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Ignemshir, Tome 1 : L'Étincelle Mourante
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tome 1, Chapitre 80 « La Première Danse » tome 1, Chapitre 80

Un Faucheur Muet…

Ceux qui invoquent l’abîme.

Evan réprima un rire. Quand il pensait que dans son enfance on lui avait fait croire qu’il suffisait de manger des légumes pour ne rien risquer de leur part. Il lâcha plusieurs ricanements désabusés. Des monstres. Ces êtres étaient de véritables monstruosités qui n’auraient jamais dû exister. Il leva les yeux vers Nora qui le fixait en essayant de comprendre.

D’ailleurs, il n’avait pas ramené le patch de Franz. Il ne le ferait probablement jamais. Ce serait de la haute trahison que de donner de tels documents à une terroriste. Enfin, rien que le fait de les détenir, était hautement répréhensible. Il verrait quoi faire pour récupérer l’Atomium Adamantis mais ce n’était plus vraiment une priorité maintenant qu’il avait décrypté les documents du Projet Odiani mais vu comme Franz en avait parlé, il ne pourrait être un okemui sans les deux éléments qu’il renfermait… mais avait-il même envie d’en être un alors qu’il ne savait même pas ce que cela impliquait ?

— Comment le sais-tu, lui demanda-t-il. Ton chemin a déjà croisé celui d’un Faucheur ?

— Oui, répondit-elle gravement avec un regard brièvement lointain qui força Evan à la croire sur parole. Et toi également, je présume, si j’en juge d’après la voix de petit garçon effrayé que tu avais. Où donc ?

— Et si pour une fois, tu t’occupais un peu de tes affaires, Zal, rétorqua sèchement Keiji avant qu’Evan n’ait pu dire quoique ce soit.

Elle ne s’offusqua pas de ses paroles et soupira avant de s’avancer. Elle fit face à Keiji qui la toisa du regard. Elle lui sourit, leva lentement ses mains vers lui… Pour redresser son nœud grand-duc bleu marine à broche doré qui était légèrement de travers alors que Keiji semblait hésiter entre lui donner un coup de boule et lui couper les mains. Elle le regarda, amusé, comme attendant sa réaction. Ce dernier plissa des paupières mais ne fit rien. Il n’allait pas agresser la Regina Pourpre dans l’Aurarquat. Il n’était pas stupide à ce point et elle le savait. Elle se tourna ensuite vers Evan en lui disant :

— Tu as eu si peur que tu n’as pas pu mettre ton nœud grand-duc ? Tu ferais mieux de le mettre rapidement, Evan. Ils sont très stricts à ce propos.

Evan le savait bien. L’année dernière, il avait vu Heredogar reprendre durement un alumnus parce que son nœud était de travers. Ce dernier avait failli se faire dessus d’après ses souvenirs. Le jeune homme le sortit de sa poche à contrecœur et l’attacha avec des doigts dextres :

— Donc tu sais vraiment nouer un grand-duc, dit-elle impressionnée. C’est rare pour un garçon. Tous ceux que je connais, ce sont leurs mères qui les leur nouent.

— Je n’ai plus de mère, dit-il froidement.

Nora parût mal à l’aise. Elle détourna le regard avant de dire en le fixant à nouveau :

— Désolé… Je ne voulais pas…

Voyant qu’il s’apprêtait à lui lancer une remarque cinglante, Nora le prit de cours en lui demandant d’une voix presque maussade :

— Est-ce qu’on pourrait arrêter ?

— Arrêter ?

— Faire la paix. Je n’ai pas envie de me battre avec toi chaque fois que nous nous voyons.

Evan la regarda, perplexe, se demandant à quel jeu elle jouait désormais.

— La paix ? Répéta-t-il dubitatif. Toi, tu veux que nous fassions la paix ?

— C’est ce que tu dois vouloir aussi, non ? Sinon, tu n’aurais pas réagi envers moi comme tu l’as fait tout à l’heure. Au stade.

— Arrête Nora… arrête, soupira Evan. Je ne sais pas à quoi tu joues, mais je ne suis pas d’humeur.

— Je ne joue pas, Evan. J’énonce simplement un fait. Je ne t’ai rien demandé. C’est toi qui…

— Tout à l’heure, la coupa Evan, gêné. Je n’ai pas réfléchi, d’accords ? ne va pas interpréter cela comme… je ne sais pas, une tentative de… je ne sais même pas comment tu l’interprètes, bon sang ! C’était juste…

— Justement, Evan. Tu n’as pas réfléchi. C’est la preuve que dans le fond, tu ne me détestes pas autant que tu le prétends, n’est-ce pas ?

Evan ne sut que répondre à cela car en réalité, ce qui le gênait le plus chez elle, c’était qu’il ne la comprenait pas. Au départ, cela avait été le fait qu’elle soit une Sha’Daigan. Son arrogance. Mais en découvrant un peu plus de sa personnalité, le problème n’avait plus été celui-là mais sa personnalité alambiquée. Ce sentiment que tout chez elle n’était qu’une succession de masques et qu’il n’était jamais sûr d’avoir affaire à la vraie Nora. S’il en existait réellement une.

