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Ignemshir, Tome 1 : L'Étincelle Mourante
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tome 1, Chapitre 19 « Le journal de mon père » tome 1, Chapitre 19

Le jeune ignemshir rentra chez lui un quart d’heure plus tard, Mickey lui ayant fait promettre d’initier une révolution et de renverser les Aurarques et les Imperators des Trois-Mondes pour instituer un nouvel ordre juste, bon et égalitaire pour tous en incluant les Compatibles. Afin qu’ils eussent aussi le choix. Mais étant donné qu’il était sûrement le seul à le penser parmi les Compatibles qu’il connaissait, et le seul à remettre en question le processus de sélection et le système, une révolution n’avait aucun intérêt même si l’idée était séduisante…

Evan prit la porte menant au deuxième sous-sol où se trouvaient les locaux de stockage. Chaque appartement disposait d’un box. Les box s’alignaient le long d’un couloir étroit aux murs défraîchis et crevassés. Evan s’arrêta devant le dernier box, le numéro cinquante. Le vieil écran tactile recouvert de rayures s’illumina au contact de sa paume et il composa un numéro à onze chiffres. La grande porte se souleva lentement. Des rangées de caisses en plastique gris sombre empilées les unes sur les autres s’élevaient le long des murs. Une tablette contenant une série de photos de famille et de vidéos qu’il affectionnait particulièrement se trouvait dans la caisse où était rangée les vielles affaires à Sue. Il avait envie de se remémorer l’époque où sa jumelle et ses parents étaient encore de ce monde. Il lui fallut une dizaine de minutes pour finalement la retrouver. Cela faisait peut-être trois ans depuis la dernière fois. Il se mit en équilibre sur deux caisses et attrapa celle qui se trouvait au sommet d’une pile avec écrit Sue sur la plaque numérique. En le faisant, celle juste en dessous, à la plaque numérique affichant « BA-234-O-B98 », bascula et tomba sur le sol. Il redescendit, posa parterre la caisse qu’il avait dans les mains et ramassa l’autre en maugréant à voix basse. Une fine lamelle de plastique brisée tomba en même temps qu’une dizaine de petits patchs de stockage et un carnet numérique.

Il reposa la caisse, intriguée et ramassa le carnet de note. L’allumant, un genou à terre, l’écran s’illumina brusquement :

« Propriétaire du carnet : Kani Nakayi. »

Il appartenait à son père… Étrange. Il ignorait l’existence de ces affaires. Princeton les avait sûrement rangées ici après la mort de ses parents et donc avant même la mort de Sue. Il ramassa les patchs de stockages qui jonchaient le sol et les mit dans la poche de son chino bleu roi. Il posa les affaires de son père par-dessus celle de Sue puis le carnet de note sous le bras, il sortit du box avec les deux caisses.

De retour dans son salon, il le plongea dans une ambiance propice à la détente. Assis dans le canapé favori de Princeton, sur la grosse fourrure animale, les caisses posées à ses pieds sur le grand tapis, une bouteille de mourch à la main, il feuilleta la tablette. Les photos et les vidéos de cette époque, où ils étaient tous encore en vie, l’emplirent de mélancolie. Ils lui manquaient tous tellement. La douleur qu’il ressentait était moins vive que d’habitude mais plus profonde qu’avant. Comme une cicatrice douloureuse par temps d’orage… Il posa la tablette sur la table basse en soupirant et s’adossa au canapé en fixant le plafond d’un regard vide. Ils étaient tous partis avant lui… En quoi était-il différent pour être resté ? Après une gorgée de son mourch, il prit le carnet de note. Au bout de quelques lignes Evan se rendit compte qu’il s’agissait plutôt d’un journal intime. D’après la date, son père avait vingt et un an lorsqu’il avait commencé sa rédaction.

Pendant quatre heures, il ne pût lâcher le journal, captivé par ce qu’il y lisait. Son père ne lui était jamais apparût sous l’angle par lequel lui-même se décrivait. Remplis de fougue et de hardiesse. Il était encore à cette époque étudiant au collegium Nosce, où il avait rencontré sa future femme. Il y étudiait la Physique des Aurores et des Ombres. La science qui regroupait toutes les lois et les principes régissant l’Ark. Seuls les scientis étant habilités à l’étudier.

Son père s’était révélé étonnamment critique envers le Skiantem. À de multiples reprises Evan avait été étonné des termes qu’il employait pour qualifier les décisions du Haut Conseil des Esprits, le conseil suprême du Skiantem, regroupant les esprits les plus brillants encore vivants sur les Trois-Mondes. Pour en faire partie, il fallait avoir mérité le titre de magister-spiritus, le titre suprême auquel tout scientis aspirait.

