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Ignemshir, Tome 1 : L'Étincelle Mourante
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tome 1, Chapitre 27 « Toujours, Elle » tome 1, Chapitre 27

Ils passèrent devant plusieurs salles pourvues de baie vitrée où Evan vit des aspirants salomens et scientis de dernières années superviser par un magister salomens qui réalisaient des opérations de secours sur des alumni grièvement blessés. Quatre salles se succédèrent avec la même vision, les mêmes gants ensanglantés, les mêmes fronts soucieux et concernés des aspirants salomens portant des masques et tenants des scalpels lasers et autre matériels chirurgicaux de pointes, les mouvements méthodiques et le regard calculateurs et concentrés des aspirants scientis scannant et manipulant avec précision des robots et des hologrammes.

Il n’avait jamais été dans cette partie de la Fourmilière. Il n’avait jamais été sévèrement blessé au point de se retrouver entre la vie et la mort. Tessa s’arrêta devant une salle identique aux quatre précédentes. Elle passa le bracelet doré qu’elle avait autour du poignet près des contours de la porte vitrée. C’était un clavientis. Ils contenaient l’ensemble des travaux de recherches que les aspirants scientis réalisaient jour après jour depuis leur entrée à l’institut. Tout ce qui faisait d’eux des scientis. Il était consultable par l’ensemble du corps professoral et même des recruteurs des collegiums. Leur clavientis devenait privé à leur entré au collegium en même temps qu’ils acquéraient le statut d’aspirant confirmé. Ils pouvaient alors choisir avec qui ils partageaient leur savoirs et découvertes. C’était lorsqu’ils étaient diplômés d’un collegium, que les aspirants scientis acquéraient finalement le statut de scientis à part entière.

Evan pénétra dans la salle qui était maintenu à une température assez basse. L’air avait une odeur de produits antiseptiques. Les murs étaient de métal et le plafond constitué d’agrégats de DEL qui éclairaient froidement la salle. Il frissonna puis la sensation de froid se dissipa. Il observa la jeune métisse, dans sa blouse blanche et noire de scientis dont les cheveux bruns bouclés et soyeux étaient attachés en queue de cheval.

Elle prit sur une étale un instrument qui ressemblait à une loupe et le rangea dans l’une de ses poches. Elle se mit à pianoter sur un clavier holographique. Plusieurs hologrammes apparurent. Elle se frotta distraitement le cou avec ses belles mains aux ongles toujours impeccables. Evan sentit son rythme cardiaque accélérer et se força à regarder ailleurs. Il soupira et marcha jusqu’à un divan d’examen recouvert d’un tissus biodégradable antimicrobien et s’assit. Un soulagement l’envahit en même temps que la douleur sourde à son côté s’atténua. Il avait boité pendant tout le trajet et il savait que la jeune fille avait adapté son rythme au sien. Il regarda longuement sans même s’en rendre compte la base du pouce droit de la jeune fille où s’était trouvé pendant deux ans l’anneau de la promesse. Elle leva les yeux vers lui et suivit son regard. Il la vit serrer brièvement le poing avant de lui dire en continuant de taper sur le clavier :

— Pourrais-tu entrer dans le prisme crépusculaire, s’il te plait ?

Le prisme crépusculaire… une des inventions de son père. Elle désigna le grand cylindre transparent de taille humaine qui s’illumina au même moment. Evan s’exécuta, un peu mal à l’aise qu’elle ait surpris son regard. Il se demandait ce qu’elle pensait à cet instant. Il avait tout fait pour lui montrer qu’elle ne l’intéressait plus. Il fallait qu’il reste sur ses gardes. Elle était aussi rusée qu’un serpent et connaissait mieux que lui-même le fonctionnement de son corps et de son cerveau. Il était un Guerrier Impérial. L’attachement sentimental était très fort. Et elle le savait. Même s’il n’avait pas franchi la limite… Il se demandait si Lucas disait vrai. Si elle allait accepter son anneau de bois. Il serra la mâchoire car cette idée était encore plus insupportable que Charlaine au bras de Baptiste. C’était à croire qu’ils le faisaient exprès, ces chacals ! Mais ce n’était plus ses oignons. Il avait eu raison de prendre sa décision. Il y avait trop de facteur qui rentrait en compte et qui lui donnaient raison. Mais entre la raison et ce que voulait son cœur, il y avait un long et sombre chemin dans lequel il n’avait pas envie de se perdre à nouveau. D’autant que le regard qu’elle lui avait lancé tout à l’heure le rendait confus mais il ne devait pas oublier que fondamentalement, Tessa était froide et pragmatique. Malgré ses émotions, sa famille avec ses lois et son crédo passeraient toujours en priorité. C’est-à-dire apporter toujours plus de pouvoir, un plus grand statut et plus de moyens aux Harlec.

