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tome 1, Chapitre 5 « Scène macabre » tome 1, Chapitre 5

La maison était rouge. Pourtant, à la base les murs avaient été en blanc, comme on pouvait le voir sur la jonction avec le plafond.

Le nombre de corps avaient augmenté le temps du trajet. Le Capitaine Fraser m'avait appelé peu après être arrivé sur les lieux. Ils n'avaient pas encore découvert le grenier.

Douze.

Douze gosses.

Des insultes peintes sur les murs avec le sang. Des tripes, des morceaux de chair accrochés aux meubles. Une maison de l'horreur. Je n'osais imaginer quel degré de cruauté il fallait posséder pour commettre un tel acte.

Et ça puait le sortilège de Marionnette.

Je vis Ayden pâlir à peine eut-il franchi le seul.

« Désolé, marmonna-t-il lorsqu'il se cogna à Flamme. Les répercussions psi. »

Je ne dis rien gardant mon masque de sorcière impassible. Je l'avais pourtant prévenu. Je sentis son regard se poser sur ma nuque alors que je prenais les devant de notre petit groupe pour trouver les responsables humains de l'enquête.

Jordane se trouvait dans la cuisine, pièce étonnamment épargnée par l'horreur. Elle se tenait la tête entre ses mains. Lorsqu'elle me vit, ses yeux se brouillèrent de rage au milieu d'un visage étrangement pâle pour une latina.

« Ton peuple a fait ça. »

Son ton accusateur ne m'atteint pas. J'avais l'habitude que l'on m'accuse pour tout un peuple, je ne le prenais jamais pour moi. Voyant que je restais neutre, son regard s'égara autour de moi, cherchant une cible.

Elle repéra les sorciers qui m'accompagnaient. Sa rage redoubla.

« Et tu apportes avec toi ces salopards ?! »

Elle se leva, agressive, au moment où le Capitaine Fraser arriva, m'évitant d'avoir à gérer une Sensitive folle de rage. C'est qu'elle avait quelques tours sous la manche pour une mortelle et je n'avais pas vraiment confiance au trio menaçant qui m'accompagnait pour garder le secret.

« On se calme, Jor. Ashleen est de notre côté, rappelle-toi. »

Elle était en hyperventilation. Je m'approchai d'elle comme d'un animal blessé, les paumes exposées.

« Jordane... Jor, regarde-moi. (Elle obéit difficilement.) J'ai besoin de toi, Jor. J'ai besoin que tu m'aides. Tu es la meilleure Sensitive de ce foutu pays et nous devons arrêter les salauds qui ont fait ça. J'ai besoin que tu te maîtrises.

- Comme si le Ministère allait punir ses chers membres, ricana-t-elle, blême. »

Je pris ses mains. Mes yeux brillaient de magie.

« Si ce n'est le Ministère, ce sera moi, fis-je. »

Elle me dévisagea longuement avant de fermer les yeux. Elle dut lire que j'avais pris ma décision de m'impliquer plus profondément que ce que je ne l'avais toujours voulu dès l'instant où j'avais mis un pied dans la baraque.

« Oui. Je sais que tu en serais capable. Et tu n'es pas une parjure. »

Elle serra mes doigts, ses mains tremblant entre les miennes.

Elle inspira. Expira. Imitant mon souffle. Elle rouvrit ses paupières, son regard de nouveau neutre.

« L'horreur et la douleur m'ont fait perdre la tête. Je suis désolée. »

Je la lâchai dans un haussement d'épaule.

« J'aurais agi pareil si tu n'avais pas eu besoin de calme. »

Un mince sourire étira ses lèvres.

Un sourire tendu, un réflexe humain pour chasser la nausée.

« Toi ? Tu ne perds jamais le contrôle. »

Je détournai le regard. Si, je le perdais. Souvent, même. Mais elle n'avait pas besoin de savoir que je pouvais être pire que tous les Immortels qu'elle avait un jour croisés.

« Que pouvez-vous me dire ? »

Jordane inspira doucement.

« Les âmes sont parties avec beaucoup de violence. Pas mal de souffrance, de terreur... Quelques âmes sont encore ici, mais comme pour les deux autres, je ne peux rien en tirer.

- Les rapports préliminaires disent qu'ils se sont entretués, compléta Fraser. On a rien touché, et j'ai réduit le personnel au minimum pour maximiser tes compétences. »

Je me massai la nuque.

« Bon. Allons-y. »

Partout où ma magie et mes yeux se posaient, je ne voyais que l'horreur. Certains parvenaient à garder de la distance en ignorant que la chair avait été un être vivant. Que tout était faux, une simple énigme à résoudre.

