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tome 1, Chapitre 11 « POV Raphael - Mise au point » tome 1, Chapitre 11

Il regarda Ashleen sortir du lit, son corps souple et parfait brillant sous la lumière du soleil. Il aurait pu la retenir et effacer son froncement de sourcil inquiet comme son instinct le poussait à le faire, mais il n'avait pas l'intention de la rassurer. Sa tendance à se lasser rapidement de ses amantes pourrait la blesser plus encore qu'une simple réflexion sur le non-sérieux de leur relation.

Si ils en avaient une.

Elle tourna son visage vers lui par dessus son épaule. Ses yeux étaient de nouveau calmes.

« Tu m'aides quand même pour les glyphes ? »

Il hocha la tête. Certains auraient rajouté une phrase pour dissiper le malaise, mais il n'en voyait pas l'utilité. Les gens étaient mal à l'aise quoiqu'il fasse.

Elle eut un petit sourire moqueur qui réveilla une fois de plus son désir. Cette sorcière... maintenant qu'il avait cédé après plusieurs mois à enfermer ce besoin irrépressible, chacun de ses gestes enflammaient ses nerfs. Elle était... Ayden avait raison. Nue, elle était la plus belle création de la déesse. Tonique, mais douce, la peau de lune, ses cheveux doux frôlant sa taille en mèches désordonnées et colorées, elle portait sa magie comme une fine couche de lumière.

Flamme n'avait eu de cesse de commenter chaque rencontre avec leur voisine, détaillant les traits de son visage, ses yeux félins, sa bouche pleine, son physique sans défaut, mais loin des canons de beauté actuel, plus petite, plus charnue, plus musclée, plus... tout. Et son parfum... il pouvait le sentir à des kilomètres désormais, pour l'avoir goûté à même sa peau. Il avait pensé que la fascination s'arrêterait une fois qu'il l'aurait baisé. Sauf qu'il ne savait quand est-ce qu'il arriverait à s'en lasser.

« Tu me fixes, commenta-t-elle en fronçant les sourcils.

- Je me disais qu'Ayden avait raison. Ton corps nu pourrait rendre fou n'importe quel mâle. »

Elle rougit. Adorable. Il aimait quand lui la faisait rougir.

Puis elle leva farouchement les yeux au ciel.

« Le sang Danéïde à certain avantage.

- J'ai vu Cybèle. Elle ne dégage pas autant de... charisme. »

Oui, on ne pouvait s'empêcher de la regarder.

Il n'avait pas pu, lui, se retenir de jeter un coup d'oeil depuis sa terrasse lorsqu'elle était dans la cuisine, quand elle passait devant leur porte, quand elle... à chaque fois qu'il pouvait la voir, en réalité. Elle les avait repris la veille en disant que ce n'était pas du charisme mais sa magie qui la rendait hypnotique. Il n'était pas d'accord. Sa magie était puissante, certes, peut-être autant que la sienne, mais il était immunisé. Lorsque son empathie avait amplifié le plaisir dans leurs ébats, il avait senti qu'il pouvait s'en dégager. Sauf qu'il n'avait jamais rien ressenti d'aussi bon en des siècles d'existence.

Elle disparut dans la salle de bain tandis qu'il réfléchissait.

Elle était étrangement douce et réservée pour une danéïde, un clan réputé pour son excentricité et son manque de discrétion. Plus sage, plus réfléchie, plus raisonnable, et bien plus souriante, elle était à mille lieues d'être comme le décrivait les légendes. Son jeune âge, peut-être ?

Non. Même son frère possédait un peu de ce sens du spectacle, et c'était un mâle.

Lorsqu'il entendit l'eau s'activer, il se leva pour aller la rejoindre.

Elle se tenait debout sous le jet d'eau, les yeux clos. Ses cheveux s'aplatirent, moulant son corps, sa poitrine, avant qu'elle ne les rassemble, se tournant pour offrir sa nuque au jet.

Il l'avait déjà remarqué, mais il resta silencieux et fasciné par sa grâce, l'économie de ses mouvements, leur efficacité. Elle sourit sans ouvrir les yeux.

« Tu restes planté là ou tu me rejoins ? »

La rejoindre était dangereux.

Mais il se sentit bouger. L'eau toucha son torse en même temps qu'elle rouvrit les yeux.

Ces yeux fascinants, à nul autre pareil, semblèrent exprimer tant de chose qu'il lui était impossible de comprendre. Tout ce qu'il sut en se laissant capturer par le bleu impossible et le violet vif de ces iris, c'est qu'elle n'attendait de lui aucune promesse mais qu'elle n'était pas encore prête à le libérer de son envoutement. Elle recula un peu pour lui faire de la place, attrapant un flacon qu'elle versa sur sa chevelure.

Il la regardai masser son crâne, démêler ses mèches en les lavant.

D'instinct, il prit du gel douche, en faisant couler sur sa main, la posant sur la peau douce de son amante.

Il adorait la toucher, lui qui était réfractaire à tout contact. Il l'avait découvert lorsqu'elle avait glissé sa douce main dans sa paume pour le soutenir dans l'un de ses seuls souvenirs douloureux. Ce contact l'avait ébranlé et il avait voulu fuir cette douceur. Mais elle avait fermement interrompu ce geste, lui rappelant qu'elle n'était pas aussi fragile que ce qu'il avait toujours pensé avant de la voir à l'action.

Elle se laissa faire, un soupir s'échappant de ses lèvres qu'il se sentit obligé de capturer.

Elle laissa retomber ses mains, agrippant ses biceps, répondant à son baiser comme une assoiffée.

Il se colla à elle, la soulevant un peu pour la mettre à la bonne hauteur. Un doux rire échappa à Ashleen qui passa ses bras autour de la nuque de Raphael. Puis, par la seule force de ses bras, elle s'éleva encore, entourant la taille de l'homme avec ses jambes.

Il se tourna vers le mur, la plaquant doucement, avant de s'enfoncer en elle d'un mouvement souple.

Ils étaient si bien accordés...