Même s’il changeait d’avis, il n’était déjà plus à la hauteur. Sans sa force, il n’était plus rien. Aux yeux des Sha’Daigan, il n’existait plus. Et pour le coup, il s’en contrefichait. Il avait désormais des choses plus urgentes à faire que de se démener pour entrer dans le moule que la société noguemienne lui avait préparé. Comme un bon esclave. Son père. Sa mère. Ils méritaient qu’on leur rende justice. Et c’était ce qu’il tenterait de faire jusqu’à ce que le Dévoreur ne vînt de l’Abîme pour le visiter.

Il s’apprêtait entrer dans le prisme crépusculaire lorsqu’elle lui dit :

— Retire ta veste.

Il s’exécuta, elle vint vers lui et la lui prit des mains.

— Ton haut à capuche, tes Chesterfield et tes chaussettes.

Il leva les yeux au ciel et se déshabilla en lui donnant ce qu’il avait dans les mains en même temps qu’il se déchaussait. Il entra ensuite dans le tube sous le regard de la jeune fille. Il perçu un léger sourire en coin.

— J’espère que tu n’es pas en train de te ficher de moi, dit-il sombrement.

Elle le détailla de ses grands et jolis yeux clairs pendant quelques instants sans rien dire.

— Tessa… Reste concentré, s’il te plait…

Elle pouffa en se détournant vers les écrans et les hologrammes, ses yeux gris-bleu plein d’espièglerie, puis reprit immédiatement son sérieux d’une manière qu’elle seule savait faire. C’était comme si elle avait un bouton « scientis » caché dans sa paume qu’elle appuyait dès qu’elle se mettait au travail. Il n’y avait pas de moment intermédiaire. Comme une lampe qui était soit allumée, soit éteinte. Cela pouvait être assez perturbant.

Une paroi de verre coulissa et enferma Evan dans la machine. Plusieurs faisceaux bleutés jaillirent des parois de verre et scannèrent la totalité de son corps. Le cylindre émit tout le long un léger bourdonnement. Quand les faisceaux s’éteignirent, le bourdonnement mourut avec eux.

— Hum, fit la jeune fille. Maîtrise l’Air, et déplace-toi sur l’Ul’ Cirkaem. Élève-toi jusqu’au Crépuscule.

Il se plongea dans le cirkaem movi et fit ce qu’elle venait de lui demander même si cela s’avéra plus laborieux qu’avant. Elle fronça les sourcils et paru troublée. Les faisceaux réapparurent en même temps que le bourdonnement, si ce n’était que cette fois-ci, ils étaient verts Ils tournèrent autour de lui comme s’il était le centre d’un manège de fête foraine et disparurent. Un tube articulé sortit du sol et le dard à son extrémité se planta dans son pied. Il jura entre ses dents alors que le dard de disparût aussi vite qu’il était apparu. Il détestait ces dards articulés.

La porte de verre s’ouvrit en coulissant dans l’autre sens. Evan sortit et rejoignit la jeune fille qui pianotait d’un air concentré en regardant des hologrammes qui défilaient, apparaissaient, disparaissaient à une vitesse impressionnante. Elle sortit la loupe qu’elle avait rangée dans sa poche et y mit plusieurs hologrammes comme une enfant qui choisissait ses bonbons dans une confiserie. L’entrain et l’excitation en moins. Ses lèvres vermeils et charnues faisaient la moue alors que son regard concentré analysait toutes les informations qui apparaissaient et disparaissaient.

Le jeune homme enfila son haut à capuche poussiéreux, déchiré et souillé de sang, puis sa veste rouge. Alors qu’il finissait de se chausser, elle lui dit :

— Tout va bien au niveau physiologique. J’avais cru voir quelque chose mais finalement ce n’était rien. Je n’ai décelé aucune anomalie… Tu ne veux vraiment pas que j’ajuste le programme que je t’ai donné ?

— Fais-le maintenant. Je ne viendrais pas chez toi.