De mon côté, c'était humaniser qui m'aidait. Des horreurs, j'en avais tellement vu que les rendre réelles m'empêchait de faire des cauchemars. Le réel se combattait. Pas les songes. Enfin, pas tous.

À la fin de ma ronde, je revins dans la cuisine. J'avais mis plus de temps que les autres, toute concentrée que j'étais. Ayden se frottait les tempes et mes trois voisins étaient impassibles. Ainsi donc, ils perdaient leur flegme fasse à un massacre ? Je ne pouvais rien faire de cette information, elle ne me réjouissait même pas un peu.

« La police scientifique ne trouvera rien, annonçai-je. Pas sans magie, et en l'utilisant, je vais dégrader les preuves, qui seront irrecevables. »

Le visage du Capitaine s'assombrit.

« Tu récupères l'affaire ? Me demanda-t-il. »

Je regardai Ayden qui hocha la tête.

« Ouais, tu es d'accord ? »

Il passa une main dans ses cheveux courts. Sa lassitude à un âge si jeune me fit de la peine. Je posai une main sur son bras.

« Je te promets la justice, mon ami. Mais si tu veux garder l'affaire sous la juridiction humaine, nous mettrons plus de temps. La vitesse est primordiale avec les Immortels et tu n'es pas taillé pour jouer avec ces gens-là. »

Il plongea son regard dans le mien.

« Et toi ? »

Je restai silencieuse, le laissant juste voir à lui et lui seul le monstre qui se cachait en moi. Sa peau se couvrit de chair de poule sous ma main. Il retira son bras pour le frotter.

« Je te donne officiellement tout pouvoir sur cette affaire, articula-t-il durement. Que les Immortels soient les victimes de leur arrogance, murmura-t-il avec une certaine hargne. »

Jordane s'avança vers moi et me tendit mon sac.

« Donne moi quelques fioles, je vais t'aider. »

Je lui souris tristement.

« Désolée, mais pour ces potions, je dois le faire moi-même. Le niveau de magie fait que les effluves doivent être ressenties par un être surnaturel. Tu es humaine, malgré tes dons. Par contre, accompagne-moi, cela pourrait révéler des indices que seule ta nature pourra sentir. »

Elle desserra ses doigts, pas insultée le moins du monde.

« On peut nous ? Demanda Flamme, sortant de son mutisme. »

Sa voix était atone. Je secouai la tête.

« Je ne suis pas sûre. Les potions sont gorgées de ma magie et je n'ai jamais travaillé avec des mâles. »

Il plissa les yeux. Mais ne fit aucun commentaire. Je cédai quand même face à sa mine butée.

« Venez quand même, vous pourrez voir ce que cela va révéler... »

Ils me suivirent tous. J'avais l'impression d'être dans le clan, du temps où j'enseignais à certaines des plus jeunes à utiliser correctement une potion.

Je pris une première fiole et la fis s'éclater au milieu de la pièce.

Elle laissa s'échapper un épais nuage magique sombre qui se diffusa dans la maison, dévoilant une aura violet sombre. Puis une autre, et encore une autre.

Et une quatrième. J'avais le nombre d'immortels présent sur les lieux durant ces dernières 48h. Toutes les auras avaient la même consistance, révélant qu'ils avaient tous étaient présent au même moment. C'étaient les infimes variations de ce violet qui m'affirmèrent qu'il s'agissait de quatre personnes distinctes.

J'éclatai d'autres fioles d'une deuxième potion en silence dans la pièce.

Les mouvements commencèrent à apparaître.

Je m'accroupis au dessus d'un corps, ou du moins de ce qu'il en restait, récupérant le pulvérisateur dans mon sac pour l'arroser d'une pression, puis je bougeai vers un autre corps, une pression, et encore, jusqu'au grenier.

Une tension enfla dans l'air et je gonflai ma voix de magie en reprenant ma place initiale.

« Montre moi. »

Le temps s'activa pour les formes brumeuses.

Nous revîmes toute la scène en lumière, sans le son, sans l'horreur, sans le sang. Le massacre avait pris cinq minutes en tout et pour tout. Ils n'avaient pas joué longtemps, leurs énergies s'écoulant sans doute à grande vitesse.

En déambulant dans la maison, je remarquai qu'une ombre violette quittait la maison à un moment.

L'instigateur de la scène de la ruelle, sept cent mètres plus loin, à ne pas en douter.

Je revins à la cuisine. Une autre fiole brisée, différente, qui révélait en une série d'image les dernières 72h qui s'étaient écoulées dans la pièce. Oui. Il y avait bien eu des jeunes ici.

