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Ignemshir, Tome 1 : L'Étincelle Mourante
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tome 1, Chapitre 63 « L'Île Morte » tome 1, Chapitre 63

Ils discutèrent longuement jusqu’à ce qu’une Corneille de Fer vienne chercher Charlaine et l’emmène loin de lui. Il passa le reste de la journée à réfléchir. Il ne voulait plus s’apitoyer sur son sort. Cela ne menait à rien.

Le lendemain matin, alors que la lune était encore haute dans un ciel indigo qui s’éclaircissait, Evan ouvrit les yeux en entendant des légers bruits de froissement de vêtement dans le couloir. Il devina qui approchait. Keiji apparut. Il était vêtu d’une élégante veste shirag marron bordée d’un ruban noir chatoyant le long de chaque pan avec le loup des Asanos, pelage blanc, croc dehors sur un soleil noir brodé sur la poitrine et un Cercle de l’Univers pourpre au niveau du cœur. Il portait un sarouel noir et des mocassin Chesterfield noirs. Il s’arrêta à un pas des barreaux. Evan sourit en se redressant mais son sourire s’effaça face à la mine dure et contrariée du Dernier Témoin du Sang d’Asano. Il se mit prestement sur ses jambes et ils se toisèrent en silence. Son A’shua Meno soupira avant qu’un large sourire s’épanouisse sur son visage, contaminant Evan et ce dernier passa son avant-bras entre les barreaux. Keiji le saisit fermement refermant sa main au niveau du coude.

— Même si tu es un abruti de première, ça me fait sacrément plaisir de te voir Evan.

— Et moi donc.

Evan reprit son bras et formula d’une voix grave et solennelle :

— Puisse le Soleil et la Lune, témoins de l’Ashayshin toujours se refléter sur la lame du Loup Immortel.

— Puisse son souvenir toujours brûler et rayonner dans nos mémoires de toute sa force, répondit-il en hochant la tête avec une lueur triste dans ses yeux noirs.

— Tu viens d’arriver, je suppose.

— J’ai sauté dans le premier Icarion dès que j’ai été libre de m’en aller.

Son visage se durcit et il s’exclama :

— Mais qu’est-ce qui t’a pris de t’enfuir comme ça ?

— C’est plus compliqué qu’il n’y paraît…

— Compliqué ? l’interrompit Keiji, d’une voix glaciale. Ça n’a rien de compliqué. Tu te prends un coup, tu supportes la douleur et tu te relèves et continues de te battre. Tu ne te barres pas en courant comme une chiffe-molle ! Tu t’es vraiment mis dans un bordel monstre et gagné un aller simple pour le Pandémonium !

— Kei, écoute-moi…

— T’écouter ? c’est toi qui aurais dû m’écouter ! Je t’ai demandé de me faire confiance. Je t’ai dit qu’on trouverait une solution à chacun de tes problèmes. Je t’ai dit qu’on y arriverait…

— Je sais, Kei. Je sais. Mais écoute-moi d’abords, tu veux ? j’ai bien compris que j’ai foiré. Et si jamais je l’oublie, ces barreaux sont là pour me le rappeler.

— Tu sais que tu n’es plus dans le primum agmen, Evan ? Lucas a hérité du titre de quintus…

Il passa une main dans ses cheveux noir corbeau impeccablement coiffé au gel en se détournant brièvement.

— Ça me donne envie de vomir rien que d’y penser. Et maintenant, on ne pourra même pas participer aux Olympeons ensemble. Ça craint vraiment Evan. On était censé y aller ensemble, casser la baraque comme on sait si bien le faire, puis remporter le Raaek'a Daedalis avant d’entrer à Nosce. A cause de ta stupidité, ça n’arrivera pas.

Evan ne dit rien et l’écouta en le regardant simplement :

— Charlaine m’a dit que le Grand Exécuteur voulait faire de toi son Kharon… Tu sais que pour la plupart des gens, ce type n’est même pas humain ? C’est plus un genre de monstre assoiffé de sang et de justice. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle l’Aveugle…

Il se gratta la nuque, pensif.

— T’aurais vraiment pas dû prendre ces pilules. Les herboristes sont pires que des vipères, elles te guérissent un mal de tête en t’enlevant un rein et un poumon. C’est sûr qu’une fois mort, tu n’as plus de migraine… Je t’avais dit que ça te retournerait le cerveau. C’est ce que Charlaine pense, enfin elle n’en est pas sûre. Elle ne comprend même pas pourquoi t’es pas paralysé dans un lit, dans un état végétatif. Selon elle il y a plein de saloperie dedans. De quoi foudroyer un eretsin sur le champ et en faire de la pâture pour Ishirin’Ral’Eriok.