— D’accords, fit-elle d’une voix où perça une certaine déception. Mais c’est étrange que l’on ne voie rien du tout. J’étais certaine de trouver un déséquilibre entre les molécules d’aurores et les molécules d’ombres. C’est pour cela que je t’ai fait ce programme et visiblement j’ai visé à côté. Tout est parfaitement équilibré. Je vais essayer d’en concevoir un autre mais je t’avoue que je ne sais pas trop dans quelle direction partir… Peut-être me faudrait-il un matériel plus sophistiqué même si celui-là est déjà à la pointe.

— Dans le fond, ça ne me surprend pas, fit Evan en haussant les épaules, après s’être levé, le regard fixé sur les hologrammes par-dessus son épaule. J’ai fait tellement de recherches et je n’ai trouvé nulle part quelque chose de semblable à ce qui m’arrive. En plus de cela, ma capacité de régénération est intacte. Ce qui je pense est la preuve que physiologiquement parlant, je pète le feu. Le problème est ailleurs.

— Ce que tu dis est inexacte. Si ton Étincelle est morte, même si j’ai dû mal à accepter cette idée parce que cela n’a aucun sens, tu ne devrais pas être capable d’utiliser ton neshir mais je vois bien que ta situation générale se dégrade. C’est pour cela qu’il est impossible que tout soit normal physiologiquement parlant, mais l’origine du problème n’est pas biologique. C’est ma certitude Et sur ça ton raisonnement se tient.

— Probablement… tu dois avoir raison…

Elle se retourna vers lui et Evan fit un pas en arrière. S’écartant pour ne pas être trop proche d’elle. Tessa eu un léger sursaut en se rendant compte de sa proximité. Elle déglutit en s’appuyant à la console holographique et dit en reprenant contenance et le fixant avec son regard clair clinique et clairvoyant :

— Il y a plus de chose à observer que tu ne le crois. Regarde par exemple, le fait que l’on cicatrise toujours normalement ne peut pas toujours signifier que tout va bien… Je suppose que tu sais ce qu’est l’Ark, n’est-ce pas ? Pas du point de vue des ignemshirs mais de celui des scientis.

— Le Fleuve du Temps ? plaisanta Evan.

Il savait parfaitement ce qu’était l’Ark du point de vue des scientis mais il choisit de lui faire plaisir. Le scientis n’aimait rien de plus au monde que de faire l’étalage de leur savoir. Il apprendrait peut-être quelque chose d’intéressant par ailleurs.

Elle rit et dit en le regardant avec complaisance :

— Non, du tout. Je suis sûr que tu sais.

— Si mais vas-y, je t’écoute.

— OK. Alors, le Fleuve du Temps, c’est la conception de la majorité des salomens actuels. Pour vous les ignemshirs, l’Ark, c’est l’éclat de la flamme du Phœnix Éternel qui à l’aube du temps éclaira les ténèbres du monde apportant la vie au travers du Bâton, du Voile et du Souffle. Cette compréhension est celle qu’ont les salomens attachés aux textes les plus anciens, principalement la Confrérie des Vierges. Pour les scientis l’Ark dit pure est, selon la Théorie de l’Unicité Primordiale rédigée par les Trois Anciens, la force primitive de laquelle est issue les autres forces de l’univers : la gravité, l’électromagnétisme, la force nucléaire faible et forte. La matière n’est que de l’Ark pure sous une forme différenciée. L’Ark pure remplit tout l’univers mais dans cet état, elle n’influe pas sur la matière et n’est pas observable. On ne peut observer que ses différenciations. C’est pourquoi l’Ark qui influe sur vos cellules et avec lequel interagit votre neshir, est déjà une forme différenciée de l’Ark pure.

— Donc l’Ark pure ne peut être manipulé…

— Exactement. L’Ark pure se nomme dans les textes des Trois Anciens l’Aruk. L’Ark qui est manipulable par vos neshirs est une différenciation de l’Aruk.