Lui qui alors aspirait à devenir magister scientis reprochait à l’organe suprême du Skiantem son manque de vision, et à la Grande Académie, son immobilisme, jugeant qu’ils étaient tous les deux responsables du peu de découvertes fondamentales en physique de l’Ark au cours des quatre-cents dernières années. Son père considérait que le haut conseil par son système de valeur conservateur, élitiste et peu méritocratiques, freinait et alourdissait le fonctionnement de la Grande Académie, l’entité qui sur les Trois-Monde supervisait les cursus des aspirants scientis dans tous les collegiums, les académiciens étant chargés de l’enseignement et de la supervision des thèses. Selon lui, la Grande Académie poussait les jeunes générations à vivre sur les acquis de ceux qui les avait précédés sans les encourager à approfondir ces acquis, convaincu qu’ils étaient, à cause de leur arrogance, qu’il n’y avait plus grand-chose à découvrir. C’était pour cette raison qu’il avait eu du mal à faire valider ses sujets de thèse. À cause du scepticisme des académiciens qui lui avait été attitré en tant que directeurs de thèse. Scepticisme partagé par le Haut Conseil des Esprits qui devait donnée son accord sur les choix de sujet des étudiants les plus brillants.

Son père, déterminé à faire la différence, ne supportait pas d’être bridé. Il était aussi insatiable pour la science d’avant l’Ashayshin peu connu et mystérieuse, que pour tout ce qui concernait une branche particulière de la physique des Aurores et des Ombres appelé la Mécanique Arkarienne, qu’il estimait incomplète. Sans parler de sa passion pour le garoway qu’il pratiquait assidument à Nosce.

Evan n’avait pu s’empêcher de sourire en voyant l’audace de son père alors qu’il n’avait que vingt-et-un ans, à peine trois ans de plus que lui n’avait actuellement. Son estime et son admiration grandi à son égard. À l’âge de vingt-deux ans, ce dernier prit la décision de résoudre le mystère entourant la mort précoce de l’Étincelle des ignemshirs dans l’espoir de trouver un remède, mettant ainsi en suspend l’ensemble des recherches qu’il menait déjà depuis un an, et ce, malgré le désaccord affirmé de ses directeurs de thèse. Il prit cette décision lorsque l’un de ses amis ignemshirs, un certain Rakan Piotr, perdit son Étincelle à la suite d’un duel qui avait failli lui couter la vie. A l’âge de vingt-quatre ans, il résolût ce mystère qui durait depuis plusieurs siècles, mais ce fût une victoire douce-amère car il ne parvint pas à trouver de remède à ce mal. Ce fût cette même année, alors qu’il était dans sa dernière année au collegium Nosce, sur le point de se faire renvoyer à cause de l’arrêt de ses travaux de thèses, du désintérêt pour les avis des académiciens censés le piloter et le peu de considération qu’il leur avait accordé au cours de ces deux dernières années, qu’il initia un nouveau pan de la physique de l’Ark qu’il appela la Systémique Spectrale. Cette découverte révolutionnaire lui permit de gagner le titre de magister scientis avant même de finir son année, un record toujours inégalé à la connaissance d’Evan. Les académiciens avaient bataillé pour l’empêcher d’obtenir cette récompense mais le Haut Conseil des Esprits ne tînt pas compte de leurs revendications. Il était le seul depuis que les Instituts des Trois-Ordres avait été créé à être passé du statut d’aspirant confirmé à celui de magister. Réellement, ce qu’il savait de son père, ce qu’il avait entendu concernant son génie et sa force de caractère n’était pas exagéré. Il avait lutté contre vents et marées pour faire ce qu’il estimait le plus juste même si cela avait mis son avenir en péril. Par égard pour son ami Rakan qui était mort quelques jours après son duel… Evan sourit le cœur rempli de fierté et frappé par cette facette de son père qu’il ignorait jusqu’à présent. Dans les secondes qui suivirent, une profonde tristesse le submergea au point que des larmes se mirent à couler sur l’écran du carnet… Un véritable homme de conviction à la volonté inflexible et qui tenait ferme face à toute forme d’adversité…

Evan inspira profondément se ressaisissant. Que penserait son père s’il le voyait pleurer d’une manière aussi pathétique ? Ce n’était pas lui rendre honneur que d’agir ainsi.