Son regard quitta un point sur le sol de la cellule d’Evan et se fixa sur lui alors qu’il demandait perplexe :

— Et l’Ojin ? C’est quoi cette histoire ? On nage un plein délire. Surtout que tu ais réussi à le vaincre. Donc les pilules fonctionnent mais te retourne le cerveau ? Le Chuchoteur… C’est comme ça que tu appelles le Marionnettiste qui le contrôlait ? Pourquoi ? Et pourquoi est-ce qu’il t’a attaqué. Dans tout ce bordel, Charlaine a failli se faire tuer. Par ta faute, Evan. On est censé la protéger pas la pousser à se mettre en danger, non ?

Evan ne répondit pas tout de suite. Il attendit quelques secondes, afin de s’assurer que son ami n’allait pas se remettre à parler à tort et travers comme à chaque fois qu’il se retrouvait dans une situation pour laquelle il ne voyait pas d’issue. Il dit alors :

— Tu es sûr d’avoir fini ?

Keiji, la mine sombre ne répondit pas, se contentant de le regarder durement.

— Pour commencer, je ne me suis pas enfuie parce que je le voulais mais parce que l’on m’y a forcé.

— T’es sérieux là ?

— Kei ! s’écria Evan avec colère, ce qui surpris Keiji qui, l’air contrarié, lui fit signe de continuer. Merci. Le Chuchoteur… Tu te souviens de ce qui s’est produit en classe lorsque Dorcas a eu son exorde ?

— Oui, ne me dit pas que c’était ton fameux Chuchoteur qui était à l’œuvre quand même ?

— Je pense qu’il doit y être pour quelque chose. Ou du moins, il doit y avoir un lien parce que j’ai brièvement perdu le contrôle de mon propre corps. J’ai relâché mon atmosphaira sans m’en rendre compte. J’avais vraiment l’impression que quelqu’un entrait dans ma tête.

— Comment quelqu’un pourrait-il contrôler à distance quelqu’un d’autre. Je veux dire. Je n’ai jamais entendu parler de cela.

— Dans l’HyperMonde, les Fulgators, et les Immortels parviennent bien à échanger leurs pensées, non ? Si la télépathie est possible, arrêter un tsunami, endormir un volcan sur le point d’entrer en éruption, se téléporter en passant par le Luxensha, pourquoi pas contrôler l’esprit d’un autre homme. Les neshirs sont des objets mystérieux. Leur potentiel est considéré comme étant illimité.

— Tu marques un point. Mais si je me souviens Dorcas disait que tu devais te méfier du Chuchoteur ? non ? Pourquoi le Chuchoteur te dirait de te méfier de lui-même ? ça n’a aucun sens !

— Si son exorde était authentique, c’était alors peut-être un avertissement à mon attention.

Keiji joignit ses deux mains et pressa la tranche contre ses lèvres, pensif.

— Même si je pense que nous ne maîtrisons pas assez le sujet pour en tirer les bonnes conclusions, il n’en demeure pas moins que, je ne me souviens pas de ce que j’ai fait entre mon arrivée chez moi, après l’Assemblée des Champions et le moment où je suis venu en aide à Charlaine. Je veux dire, c’est très flou. Il y a beaucoup de trous. Ce n’est qu’après avoir parlé avec elle que j’ai pris conscience que j’étais manipulé. Va savoir comment exactement. Et c’est à ce moment que l’Ojin s’est pointé.

*

Keiji l’observa un moment et les paroles de son grand-père lui revinrent en mémoire. « Promets-moi que si jamais il devient une menace, tu mettras toi-même fin à son existence. C’est ta responsabilité, Sha’Moki. En tant qu’A’shua Meno. »

Que se passait-il exactement ? Comme il était dans un état de stress important, sa synesthésie était de retour et ce qu’il voyait était profondément intrigant. L’aura colorée l’entourant était de nouveau aussi foncé que six mois plus tôt et elle se muait en un chiffre unique désormais. La valeur avait baissé drastiquement. Cela signifiait-il qu’il était à nouveau comme avant ?

— OK, très bien, dit-il finalement. Donc, tu es sûr que les pilules n’y sont pour rien ?

— Certain, sinon j’aurais commencé à disjoncter pendant le match de garoway ou le repas parce que j’en ai pris une juste avant tu arrives.

Le jeune Sha’Daigan soupira en secouant la tête, d’air réprobateur.

— J’arrive pas à y croire. Tu n’écoutes vraiment personne ! Charlaine ne t’avait même pas donné le résultat de ses analyses.