— Intéressant, je l’ignorais…

Tessa ne put s’empêcher de sourire avec satisfaction et Evan lui rendit son sourire avant qu’elle ne continuât :

— Pour des raisons que l’on ignore, depuis l’Aube Grise, l’Ark, l’Aruk différencié, est présent dans notre système solaire. Et Venus, la Terre et Mars et leurs satellites sont les corps célestes où l’Ark est le plus dense. Suivant les lois de la Physique des Aurores et des Ombres, vos atmosphairas rendent vos cellules sensibles à l’Ark. Mais pour que cela fonctionne, il faut un calibrage extrêmement spécifique. D’où la spécificité de vos neshirs et le besoin de la Cérémonie de l’Association afin de trouver les neshirs avec lequel vos sangs d’airain réagissent avec la plus grande harmonie. C’est l’Ark qui vous permet de cicatriser aussi vite. Qui vous permet de devenir plus fort, plus rapide et plus puissant, à mesure que vous vous amplifiez le Kensh’en Or’i. Enfin, plus précisément le Kar, qui est l’Ark contenu dans votre corps. Tant qu’il y a de l’Ark et que certaine condition subsiste, vos cellules se régénère en la captant et la différenciant pour s’en servir comme énergie cellulaire.

Evan sourit et elle lui rendit un sourire sincère en disant en détachant ses cheveux :

— Tu savais déjà tout le reste, n’est-ce pas ?

— Oui mais tu as raison pour la cicatrisation. Ce n’est pas une preuve parce que tant qu’il y a de l’Ark, je cicatrise, c’est cela ?

Elle pouffa et dit :

— Exactement… C’est ce qui m’a toujours surpris chez toi, tu sais. Tu sais beaucoup de choses mais parfois, les choses que tu devrais savoir, tu les ignores.

— Les choses que je devrais savoir ?

— Oui.

Elle joua un moment avec son chouchou en le fixant d’un air pensif. Evan ne put s’empêcher de la détailler du regard. Il sentit son cœur s’emballer et détourna les yeux en se grattant la nuque. Il fit un autre pas en arrière. Mais qu’est-ce qui lui prenait de bavarder comme ça ? Il fallait qu’il s’en aille.

Tout de suite.

— D’après ton explication, en toute logique, si je perds mon neshir, je ne cicatriserai plus aussi rapidement n’est-ce pas ? Vu qu’il est la source de mon atmosphaira, qui lui-même influe sur mes cellules et pourtant...

Il n’arrivait pas à s’en aller. Il avait envie de rester là à discuter. A l’écouter parler. La jeune fille rattacha ses cheveux avec son chouchou en esquissant un sourire ravi :

— Je ne sais pas si tu le sais ou si tu l’ignores.

— Répond toujours…

— OK. En fait, Justement, c’est là toute la beauté de l’Ark. Lorsqu’une cellule dépasse une exposition d’un million de degré Swordsteen, ce qui correspond à trois ans en moyenne, elle devient sensible en permanence à l’Ark. Donc c’est pour cela que vous continuez de cicatriser mais la cicatrisation sera toujours meilleure avec votre neshir à proximité.

— Je vois.

— Les nerfs fantômes ?

Evan sourit.

— Je t’écoute.

— Hum, fit-elle un peu déçue. Parfois tu peux être vraiment rageant, Evan. Je ne pensais pas que tu saurais.

Étant donné qu’il était question de Systémique Spectrale, il était presque normal qu’il en sût autant, d’une à cause de son père et de deux à cause de son état.

— Tu parles bien de ce que nous appelons les Rukshan’eol. Les artères de lumières…

— Non pas exactement, corrigea-t-elle avec un ton triomphant. Les artères de lumières ne sont pas les nerfs fantômes même si les deux sont intrinsèquement liés… Par exemple, vos magisters neshirinshi parviennent à observer les artères de lumières et non les nerf fantômes et ce, à l’aide de l’une des Richesses du Point du Crépuscule…

— L’Œil Fantôme…

— C’est ça, mais nous scientis, cela ne fait pas très longtemps que nous en sommes capable. Pendant très longtemps, nous pensions qu’il s’agissait d’une sorte de mythe. Ou la représentation d’une dimension non observable scientifiquement. Si tu savais toutes les choses étranges que les ignemshirs parviennent à faire avec leur neshir… parfois cela frise la sorcellerie… mais bon, c’est juste qu’on n’arrive pas à l’expliquer. Et heureusement que le magister-spiritus Nakayi a levé le voile sur ce mystère en concevant ces prismes crépusculaires, rendant ainsi possible leur observation. Il a même rédigé toute la théorie qui a fondé la Systémique Spectrale. Je crois que c’est parmi tous les magister-spiritus, les Trois Anciens mis à part, celui que j’admire le plus. Il n’était pas beaucoup plus vieux que moi, lorsqu’il a fini sa thèse.