Le jeune homme sortit l’un des patchs de stockage de sa poche et le posa sur l’écran du carnet de note. Il s’y fixa et devint transparent. On lui demandait un mot de passe. Il entra le prénom de sa mère – Aynalem – sachant bien que ça ne marcherait pas. Son père était un scientis. Il n’était pas du genre à choisir un mot de passe évident mais en même temps ce dernier ne pourrait être aléatoire. Les scientis cherchaient toujours à ce que tout ait un sens. Il réfléchit puis entra KASE, les initiales de leur prénom à chacun mais le patch lui refusa à nouveau l’accès. Trop simple… Il soupira et ouvrit la caisse. Il trouva une boîte en plastique ouverte, pleine de patchs. Le couvercle se trouvait à côté. Il était écrit dessus :

« Projet ODIANI ».

Odiani… Ce nom lui était familier. Il réfléchit quelque seconde puis se souvint. La légende des Royaumes Oubliés d’Ishar…

Ishar était le nom que les salomens utilisaient pour désigner la Terre en des temps immémoriaux. Cela signifiait Terre archaïque ou Cercle de l’inénarrable matrice.

Selon la légende, il y eut sept rois qui reçurent la faveur du Seigneur des Mondes et il leur permit de conquérir le monde et d’ériger sept royaumes qui toujours selon les textes possédèrent une grandeur, une richesse et une gloire comme le monde n’en avait jamais connu et n’en connaitraient jamais. Et le monde d’alors fût plongé dans une telle paix que la terre entière en devint un paradis. La justice régnait et nul ne manquait de rien, tous mangeaient à s’assiettée et les rois gouvernaient avec sagesse, force et intelligence. Mais au fil des ans, leur gloire leur monta à la tête et ils devinrent orgueilleux. Ils méprisèrent l’Existant qui les avaient comblés de richesses et de nombreuses bénédictions. Ils se détournèrent de lui, l’un après l’autre. La justice et l’intégrité de leur royaume s’effritèrent et en un quart de siècle, leurs royaumes se retrouvèrent au bord du chaos et leurs sujets devinrent dépravés. Leur mœurs se pervertirent, et la criminalité et la pauvreté devinrent la norme.

Les rois s’accusèrent mutuellement d’avoir semer le chaos dans leur royaume respectif par des fausses rumeurs et des rebellions populaires fomentés par les espions des royaumes voisins. Ils finirent par se faire la guerre. Une guerre si sanglante que l’on parla de kilomètres et de kilomètres de cadavres surplombés par des nuées de corbeaux si denses que le ciel en fut obscurcit. L’odeur de putréfaction d’alors, fût telle qu’elle arriva jusque dans les cours des palais et les chambres des rois.

On l’appela l’Al Ultarul Kazar Ke’sh Oreinym Awuorcos, la Terrible Guerre Perpétuelle des Souverains de Feu Destructeur et de Cendres Fertiles.

L’Existant finit par perdre patience, voyant qu’aucun n’était prêt à se repentir malgré les nombreux songes et apparitions par lesquelles il leur avait parlé. Il envoya les sept Sarafs. Des esprits de feu et de lumière qui subsistaient dans le creux de ses mains et il leur ordonna de détruire les sept royaumes.

Le royaume d’Odiani fut rasé par un déluge d’éclairs, de grêles de la taille de rochers ainsi que par un cyclone, tous provoqués par le Saraf Phalantin.

Le roi d’Odiani s’appelait Kedur Usali, on l’appelait l’Incandescent et le terme en solominon qui désignait les rois de l’époque était awuorcos ayant donnée le terme Aurarque, qui signifiait entité de feu destructeur et de cendres fertile ou encore tous simplement phœnix.

Evan resta un moment les yeux fixés sur le couvercle profondément intrigué...

Odiani…

Les autres royaumes avaient connu des fins tout aussi terribles, mais Odiani était le seul qui avait été détruit par des phénomènes climatiques. Le Royaume d’Erasema avait été avalé tout entier par la terre, celui de Pers avait été englouti par un tsunami causé par le Saraf Malakel et Ulam par la lave et la cendre d’éruptions volcaniques.

Il rangea la tablette photo dans sa caisse puis répandit sur la table une partie des affaires que la caisse de son père renfermait. Il y avait plusieurs carnets de notes et boites remplis de patch de stockage avec de nombreux libellés différents. Le mot « climat » était récurrent ce qui n’était pas très étonnant vu que son père, en plus de la Systémique Spectrale, avait également fait une thèse en climatologie du Nexaren qui étudiait les monstres climatiques et autres phénomènes météorologiques liés à l’Effondrement des Cieux.