Elle lâcha un gémissement qu'il but à même ses lèvres. Il adopta un rythme lent et profond, l'embrassant sans retenue, l'eau les frappant pour faire couler le savon qui la rendait glissante.

Elle s'accrochait, haletante, confiante, ses yeux ouverts pour se fixer sur lui, brillants de magie.

Raphael sentit une nouvelle fois cette envie de la posséder entièrement. Il savait qu'il pourrait la lier à lui pour toujours, prendre possession de ce corps à chaque fois que le besoin se ferait sentir. Elle n'était pas complètement acquise, il le sentait, elle avait la possibilité de se refuser à lui si elle en avait envie, contrairement à toutes les autres qu'il avait sauté. Il savait aussi qu'elle voyait son aura, mais qu'elle n'en avait pas peur. Elle caressait les volutes de ténèbres tangibles avec un plaisir évident, elle encaissait avec aplomb sa sauvagerie et son pouvoir, peu perturbée par tout ce qu'il était.

Être en elle était une sensation inédite qui le surprenait à chaque fois.

Il se fit plus brusque, luttant contre le désir sauvage de lui retirer sa liberté, lui arrachant des petits hoquets de plaisir, voilant son regard.

Elle posa finalement son front contre sa gorge, s'agrippant en plantant ses ongles dans sa peau, se resserrant autour de sa queue.

Puis, soudain, elle explosa, son empathie se ruant sur lui, déclenchant son orgasme dans une harmonie parfaite.

Il la reposa après quelque secondes haletantes.

Elle vacilla avant de se retenir au mur, le regard brillant.

Un sourire amusé illumina son visage.

« Et beh, je croyais pourtant que les mâles ne pouvaient pas remettre le couvert aussi rapidement. »

Raphael pencha la tête, mordant la lèvre inférieure de l'impertinente.

« Ton corps est un aphrodisiaque puissant. »

Elle gloussa, et entreprit de le nettoyer sagement.

Il se laissa faire, la fixant tout du long.

Elle capta une fois de plus son regard, un sourire timide sur les lèvres.

« Je crois que tu ne t'es pas vu dans un miroir depuis longtemps.

- J'ai des cicatrices. Et mon corps est forgé pour tuer. »

Elle fit la moue.

« J'aime bien ces cicatrices. (Elle effleura celle barrant son pectoral au niveau du cœur.) Elles disent à quel point tu es puissant. Tu as survécu à beaucoup de combat. Et un corps de tueur... (Elle embrassa la cicatrice.) ça me plait aussi. »

Elle se recula un peu pour le regarder sans se tordre la nuque.

« Tu es sexy, Raphael. Le nombre de femme qui ont réchauffé ton lit en est la preuve. »

Il posa sa main sur la nuque de la jeune femme.

« Non. Elles sont attirées par mon pouvoir et ma richesse. »

Elle fit la moue.

« Tu es sûr ? Personnellement, ce n'est pas ce à quoi je pense quand je te vois.

- Et à quoi penses-tu ? »

Ce genre de question ne lui ressemblait pas. Mais la curiosité s'était réveillé dès lors qu'il l'avait vu fabriquer ses potions avec assurance.

Elle dodelina de la tête.

« Depuis que je t'ai croisé, j'ai trouvé que ton impassibilité avait un côté sexy. Les gens sont faciles à lire pour moi. Toi, tu ne l'es pas. J'apprécie que ce ne soit pas facile. J'ai toujours trouvé ton regard fascinant et intimidant. Et beau. On y voit ta magie qui jamais ne dort. »

Elle soupira.

« Ton assurance arrogante me... rassure, même si elle m'agaçait avant. J'ai toujours envie de te toucher les cheveux. (Elle joint le geste à la parole.) Ils sont doux, la seule chose douce chez toi. Et puis, il y a toi tout entier. Ta domination extrême devrait me hérisser, ce qui est le cas, mais je trouve ça excitant. Je n'aime pas recevoir des ordres, c'est l'une des choses qui m'a fait partir de ma maison familiale. Mais entendre ta voix me dicter ce que je dois faire... »

Elle passa ses mains sur son torse, se mordant la lèvre inférieure, pensive tandis qu'elle retirait le savon.

« Je crois que le fait que tu sois taillé pour tuer me donne l'impression que tu pourrais facilement me dominer et que cela me plait. J'ai pour habitude d'être la plus puissante lorsque je rentre dans une pièce. La pression est telle que j'angoisse. Quand tu es avec moi, je ne ressens pas ça. Je me dis que tu es autant capable que moi de prendre les choses en main. Je ne me sens pas en concurrence, contrairement à ce que mon instinct devrait me dicter. »

Elle sourit, un peu triste.

« J'aimerais quelque fois être moins puissante, cela m'aiderait à relativiser. »

Raphael lui caressa la joue, attirant de nouveau son regard. Elle cligna des yeux.

« A aucun moment je n'ai eu envie de posséder ton pouvoir politique, ta richesse, avoua-t-elle. Cela me rebute même un peu, quand j'y pense.

- Tu es riche. »

Elle ricana.

« Voyons, compare ce qui est comparable. Tu es milliardaire. Je suis juste aisée. Je me demande d'ailleurs pourquoi tu ne vis pas dans ton manoir familial. »

Il sortit de la douche, attrapant une serviette pour la lui tendre.

Elle s'enroula dedans avant d'entortiller ses cheveux dans une autre. Il se contenta d'une serviette autour de sa taille.

« Tu as l'air certaine que j'ai un manoir familial. »

Elle lui jeta un regard agacé.

Elle était si transparente, si facile à lire... car elle n'avait pas besoin de se dissimuler. Personne ne pouvait exploiter ses faiblesses.

« Raphael... J'ai grandi au milieu de paranoïaques. En plus, il n'y a pas beaucoup de lignée capable de produire un Destructeur de Monde. Mes recherches ont été plutôt efficaces. »

Il s'appuya sur un meuble, la regardant, impassible.

« Tu ne savais pas que j'avais un jumeau. »

Elle grimaça.

