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C’est à nouveau la voix de cette jeune fille que j’entends, celle qui m’a sauvé en arrivant avec son scooter. Je ne lui accorde pas un regard, mes yeux sont braqués dans le vide. Je suis à une hauteur d’environ quinze mètres. J’aperçois de petites formes les unes derrière les autres de chaque côté de la route, surement des voitures. Le vent froid de la nuit s’engouffre dans mes vêtements et fait voler mes cheveux. J’ai le vertige, j’ai peur, mais si c’est le prix à payer pour me sentir libéré, plus rien n’a d’importance.

- Arrête ! Ne saute pas. Je t’en prie

- Laisse-moi tranquille dis-je, Tu peux pas comprendre... J’en ai besoin...

- Je sais ce que tu vis et je comprends ton envie d’en finir mais tu peux pas faire ça...Tu crois qu’en étant une enfant de la DDASS j’en ai pas bavé, tout comme toi ! J’en ai supporté des emmerdeurs et vu les cons qu’il y a ici j’en ai pas fini.

- Eh bien voilà, si tu as subi tout ça tu dois me comprendre. J’ai personne qui tient à moi alors à quoi bon continuer ? Mes parents me détestent, j’ai pas d’amis et ma vie n’est que souffrance. Alors pourquoi ? Dis-moi pourquoi, je continuerais à vivre ?

- Bon sang regardes-toi tu es en bonne santé, tu as la vie devant toi. Ma meilleure amie Mélanie est décédée, il y a un mois à cause d’une malformation au cœur. Elle, elle était condamnée. Elle aurait tellement voulu vivre...Toi tu as cette chance alors merde ! Ne fous pas tout en l’air.

Ses paroles ont eu l'effet de me faire réfléchir, je sais qu'elle a raison, mais je n’ai plus confiance en personne.

- Qu’est-ce qui me dit que tu me racontes pas des conneries pour m’empêcher de sauter !

Elle s’approche de moi et relève les manches de son léger pull blanc. J’attarde mon regard sur ses avant-bras et me rends compte que je ne suis pas seul à souffrir

- Tu vois ces marques sur mes poignets ? Ça date du soir ou Mélanie est morte, je l’aimais au point de partir avec elle. Je n’avais qu’elle. Puis je me suis souvenu d’une promesse que je lui avais faite, celle de continuer à profiter de la vie quoi qu’il arrive. Son absence m’est encore très dure à gérer mais je m’efforce remonter la pente. Ce qu’on vit n’est pas facile mais il faut s’accrocher, on a cette richesse de pouvoir vivre alors ne commettons pas l’irréparable.

Elle m’a tendu sa main, je l’ai attrapé et elle m’a aidé à descendre. Ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai pris le temps de l’observer. Elle est légèrement moins grande que moi et son corps est plutôt mince. Elle a des cheveux très noirs et bouclés. Une frange fait ressortir ses magnifiques yeux émeraude. Elle a une peau très pâle, un nez fin et une toute petite bouche. Je suis sûr qu’elle ne doit pas laisser les garçons indifférents.

On s’allonge sur les dalles en béton qui recouvrent le sol et on contemple les étoiles de longues minutes avant qu’elle ne brise le silence.

- Je m’appelle Crystal. Dit-elle timidement

- Moi c’est Alex.

- Oui je sais, j’ai entendu votre discussion avec Mme Bilancourt quand cet abruti de Thibault, je crois, s’en est pris à toi.

- Oui avant il n’était pas comme ça, c’est de ma faute. C’est ma connerie qui la rendu comme ça.

- Raconte qu’est ce qui s’est passé ?

Je lui parle alors de toute l’histoire depuis notre rencontre en sixième jusqu’à ce fameux jour où tout a basculé. Toutes les souffrances qui s’ensuivirent et aussi de mes parents qui me rabaissent à tout bout de chant.

- Quel conn*** ce mec ! C’est pas de ta faute si ce type n’est qu’un gros c** !

Vu que tu m’as raconté ta vie à moi de le faire.

Je suis née le 21 juin 1998 à la Rochelle. Je vais te parler du peu d’informations que j’ai. Ma mère s’appelle Lizzie et mon père Maxime. Ils m’ont confié dans un orphelinat car ils étaient trop jeunes pour me garder, et aucun de mes grands-parents voulaient de moi. À mes treize ans, j’ai été placé en foyer, c’est là que j’ai rencontré Mélanie. Je t’en parlerais plus tard là j’ai encore trop de mal. J’aurais le droit de chercher mes parents dans trois ans et je pourrais aussi quitter cet endroit. A l'école, au collège j'ai toujours été la victime de mes camarades et comme tu a pu constater au lycée aussi

Voilà tu connais un bon passage de vie, tu vois tu n’es pas le seul à avoir le cœur meurtri, dorénavant on va se serrer les coudes contre tous ces crétins ! OK ?

- OK, Crystal...Merci

On est resté là un bon moment avant qu’elle me dépose chez moi. Une chance qu’elle ait un deux-roues car moi je peux rentrer comme bon me semble. Elle, elle a un couvre-feu, 10h00 précise. Cette rencontre m’a fait un bien fou et pour la première fois j’en ai presque oublié mes malheurs.