’es pas rentré depuis très longtemps, lâcha-t-elle.

Elle aurait voulu qu’il y ait moins de reproche dans son ton, mais elle n’avait pas réussi à se contrôler. Comme si la gamine qui avait pleuré son départ, six printemps auparavant, revenait prendre ses droits sur la jeune femme qu’elle était devenue.

— Je sais, ma belle. Vous me manquez aussi.

Elle profita du silence pour observer les lieux. Un cahier de comptes bien rempli trônait sur un bureau de bois noble, dans le fond de la pièce. Les plus anciens étaient conservés dans la bibliothèque fixée au mur. L'un d'entre eux comportait sans doute l'écriture de sa mère. Elle sentit sa gorge se serrer en pensant à Ossia, qui combattait sans doute encore sa maladie. Issah interrompit le flot de ses pensées pour lui demander :

— Et toi, que fais-tu ici ?

— Gaïa m’a choisie, c’est pour ça que…

— Non, que fais-tu ici ? Dans cette rue. Dans cette boutique.

Les yeux sombres d’Issah l’analysaient comme ils en avaient l’habitude. Elle remarqua qu’il avait plus de rides que dans ses souvenirs, que ses cheveux s’étaient raréfiés sur le haut de son crâne et que quelque chose alourdissait ses épaules. Il semblait plus fatigué.

— Je suis venue me ressourcer, confia-t-elle.

Il ne répondit pas tout de suite, et se contenta de l’observer. Cela la mit mal à l’aise. Elle se concentra sur la tasse qui réchauffait ses mains. Avec douceur, la voix d’Issah brisa le silence qui s’était installé :

— Tu portes un secret en toi, Mala. Même sans fouiller ta conscience, je te connais assez pour le voir.

Rien ne pouvait se dissimuler sous son regard scrutateur. Elle laissa le sien baissé sur sa tasse et haussa les épaules. Après tout, c’était Issah. Elle pouvait lâcher des miettes de ce qui la tourmentait depuis des semaines.

— Je sais que maman a vécu ici, j’aimerais retracer un peu son passé.

L’évocation d’Ossia le fit imperceptiblement tressaillir. Il connaissait l’état dans lequel elle se trouvait, et Mala soupçonnait que ce soit la raison de sa trop longue absence : cela aurait été trop pour lui. Elle porta la tasse à ses lèvres et l’amertume du ginseng explosa sur ses papilles. Après une longue minute de silence, il se leva pour aller vers la bibliothèque. Mala s’attendait à ce qu’il prenne un ancien registre mais il revint avec un carnet. Issah le posa sur la table et en ouvrit les pages. Des croquis s’y étalaient, certains en couleur, d’autres en noir et blanc, mais ayant en commun d’immortaliser des scènes du quotidien de la rue. Des personnes se parlant, jouant aux cartes, la boulangerie quelques pas plus loin que Mala avait croisée, plein de petites choses croquées avec délicatesse sur le papier crème du carnet.

Et puis, en tournant une page, le souffle de Mala se coupa. C’était cette fois un portrait, le portrait d’une femme, la peau noire comme la sienne, les cheveux collés à son crâne en de multiples nattes, les lèvres pleines, le regard rieur et intense, les pommettes hautes qui sculptaient son visage avec finesse. Sa mère.

— Elle a toujours été la plus jolie, commenta Issah.

Mille questions se bousculaient dans la gorge de Mala sans en sortir. Qui l’avait dessinée ? Quel âge avait-elle, là, immortalisée au crayon ? Comment avait-elle vécu ici, dans cette boutique ? Est-ce que cette beauté franche et chaleureuse avait séduit beaucoup de personnes ? Elle caressa le papier du bout des doigts, retraçant les traits de cette mère qu’elle ne connaissait pas. La maladie avait émacié son visage et rendu son teint livide en permanence. Elle qui aimait tellement la vie était maintenant condamnée à la voir la quitter petit à petit. Mala sentit son cœur se serrer au souvenir d’Ossia, couchée dans leur case, pouvant à peine ouvrir un œil pour voir sa fille unique partir auprès de leur déesse.

— Je suis heureux que tu lui ressembles autant, chuchota Issah.