Après les loups blancs géants, lorsqu’il l’avait emmenée chez Georges, il avait crû avoir eu accès à sa véritable personnalité mais des doutes subsistaient et quand il avait découvert que dès le départ, son objectif avait été de lui voler l’Atomium Adamantis, il avait compris qu’elle n’était jamais ce qu’elle paraissait. C’était pour cela qu’il était toujours sur ses gardes mais il ne la haïssait pas non plus. C’était surprenant mais il ne la haïssait pas. Parce que dans le fond, même si elle l’avait laissé mourant dans la neige, il avait eu l’intention de la laisser seule, face aux loups géants dans le Cimetière. Ce qui revenait à la condamner à mort ou à lui laissé très peu de chance de survie. À chaque fois qu’il voulait la mépriser, il se retrouvait dans ses travers… Ce qui lui donnait le sentiment que quelque part, ils n’étaient pas si différents. Et cela le tuait de le reconnaître. Reconnaître qu’il ne valait pas mieux qu’un oshaïnim…

— Écoute, Evan, dit-elle à voix basse en se rapprochant de lui, les yeux baissés sur un objet enveloppé qu’elle tenait des deux mains. Je te demande de m’accorder ton pardon, pour tout ce que je t’ai fait. Je ne suis pas fière de moi. C’est pourquoi…

Elle lui tendit l’objet enveloppé d’un tissu noir. Evan le prit.

— En gage de ma bonne foi, ajouta-t-elle en posant ses yeux ambrés sur lui.

Le jeune homme déplia le tissu et découvrit l’Atomium Adamantis. Il leva les yeux vers Nora sans comprendre. Il détestait ne pas comprendre. Elle savait pourtant qu’il ne la voyait que comme une manipulatrice dénuée d’émotion, elle devait donc savoir qu’il ne pourrait jamais la croire, et encore moins lui faire confiance. D’autant qu’il savait déjà que l’Atomium Adamantis ne lui était d’aucune utilité. Il pourrait se passer mille ans sans qu’elle ne parvînt à l’ouvrir. Même avec la puissance d’un neshir incarné. Et malgré tout cela, elle tentait quand même le coup. En fait cela ressemblait surtout à une tentative désespérée… ou alors elle avait un culot incroyable…

— De bonne foi, tu dis ? Tu ne veux donc plus ce que j’ai sur Franz Parker ?

— Tu sembles penser que je n’ai pas de cœur, et que je ne fais jamais rien sans rien. Ce qui est faux. Je ne suis pas que comme ça. Pas totalement en tout cas. C’est vrai qu’à cause de ce que je suis, je dois agir froidement. C’est vrai aussi que j’ai envie de savoir ce que tu sais, mais j’aimerai mieux qu’on enterre la hache de guerre.

— Qu’on enterre…

Evan échangea un regard indécis avec Keiji qui haussa les épaules. Il regarda un moment Nora en se disant qu’il devait y avoir anguille sous roche mais elle avait l’air tellement sincère avec son air candide qu’il n’arrivait plus à trouver d’argument contre car dans le fond, il détestait les conflits. Il voulait juste qu’on le laisse tranquille. C’était peut-être une occasion d’en finir une fois pour toute avec tout ce qu’il y avait entre eux. D’autant que, fort malheureusement, il avait des affaires plus compliquées à régler, se battre avec la Regina n’était qu’une perte de temps et d’énergie. Il observa l’Atomium Adamantis puis leva les yeux vers elle.

Elle avait toujours l’air si fichtrement sincère.

Il soupira en disant :

— Très bien. On va dire qu’on enterre la hache de guerre mais nous ne sommes pas amis pour autant.

Un sourire rayonnant apparut sur le visage de la jeune fille. Un sourire éclatant et chaleureux. Elle lui tendit sa main aux ongles vernis fauve. Il la lui serra après une brève hésitation. Ce fût à ce moment qu’apparut, au loin, derrière elle, Tessa.

Son ancienne amalia portait une splendide robe drapée chatoyante gris-clair munie d’une unique bande de soie ample gris-bleu marquée des armoiries du Sang de Harlec et des escarpins blancs. Sa gorge devint brusquement sèche et une douleur sourde, désormais familière, serra sa poitrine.

C’était pour ce soir.

Elle allait acceptée l’anneau de Lucas.

*

Nora, voyant son regard être submergé par la mélancolique, chercha l’objet de sa soudaine tristesse, et en se retournant, elle vit Tessa. Evan la lâcha comme si elle n’existait plus, et s’éloigna lentement, les poings serrés, vers la salle de bal. Il s’arrêta à la limite entre le balcon et la salle, une épaule contre l’encadrement.