« J'ai simplement fait des recherches sur tes ancêtres. Vieille famille, fondatrice, votre manoir est juste à côté de la ville. Tu pourrais siéger au Conseil si tu le désirais. »

Elle ne posa pas de question. Elle avait juste fouillé sur la surface, pour ne pas rentrer dans son intimité.

Alors il parla.

« Mes parents vivent au manoir. Mon père siège au Conseil, et c'est un arrogant fils de pute. Même Bane a déménagé. Notre petite sœur est revenu avec mon neveux à la maison familiale après que son époux l'ait quitté, attiré par des jeunes sorcières plus... gaies. Ce retour n'a pas arrangé sa dépression qui sévit depuis dix ans. »

Elle l'observa à travers le miroir. Il ne put rien lire dans son regard que le calme, son attention préoccupée. Il continua.

« Notre mère est une femme effacée, complètement écrasée par notre père. Quand nous étions gamins, Père nous mettait en compétition, Bane et moi. Mon frère vénère le parcourt de notre géniteur. »

Il haussa les épaules, s'approchant pour attraper la brosse à dent qu'elle lui tendait. Ils restèrent silencieux quelques instants avant qu'il ne se décide de nouveau à parler.

« Je n'ai pas beaucoup de souvenir joyeux qui me pousse à leur rendre visite. »

Elle grimaça.

« Une vieille famille, commenta-t-elle.

- Flamme et Gael sont ce qui se rapproche le plus d'une famille pour moi. Nous avons tous les trois des familles horribles. »

Elle sourit.

« Ouais, j'ai cru le comprendre. Quoique, de ce que j'en sais, la famille de Gael est morte, n'est-ce pas ?

- Ouais. Il a dû les éliminer lui-même pour folie. Le risque des berserks. »

Elle baissa les yeux, ses poings se serrant.

« C'est horrible. »

Il ne répondit pas, brossant ses dents presque collé à elle.

L'avoir dans son aura aurait dû le déranger. Mais elle y était à l'aise, s'y mouvant comme si elle avait toujours été près de lui.

Elle le frôlait en bougeant, chaque contact l'électrisant. Mais ils n'avaient plus le temps. La vie ne s'arrêtait pas parce qu'ils avaient laissé libre court à leur désir.

Lorsqu'elle tendit la main vers une brosse à cheveux, il la saisie avant elle.

Elle le dévisagea dans le miroir avant de lui donner son consentement silencieux.

Il retira la serviette, faisant dégringoler les mèches humides. Il en prit une pour y passer la brosse.

Elle le regardait intensément.

« Raphael... tu n'y es pour rien, pour ton frère et ta sœur. »

Il se crispa imperceptiblement. Ses yeux s'adoucirent.

« Tu n'aurais rien pu faire contre ton père à l'époque. Les liens qui nous lient à notre famille sont complexes.

- Tu as grandi dans un clan aimant. »

Elle gloussa. Elle s'amusait de tout, tout le temps. Pas comme une idiote mais comme une personne qui n'était pas vraiment concernée par le sérieux de ce monde. Alors qu'il avait eu la preuve qu'il n'en était rien.

« Ouais. Mais je suis différente d'elles, tu sais. Il y a pas mal de point sur lesquels nous avons du mal à nous comprendre. Comment est-ce que je peux vivre en ville, aussi loin d'elles ? Pourquoi suis-je aussi puissante ? Comment se fait-il que je ne sois pas, moi aussi, devenue une sociopathe ? »

Elle soupira.

« Mes parents sont dépourvus de capacité émotionnelle, et le reste de ma famille ne jure que par mes pouvoirs. On se moque souvent de mes scrupules. Je suis la meilleure tueuse, la meilleure traqueuse du clan. Et mon tableau de chasse est pourtant le moins impressionnant. Je ne suis pas capable, comme elles, de faire fi de mes émotions. J'étais plutôt âgée pour mon premier meurtre, au final, les jumelles ont déjà eu leur première victime, et elles n'ont que dix ans, une norme. »

Elle le fixa.

« Mais au moins, elles m'aiment suffisamment pour ne pas me rejeter, malgré tout ce que j'ai fait pour lutter contre elles. Ta famille... toi, tu as dû te détourner d'eux. Je n'arrive même pas à imaginer ta solitude. »

Solitude ? Oui. Flamme et Gael le comprenaient jusqu'à un certain point. Ils leur arrivaient d'être un peu effrayés, de ne pas pouvoir le suivre.

Il regarda la jeune femme devant lui. Aurait-elle peur de lui si jamais un jour il se lâchait devant ses yeux ? Il commençait à en douter. Elle sourit doucement.

« Quand j'ai eu vingt ans, j'ai pris la décision de fonder ma propre famille, avec une personne qui me comprendrait à 100%, de les faire passer en premier, quoiqu'il arrive. Je me suis dit que si je n'avais ma place nulle part, alors j'allais me tailler un environnement où je me sentirais parfaitement bien. »

Elle haussa une épaule.

« Bien sûr, j'ai un peu de temps. »

Il glissa ses doigts contre sa nuque.

« Tu as une idée du malheureux mâle que tu vas entraîner dans ta folie ? »

Elle gloussa.

« Non, pas vraiment. En fait, je sais que je ne pourrais construire ce monde qu'avec mon âme sœur, sans cela, je ne pourrais avoir d'enfant. »

Un grondement fit vibrer le torse de Raphael.

Il n'aimait pas l'idée qu'un homme puisse la posséder par simple volonté du destin et qu'elle ne lutte pas contre cette injustice.

Elle lui jeta un coup d'oeil amusé.

Il montra les dents.

« Et comment reconnaîtras-tu cette âme sœur ? »

Elle eut une moue contrariée.

« Ce n'est pas aussi évident que cela. »

Elle laissa tomber sa serviette pour enfiler ses sous-vêtements.