— Je sais….

— Non, tu ne sais pas, Evan, rétorqua-t-il sèchement.

Evan avait toujours été buté. Plus têtu qu’un rocher… Keiji soupira en se massant les tempes avant de hocher lentement la tête, pensif. Néanmoins, des incohérences subsistaient. Il était convaincu que l’analyse de Charlaine était correcte...

— Mais cela n’explique pas pourquoi malgré la haute nocivité de ces pilules, tu te portes comme un charme.

— Honnêtement, je pense que la Vierge possède des connaissances que Charlaine n’a pas. Elle sait ce qu’elle fait. Et visiblement, je peux lui faire confiance.

— Faire confiance à une herboriste, c’est une mauvaise idée Evan. Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans cette affirmation ? Tu es devenu gâteux ?

— Keiji…

— Et malgré cela, il y a un autre truc qui ne colle pas. Tu m’as dit toi-même que l’herboriste t’avait dit de faire confiance au Chuchoteur.

— Je sais, je sais. On y reviendra plus tard.

— Pff… Si tu veux… Maugréa Keiji sentant en lui une grande contrariété.

— Si je dois aller aujourd’hui sur l’Île Morte, j’aurais besoin de ces pilules. Il faudra que tu trouves un moyen de m’en envoyer, une fois que l’herboriste sera de retour. Sinon, je suis foutu. En attendant, il faudra que tu ailles chez moi récupérer le reste.

Keiji fût forcé de reconnaître qu’Evan avait raison. Malgré tout ce qu’il pourrait dire, s’il avait vaincu un Ojin, cela voulait dire que les pilules fonctionnaient à la perfection. Le Evan d’il y a six mois aurait parfaitement été capable de vaincre un Ojin d’une série vieille de plusieurs centaines d’années si cela était nécessaire pour sauver la vie de Charlaine. Mais il ne s’en serait pas tiré sans blessure grave. Il aurait dû se trouver à l’article de la mort. Tandis que là, il n’avait rien. Peut-être que les pilules avaient un effet dopant. Si c’était le cas, il n’avait jamais entendu parler d’un produit pareil. Une drogue qui fonctionnait sur un organisme neshirien…. C’était la première fois que son aura de couleur se muait en un chiffre unique… Avant il y en avait au moins deux…

Keiji hocha la tête avant de dire en regardant son meilleur ami dans les yeux :

— Je vais trouver un moyen mais je n’aime vraiment pas la tournure que ça prend, Evan. Vraiment pas.

*

L’Icare arriva trois heures plus tard. Keiji et Charlaine étaient passé chez lui et lui avaient récupéré des affaires, dans la mesure où il avait le droit d’emporter un sac avec lui. Ils y avaient glissé le sac de pilules de l’herboriste. Les adieux furent particulièrement difficiles même douloureux. Cela en était car en tant qu’aspirant Exécuteur, il avait peu de chance de les revoir de nouveau avant de longues années.

Il passerait peut-être une décennie complète dans l’ombre de l’Aveugle et écumerait les Trois Mondes, les Contrées Maudites aux abords des Territoires de Phobos où les Plumes de Fer tenaient de nombreux forts, aux prisons Nihilo pour apprendre et réaliser les interrogatoires, assister aux exécutions et in fine, lui-même exécuter les condamner à mort. La condamnation à mort était souvent une sentence plus légère qu’un enfermement à vie dans les prisons Nihilos. Cela dépendait du quartier dans lequel un prisonnier était enfermé. Parfois les Exécuteurs pouvaient partir en chasse mais en général, c’était pour punir une Plume de Fer qui avait déserté. En ce qui la concernait. C’était la décapitation immédiate ou un exile dans un Territoire de Phobos.

Charlaine essaya de ne pas pleurer mais n’y parvint pas. Il essaya de garder en mémoire la chaleur affectueuse et rassurante que dégageait son corps tandis qu’elle le serait contre lui. Keiji tenta de faire bonne figure mais chacun de ses sourires étaient teintés d’une telle tristesse qu’il aurait pu tout aussi bien fondre en larme pour Evan.

— Que la Terre soit sans péril, Empereur Déchainé, lui dit Keiji en lui faisant l’Aniun Ceresh. Sois vainqueur comme tu l’as toujours été.

Evan sentit les larmes lui monter alors que son front était contre le sien, mais réussit à se retenir :

— Que les cendres du Vénérable et de l’Immortel te protège, Shogun au Regard d’Aigle, Remporte le Raaek'a Daedalis pour moi et devient le prochain Aeternus.