La jeune fille sentit alors à côté d’elle la présence du futur Gardien du Sang d’Asano. Il portait un costume shirag noir impeccable, arborant au niveau de la poitrine, chevauchant les deux pans de sa veste, les armoiries du Sang d’Asano, le loup honorable sur le soleil noir. Ses cheveux de jais, plus long sur le haut de la tête, étaient harmonieusement coiffés sur le côté. Il eut un de ses sourires que beaucoup de filles aurait qualifié d’enjôleur mais elle le connaissait bien, depuis qu’il savait marcher. Elle savait que son esprit aiguisé tournait à plein régime. Il essayait de la décrypter, de la cerner. De la piéger. Son regard était plus froid que jamais. Elle savait que pour lui, elle n’existait plus. Il avait probablement déjà arrêté la date à laquelle il la ferait périr par son neshir, probablement lors des Olympeons, car il savait qu’il en aurait l’opportunité.

— Pourquoi cette mascarade ? murmura-t-il. Qu’est-ce que tu prépares, oshaïnim ?

— Rien du tout.

— Tu ne devrais même pas être ici, je n’arrive toujours pas à croire que tu ais trahis le Noguem et que tu te sois détourné de la Voie Immaculée. Toi, parmi nous tous.

— Plains-toi aux Exécuteurs, rétorqua-t-elle sèchement.

— Pourquoi me plaindrais-je alors que je peux t’exécuter moi-même ?

— Je te reconnais bien là, Shogun au Regard d’Aigle. Défenseur aveugle de la justice décadente du Pouvoir des Trônes

— Justice décadente ? Quand je pense que tu es notre Regina, j’en ai honte.

— Tu parles ainsi parce que tu ne sais rien des oshaïnims. Tu n’es qu’un toutou du Noguem, incapable de voir plus loin que le bout de son nez…

— Vous êtes des terroristes, Nora ! Il n’y a rien d’autre à savoir. La Pacesia de Sang… Ta mère est morte lors de cette tragédie et tu rejoins ceux qui l’ont tué ? Tu me dégoûtes.

Elle secoua la tête, la mâchoire serrée et le regard remplit de colère.

— Tu ne sais pas de quoi tu parles, Sang d’Asano. Tu ne me connais pas alors contente-toi de la fermer.

— Voyons, Zal. On se connaît depuis notre plus jeune âge. J’ai connu ta mère, elle était très proche de la mienne. Nous sommes allés dans les mêmes camps de vacances sur la station Lockwood, nous avons passé trois mois ensemble au monastère de Quinchu, un mois par an sur Mars, en Nouvelle-Byzance. On y a croisé le fer à de nombreuses reprises après que nous soyons nés des cendres. J’ai toujours eu beaucoup de respect et d’affection pour toi. Tu peux comprendre que découvrir qui tu es vraiment, me laisse un goût amer. J’ai cru te connaître mais je me rends compte que tout n’était qu’une horrible comédie.

Nora, les bras croisés et les poings serrés, répliqua en braquant sur lui ses prunelles ardentes :

— Tu ne sais pas de quoi tu parles, Kei. Tu ne sais vraiment pas.

— Explique-moi alors, je t’écoute, Lily.

— Je n’ai aucun compte à te rendre. Nous ne sommes plus des enfants, Kei. La vie, c’est plus qu’un camp de vacances pour enfants d’oligarques et une île flottante. En grandissant, la réalité s’impose à nous, des choix doivent être fait et des décisions doivent être prises.

— C’est-à-dire ?

— Tu ne comprendrais pas. D’ailleurs, tu as toi-même changé. Tu es devenu moins arrogant et stupide. Je m’étais toujours demandé comment le gamin snobinard, prétentieux et fier comme un coq que tu étais, avait pu se lier d’une amitié si forte avec un simple ma’nkel. Comment tu avais pu aller jusqu’à en faire ton A’shua Meno…

— Pourquoi ? À tes yeux, c’est une erreur ?

Son visage s’adoucit et elle sourit en répondant :

— Non, un acte audacieux dont je ne t’aurais jamais cru incapable. Mais maintenant, je comprends. Il est clairement différent. Sa différence n’est pas comme celle de Jahandar. Elle est d’un autre ordre.

— Et tu considères toujours que le Sang nous rend supérieur ? Les oshaïnims sont contre cette idée, vu que tu en es une…

— Si, bien sûr qu’il nous rend supérieur. C’est factuel.

Keiji leva les yeux au plafond et soupira, l’air agacé. Il resta silencieux quelques secondes avant de dire :

— Evan ne fait pas confiance au gens facilement. Je suis surpris qu’il ait accepté ta demande, sachant ce que tu es.