« Mes grands-parents se haïssaient, au début. Ils sont se battus. C'est lorsque grand-mère n'a pas pu l'achever qu'elle a compris qui il était. Son corps s'est figé alors que son épée était à peine enfoncé dans la peau de Viktor, à quelques centimètres du cœur. Mais mon grand-père n'était pas autant conscient au lien. Elle a dû échapper à plusieurs tentatives de meurtre avant de finir par le capturer et de l'enfermer. Heureusement, le désir sexuel fait parti de l'imprégnation du lien. Viktor n'était pas immunisé. Et lorsqu'elle a baissé sa garde, après une coucherie, il a tenté de la tuer. En voyant qu'elle ne luttait pas, il s'est arrêté. Il ne comprenait pas. »

Son sourire fut resplendissant.

« Il l'a laissé à moitié morte avant de s'enfuir. Alors elle l'a laissé tranquille. Puis, ils se sont recroisés, au hasard, alors qu'Angela allait signer un pacte de non agression avec Baba Yaga. Ils se sont engueulés tout le long de la visite avant de finir dans un lit. Il est tombé amoureux d'elle dans la foulée. Le lien s'est installé. Depuis, il ne peut plus envisager sa vie sans cette folle. »

Raphael ne disait rien, se contentant de se repaître visuellement de son corps à demi-nu. Elle poursuivit ses récits.

« Ma tante Néné et son mari se sont rencontrés de façon plus classique. Néné a toujours était plus sociable, un peu effacée derrière ma mère. Elle a un caractère plus modéré, aussi, elle a eu plusieurs compagnons sérieux. John lui plaisait. Elle est tombée enceinte et c'est comme ça qu'elle a su. Le fait de l'aimer n'était pas un indice suffisant, même si elle était prête à abandonner l'idée de fonder une famille pour lui. Ils ont trois filles, dont les jumelles. »

Elle attrapa un jean.

« Pour mes parents... Ils étaient amis. Mon père se mourrait de désir pour elle, mais Cybèle n'aimait que les amants de passage, et être ami avec un mâle était suffisamment rare pour qu'elle ne se risque pas à briser cette relation pour du cul. Il s'est jeté devant elle lorsqu'une sorcière particulièrement mauvaise a tenté de la tuer. Il a voulu se sacrifier pour elle. C'était le signe. »

Raphael lui tendit un tee-shirt. Elle le remercia d'un sourire.

« Les liens d'âme sœur ne sont jamais évident. »

Il secoua la tête.

« D'après tes histoires, je dirais que les liens sont évidents mais que les femmes de ta famille sont aveugles. »

Elle cligna des yeux.

« Euh... »

Raphael grogna.

« Angela est réputé pour sa rigidité. Rien d'étonnant qu'elle haïsse un homme qui la bouleverse. Ta tante ? Pour qui d'autre aurait-elle été prête à sacrifier une vie avec la personne faite pour elle ? Et ta mère ? La rareté d'une relation amicale, prête à tout pour la préserver ? »

Il déclencha son pouvoir qui le revêtit d'un jean noir et d'un tee-shirt de la même couleur. Il la dévisagea.

« A mon avis, votre entraînement vous dessert dans tant de domaine qu'il est étonnant que ces hommes aient lutté pour se faire une place dans vos vies. »

Elle pinça les lèvres.

« Je ressens un désir irraisonnable pour toi, Raphael. Et pourtant, tu n'es assurément pas mon âme sœur. Tu mets à mal ma confiance, je ne me sens pas sereine à tes côtés, toujours un peu fébrile, méfiante... »

Il montra les dents, la faisant se taire.

Âme sœur ? Même s'il l'était, il était incapable d'aimer. Désirer la posséder, oui. L'aimer ? Non.

« Le sexe n'est pas un indicateur. »

Ses parents à lui ne partageaient que cela.

Elle se crispa.

« Ouais. C'est bien ce que je dis.

- Mais tu y penses. Tu en as envie. »

Elle blêmit.

« Non. Ce serait... horrible. »

Elle déglutit.

« Je veux, j'ai besoin, de joie et d'amour. »

Elle quitta la salle de bain d'un pas vif. Il la poursuivit sans pouvoir s'en empêcher.

Elle s'arrêta à la cuisine, le souffle un peu court.

« C'était une erreur, marmonna-t-elle, figée, les poings serrés. »

Elle ouvrit le frigo, s'agitant nerveusement.

Raphael s'assit, l'observant faire couler le café, sortir des mets, des fruits, des jus. Il contrôla sa voix pour ne pas laisser voir sa colère.

« Une erreur ?

- Coucher ensemble. »

Elle lui jeta un regard hésitant. Il était définitivement contrarié.

« Sympa, gronda-t-il.

- Ne te trompe pas, c'est... c'était le pied. »

Elle fronça les sourcils.

« Mais je ne suis pas taillée pour ça. Je pourrais ressentir de l'affection pour toi. »

Elle frissonna, l'horreur passant brièvement dans ses yeux lorsqu'elle le regarda, les pupilles dilatées.

« Je pourrais t'aimer. »

Ses épaules s'abaissèrent, son langage corporel affichant une impression de défaite.

« Tu es une drogue dont je pourrais facilement devenir accro, confondre ton sens du devoir avec de l'affection. Mais toi, tu n'es pas capable de ressentir plus que de l'amitié retenue pour les autres. »

Elle lui tendit une tasse de café avant d'affronter son regard.

« On devrait ne pas recommencer. »

Il hocha la tête, raide. La discussion devenait délicate, et il était d'accord sur le fond. Il l'appréciait, il l'avait dit la veille, il voulait l'intégrer dans son univers, mais comme il avait intégré Flamme et Gael, pas comme sa... copine ? Sa femme ? Sa compagne. Aucun des mots n'avaient un jour fait parti de son vocabulaire.

Elle se pencha sur les glyphes, café aux lèvres, la discussion apparemment clause.

Il sentit son pouvoir appeler les livres depuis le bureau.

Elle se ferma brutalement, de nouveau concentrée. Une capacité qu'il lui enviait, chasser ses pensées pour se concentrer sur le présent.