Il caressa les cheveux de la jeune fille dans un geste plein de tendresse. Elle retint comme elle put la détresse qui lui grimpait dans la poitrine. À qui d’autre aurait-elle dû ressembler ? Qui était ce père que personne ne connaissait ? Issah avait-il la réponse ?

— Tu étais avec elle, quand maman travaillait ici ?

Issah secoua la tête en fronçant les sourcils.

— Non. D’ailleurs, c’était une erreur que de laisser ta mère et Retha sans personne d’autre ici. Maintenant, nous sommes plus nombreux.

Il savait. Mala le perçut à l’inflexion qu’avait pris sa voix, à ses traits qui s’étaient légèrement refermés.

— Pourquoi dis-tu cela ? osa-t-elle.

Il lâcha un soupir en évitant de la regarder. Mala le vit fermer les paupières, comme pour discuter avec lui-même, puis les rouvrir en ancrant ses yeux dans les siens. L’intensité de l’échange visuel la fit frissonner.

— Il faut que tu fasses attention, Mala. Urbaïs n’est pas pour nous. Si nous parvenons à survivre ici, c’est pour la communauté, pour rapporter des choses dont nous avons besoin chez nous. C’est parce que nous sommes unis. Retha et Ossia étaient seules toutes les deux.

— Qu’est-ce qui s’est passé ?

La douleur d’Issah s’inscrivit dans la grimace qui déforma son visage.

— Quelque chose qui ne t’arrivera pas.

Il prit le visage de Mala entre ses mains et caressa ses joues de ses pouces rugueux.

— Qu’importe ce qu’ils disent là-bas, chuchota-t-il en désigna la direction de l’Amphithéâtre du menton, tu trouveras toujours un ou une Alayi·e pour t’aider dans la difficulté. Tu es une fille de l’équinoxe.

Il ne répondait pas. Malgré la sincérité dans le fond de ses prunelles et la douceur de ses gestes, Issah ne calmait pas ses inquiétudes. En esquivant la question, il en faisait naître mille autres. Il fallait qu’elle sache. Il fallait qu’elle tente. Elle avait en lui une confiance absolue, il devait lui donner des réponses.

— Je suis née plus tôt que les autres, chuchota-t-elle. Tu le sais, n’est-ce pas ?

Il lui embrassa le front, puis l’enlaça de nouveau. Il savait. Le secret autour de sa naissance en était-il vraiment un ?

— Personne ne doit l’apprendre, murmura-t-il dans le creux de son oreille. Surtout pas la déesse.

Mala se glaça, et se dégagea de l’étreinte d’Issah. Comment cacher quelque chose alors que leur déesse les visitait en méditation et ouvrait tout ce qui composait leur être en quelques secondes ? Pourquoi ne pas faire confiance à Gaïa ?

Elle resta là, immobile, sans oser faire un geste. Horrifiée par le mensonge qu’elle devrait fabriquer pour dissimuler sa véritable identité. Le doute s’était immiscé en elle et macérait dans les eaux troubles de son être depuis des semaines. Issah la tira par le bras avec douceur pour la faire se rasseoir près de lui, et poussa la décoction de ginseng dans sa direction. L’odeur encore chaude fit sortir Mala de sa transe réflexive.

— Gaïa m’aurait-elle choisie si elle savait ?

Elle frémit rien que d’y penser : la déesse ne choisissait-elle pas les individus dignes, pour leurs qualités ? Le mystère de sa naissance entachait-il celle qu’elle était ? Issah exhala un profond soupir. Il reporta son attention sur le carnet et lança un regard chargé de tristesse au portrait d’Ossia, plus jeune.

— Gaïa n’aime que ses propres enfants. Elle ne supporte pas de voir son sang mêlé à celui de ses frères ou de sa sœur. Tu aurais été forcée de vivre loin d’Adeyabo.

Au fond d’elle, quelque chose se brisa. Pourquoi sa déesse ne pouvait-elle pas l’accepter comme elle était ? Elle pressa les paumes contre la porcelaine tiède, pour essayer de se rattacher à quelque chose de solide alors qu’elle se sentait se noyer. Issah sourit au portrait crayonné toujours entre eux.

— Ta mère et moi avons toujours été proches, et elle n’a pas pu me le cacher bien longtemps. Pardonne-lui d’avoir gardé ce secret de toi.