Evan ne put s’empêcher de sourire.

— Un homme d’exception…

— Tout à fait d’accords. Alors, en fait, en étant exposé à l’Ark, votre corps change, gagne en complexité, crée un nouveau circuit nerveux dit fantôme et un réseau artériel arkarien. Ils sont garant de l’équilibre entre le Kar et l’Ark. Je te passe les détails mais parfois lorsque vous combattez, ces artères sont détruites ainsi que les Ikins, leur point de jonction. Dans certains cas, ces dernières ne se réparent pas tout seul et bien que de nombreuses études ont été menées sur le sujet, nous ne savons toujours pas comment réactiver la réparation du tissu artériel arkarien. C’est pour cela que malgré votre cicatrisation rapide…

— Certains d’entre nous meurt, compléta Evan. Parce que sans cet équilibre entre le Kar et l’Ark, la régénération accélérée ne fonctionne plus.

— En simplifiant beaucoup, oui. Concrètement, c’est l’altération du réseau artériel arkarien qui est à l’origine de…

— … la mort de l’Étincelle, compléta Evan.

Princeton lui avait parlé de la rupture des artères de lumière qui causait des dégâts, en général irréversibles dans certaines conditions, mais il ne lui avait jamais expliqué comment et pourquoi il se brisait. Quand il le lui avait demandé, c’était peut-être juste avant son entrée à Kiona Paine. Il lui avait répondu de façon laconique, qu’il y avait peu de chance que cela se produise étant donné le niveau des adversaires qu’il affrontait.

Mais c’était il y a trois ans et demi.

Le niveau des membres du primum agmen n’avaient plus rien à voir.

Y’avait-il une rupture dans son réseau artériel arkarien ? Cela était peu probable parce que Tessa l’aurait vu lorsqu’elle l’avait examiné à l’aide du prisme crépusculaire. Et puis, il mettait un peu trop de temps à mourir pour que cela soit une mort d’Étincelle classique.

— En fait… c’est même l’effet inverse qui se produit, continua-t-elle après une courte réflexion. Un phénomène appelé Consumation des ombres se produit. L’organisme s’affaiblit au point que les organes vitaux commencent à lâcher. Ce qui conduit à la mort. C’est pour cela que des ignemshirs comme Kei et Alex sont très dangereux. Jahandar l’était aussi.

— Comment ça ?

— Eh bien, instinctivement, ils sont conscients du système spectral. Et ils devinent la position des artères de lumière et des ikins. Et même du point d’équilibre principal, l’Ikin Ardent auquel sont connectés les trois artères principales. Celles qu’il faut viser pour que le château de carte s’effondre. Et pourtant les artères de lumières et les ikins ne sont jamais fixes. Ils bougent en permanence.

— Sérieusement ?

— Ce sont les statistiques qui parlent. On a beaucoup étudié leurs duels. Il semblerait que d’une certaine façon, ils y arrivent. Instinctivement. C’est pour cela qu’Alex a autant de personnes sur sa Liste Grise…

— Kei n’en a que trois…

— C’est vrai mais, en fait bien qu’il frappe souvent au niveau des Ikins, il est tellement précis qu’il ne les brise pas en plus de deux morceaux et quand il frappe l’Ikin Ardent, c’est toujours non loin de son centre, ce qui fait qu’il ne touche pratiquement jamais les artères principales. Les adversaires qui ont perdu un duel face à lui mettent souvent beaucoup de temps à récupérer. Le jour suivant, quinze pourcents de ceux qui l’ont affronté la veille passe du côté des Trépassés. La moyenne pour tous les autres alumni est d’un pourcent. Officiellement, c’est vrai qu’il n’a que trois personnes sur sa Liste Grise mais officieusement, nous savons qu’il en a plus d’une dizaine.

— Ah…

— Kei coupe les Ikins en deux avec netteté sans toucher aux artères ce qui fait qu’ils parviennent se reconstruire assez vite mais cela provoque un sérieux ralentissement du système spectral et donc de l’Étincelle… C’est vraiment incroyable une telle maîtrise des momentums et une telle précision. Depuis la création de la schola aucun toshirion n’a jamais eu de telles résultats.

— Wow.

— C’est l’avantage et la dangerosité des toshirions de l’École Implacable. Ils font tout dans la précision, tandis que les neyoshirions comme Alex, ou même Baptiste te détruisent tout.