Car même si consciemment, il avait acquiescé sa prise de décision, tout son être se révulsait à l'idée de la laisser disponible pour un pauvre fou qui lui ferait la cour. Car cela arriverait un jour.

Ne pourraient-ils pas se laisser aller jusqu'à ce qu'ils se lassent ? Parce que malgré ce que lui pressentait, la lassitude viendrait. Il était tenté de la reconduire au lit, de marquer chaque centimètre de sa peau avec ses dents, de la faire jouir tant et tant de fois qu'elle ne pourrait plus jamais le chasser de son esprit. Il faillit mettre à exécution son envie égoïste si elle n'avait pas claqué des doigts devant ses yeux.

« Raphael ? Tu m'écoutes ? »

Il revint au présent.

« Tu disais ? »

Elle poussa un dessin devant lui.

« Tu peux chercher la lignée qui rajoute des tilde de ce genre sur ces glyphes ? »

Elle ne le regardait même pas, toute concentrée qu'elle était. Comme s'il venait d'arriver, reprenant la vie juste avant qu'il ne la coince contre ce bureau. Elle souhaitait la jouer ainsi ?

Il prit la feuille en prenant soin de la frôler. Elle se crispa mais ne fit aucun commentaire.

Il observa la tilde avant d'en être amusé.

« Arrête tes recherches, je sais d'où ça vient. »

Il reposa le dessin, se retrouvant devant des yeux surpris. Il haussa un sourcil.

« Je ne peux pas être un génie, moi aussi ? »

Elle fit la moue.

Il repoussa l'envie de l'embrasser.

« Ma famille. »

Il tapota le dessin.

« Ou plutôt la famille de ma mère.

- Tu as des mages psi dans ta famille ?

- Des sorciers psi. Mon grand-père. Ma sœur a hérité de ces dons, dans une moindre mesure, le sang paternel étant plus puissant.

- Et tu n'as pas reconnue la rune hier soir ? »

Il inspira pour se calmer. Si elle se mettait à l'engueuler, il ne pourrait pas se retenir de la baiser. La colère était un facteur important dans le désir qu'il pouvait ressentir. Toute émotion forte devait être évacué, et il ne comptait pas lui faire du mal. Donc...

« Je ne suis pas très rune, au cas où tu ne l'aurais pas compris. Mes pouvoirs s'enclenchent plutôt verbalement. »

Elle plissa les yeux.

« En cinq siècles, tu ne t'es jamais intéressé aux runes ? »

Il haussa les épaules.

« Je ne peux pas m'en servir. Je connais les bases pour pouvoir les contrer, mais rien de plus. »

Bouche bée, elle le dévisageait avec un air parfaitement incrédule.

« Me dis pas que c'est ça, ton excuse ? Dans mon clan, tu aurais été laminé pour faire preuve de tant de paresse... Je ne suis pas capable de jeter des sortilèges d'essence masculine, et pourtant, j'en connais un paquet. Parce que c'est utile pour les contrer. Pas juste les bases, même les plus complexes. J'étudie toujours, encore et encore, pour être la mieux armée possible. »

Il croisa les bras, haussant un sourcil.

« Tu me fais la morale, à ton âge ? Me penses-tu incroyablement stupide ? »

Elle pinça les lèvres.

D'un coup, la pièce fut envahi de ténèbres. Il en caressa une volute.

« Depuis que je suis capable de ça, je ne perds pas de temps à apprendre des sortilèges avancés dont je ne peux m'en défaire par ma simple volonté. Je suis une arme. Et je fais parfaitement mon job. Je ne fais d'effort que lorsque l'adversaire est bien plus faible, car on ne détruit pas une fourmi avec un bazooka, c'est tout. »

Elle se pinça l'arrête du nez.

« Raphael... (Il adorait son prénom dans sa bouche.) Que fais-tu des enquêtes ? Si ça avait été toi à la charge de celle-ci, comment aurais-tu révéler les auras ? Délié les esprits ? »

Il haussa les épaules.

« La sous-traitance est une invention merveilleuse. Et nous sommes trois. Flamme maîtrise les potions et Gael les runes. Moi, les formules. Pour le principal, bien sûr. »

Elle cilla à plusieurs reprises.

Puis s'esclaffa.

« Déesse, ça va à l'encontre de tout ce que l'on m'a inculqué. Angela serait folle en entendant ça.

- Je ne suis pas dépourvu de connaissance, comme tu sembles le penser. Je suis capable d'effectuer des recherches, mais apprendre par cœur ? Non merci. »

Ses yeux pétillaient d'humour.

« Tu n'es pas si parfait, c'est bon de le savoir.

- Tu te penses parfaite ? »

Elle secoua la tête.

« Je suis impulsive, destructrice, émotive, une catastrophe ambulante quand il s'agit de faire preuve de tact. »

Elle haussa une épaule.

« Mais en magie, je suis très sérieuse. Et très consciencieuse.

- Il y a un autre domaine où tu excelles... »

Elle ouvrit les lèvres pour répondre, mais l'appartement fut brusquement envahi par deux hommes et un adolescent bruyants.

« Hé, grande sœur ! Ces deux là tentent de me convertir au machisme de la capitale ! »

Elle leva les yeux vers Kellen et une expression d'étonnement, de joie, et d'amour s'épanouit dans ses iris. Raphael observa les modifications avec fascination. Comment pouvait-elle survivre dans ce monde d'immortels blasés avec autant de capacité émotionnelle ? Elle se leva.

« J'espère que Mère t'a suffisamment lobotomisé pour lutter contre cette nouvelle doctrine... »

Le jeune homme s'esclaffa.

« Lobotomisé ? »

Elle le serra dans ses bras. Il recula légèrement, la dévisageant.

« T'as un problème ? »

Transparente, pensa Raphael. Elle l'était tellement que Flamme et Gael ne pouvaient se tromper sur ce qu'il s'était passé durant la nuit. Ils échangèrent un regard attendu. Mais la sorcière fit la moue en éludant le véritable sujet qui la rendait tendue.