Elle haussa les épaules. Elle avait déjà pardonné à sa mère. Le temps s’écoula doucement, laissant Mala plongée dans ses questions sous le regard patient d’Issah. Au bout de plusieurs minutes, Mala oralisa celle qui la préoccupait le plus :

— Et toi, comment as-tu fait pour que personne ne le sache ?

Les Alayis se voyaient enseigner dès leur plus jeune âge à ouvrir leur conscience aux autres lors des séances de méditation collective. Lors de ces séances, chacun engrangeait assez d’énergie pour pouvoir projeter sa conscience sur le plan astral, une réalité où les lois de la physique n’opéraient plus, et où la communication entre les individus pouvait se faire sans passer par la parole. Mala voyait cela comme un cours d’eau : les pensées défilaient, et il suffisait que vous vous postiez là pour les apercevoir et les comprendre. Une marque de confiance qui ne souffrait aucun mensonge. Comment pouvait-elle, du jour au lendemain, dissimuler quelque chose d’aussi énorme aux siens et à sa déesse ? Issah sirota son breuvage dans le silence devenu oppressant de son arrière-boutique.

— Il faut que tu visualises en toi une petite boîte. Toute petite. Assez pour que personne n’aille l’ouvrir lorsqu’ils viendront te visiter, pour que personne ne la remarque.

Mala ferma les yeux pour se plonger à l’intérieur d’elle-même. Elle se représenta le pot de peinture à l’argile blanche de Nonnan, dans leur petite case, à Adeyabo. Elle hocha la tête.

— C’est là que tu y mets ton secret. Il faut qu’il rentre dans cette petite boîte, tout entier. Il faut le plier, le presser, mais il doit rentrer sans déborder. Et tu poses la boîte dans un endroit qui semblerait approprié. Pas dans l’ombre, au risque d’attirer l’attention. Pas dans la lumière, sinon il sera ouvert.

Mala obéit. Elle tordit difficilement cet énorme secret pour qu’il rentre dans ce minuscule pot à peinture et l’y enferma. Elle chercha l’endroit idéal où le ranger et, après quelques hésitations, le glissa entre plusieurs pots identiques.

— C’est fait, chuchota-t-elle.

— Alors laisse-moi vérifier…

Elle finit par rester toute l’après-midi chez Issah. Entre quelques clients, son père de substitution pénétrait sa conscience pour y chercher son secret et dès qu’il le trouvait, Mala s’efforçait de recommencer tout le processus. C'était long et éreintant, et cela la vida de ses forces. Elle devait revenir demain, pour s’assurer que ses défenses étaient solides.

Issah la laissa sortir une petite demie heure avant le couvre-feu, mais Mala dut plusieurs fois se faire répéter le chemin. Le retour n’était pourtant pas compliqué : il suffisait de remonter la rue empruntée précédemment, puis de retrouver le bâtiment accolé à l’arène où elle et ses congénères avaient pris leurs quartiers. La fatigue et les bottines qui alourdissaient ses pieds et manquèrent de la faire tomber plusieurs fois sur le chemin. Si bien que lorsqu’elle atteignit les portes d’entrée de son bâtiment, les gardes lui signalèrent qu’elle avait beaucoup de chance d’arriver juste avant le couvre-feu.

Mala grimpa l’escalier d’une démarche lente et ce malgré les avertissements des gardes. La fatigue la força à faire une halte sur le palier du premier étage, où elle reconnut Baako. Les bras croisés sur une chemise qui mettait en valeur sa silhouette musclée, il avait la mine inquiète d’un parent qui ne retrouve pas son enfant. Mala ressentit une vague de honte et de culpabilité à l’idée de lui dissimuler des choses à lui, son meilleur ami, l’allié des mauvais jours comme des bons. Son tout. Son jima.

— Où étais-tu ?

Elle n’eut qu’un sourire éreinté pour toute réponse. Il claqua la langue contre son palais et se pencha vers elle pour l’embrasser. Mala retint un soupir d’aise en sentant l’énergie calme et puissante de Baako envahir son corps.

— Merci.

Il haussa les épaules comme si ce n’était rien. Puis, sans lui poser de nouvelle question et sans chercher de réponse à la première, Baako glissa un bras précautionneux autour de la taille de Mala et l’emmena vers sa chambre.


Texte publié par Codan, 20 mai 2020 à 10h25
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