— Je vois, mais je suppose que mes Ikins pètent le feu…

— Oui, ton système spectral est parfaitement normal, il n’y a de rupture nulle part, sur aucun de tes points d’équilibre. Je te l’aurais dit sinon. Même si je les trouve sacrément gros, particulièrement ton Ikin Ardent. Je n’en ai jamais vu d’aussi gros.

— Ah… fit Evan cachant à peine sa déception.

Il n’était pas plus avancé… Soudain il remarqua que Tessa s’était figée, avec une expression de profonde concentration.

— Hum… murmura-t-elle. Je viens de me rendre compte que tes Ikins ne bougeaient pas.

— C’est un problème ?

— Eh bien. En général, ce sont les vieux ignemshirs, ceux qui ont plus de cent ans qui ont leurs Ikins immobiles… Peut-être… Je ne sais pas trop.

— Bon…

— Ne fait pas cette tête, Evan, lui dit la jeune fille d’un ton rassurant. Je demanderai à Charlaine de m’aider à traiter et à analyser les données de ton atmosphaira. On trouvera peut-être quelque chose du côté de ton système arkarien circulaire. Elle est meilleure que moi en ce qui concerne la mécanique arkarienne circulaire, moi je suis surtout spécialisé en systémique spectrale.

Evan lui sourit et dit :

— En tout cas merci. Merci pour tout.

— Ça a commencé quand ? Demanda-t-elle brusquement.

— Quoi ? Tu sais mieux que moi quand est-ce que mes stats ont commencé à baisser, ça fait six mois, au moins.

— Non, je parle de ce qui t’es arrivé aujourd’hui.

Le jeune homme hésita puis mentit :

— Là, c’était la première fois…

— Alors ça empire… j’aurai tellement… commença-t-elle avant de se taire brusquement en l’observant avec un regard insistant qui mit Evan mal à l’aise.

— Bon, je pense que je vais rejoindre Kei. Il doit m’attendre depuis un moment déjà. A plus Tess…

Il allait se détourner sentant que l’atmosphère n’était plus la même quand elle le retint par le bras et d’un coup, se rapprocha de lui.

— Tessa… tu… dit-il pris de cours.

Elle déposa un baiser sur ses lèvres.

Elle le serra contre lui et il lui rendit son baiser, subjugué par son parfum et la douceur des sensations qu’il ressentit jusqu’à ce qu’il prît conscience de ce qui se passait. Il la repoussa vivement en la tenant par les épaules même si son corps entier aurait voulu que cela continue. Ils n’étaient plus l’un pour l’autre ce qu’ils avaient été. Elle n’était plus son amalia. Elle ne le serait plus. Ce qu’ils faisaient n’était pas correct. Ce n’était ni juste pour elle, ni juste pour lui. Contre les règles traditionnelles des Amalia ess Ta’arki. Comment pouvait-elle le traiter comme un eretsin alors qu’il était un fichu Impérial ! Elle savait pertinemment comment il réagirait à ce genre de stimuli. La jeune fille leva vers lui son regard passionné qui s’assombrit en une profonde tristesse.

— Pourquoi est-ce que ? Balbutia-t-il perturbé. Pourquoi est-ce que… Tu sais qu’on ne peut pas… que je ne dois…

Il s’écarta d’elle de plusieurs pas. Il n’aurait jamais dû rester. Ce baiser allait le hanter pendant des jours et maintenant qu’ils n’étaient plus rien l’un pour l’autre, ce serait encore pire. Tout le travail qu’il avait fait sur lui-même menaçait d’être balayer juste par cela. Elle le savait bien.

— Je suis désolé, fit-elle la tête baissée. Je sais que c’est traitre de ma part mais…

— Tu es vraiment sans pitié, dit-il sombrement d’une voix glaciale plus en colère contre lui-même que contre elle. J’avais accepté de te faire confiance et voilà que tu me plantes une dague empoisonnée en plein cœur…

— Non, Evan, non, le coupa-t-elle, fébrile. Je t’assure que ce n’était pas calculé.

— Bon sang, Tessa. On ne s’est jamais embrassé et c’est maintenant que tu ne le fais ? Dans cette salle d’opération sinistre ?

— Je ne voulais pas que tu… Ce n’était pas par ruse… C’était juste l’expression de mes sentiments.

— De tes sentiments ?

— Si tu savais comme je désire que tout redevienne comme avant, répliqua-t-elle d’une voix vibrante de frustration, une voix qu’il ne l’avait jamais entendu prendre. Que tu redeviennes comme avant.