— Je sais, c’est pour cela que je lui ai proposé ce gage mais je t’avoue que je n’étais pas sûre qu’il accepterait. Même avec… je m’y suis mal prise avec lui. Dès le début. Dès que je l’ai rencontrée mais j’ignorais qu’il…

— Tu ignorais que quoi ? Écoute-moi bien, Nora. J’ai l’esprit aussi rotor qu’un serpent et je sais que tu es pire que moi, murmura-t-il avec un sourire inquiétant. Que recherches-tu au juste ? Dis-le-moi, sinon je t’assure que je vais tellement te pourrir à ses yeux, qu’il ne voudra plus jamais t’adresser la parole. Et je m’assurerais que cette hache soit déterrée avant la fin de la soirée.

Nora le fusilla du regard puis lui dit, en fixant un point devant elle, happé par des souvenirs :

— Il y a des choses qui sont anormales chez lui. Il m’intrigue et… Pour tout te dire Kei, ce n’est pas très clair dans mon esprit.

— Pas très clair ? pas très clair… Oui bien sûr. Bah ce n’est pas clair pour moi non plus.

— Je t’assure, insista-t-elle. Je suis sincère…

Le jeune Endo dit en fixant les étoiles :

— Qu’Evan accepte d’enterrer la hache de guerre est une chose mais je ne peux pas te donner le bénéfice du doute. Je ne peux pas après ce que tu es devenu.

— On réglera nos comptes quand le moment sera venu, Kei. Mais s’il te plait, ne fais pas ce que tu prévois. Je ne veux plus me battre avec lui. Ne le convainc pas de revenir en arrière et de me voir à nouveau comme une ennemie.

— Tu vois Nora, que quelqu’un suscite ton intérêt, je peux le comprendre mais je t’ai observé et Evan m’a raconté vos quelques rencontres. Ton attitude n’est pas, comment dire, très cohérente avec ta personnalité. Du moins, de ce que je sais de toi ou de l’ancienne Nora. Tu n’es pas du genre à chercher à enterrer une hache de guerre. Tu ne recherches pas la paix avec tes ennemis mais tu te plais à les réduire en cendres, à les combattre jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien d’eux. On ne t’appelle pas la Reine des Cendres pour rien. Sur les Trois-Monde, ta Liste Grise est l’une des plus longues des alumni de notre génération. C’est ce que tu es, au fond de toi. Une guerrière sans pitié. Et contrairement à toi, Evan, ce qu’il a toujours désiré, c’est la paix. S’il se plonge dans la guerre, c’est parce qu’à ses yeux, elle est un moyen et non une fin en soi. C’est pour cela que sa réaction est, à une certaine mesure, cohérente avec sa personnalité, mais en ce qui te concerne, ce n’est pas le cas.

— Et toi ? Demanda-t-elle sur un ton de défi, gêné par sa perspicacité. Qu’est-ce que tu recherches au fond de toi ?

— Moi ? Je ne recherche que la justice. Rien de plus et rien de moins.

Nora ne put s’empêcher de reconnaître que son analyse la concernant était juste et précise. Il avait totalement raison. Cela ne lui ressemblait pas. Même si Evan n’avait jamais été un ennemi. Juste un obstacle. Elle déglutit, les bras croisés, mal à l’aise et lui demanda :

— Pourquoi me racontes-tu tout ça ?

— Afin que tu t’interroges sur toi-même. J’ai longtemps cru que le groupe que nous formions, les Quatre Souverains, existaient à cause de Jahandar. Parce que son attitude fraternelle nous avait tous attiré à lui et que nous le voyions tous comme un grand frère… mais désormais, je me demande si celui qui nous avait réuni malgré nos forces et nos égos, n’était pas Evan…

— Qu’est-ce que tu racontes ? comment aurait-il pu vous fédérer ? Ça ne lui ressemble pas vraiment…

— Ces derniers mois l’ont changé. Avant, il était différent. Il y avait un truc chez lui et je sens que cela est en train de revenir. Nora, je te parle d’un ma’nkel qui a réussi à s’attirer les faveurs de Rayn Harlec. Rayn Harlec ! Normalement, cela aurait dû être impossible. Malgré ce que Tessa aurait pu dire ou faire.

— Attends, tu es en train de parler de l’Attraction de Shorun ? Demanda-t-elle, troublé.

— Oui, Lily. Je suis ravi que tu l’ais rapidement compris. Je parle bien de l’Attraction de Shorun. Ce charisme quasi mystique qui permet de s’entourer d’individu dont l’égo et la puissance pousse naturellement à l’indépendance.

Nora fixa Keiji qui continuait de fixer le ciel étoilé avant de lâcher un autre soupir en se frottant le coin des yeux du bout des doigts et de dire :

— J’ai peut-être tort… Je ne sais pas.

— C’est une qualité extrêmement rare, Kei. Est-ce que tu t’entends ? c’est une des conditions requises pour devenir un Roi de l’Aurore ou un Prince du Temps. Il y en a moins de dix par siècle qui le développent en devenant des ignemshirs. À part les Rois de l’Aurore et les Princes du Temps, Edward Lukeni est le seul dont on peut affirmer avec certitude qu’il l’a possédé. Honnêtement, je pense que tu t’avances un peu trop.