« Un gros. Je viens de comprendre que je me casse le cul depuis soixante ans à être la meilleure alors qu'il m'aurait suffit de monter un boysband. Je tombe des nues. »

Le gamin sembla perdu. Elle désigna Raphael.

« Ce crétin n'a jamais vu l'utilité d'apprendre plus que les bases en runes et potions. Parce que ces deux autres crétins se sont spécialisés dans ces domaines. Boysband. »

Kellen cligna des yeux. Avant d'ouvrir la bouche et de la refermer. Il se tourna vers les trois hommes.

« Non ?! »

Il les regardait comme s'ils étaient des êtres différents. Des créatures étranges. Il se tourna vers sa sœur.

« Comment ils ont fait pour survivre avec leurs caractères ?

- Aussi puissant qu'une bombe nucléaire, l'arrogance en plus. »

Elle soupira en le prenant par les épaules.

« Qu'en penses-tu ? Tu prends quelle spécialité ? »

Le garçon posa ses mains sur son cœur.

« Tu me proposes de monter notre boysband ? Je suis honoré ! Mais je préfère quand même poursuivre mes études. - On sait jamais, je pourrais avoir besoin de faire preuve de finesse, tout ça... »

Elle jeta un regard faussement méprisant à Raphael.

« Même un ado le comprend. »

Son frère haussa les épaules.

« L'intelligence Danéïde se transmets aux hommes.

- Je suis fière.

- Youpi ! »

Il jeta un regard sur la rune.

Il écarquilla les yeux.

« Hé, pourquoi t'as dessiné les glyphes de soumission et d'incohérence ? C'est plutôt difficile à lier. »

Raphael se concentra sur le jeune homme.

« Tu reconnais ces glyphes ?

- Euh... oui ? Mon père a une bibliothèque qu'il tient de son grand-père. Quand je m'ennuie, j'ai tendance à aller feuilleter des vieux grimoires. Autant dire, assez souvent. »

Il tapota un glyphe.

« ça c'est l'inhibition. »

Ashleen grimaça.

« Ouais, la liaison m'est aussi étrange. Je pense que les liens se font avec ces glyphes instinctifs. Une création de lignée. C'est l'ensemble qui tient la route, mais séparément, c'est chaotique. »

Ils échangèrent un regard.

« Sauf si tu les enclenches tour à tour, commenta Kellen.

- Cela signifierait que ce n'est pas une rune de silence, mais un sceau de manipulation, marmonna Ashleen.

- Laura, la fille que tu as arrêté, est une garce, mais elle n'a jamais eu le profil d'une psycho, tu sais. Les quatre que tu as fait se lever étaient tous des petits génies, promis à un grand avenir... (Il fronça les sourcils.) C'est d'ailleurs étrange qu'ils fassent quelque chose d'aussi évident. Tout arrogant qu'ils sont, ils baignent dans le grand bain depuis leur naissance, ils savent qu'ils ont beaucoup à apprendre avant de jouer avec les puissants. »

Il s'assit, attrapant la rune.

« Mais les runes sont passives...

- Sauf si les fioritures ne sont pas des glyphes mais des formules ! »

Elle reprit le dessin, fébrile, notant les traits dissonant en ligne sur la feuille.

Elle recula, observant l'écriture pendant un moment.

Elle se mit à marmonner.

« Une rune active... apposé de façon faussement passive, se nourrissant de l'être qui en est victime. Un parasite... le tilde de la famille de Raphael, mais dont un mage psi n'en capte pas la teneur. »

Elle se leva brusquement.

« Kellen, que dit toujours une Danéïde lorsqu'elle est en prise avec une énigme ?

- Je vais faire du thé ? »

Elle lui glissa un regard amusé.

« Après ça ?

- J'ai besoin de frapper quelqu'un ? »

Elle s'esclaffa joyeusement.

« Et après ça encore ?

- Il y a un temps pour réfléchir, un autre pour passer à l'action ?

- C'est ça ! »

Elle contourna la table.

Kellen se redressa, les yeux brillant.

« Tu vas vraiment le faire ? La danse ?

- Quelle danse ? demanda Flamme qui était perdu au milieu de ce tourbillon fraternel.

- La danse des instinctives danéïdes, s'excita Kellen. Mère la fait, mais tellement rarement... et sans but. Je n'ai jamais vu ça pour essayer une désactivation réelle.

- Tu t'y connais en magie, petit... »

L'ado fit un clin d'oeil.

« Je m'ennuie, et je n'ai pas d'ami. L'éducation danéïde et druidique est très stricte... Moins que si j'avais été une fille, mais quand même, il s'agirait de ne pas détruire la ville par méconnaissance de mes capacités.

- Kellen ! L'appela sa sœur. Apporte la rune ! »

Il prit la feuille avec un sourire.

« Avoir une sœur capable de me faire des démo sur la théorie, ça c'est cool ! »

Quand ils basculèrent au salon, Ashleen avait déjà tout poussé. Elle jeta un regard à son frère.

« Grand-mère serait ravie de t'accueillir et elle adorerait te faire des démonstrations, tu sais.

- C'était trop risqué, ton rythme de visite était erratique.

- Rythme de visite ? Reprit Raphael. »

Elle le regarda brièvement. Mais ce fut Kellen qui répondit.

« Ashleen a parcouru le monde, chassant les sorcières maléfiques. Enfin, les sorciers et les mages aussi. Des créatures qui échappaient au contrôle. Avec des têtes mises à prix. »

La petite sorcière grogna.

« Une chasseuse de prime ? Reprit Gael. Merde, c'est pour ça que tu es riche ! »

Elle leva les yeux tout en roulant un tapis.

« Ouais. Grand-mère pensait que ce serait bénéfique pour ma gestion de la colère.

- Gestion de... quoi ? Reprit Flamme. »

Ashleen soupira.