— Comme avant…

— L’Empereur Déchainé, Evan. Celui qui était craint par tous les Sha’Daigan, respecté même par tes aînés, honoré par de nombreux chefs de Familles Anciennes. Autant que Kei et Alex. Sinon plus…

— Tu as perdu la raison ? De quoi parlions-nous à l’instant ? Mon Étincelle est morte Tessa. Elle ne pourra jamais revivre…

— On pourrait essayer, insista-t-elle avec des grands yeux pleins d’espoir. Je suis sûr que si tu me laisse m’en occuper, je pourrais faire en sorte de tout réparer afin que tu redeviennes aussi bon qu’avant. Tu sais que je peux le faire. Je peux tout arranger, Evan.

— Arrête. Arrête Tessa… Tu es plus intelligente que moi… Tu sais bien que ça n’arrivera pas. Il a fallu attendre quatre cents ans avant que le mystère de la mort de l’Étincelle ne soit éclairci… Et même, malgré cela, on ne parvient pas toujours à l’empêcher. Il faut agir dans les quelques heures qui suivent… je le sais très bien. Et moi cela va faire presque la moitié d’une année. Six mois Tessa. Il n’y a plus d’espoir. Plus le moindre. Alors comprends une fois pour toute que ça n’arrivera pas. Jamais. Et par pitié, cesse tes ruses et tes mesquineries. Cela n’est vraiment… vraiment… pas digne de toi.

— S’il te plait laisse-moi au moins essayer… Je t’en supplie Evan.

— Non, Tessa. Après ce que tu viens de me faire… Comment pourrais-je te faire à nouveau confiance ? Et honnêtement, je ne veux pas que tu perdes ton temps. Tu n’as pas besoin de te trainer un boulet tel que moi. Tu as un brillant avenir qui t’attends… D’autant que j’ai cru comprendre que… toi et Lucas…

Son regard se fit plus sombre et elle dit :

— Oui.

— Tu accepteras, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Alors qu’est-ce que tu fais ? Qu’est-ce que tu es en train de me faire ? Tu veux me détruire ? Me briser en morceau ?

— Non, surtout pas. Je ne pourrais pas Evan… Je ne pourrais pas te faire ça… J’ai eu un moment de faiblesse…

— Tessa…

— J’essaye juste de faire en sorte à ce que ça n’arrive pas. Que Lucas et moi…

Elle le fixa avec une grande tristesse et caressa sa joue. Il écarta son visage, fuyant tout contact. Sa main resta tendue en direction de son visage puis se mit à trembler avant qu’elle ne la ramenât contre elle.

— Je ne me suis jamais ouverte à un autre, Evan… Tu es le seul qui me connaisse vraiment.

Sa voix s’étrangla.

— Tu me dois bien cela. J’ai cru en toi, je… Laisse-moi juste une chance de tout arranger.

Il ne pouvait pas lui donner de faux-espoirs et se bercer lui-même d’illusion parce qu’elle avait raison. Il la connaissait mieux que personne. Dès qu’il serait clair qu’il serait irrécupérable, il savait qu’elle se détournerait de lui. Elle en souffrirait sûrement. Il le savait maintenant mais il savait aussi qu’elle ne renoncerait jamais à sa famille pour lui. Ni à sa mission qui était de rendre sa famille plus puissante et plus influente dans le Noguem. Elle n’y renoncerait pas pour un éclopé, ma’nkel de surcroit, comme lui. Il ne voulait pas finir comme ces abrutis qui se plantaient une lame dans le cœur après avoir été rejeté. Même s’il y avait une étape à passer pour en être réduit à une telle extrémité mais néanmoins, il souffrirait. Beaucoup. Et il avait déjà eu sa part. Il était rassasié de souffrance.

— Je suis désolé.

Elle prit une profonde inspiration, la tête baissée, le dos vouté avant de se redresser brusquement après s’être essuyé les joues. Elle avait retrouvé son flegme habituel. Elle dit alors, blessée, avec une froide colère en s’éloignant vers la sortie de la salle d’opération, sans un regard supplémentaire à son attention :

— Tu ne te rends pas compte de ce que tu viens de perdre, définitivement, Evan. Mais le jour où tu t’en rendras compte, tu t’en mordras les doigts.


Texte publié par N.K.B, 7 octobre 2019 à 11h06
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