— C’est toi qui manques de perspective : il n’y a eu qu’un seul Yen’doshushimu en mille ans… un seul.

Elle ne sut que répondre à cela.

— Quoiqu’il en soit, conclut-il d’une voix glaciale. Sache oshaïnim, que je ferais tout pour protéger mon Ashua’Meno. Je viendrais à toi en personne quand l’opportunité se présentera. Et je briserai moi-même ta lame. Cela viendra plus tôt que tu ne l’imagine et toute cette histoire de hache enterrée n’aura plus la moindre importance quand ton âme reposera entre les crocs du Dévoreur… sur ce…

Keiji s’éloigna de sa démarche nonchalante et disparut dans la foule des invités. Nora demeura pensive un court instant. Il était vraiment déterminé. Il était fidèle à lui-même.

Etait-il possible que ce fût à cause de l’Attraction de Shorun qu’elle était allée le voir au Fort Laurent ? Contrairement à la fois dans le Cimetière ou bien lorsqu’elle l’avait suivi à la Bibliothèque d’Ambre, elle n’avait eu aucune raison de le faire.

Peut-être également que sa décision, quelques secondes plus tôt n’avait été motivé que par cela…

Ce n’était pas possible.

Pas de cette manière…

Shorun…

Mais il était vrai qu’il était le Kaedenshir d’un Yen’doshushim…

Nora vit la jeune Harlec au bras de Lucas Lechatel. Elle observa Evan qui était toujours de dos en se sentant un peu triste pour lui.

Étrange…

Ce n’était pas son genre d’exprimer de la compassion pour quelqu’un, qu’en réalité, elle ne connaissait même pas intimement. Il était encore un étranger pour elle…

Soudain, la salle de bal se fit silencieuse. Un homme grand, solidement battit, les cheveux blancs et courts et au visage altier, paraissant la cinquantaine mais qui devait probablement faire le double, habillé avec prestance, s’avança au centre de la salle. Il se tint là où les larges branches des deux chênes éternels se croisaient. Le Grand Intendant de l’Aurarquat, Maximilien Hugo, était l’une des Plumes de Terre les plus gradées des Deux-Frances.

— Le bal ne tardera à débuter, dit-il de sa voix de stentor. Vous allez tous recevoir une sphère de choix avec le numéro de votre partenaire pour la première danse. Dès que vous l’aurez, avancez-vous, jeunes gens.

Elle vit Evan s’éloigner dans la salle et être rejoint par Keiji. Ils disparurent brièvement et revinrent. Evan n’avait plus le paquet qu’elle lui avait donné. Il l’avait sûrement donné aux domestiques afin qu’ils le lui conservent jusqu’à la fin de la soirée. Nora chercha du regard les membres de sa schola, qui lui firent signe et elle s’empressa de les rejoindre.

— Où t’étais-tu envolé ? Lui lança Faust de sa voix froide, élégant dans son costume shirag gris, les cheveux coiffés en arrière, alors qu’elle arrivait à leur niveau.

— Une affaire à régler. Oz, tu ne tapes personne ce soir, c’est compris ?

— OK, répondit ce dernier, également sur son trente-et-un, dans un haussement d’épaule

Nausicaa, le visage avenant, la peau d’ébène et le regard d’émeraude lui tendit une coupe de nekal en disant :

— Il y a pas mal de rumeurs qui circule sur la Maille depuis cet après-midi. Il semblerait que tu te languisses d’amour pour le ma’nkel. Ou l’inverse… C’est un très beau garçon mais tu pourrais trouver quelqu’un d’un peu plus… hum… à ton niveau.

Nora leva les yeux au ciel en prenant la coupe et dit à la quarta de la Rose d’Or :

— Elles sont aussi vraies que celles qui disaient que tu serais l’amalia du jeune Thunderwalker.

— Ce gars est un abruti. Je ne vois pas qui ça intéresserait de passer sa vie avec un égocentrique pareil.

Nora sourit en attrapant la sphère de choix qui flottait devant elle. Nausicaa fit de même et activa l’hologramme avec le numéro et le nom du partenaire.

— Eh bien, fit Nausicaa en lâchant la sphère. Visiblement, je vais devoir danser avec le Shogun…

— Ce n’est qu’une danse, lui fit remarquer Oscar en mâchouillant un amuse-gueule dont il n’appréciait visiblement pas le goût. Tu n’as rien à craindre.

— La seule chose que je crains, c’est que son charme opère sur moi, répondit-elle avant de s’éloigner dans son élégante robe drapée verte et ses talons gris.

