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Ignemshir, Tome 1 : L'Étincelle Mourante
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tome 1, Chapitre 32 « La Physionomiste » tome 1, Chapitre 32

Keiji ressortit de la ruelle. Il regarda dans la direction qu’Evan avait prise puis vers le quartier du Coq où se trouvait Charlaine. Il tenta de la joindre pour savoir si tout allait bien de son côté mais sans succès. Rien ne garantissait que l’oshaïnim qu’il avait vaincu était seul. Il fallait donc qu’il revoie sa stratégie et le coefficient de risque associé à toute cette situation. Il devait faire un choix… même si Evan n’était plus l’ignemshir qu’il avait été, il était toujours plus capable de se défendre que Charlaine. Les oshaïnim étaient comme des fantômes. On ne savait jamais vraiment avec eux. Il choisit donc de retourner à la jeep car la jeune fille ne décrocha pas lorsqu’il la rappela. Il devait s’assurer qu’elle allait bien. Une fois certain, il reviendrait.

Il traversa le quartier du Pont en courant et prit un gyropode flottant avant de foncer en direction du 9ème. Dans quoi est-ce qu’Evan s’était embarqué ? Qui était le poseur de carte ? Pourquoi les oshaïnim ? Quel rapport y’avait-il entre ces terroristes et le poseur de carte ? Evan qui se retrouvait au milieu de tout… Cela ne pouvait pas bien finir. Il aurait dû le dissuader d’aller dans le Cimetière. Il avait pris toute cette affaire avec plus de légèreté qu’il n’aurait dû.

En arrivant en courant au niveau de la Jeep, son cœur se serra quand il ouvrit la portière à la vitre teintée.

Elle n’était plus là…

Charlaine avait disparu.

Il se força à conserver son calme et constata que même si Charlaine n’était plus là, il n’y avait aucune trace de lutte. Elle ne se serait pas laisser enlever sans se battre ou sans laisser un indice quelconque derrière elle. Mais ce n’était pas une certitude car si on l’avait endormie avant…

Il sortit son R-Tatoo, priant pour qu’elle fût simplement partie acheter des babioles quelque part. Son patch auditif sur la tempe, une sonnerie après l’autre, son inquiétude s’accrût de plus en plus. Et lorsqu’il tomba sur sa boîte vocale, cette dernière s’était muée en froide détermination.

*

Charlaine marchait rapidement dans la ruelle quasi déserte du quartier du Coq. Elle n’arrivait toujours pas à en croire ses yeux. Une silhouette la précédait dans la brume. Celle de l’homme qu’elle suivait. Elle trottina jusqu’à l’angle de la rue, craignant de le perdre. Elle ne pouvait pas s’être trompé. Au bout de quelques secondes, Charlaine se rendit compte qu’on la suivait également. Un groupe de trois individus. Ils prenaient systématiquement les mêmes ruelles qu’elle. Elle accéléra le pas puis prit d’une peur soudaine, elle se mit à courir. Le groupe l’imita. Ayant une avance certaine sur eux, après un virage à droite, elle s’accroupit derrière une benne à ordure, retenant sa respiration. Ses poursuivants passèrent devant la benne en s’invectivant les uns les autres. :

— Elle est passée où la poulette des beaux quartiers ?!

— J’en sais rien, elle ne doit pas être loin.

— Magnez-vous avant que le gang des Sauvages ne la chope ! Elle est à nous, c’est compris ?

Evan ne plaisantait pas quand il disait que les gens du quartier allaient la repérer immédiatement. Pourtant, elle ne trouvait pas que ses vêtements détonnaient particulièrement. Elle n’avait jamais eu de problèmes quand elle allait dans le Moulin… Charlaine sortit de sa cachette et courut dans la direction d’où elle était venue. Elle devait retrouver l’homme qu’elle pistait. Elle avait besoin d’en avoir le cœur net. Alors qu’elle inspectait du mieux qu’elle pouvait toutes les ruelles adjacentes qu’il aurait pu prendre, dans l’une d’entre elles, une forme disparût dans la brume. Charlaine s’engagea dans cette dernière en courant d’abords puis en marchant, le pas rapide, alors que la forme venait de réapparaître puis de se dessiner en une silhouette qu’elle reconnût comme étant celle de l’homme qu’elle cherchait.

Tout d’un coup, il s’arrêta et après s’être retourné, il se tint immobile au milieu de la ruelle. Une attitude que Charlaine trouva assez inquiétante mais prenant son courage à deux mains, elle continua de s’avancer d’un pas mesuré. Jusqu’à ce que, malgré l’épaisseur du brouillard, le visage de l’homme pût être clairement identifié à la lueur des lampadaires sphériques flottants de la ruelle.