J'observai les murs, les ustensiles, à la recherche d'indices complémentaires. Comment avaient-ils pu sortir ? La scène dans le salon témoignait de la volonté des meurtriers de rester discret. Cela signifiait que les humains, aussi incroyable soit-il, étaient parvenu à lutter contre le sortilège quasi-infaillible de Marionnette. Mon regard se posa sur le frigo. J'allais l'ouvrir.

Une bouteille de soda entamé. Et une bouteille de vin. Je la sortis avant de traverser la cuisine à nouveau.

Deux verres dans le lave-vaisselle. Je les pris, reniflai. Mes deux premiers gosses avaient bu du vin, secrètement. J'avais suffisamment senti l'odeur de leur sang pour connaître les fragrances qui composaient leurs parfums.

Je pris la bouteille et lus l'étiquette.

Un vin cher, une cuvée d'un vignoble tenu par des mages.

Je reniflai à nouveau.

Oui, un vin contenant une dose suffisante de magie pour ensorceler un humain. Le temps de quelques heures, une pour un verre, ce qui avait permis à la jeune fille et son compagnon d’échapper au sortilège de Marionnette général pour s'enfuir. Malheureusement, un seul esprit pour deux était suffisant pour prendre possession d'humains aussi jeunes, aussi effrayés, aussi …

Je pris la dernière potion, décidée. Elle aurait rendu inefficace toutes les autres. Une potion d'annulation totale. Je ne l'avais préparé qu'en dernier recours, son pouvoir en dévoilant beaucoup trop de mes réelles capacités. J'aurais été seule, mes conclusions m'auraient suffis à aller vers l'Ecole pour exiger de fouiller chaque esprit afin de trouver les coupables. Mais j'avais un public dont je devais m'assurer l'entière coopération.

Selon ses dosages, cette potion pouvait rendre l'espace où elle était répandu non-magique pour une bonne décennie. Ingérée, elle rendait sa victime sans pouvoir pendant 72h. Un secret de famille. De façon totalement ironique, puisque la majorité des légendes sur les Immortels étaient fausses, c'était surtout la dose de sel quelle contenait ainsi que sa provenance qui la rendait plus ou moins agressive.

Elle avait l'odeur de caramel au beurre salé bien reconnaissable pour une sorcière, odeur étrangement agréable pour une potion aussi dangereuse.

Et j'avais bien calculé pour qu'elle annule les effets des potions du niveau de celle que je soupçonnai.

Comment annuler une potion d'annulation telle que la potion de mortalité ?

Avec une potion d'annulation totale.

Marrant, finalement, comme les gens se pensaient les prédateurs suprêmes alors qu'il y a avait toujours plus fort qu'eux.

Je soulevai l'unique fiole par télépathie, la vidant de la même façon.

« Que tout le monde sorte, ordonnai-je. »

En dehors de mes quatre compagnons temporaires, tous obéirent.

Je soupirai en les voyant figés, prêts à négocier leur présence dans la maison.

« Bon, rapprochez-vous, cédai-je sous leurs regards. Un cercle de deux mètres de diamètre maximum. Ne la laissez surtout pas vous toucher. »

J'étirai le liquide jusqu'à ce qu'il recouvre toute la maison et le déposai délicatement sur toute les surfaces.

Puis je fis une entaille minuscule sur mon index. Une seule goutte de sang. Je la laissai tomber sur la potion.

La déflagration magique qui résultat de la rencontre me souleva les cheveux.

Le parfum de la magie des meurtriers satura soudain l'air. Ils avaient explosé leur réserve, comme je l'avais deviné. Les odeurs étaient jeunes, d'une magie pas encore totalement maîtrisée. Beaucoup de perte d'énergie qu'un groupe d'adulte n'aurait pas permis.

Ayden jura en arrivant sûrement aux mêmes conclusions que moi.

« Putain. Rappelle moi de ne jamais te chercher la merde, Ash. C'est quoi ce truc ? »

J'exploitai rarement ma puissance, surtout en ville, car cela n'avait jamais vraiment été nécessaire. Et il n'avait eu qu'un bref aperçu auparavant, juste de quoi lui faire ressentir une légère peur lorsque je me mettais en colère.

Je haussai une épaule, atténuant mon acte par une attitude désabusée.

« Une recette familiale. Si je te la donne, je devrai te tuer par la suite. Et n'essaie pas de découvrir sa composition par l'odeur, ça risque de t'embrouiller. »

Je retirai ma magie, dissipant le sortilège. Le but était atteint.

Je sortis du cercle de sécurité.

« Voilà, vous avez votre preuve, fis-je en me tournant vers Raphael, le seul qui prenait réellement les décisions. On fait quoi, maintenant ? »


Texte publié par ManueM, 11 septembre 2019 à 17h44
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