Il revint sur le mot de passe.

Son père lui avait toujours dit que pour bien comprendre un mot, il fallait connaître son étymologie. Il aimait beaucoup la littérature malgré son côté très scientifique. L’un n’excluait pas l’autre après tout. Il réfléchit, les yeux fermés. Il se déplaça dans son palais mémoriel. Son père aussi en avait possédé un dans son esprit. Par imitation, il avait tenu à en concevoir un également. Il avait lu beaucoup d’ouvrage et les conservait à l’intérieur du manoir de Bristol de son enfance. Il remonta le grand escalier du vestibule et le grand couloir jusqu’à la chambre de Sue. Les ouvrages qu’il avait lus plus jeune y étaient conservés. Du moins les informations qui y étaient contenu.

Il chercha par association d’idée dans la section solominon. Il retrouva le fameux livre que son père lui avait offert à son sixième anniversaire. Le dernier d’ailleurs… Un essai de six-cents pages sur les Royaumes Oubliés d’Ishar. Alors… Odiani…

— Du solominon archaïque, O’day Aniunsha, murmura-t-il en ouvrant les yeux.

Cela signifiait la perle qui rayonne comme un soleil. Evan tapa les mots et à son grand plaisir l’écran d’accueil se substitua à du texte. Se cacher en pleine lumière. Voilà qui ressemblait bien à son père…

Sa joie fut de courte durée car le fichier était crypté. Le texte était tout simplement incompréhensible. Il réitéra avec dix autres patchs et le résultat fut le même. Le mot de passe était le bon mais le texte était crypté. Cela ressemblait bien à son père aussi…

— Super… Murmura-t-il en soupirant. Me voilà bien avancé.

Il regarda à nouveau dans la caisse et vit sous une pile de boîtes pleines de patchs, un livre. Il ne parvint pas directement à lire le titre de l’ouvrage à cause de la faible luminosité du salon qui s’ajusta. Après l’avoir pris et il lut à haute voix en s’allongeant :

— Les Chroniques des Contrées Incolores de Falk Arendal.

Evan se mit à rire. C’était la troisième fois de la journée que l’une des œuvres de l’auteur était partie intégrante d’un mystère inexplicable. La crise étrange de Dorcas avec le « Chuchoteur dans la brume », les cartes du jeu du Roi-Pion glissées dans son casier et enfin il trouvait dans les affaires de son défunt père un exemplaire papier.

Son père aimait beaucoup ce recueil, il n’était donc pas surprenant qu’il en retrouve un exemplaire dans ses affaires mais tout de même, cela faisait beaucoup pour une simple coïncidence.

Y’avait-il un lien quelque part entre ces trois évènements ?

Non, il exagérait un peu…

Falk Arendal avait eu un succès retentissant lorsqu’il avait sorti cet ouvrage. Il était mort très vieux, plus de la centaine d’années et c’était dans sa jeunesse qu’il les avait écrits. Il avait fait plusieurs rééditions et ajouté d’autres contes au fur et à mesure des années. Il n’avait jamais rien écrit d’autres.

Poussé par une intuition comme il lui en arrivait parfois, il se leva et après avoir posé le recueil de contes sur la table, il récupéra les deux cartes des poches de sa veste shirag pendue au porte-manteau. Le ciel et la clé. Il revint s’assoir et les lampes s’illuminèrent plongeant la pièce dans une lumière quasiment aveuglante. Il examina les cartes sous toutes les coutures, à travers la lumière puis les reposa, déçu de n’avoir rien découvert. Il ouvrit le recueil et commença à le feuilleter négligemment. Après quelques minutes, il sentit quelques choses au niveau de l’intérieur de la couverture. Il tata à nouveau et constata un renflement anormal. Il récupéra un couteau en céramique et entreprit de faire une incision dans la couverture épaisse. Il agita le livre et un patch de stockage rouge vif glissa dans sa paume.

Il avait vu juste d’une certaine façon. Décidément, des mystères glissés dans des énigmes, elle-même cachées dans des puzzles… Il le prit et le posa sur le carnet de note et un écran d’accueil s’afficha en même temps que le patch devenait transparent.

Ce n’était pas un mot de passe qui était requis mais une empreinte digitale. Il pressa son pouce contre l’écran et une petite note retentit en même temps que l’accès lui était accordé. Il esquissa un sourire, impatient, les battements de son cœur s’accélérant.

Une vidéo se lança automatiquement. Son père… c’était bien son père…


Texte publié par N.K.B, 28 septembre 2019 à 19h06
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