Tous ses amis se séparèrent pour rejoindre leur partenaire nouvellement désigné. Elle remonta la salle, passant derrière la rangée de filles qui faisaient désormais face à leur nouveau cavalier. Elle vit que Faust s’était retrouvé avec Charlaine. La jeune fille la vit et Nora esquissa un sourire amical mais le visage de la jeune aspirante scientis demeura de marbre et elle vit clairement son regard vert charger de ressentiment, bleuir. Donc Charlaine était au courant de sa double identité. Encore une personne qu’elle appréciait qui désormais la méprisait… Elle s’arrêta en face de son cavalier, qui ne sembla pas se rendre compte de sa présence tant il était absorbé dans ses pensées.

— Hum, fit-elle en se raclant la gorge et il posa sur elle ses yeux onyx mais elle n’y vit aucune défiance, ni contrariété.

Cela ne lui faisait ni chaud, ni froid que ce fût elle. C’était beaucoup mieux que le dédain auquel il l’avait habitué mais quelque part en elle, elle sentit qu’elle n’aurait pas dit non à un sourire affable. Elle lui tendit la main, il la prit délicatement. Les siennes étaient grandes et chaudes. La composition qui avait été choisie pour lancer le Bal était le Feu d’Hyanaya sur lequel on dansait le qal’gar. Une danse inventée au milieu de l’Age des Immortels. Il empruntait un certain nombre de mouvement à la valse, au tango mais principalement au kal’Undra, une danse Sal’Omeni très ancienne. Elle se rapprocha de lui, il faisait pratiquement une tête de plus qu’elle et il posa une main sur sa hanche. Elle se sentit embarrassée. Elle ignorait pourquoi, mais il la mettait un peu mal à l’aise. Il était assez rare qu’elle se sentît ainsi confuse à cause de quelqu’un.

Le Grand Intendant donna le signal.

De l’orchestre s’éleva alors une délicate mélodie, une symphonie douce et mélancolique qui emplît la grande salle de son sol de marbre noir jusqu’à son haut plafond recouvert de fresques mouvantes. Le groupe de musicien, composé de joueurs de qanun, de luth de Sherba, de violon de Salem, de flûte de Suze, de harpe de Yolan et d’une demi-douzaine de percussions, jouait dans une parfaite symbiose. Les couples de danseurs tournoyaient désormais avec grâce, à un rythme lent et posé. L’épéisme et la danse n’étant pas si éloignés que cela, la majorité des ignemshirs étaient également des bons danseurs.

Et son cavalier se débrouillait très bien. Il connaissait les pas à la perfection. Ils l’avaient tous appris à l’Institut des Trois-Ordres, les aspirant salomens et scientis inclus.

— Pas trop contrarié que ce soit tombé sur moi ? Demanda-t-elle en faisant un pas sur le côté puis deux en arrière.

— On dirait plutôt que c’est toi que ça contrarie, rétorqua Evan avec un léger sourire. On dirait même que tu es constipée. Es-tu constipée, Nora ?

Nora pouffa de rire alors qu’il s’écartait légèrement d’elle puis se rapprochait de nouveau.

— Tu sais, je connais un remède miracle pour ça, continua-t-il.

— Arrête de dire n’importe quoi, fit-elle en riant. Je ne suis pas constipée.

— Là, tu n’as plus l’air de l’être, c’est vrai, répondit-il de sa voix douce et grave, avec un sourire simple et chaleureux qui lui rappela leur discussion sur le chemin du restaurant de Georges.

Elle se contenta de lui rendre son sourire appréciant le moment. La jeune fille se laissa guider par son cavalier. Le rythme de la musique accéléra lentement jusqu’à devenir franchement joyeux. Les pas se firent alors plus travaillés, et nécessitèrent des mouvements plus harmonieux, et une précision qui donnait à leur geste identiques, l’effet qu’il était son reflet dans un miroir. Suivant le frottement vif de l’archer sur les cordes du violon de Salem qui impulsait une réjouissante énergie dans l’atmosphère, ils s’éloignaient l’un de l’autre, se rapprochaient, s’attrapaient puis se lâchaient, en faisant les mêmes pas travaillés ou complémentaires dans leur réalisation. Haletant et souriant, ils continuèrent de danser au rythme de la musique jusqu’à la conclusion magistrale du célèbre Feu d’Hyanaya.

Essoufflé, ils se regardèrent l’un l’autre d’un air ravi et satisfait. Elle avait dansé avec beaucoup de partenaires mais c’était la première fois que c’était aussi fluide et amusant. Comme si cela allait de soi.

La majorité des couples de danseur se défirent, de nouveaux couples se formèrent, tandis que d’autres s’en allaient vers les banquets ou les salles voisines plus calmes, pourvues de fauteuils et de canapés. L’orchestre embraya sur un autre morceau beaucoup plus lent à la mélodie douce et entraînante.

Nora fut surprise de le voir lui tendre la main, l’invitant ainsi à danser de nouveau. Elle fut encore plus surprise de voir sa propre main saisir la sienne, acceptant, de fait, l’invitation.

Qu’est-ce qui lui prenait d’accepter ?