La main de Keiji pressa affectueusement sa nuque et ils redressèrent leur tête sans lâcher leur bras droit, la main sur le coude. Keiji hocha la tête sans rien dire puis ils se lâchèrent. Evan se détourna sans rien ajouter, monta la rampe et entra dans l’Icare.

Lancelot Dreiven monta à son tour. On le conduisit derrière la Demi-Lune, la zone constituée des sièges principaux entourant le cylindre de contrôle de l’icare. Un siège jaillit à son approche et à celle du magister magnus. Ils prirent place.

Il était un peu surpris qu’on lui laisse emporter un sac et qu’on ne l’ait pas menotté comme un malpropre. Peut-être était-ce parce qu’il avait été demandé nommément par le Grand Exécuteur… Le magister magnus avait avec lui un pandore contenant sûrement Wazushendi et son orkin associé. On lui avait aussi remis sa corne.

Une Plume de Fer dont il ignorait l’identité était assise sur le siège central de la Demi-Lune, seul, les autres sièges étaient toujours dans le plancher de l’habitacle. L’icare argenté était marqué sur son fuselage d’une forme grise vaguement inquiétante sur un diamant rouge-sang. Le spectre gris et inquiétant sur lequel on pouvait repérer une gueule ouverte, des dents et des griffes acérés mais ne pouvant être associé à aucune créature existante était censé représenter le Dévoreur de Cendres. L’emblème des Exécuteurs.

La porte coulissa tandis que la rampe se rétractait et Evan eut un dernier aperçu de Charlaine et Keiji, serré l’un contre l’autre, sur le toit de Fort Laurent qui le regardaient disparaître de leur vie pour longtemps et potentiellement pour toujours.

Son cœur saignait. C’était douloureux. Comme perdre à nouveau un frère et une sœur. Et Princeton… Le reverrait-il un jour ? Tandis que dans un léger bourdonnement, l’icare prenait doucement de l’altitude, Evan attacher à son siège, serrait les dents pour ne pas pleurer. Le magister magnus l’observait, attentif au moindre signe de faiblesse. Toujours son air mélancolique et morose mais Evan savait que dans sa folie et son sadisme, il attendait avec impatience le point de rupture.

— Sais-tu ce qui est arrivé à l’ancien disciple, lui demanda le magister magnus Dreiven alors que l’icare s’élançait à toute vitesse dans le ciel. Le Grand Exécuteur, en personne lui a tranché la tête. D’après ses mots, il n’avait pas ce qu’il fallait pour être son disciple, pour être le Kharon. Et pourtant cela faisait cinq ans. Cinq années complètes. Que veux-tu. Il est assez versatile. Tu auras intérêt à lui être utile. Enfin tu dois d’abords survivre à l’Épreuve du Roi.

Evan ne répondit pas, se contentant de l’ignorer.

Lancelot esquissa un sourire amusé et se tut. Il volait déjà depuis une heure environ quand le magister Dreiven qui le fixait avec intensité se pencha brusquement en avant et lui demanda :

— J’ai entendu dire que tu étais très doué aux jeux de stratégie. Échec, jeu de Go, Roi-Pion.

Evan le regarda perplexe. Lancelot prit le pandore et le lui tendit. Evan, hésitant, regarda la Plume de Fer toujours de dos, qui observait un carré de lumière où défilaient des lignes d’informations. Il ne broncha pas. Evan prit alors le pandore et lança un regard interrogateur au magister magnus.

— Tu peux le récupérer.

Evan souleva le couvercle de la boîte en BoisFer sanguin, gravé de signes soloméniques. Il vit Wazushendi délamé, posé dans un renfoncement qui épousait parfaitement sa forme et l’orkin qui y était associé. Il allait le saisir quand une alerte sonna dans sa tête et il referma la boîte.

— Tu ne le veux pas ?

— Vous voulez me tuer, dit brusquement Evan, sans la moindre émotion.

— Et tu as couru droit dans le piège que je t’ai tendu…

— L’Assemblée des Champions, murmura Evan à mi-voix.