C’était bien lui. Sans le moindre doute.

— Je me disais bien que l’on me suivait, dit-il. Je n’aurais jamais cru que ce serait toi.

— Comment est-ce possible, balbutia-t-elle.

— Il y a donc encore des gens qui se souviennent de moi ? Ah non, j’oubliais. Toi, ça ne compte pas vraiment. Tu es une physionomiste de premier ordre. Tu n’oublies jamais un visage.

— Franz Parker… Tu es censé être mort. Ton visage… Comment cela se fait-il qu’il n’ait pas changé du tout ? Tu as exactement la même tête. Exactement…

— Nous ne nous sommes vus qu’une seule fois. Lors de…

— La soirée en l’honneur des nouveaux aspirants confirmés de Nosce. Tu étais classé quatrième parmi les Épées de Savoir. Je n’étais encore qu’une enfant. J’accompagnais mes parents.

— Exactement. Alors ?

— Alors ?

— Pourquoi me suis-tu ?

— Je t’ai vu sortir du bar Le Roi, Le Moine et la Tour.

Il sourit.

— Tu es… celui qui a déposé les cartes dans son casier, n’est-ce pas ? Pourquoi ? Que lui veux-tu ?

Par-dessus ses lunettes en demi-lune, il l’observa de son regard froid et calculateur. Étonnamment, elle ne lisait pas plus d’informations que cela sur son visage alors que d’habitude, les gens débordaient de légères expressions qui permettaient de deviner leur état d’esprit avec une certaine précision. Quand elle se concentrait, elle arrivait à les lire sans trop d’efforts mais chez son interlocuteur, elle ne percevait rien. Comme si son visage n’était qu’un masque. Peut-être savait-il de quoi elle était capable et agissait-il en conséquence. Malgré tout, c’était quasiment impossible pour la plupart des gens mais Franz Parker n’était pas n’importe qui…

— Savais-tu que les pathochromes n’étaient pas vraiment des eretsins ? techniquement parlant, ils diffèrent des gens normaux sur de nombreux points… Ils sont par exemple capables de…

— Franz Parker ! cria-t-elle malgré elle, déstabilisée par la mention de sa pathochromie. Ma pathochromie… n’a rien avoir avec la situation actuelle… réponds-moi tout simplement.

— Je me demande si ce que tu affirmes est vrai, dit-il calmement. Cela dit, toi et Evan, vous formez un joli couple. Enfin, comme un papillon et la source de lumière autour de laquelle il virevolte forment une belle image.

— Mais qu’est-ce que tu…

Franz la regarda et laissa brièvement entrevoir comme un vif intérêt, avant que le masque ne revînt tout dissimuler. Elle qui s’apprêtait à finir sa phrase changea d’avis en considérant plus attentivement les mots qu’il venait de lui dire. Elle déglutit et demanda :

— Qui est le papillon ? Lui ou moi ?

— Lequel d’entre vous deux a le plus besoin de la lumière de l’autre ?

Étrangement, cette question l’a mis mal à l’aise. Elle ne sut que répondre… Son amitié avec Evan avait toujours revêtu à ses propres yeux un aspect particulier. Car la première fois que ses yeux s’étaient posés sur lui, elle avait su au plus profond de son être qu’ils deviendraient très proches comme si, avant même qu’ils se rencontrassent, un lien les avait toujours uni. Avant même qu’elle sût qu’il était le Yen’doshushimu Tanakim et que le fait qu’ils fussent tous les deux, à cause de leur particularité, mis à part et rejetés par beaucoup de leurs camarades à l’Institut des Trois Ordres, ne les rapprochât pour de bon. A l’époque, elle au moins avait déjà Keiji et Tessa, mais lui n’avait personne. Elle se souvenait encore de son regard sombre et mélancolique, comme si justement il avait perdu toute lumière en ce monde. Elle avait compris plus tard que c’était la perte de sa jumelle qui l’avait mis dans cet état. Elle s’était dit qu’elle deviendrait cette lumière… consciemment ou inconsciemment… mais finalement, elle savait qu’il l’avait plus aidé qu’il ne s’en était rendu compte. Keiji et Tessa n’était pas comme elle. Ils n’étaient pas marqués par la société. Cette marque au fer rouge qu’elle avait dans chacune de ses prunelles, elle l’avait retrouvé chez Evan dans le neshir supposément maudit qu’il possédait… En cela, chacune de ses victoires avaient été vécue comme s’il s’agissait des siennes propres. Au point que tous avaient fini par oublier qu’il était de détenteur de Wazushendi, l’un des neshirs maudits indomptables et de la même façon, la plupart s’était accoutumé à sa pathochromie oubliant presque les superstitions et la croyance populaire qui y étaient attachées. Ses camarades l’avaient même élue déléguée. Elle savait que le rayonnement d’Evan lui avait permis de rayonner à son tour.