Elle aurait dû changer de partenaire. Elle le devait même. Son grand-père avait exigé d’elle qu’elle réserve sa deuxième et troisième danse à deux Derniers Témoins de Familles Anciennes des Terres Alamans et de la Fédération des Indes et du Bengale. Elle vit l’un des deux, un grand blond plutôt mignon à la mâchoire carrée qui, alors qu’il se rapprochait d’elle d’une démarche assurée, lui lança un regard étonné lorsqu’elle se remit à danser.

Le Sultan Écarlate risquait d’être contrarié…

Déjà qu’il lui avait fait un sermon par rapport à l’attitude d’Evan lors de la finale en disant qu’elle aurait dû lui coller son poing dans la figure au lieu de lui serrer la main après avoir ri et bavarder avec lui.

Elle avait essayé de lui faire comprendre qu’il n’avait pas fait cela en vue de la mépriser parce qu’il était plus du genre impulsif que calculateur mais son grand-père n’avait rien voulu entendre. Et ensuite, même si elle se fichait des rumeurs, il ne fallait pas non plus leur donner de quoi perdurer. Malgré cela, elle continua de danser. Elle se rendit compte que dans le fond, elle se fichait royalement du reste. Danser avec lui avait quelque chose de particulier…

— Pourquoi m’as-tu proposé à nouveau de danser ? Tu n’y étais pas obligé, lui demanda-t-elle au bout d’une petite minute.

— En effet, je n’y étais pas obligé.

— Alors ?

— Danser me change les idées. Et comme tu l’as entendu plus tôt, il y a beaucoup de choses qui me préoccupent. Tu as simplement eu la malchance d’être celle qui m’a été désigné comme cavalière…

— C’est une manière de le présenter, répondit-elle amusée.

Nora conserva une certaine distance ou peut-être ce fut lui mais elle ne se sentait plus embarrassé. Plus depuis qu’il l’avait fait rire au début de la danse précédente. Il avait réussi à la détendre plutôt facilement… elle ne serait pas attendu à une telle attitude de sa part. Il était toujours aussi surprenant. Elle l’observa alors que son regard songeur fixait un point dans son dos. Il disait être préoccupé ? Mais qui ne le serait pas après avoir fait face à un Faucheur Muet. Une incarnation quasi-surnaturelle du mal dans son état le plus pur.

Et comment avait-il réussi à survivre à une rencontre avec l’un de Ceux qui invoquent l’abîme ?

Où avait-il bien pu le croiser ?

Il était clair que d’une certaine façon lui et Franz Parker étaient partenaires. Sinon, pourquoi était-il le seul que ce dernier contactait ? Qu’avait-il de si particulier, au-delà d’être le Kaedenshir maudit, pour qu’un génie comme Franz s’associe à lui ? Il était intelligent, c’était vrai car le simple fait qu’il ait été capable de deviner qu’elle était un oshaïnim… Cela démontrait une acuité intellectuelle particulière.

— Dis-moi…

— Tu poses beaucoup de questions, fit-il amusé.

Elle perçut sous son sourire pour la première fois, une légère morosité. Son regard onyx, un peu maussade, se dirigeait maintenant invariablement vers la droite. Quelques secondes à peine, mais elle l’avait remarqué. Et nul besoin de deviner qui attirait ainsi son attention. Elle savait que Tessa était de ce côté de la salle de bal. S’il en était toujours aussi épris, pourquoi avait-il décidé de rompre la Promesse ? Décidément, il y avait beaucoup de secrets qui l’entouraient. Elle se rappela l’onde neshirienne. La sensation de pureté qu’elle avait ressentie. Une Sublimation de Noam réalisée à la perfection. L’expérience de mort imminente n’expliquait pas tout. Définitivement.

— Oui, je suis comme ça. J’aime les questions, répondit-elle d’un ton léger.

— Je t’écoute, fit-il en la fixant.

— Pourquoi as-tu accepté d’enterrer la hache de guerre alors que je t’ai volé l’Atomium Adamantis et que je t’ai fait perdre ton titulus. Je ne suis même pas venu te secourir quand tu te vidais de ton sang dans la neige. En plus de cela, tu sais ce que je suis. Je ne comprends pas. Le Sang d’Asano n’aurait jamais accepté s’il avait été à ta place…

— Keiji ? Non, jamais. S’il pouvait te trancher la tête, là, tout de suite, il le ferait sûrement. Mais cela engendrerait trop de problèmes alors…

Nora se crispa légèrement avant de se détendre à nouveau. Une vérité qu’il admettait tout simplement.

— Avant de répondre à ta question… j’en ai une pour toi. Pourquoi me l’avoir proposé ?

— Parce que je n’avais pas envie de me battre plus longtemps avec toi.

Evan la fixa de ses prunelles noires et intenses qui là, à cet instant, lui donnèrent le sentiment qu’il pouvait lire clairement en elle comme dans un livre ouvert. Elle se demanda ce qu’il voyait… Ce qu’il pensait réellement. Il semblait parfois facile à cerner mais d’autres fois, il était aussi indéchiffrable que le destin. Elle détourna le regard. Décidément, elle n’avait jamais fait face à un tel spécimen.