Lancelot esquissa un sourire. Toutes les fibres du corps d’Evan lui disaient de se saisir de son neshir. Le savoir ailleurs que contre sa hanche rivée à sa corne était perturbant et créait en lui un profond sentiment de malaise et de vulnérabilité. Soudain le magister magnus se saisit vivement de son neshir, l’alama et la lame fendit l’air jusqu’à la gorge d’Evan. Tendu comme un ressort, Evan ne bougea pas, ses doigts crispés sur le pandore. Il avait failli céder à la panique, à son instinct et prendre son neshir mais il savait que s’il l’avait fait, il aurait signé son arrêt de mort. Lancelot Dreiven était un magister de neshirinshi et un Chevalier Cendré. Il avait le grade de Général des Plumes Opales. Son atmosphaira, de son point de vue, était tout bonnement infernal. Comme son neshir était à proximité, il pouvait se plonger dans le cirkaem movi et résister à la pression, cela n’en étant pas moins douloureux. A cet instant, il se tenait au Brasier, la lame de son neshir posée sur sa gorge avec un rictus tout proprement malsain. Il voulait le pousser à la faute. Il avait voulu le pousser à la faute comptant sur le fait qu’il ne saurait pas réprimer son instinct car émotionnellement parlant, il était complètement brisé.

Cela avait failli réussir. Il voulait mettre au point une mise en scène qui impliquait sûrement qu’on le voit essayant de s’enfuir et de se battre avec le magister. Ils auraient sûrement effacé la partie où il lui donnait le pandore. C’était finement joué. Le sac et l’absence de menotte devait faire partie de la stratégie.

— Très intéressant, murmura Dreiven.

Il paraissait un peu contrarié. Dans ses yeux, Evan le vit qui le condamnait à mort. Il recula la lame en pliant le bras, et alors qu’il allait s’exécuter, une petite sonnerie retentie à l’avant de l’appareil. Le magister magnus se figea et Evan resta crispé essayant de réfléchir à la façon de mettre cet instant à profit.

S’il tentait de s’enfuir, le magister magnus aurait son prétexte, s’il ne le faisait pas, il l’abattrait comme porc. Dans le même temps alors que la Plume de Fer répondait à un appel, et que Lancelot avait son attention prise par l’échange du pilote de l’icare, Evan avait la désagréable impression qu’il faisait semblant d’être concentré ailleurs pour lui donner le temps de commettre une erreur.

Le magister magnus était tout proprement démoniaque. Il jouait avec ses nerfs. Evan avait l’impression que sa tête allait exploser. Soudain, le visage de Dreiven s’assombrit et il baissa son bras en demandant :

— Pourquoi ralentissons-nous ?

— J’en ai reçu l’ordre, répondit ce dernier sans se retourner.

Evan lui trouva un ton anormalement tendu. Il se rendit alors compte en regardant à travers le large parebrise du cockpit qu’il y avait un énorme vaisseau de guerre noir et fuselé qui volait à côté de l’icare. Un Ouranos. Il n’en avait jamais vu d’aussi près et il était impressionnant. Il pouvait largement contenir une centaine d’icares. Il était fait pour transporter une légion entière, dix-mille hommes avec les scientis, salomens, les Griffes et autres membres d’équipage nécessaire au fonctionnement de l’Ouranos. Ce vaisseau pouvait également voyager sans mal dans l’espace.

Il y avait un blason sur le fuselage de l’Ouranos, Evan le reconnut mais ne compris pas ce qu’il faisait là. Un Icare sortit du ventre de l’Ouranos et vola jusqu’à leur icare et disparut du champ de vision du pare-brise avant. Après quelques bruits de frottement, et de dépressurisation, la porte de l’icare s’ouvrit en glissant sur le côté et un homme entra.

Evan se rendit compte que le magister magnus avait délamé son neshir et l’avait rivé à sa corne. L’homme qui venait d’entrer suivit de deux Plume Onyx à l’air redoutable, balaya la cabine du regard. La Plume de Fer s’était déjà levée et se tenait droite comme un piquet, le poing serré contre l’Ul’Cirkaem cousu au niveau du cœur. Lancelot avait adopté la même position. Evan était tellement perdu qu’il se contenta de regarder bêtement le 3ème Imperator des Deux-Frances, Lucius Heredogar qui se tournait vers lui, posant ses yeux bleu azur écrasants et intimidants sur sa personne. Il avait les cheveux d’un blond éclatant, mi-longs, coiffé avec élégance et une barbe fournie. Il semblait avoir la quarantaine à peine mais Evan savait qu’il avait au moins le même âge que Rayn Harlec, c’est-à-dire plus de soixante-dix ans. Il était solidement bâti, de grande taille, deux ou trois centimètres de plus que lui. Son regard descendit vers le pandore et Evan eut l’impression que ses paumes brûlaient à son contact car il savait que la place de cet écrin de bois était dans l’Armurerie de la schola. Le jeune homme sentit que quelque chose coulait sur son cou.

— Lancelot, dit-il alors avec à la fois une étonnante douceur et une surprenante tristesse.


Texte publié par N.K.B, 2 décembre 2019 à 10h43
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