« Rebelle un jour... Je n'avais pas pensé à faire parti du Ministère jusqu'à rencontrer un enquêteur en amérique du sud qui pourchassait ma victime. Ayden venait de prendre le contrôle de la division. Je n'aime pas vraiment tuer, alors j'ai changé de vocation en me disant que mettre les gens en prison était tout aussi bien. »

Raphael était choqué. Innocente ? Naïve ? Elle avait fait parti de cette catégorie de surnaturel que l'on estimait sans honneur. Et pourtant, elle en avait à revendre.

« Qui fut le dernier ? »

La question inspira le silence aux autres. Elle repoussa une mèche de cheveux de devant ses yeux.

Elle plongea son regard clair et franc dans les siens.

« Quelle importance ? »

Il plissa les yeux.

« Qui ? »

Elle soupira.

« Demande moi directement mon nom de code. Nightmare. »

Elle se releva, s'époussetant les mains.

« Et elle s'appelait elle-même la Reine de la Mort. Elle a asservi un village zombie et menaçait d'envahir le monde de ses morts-vivants. Elle a essayé de me transformer. C'était assez chaud. »

Flamme jura.

« Elisabeth était... une sorcière de deux mille ans, extrêmement puissante, le Ministère a toujours refusé que nous intervenions. »

Raphael acquiesça.

« Nous sommes de sang noble. Le risque qu'elle nous ensorcelle était trop haut. »

Il dévisagea la Danéïde.

« Chaud à quel point ? »

Elle réfléchit.

« Je sais pas. Disons que je suis rentrée juste après, j'étais un peu fatiguée, j'ai dormi pendant deux jours.

- Pas de blessure ?

- Contre une nécromancienne ? Non. Les morts sont lents. Et elle n'était pas une combattante.

- Comment l'as-tu tué ? »

Elle prit la feuille que lui tendait un Kellen remarquablement calme.

Elle mémorisa la rune, concentrée.

« J'ai déclenché un cyclone avant de la foudroyer. Le plus efficace était de la submerger avant de l'anéantir. Puis j'ai brûlé son corps avec mon feu de sorcière. »

Elle releva les yeux.

« Le village n'existe plus, j'ai tout recouvert de potion d'annulation totale. La magie ne pourra pas s'y développer avant une bonne vingtaine d'année, et les âmes n'avaient plus rien à quoi s'accrocher. »

Elle rendit la feuille à son frère qui hocha la tête.

« Un nettoyage en bonne et due forme. »

Elle lui sourit.

« J'ai été un peu scrupuleuse en maudissant la zone.

- Quel genre ?

- Perte de mémoire si la personne résiste aux dissuasions de plus en plus virulente. »

Gael leva une main.

« Attend, attend, tu es parvenue à jeter une malédiction alors que la terre est sans magie ? »

Kellen soupira.

« Bien sûr, puisque la potion est d'elle. »

Il jeta un coup d'oeil à un Gael perplexe.

« C'est pourtant une base en potion. Plus la potion est puissante, plus elle requiert de l'énergie de son créateur, moins elle aura d'emprise sur ce dernier. Une potion d'anéantissement réclame une grosse dose d'énergie et surtout le sang de son créateur pour l'enclencher. Donc, sans effet pour lui. »

Flamme hocha la tête sous le regard surpris de ses deux amis. Il haussa un sourcil.

« Quoi ?

- Tu le savais ? Demanda Gael.

- Euh... oui ? Je suis maitre potion, je vous rappelle. Que vous l'ignoriez me surprend, par contre. »

Ashleen gloussa.

« Flamme, tu savais que les formules des sortilèges complexes nécessitait que le lanceur doive y intégrer les lettres de son prénom pour qu'il en garde le contrôle ? Et qu'une rune de niveau six doit être tracée en sept secondes pour avoir 100% de son efficacité ? »

Elle se plaça au milieu d'un cercle invisible lorsque les meubles étaient en place. Le cercle s'illumina, composé de glyphes de protection et de bloquage.

Elle fit un clin d'oeil à Raphael avant que ses iris ne s'enflamment.

« Vous devriez partager les connaissances. Vous auriez l'air moins cons. »

Elle traça la rune dans les airs à une vitesse telle qu'ils en restèrent muets malgré l'insulte qu'elle venait de leur jeter.

La rune s'illumina de rouge, suspendue dans les airs, à un mètre de la jeune sorcière.

« Bon, souffla-t-elle. C'est parti. »

Raphael s'approcha à la limite du cercle.

Ce qu'il vit était... indescriptible de beauté et de grâce. S'il n'avait pas été conquis bien des mois auparavant, il l'aurait été à cet instant.

Tout le corps de la sorcière était en mouvement, traçant glyphe sur glyphe, qui s'additionnaient pour rencontrer la rune rouge.

Certaines brillaient avant de se désintégrer.

D'autres ne parvenaient même pas à destination.

Mais la sorcière continua sans fléchir.

Longtemps. Très longtemps. Au point qu'une seule question ressortait dans les pensées de Raphael : comment pouvait-on connaître autant de signe ?

Puis sa voix s'éleva, tel le chant des sirènes, et elle reprit les signes qui avaient brillé, un à un.

Sa concentration rendait son visage moins juvénile, moins doux. Elle brillait de magie sans que sa peau ne change d'intensité.

Elle commença par une langue connue et universelle en magie. Puis reprit dans une autre. Et encore une autre. Elle mélangea deux langues, des signes. Sans jamais hésiter.

« Merde, souffla Flamme, interrompant l'effet hypnotique que la Danse exerçait sur ses deux compagnons. C'est beau.

ça doit faire une heure qu'on la regarde, s'étonna Gael. »

Kellen était nonchalamment assis sur un fauteuil, feuilletant un grimoire. Il leva les yeux vers eux.

« Deux heures, plus exactement. Vous avez été envoûtés. Ce n'est pas rare les premières fois.

- Waouh. »

Gael se laissa tomber sur le canapé. Il clignait des yeux.

« Je ne pensais pas que je pouvais être envoûté...

- Et encore, deux heures, c'est un record, commenta le jeune homme, amusé. Normalement, les gens restent fascinés jusqu'à la fin. Vous avez une bonne volonté. »

Il tourna une page de son grimoire et grimaça.