— Je n’y crois pas une seule seconde, fit-il. C’est sûrement autre chose, mais bon, je t’avoue que cela m’importe peu… je sais ce que tu es. Je ne l’ai pas oublié. Le truc c’est que… j’ai d’autres chats à fouetter… Parce que le monde se révèle plus complexe que je ne le soupçonnais…

— Plus complexe ?

— Oui, comme un puzzle d’un milliard de pièces. Et… Si je veux atteindre mon objectif, j’aurais besoin que tu ne sois plus dans mes pattes. J’espère juste que tu ne me poignarderas pas dans le dos, quand mon regard sera ailleurs…

— Juste comme ça ? tu espères ? C’est un pari risqué que tu fais là.

— Tu veux dire que je ne devrais pas espérer cela de ta part ?

— Je n’ai pas dit ça. C’est juste que… ça me paraît… léger

La musique s’arrêta et ils firent de même. L’orchestre repartit à nouveau sur un morceau beaucoup plus rythmé.

— En espérant que nous ne sommes réellement plus des ennemis. Pas encore des amis, non plus, mais quelque chose entre les deux.

— Tu sais, Evan, pour moi, tu n’as jamais été un ennemi. En fait, je ne t’ai jamais vraiment mis dans une catégorie particulière, lui dit-elle en haussant les épaules.

— Je le sais très bien, mais de mon point de vue, tu es étais une, jusqu’à ce que tu me rendes ce qui m’était dû.

— Alors, maintenant nous somme quoi ? des… ennamis ? Tenta Nora avec un sourire espiègle.

— Pourquoi pas, même si je trouve ce mot vraiment très moche.

Elle lui dit alors, au moment où il se détournait :

— Merci pour les deux danses. C’était vraiment cool.

Il lui sourit simplement sans rien dire et s’éloigna. Il croisa Gus Steincraft, élégant dans un costume shirag trois pièces violet, arborant sur la poitrine le Chevalier de Feu du Sang de Steincraft. Il lui donna un coup d’épaule et le fixant d’un regard mauvais. Evan ne réagit pas, et continua son chemin comme s’il ne s’en était pas rendu compte. Ce qui était bien probable. Nora soupira et rassembla la patience qu’elle avait en réserve pour obéir à l’honorable Smerdis Zal.

Elle sourit à son nouveau partenaire alors qu’il lui prenait doucement la main. Il lui rendit un sourire plein d’assurance. Elle lui trouva un air présomptueux. Tandis qu’ils dansaient, elle n’arriva pas à penser à autre chose qu’à la discussion et aux paroles échanger avec Evan. Au mystère qui l’entourait, à l’impression qu’il lui donnait. Une chose était certaine, ce garçon était dangereux même sans un neshir dans la main. Il était clair qu’il avait ouvert les données contenues dans le patch qu’il avait récupéré à la Bibliothèque d’Ambre. Cela ne pouvait être que cela. Elle avait cherché le patch pendant près d’une semaine sans succès. Donc Evan était désormais au courant de chose que peu de gens se doutaient.

Pourquoi lui ?

Elle avait enquêté sur Franz Parker et avant qu’il ne se rencontre à Le Roi, le Moine et la Tour, il n’y avait eu aucune interaction entre les deux.

Aucune.

Et ses propos confirmaient qu’il était un outsider. Il venait de mettre les pieds dans une réalité différente de celle qu’il avait toujours connue. D’ailleurs, elle l’avait suivi après coup, sans être certaine d’elle car de l’extérieur, on ne pouvait rien voir à travers les vitres crasseuses du bar où Franz avait fixé leur rendez-vous, sans parler de la fumée, et elle n’était pas entré car elle ne voulait pas se faire remarquer.

Malgré cela, le Sang d’Asano l’avait quand même repéré. En réalité le duo était encore plus redoutable. Elle avait été à peu de chose d’en finir avec le Shogun, mais il avait été suffisamment malin pour lui couper son masque. Elle s’en était voulu d’avoir laissé cela arriver mais en même temps soulager de ne pas avoir eu à en arriver jusque-là. Elle avait toujours des sentiments mitigés lorsqu’elle devait affronter des personnes qu’elle connaissait mais s’assurait toujours pour aller jusqu’au bout. Elle ne pouvait pas faire les choses à moitié et devait donc faire taire tout sentimentalisme. Cette décision d’aller au bout qu’elle qu’en fût les coût, elle l’avait pris deux ans plus tôt lorsqu’elle avait accepté le muish’el nim, le masque du bonimenteur. Elle se rendit brusquement compte que Gus la dévorait des yeux. Cela ne fit que rendre sa proximité plus dérangeante.

Elle pria pour que ça se finisse vite.


Texte publié par N.K.B, 20 décembre 2019 à 11h40
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