— Quoiqu’il en soit, cela n’a rien de surprenant que tu te sois attachée à lui… dit finalement Franz Parker comme s’il avait lu dans ses souvenirs. C’est un individu… plus spécial que tu ne le soupçonnes…

Elle nota que le regard du scientis la quitta brièvement pour aller par-dessus son épaule gauche avant de revenir sur elle. Charlaine se retourna et dans un silence parfait, elle vit que quelqu’un se rapprochait en courant. Pendant une courte seconde, elle repensa à ceux qui la poursuivaient mais reconnaissant la silhouette élancée et sportive ainsi que les mouvements souples et vifs, elle se détendit. Jaillissant du brouillard, Keiji s’arrêta à côté d’elle. Il posa une main protectrice sur son épaule puis fit deux pas pour la dépasser. Son visage exprimait un mélange de colère, de soulagement et de détermination. Il ne s’agissait là que des expressions subtiles qu’elle seule remarquait à cause de sa particularité. Pour quelqu’un de normal, son visage dur s’était juste légèrement adouci. Il fit face à Franz Parker et demanda :

— C’est lui ?

— Oui. Kei, je sais que tu m’avais dit d’attendre mais…

Keiji se figea, l’air profondément perplexe et demanda :

— Qu’est-ce que tu es ?

Franz Parker cessa brusquement de sourire, intrigué par sa question. Il répondit simplement :

— Intéressant… C’est une question très pertinente mais la réponse n’est pas pour maintenant.

Keiji haussa les épaules et lança d’une voix froide :

— Qu’est-ce que tu veux au juste ? À quoi est-ce que tu joues ?

— La vie n’est-elle pas un jeu ? répondit Franz Parker. Un plateau, des pions et des règles… Le monde, les hommes et l’esprit de l’homme… Si jamais il revient en vie, ce coup aura peut-être servi à quelque chose. Peut-être même apporté les changements attendus au déroulement la partie…

— Si jamais il revient ? demanda Keiji, glacial. C’est toi qui as envoyé à ses trousses des oshaïnims ?

— Oshaïnims ? je ne m’acoquine pas avec les fantômes. J’en suis déjà un moi-même et ma propre compagnie m’est déjà pénible… mais si les oshaïnims s’en mêlent déjà… c’est que les choses se présentent déjà mal. Ah… C’est bien dommage. Je pensais que ça marcherait… Tant pis…

— Espèce d’ordure… Tu l’as piégé…

Franz lui lança un regard inquiétant en esquissant un sourire moqueur.

— Certes mais c’était pour son bien. Sur ce, que la Terre soit sans péril, jeune Asano. Mitchel…

Après un léger signe de la tête, il se détourna et à ce moment Keiji dit menaçant :

— Où est-ce que tu crois partir comme ça ? je n’en ai pas fini avec toi.

Il bondit dans sa direction, avalant en un instant la distance qui les séparait et dans le même moment Charlaine crut voir Franz Parker lancer quelque chose en l’air. Elle voulut prévenir Keiji mais avant que le moindre son n’eût franchi ses lèvres, ce dernier s’était écarté d’un bond en arrière alors que Franz était à porter de main. Ce dernier, qui n’avait fait que deux pas, se retourna l’air amusé. Keiji leva doucement sa main qui rencontra une paroi invisible. Des étincelles jaillirent à son contact. Le Sang d’Acier retira sa main. Un champ de force portatif devina Charlaine… Ce genre de gadget était réservé à l’élite noguemienne… Elle crut voir Franz Parker bouger des lèvres. Keiji baissa alors sa garde et revint dans sa direction d’un pas rapide.

— Qu’est-ce qu’il t’a dit ? demanda-t-elle tandis que la brume engloutissait la silhouette de Franz Parker.

— On doit aller dans le Cimetière.

— Moi aussi ?

— On prendra la Jeep d’Evan, rétorqua-t-il d’une voix sèche, vibrante de colère. Il est hors de question que je te perde de vue à nouveau. Tu ne tiens pas en place.


Texte publié par N.K.B, 14 octobre 2019 à 12h20
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