« Eurk, potion de pilosité. Un truc de sorcière revancharde, ça. »

Il montra l'illustration à Flamme qui l'avait rejoint.

Raphael observa le garçon, toujours depuis son poste à la lisière du cercle magique.

« Immunisé ? Demanda-t-il.

- L'avantage de sortir du ventre d'une danéïde et d'être exposé à sa magie depuis sa naissance, répondit-il avec flegme. »

Le Duc jeta un coup d'oeil à la petite sorcière.

« Elle ne fatigue pas ?

- Si je me fie à ce que j'ai pu sentir de sa puissance, elle pourrait faire ça durant des jours sans ressentir de fatigue. La magie la nourrit. »

Il désigna le cercle.

« Et elle n'a pas à faire attention à l'environnement extérieur. Rien ne rentre, rien ne sort. Ma mère a le même, elle m'a appris quand j'étais gamin à l'enclencher si un jour la maison est menacée. »

Il prit un autre grimoire.

« Les danéïdes sont à part. Descendantes directes de la Déesse, diraient certains. Ou ses favorites.

- Foutaise, marmonna Flamme. J'ai pu apercevoir la déesse, elle ne fait pas de favoritisme. »

Il se frotta le bras. Le jeune druide eut le regard qui brilla de violet.

Cela rappela Arthur à Raphael. Le Arthur jeune, curieux, intéressé par tout et n'importe quoi. Diablement intelligent... Mais sans les aspirations politiques.

« Dragon, hein ? Tu as fait quoi pour qu'elle te rende une visite aussi marquante ? »

Gael regarda le gamin d'un œil méfiant.

« Tu en sais beaucoup pour un ado. »

L'adolescent en question haussa les épaules.

« J'apprends vite. »

Il fixa Raphael d'un air un peu plus préoccupé.

« Très vite.

- L'absorption druidique ? Supposa le Destructeur. »

Kellen sourit.

« Mes ancêtres sont plutôt cool quand on sait les écouter.

- Tu parles aux morts ? S'exclama Gael.

- Seulement mes ancêtres. La méditation, tout ça... La capacité instinctives à mêler les énergies est un truc du côté de ma mère. Mais tout le reste, dont l'assiduité et la patience, me viennent de mon père. »

Il désigna sa sœur.

« Ashleen est sûrement l'unique sorcière du clan capable de vraiment rester des jours dans ce cercle. Une danéïde classique s'énerverait avant d'aller détruire l'Ecole et ses professeurs. Comme ça, plus de soucis, la rune s'effacerait avec la mort inévitable de son lanceur. Mais je sais qu'Ashleen a prit un peu de notre père : elle va analyser les différentes possibilités durant des heures, des jours, pour sauver ces gamins.

- Gamins ? Tu as leur âge. »

Le regard qu'il lança à Raphael état vieux. Si vieux... il sourit.

« Les druides ne sont jamais vraiment jeunes. Dès que l'on a accès à une partie de nos pouvoirs les connaissances affluent. Le passé nous envahit. C'est difficile à avaler, il faut serrer les dents, c'est par palier. Alors, oui, j'estime que mes camarades sont des gamins. Et que j'ai une maturité inattendue pour mon âge. »

Il regarda sa sœur.

« Ashleen est capable d'être gentille et douce alors qu'elle est une tueuse impitoyable. Ce sont les mots de notre grand-mère. Elle est toujours sur le fil, agissant au mieux en fonction de ses émotions. C'est le fardeau des empathes danéïdes, qui plus est, elle est handicapée par le côté druide de son sang. »

Il posa le grimoire en secouant la tête.

« Je ne suis pas stupide et aveugle, Raphael, fit-il brusquement en changeant d'attitude. »

Le gamin dévoilait enfin les crocs. Le destructeur avait senti qu'une part de son comportement était feint, son insouciance un simple masque. Lorsqu'il plongea son regard violet dans celui argenté du mage qui avait pourtant bien plus vécu que lui, ce dernier frémit.

« Je ne sais pas à quel jeu tu joues, mais les danéïdes ne sont pas comme toutes les autres sorcières de ta connaissance.

- Ce qu'il se passe entre Ashleen et moi ne te regarde pas. »

Le druide se leva et il n'avait plus rien d'un ado dans sa posture. Il croisa les bras, menaçant.

« N'en croit rien, le contra-t-il. Elle est le trésor du clan, une rareté dans ce monde. Et elle est ma sœur.

- Tu la connais à peine. »

Le garçon ricana.

« Le penses-tu vraiment ? Comme tu restes persuadé qu'elle n'est qu'une amante de passage ? »

Il secoua la tête, un air de mépris sur les lèvres.

« Soit tu prends conscience du trésor que tu tiens entre tes mains rapidement, soit tu disparais avant que ton attitude de connard ne fasse trop de dégâts, Duc, ordonna l'enfant qui n'en était plus un.

- Ou alors ? S'amusa Raphael. Une bonne menace s'accompagne souvent de conséquences terribles. »

Kellen haussa les épaules.

« Ce n'est pas une menace. C'est un avertissement. Une créature comme Ashleen en proie d'une peine de cœur serait dévastateur pour le monde.

- Il n'y a pas d'amour entre nous, dévoila Raphael, bien obligé de s'ouvrir pour calmer le druide. Juste du désir.

- Ah ? Et ta colère face à l'attitude de mes parents ? Ton empressement à lui faire quitter une atmosphère nocive pour elle ? Cela vient de ton désir ? »

Agacé, Raphael fit un pas vers lui mais Flamme s'interposa vivement, le visage tourné vers Kellen.

« Gosse ou non, tu devrais arrêter, siffla-t-il. Tu titilles la Mort, petit. »

Kellen ne répondit pas, se contentant de fixer Raphael avec aplomb.

Ce dernier finit par se détourner, quittant l'appartement avant de ne commettre un meurtre.


Texte publié par ManueM, 11 septembre 2019 à 17h50
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tome 1, Chapitre 11 « POV Raphael - Mise au point » tome 1, Chapitre 11
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