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Ignemshir, Tome 1 : L'Étincelle Mourante
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tome 1, Chapitre 17 « Le rituel » tome 1, Chapitre 17

Plonger dans le liquide au reflet rougeâtre, Evan agita le papier à photo qu’il tenait au bout d’une pincette. L’odeur des produits chimiques et la pénombre carmine de sa chambre noire étaient réconfortantes. Dans cette pièce, le monde extérieur n’existait plus.

A l’aide d’une pince, il accrocha la photographie à un fil tendu à travers la pièce auquel était déjà suspendu une trentaine d’autres photos. Sa main rechercha la bouteille de mourch sur la table derrière lui et la porta à ses lèvres. Le liquide frais à base de malt lui rafraîchit agréablement le palais.

S’appuyant contre la table, il soupira.

C’était la dernière photo de sa pellicule. Cette série de photos le rendait particulièrement fier. Quelques photos du 9ème avec le quartier du Coq, le Moulin du côté du quartier de la Grenouille où il avait grandi mais surtout le Cimetière de Verre et de Métal et les Ruines. Une façon d’exposé à ceux des arrondissements intérieurs la réalité des quartiers périphériques sans le moindre fard. Juste telle qu’elle l’était. Avec sa beauté et sa laideur. Evan détestait les artifices… Il irait les donner à Adolphe. Ce dernier les encadrait et les vendait dans sa galerie du 4ème. Le galeriste aimait beaucoup son travail et il était peut-être la seule personne qui l’encourageait à continuer. Et ce depuis peut-être deux à trois ans.

Pour un ignemshir, cela n’avait peut-être aucun sens, mais c’était ce qu’il aimait réellement faire. Il savait que le jour viendrait où il ne pourrait plus prendre de photo. Il était réaliste. Si ce n’était pas une mort prématurée, ce serait autre chose. La vie, sa vie, était faite de tellement d’instabilité et d’incertitude qu’il profitait de chaque moment qu’il consacrait à sa passion. Il tira les rideaux derrière lui puis ouvrit la porte avant de sortir dans le couloir sombre.

D’un coup d’œil à sa montre, Evan constata qu’il serait bientôt huit heures du soir. C’était l’heure de son petit rituel. Il pénétra dans le grand salon sobre et élégant du penthouse. La large baie vitrée donnait sur une grande terrasse dotée sur toute sa partie gauche d’une zone habituellement verdoyant. Composés de buis, de lauriers tins et d’autres arbrisseaux, ils étaient présentement ensevelis sous une épaisse couche de neige.

Des tableaux aux couleurs chaudes, des portraits ou des paysages, étaient accrochés aux grands murs gris et à celui qui semblait fait d’écorce. Le plafond haut était recouvert de lampes en suspension en forme de ruban de Moebius disposés en cercles concentriques qui tournoyaient en permanence. Le mobilier était dépouillé mais de bonne facture. Un canapé gris capitonné était recouvert d’une grande fourrure de tigre géant à crinière doré des mangroves brumeuse des côtes orientale de la Fédération des Indes et du Bengale. De part et d’autre, deux fauteuils en cuir noir confortables étaient disposés avec au centre une charmante table-basse en verre noir aux pieds transparents en spirale sur un grand tapis soyeux bordeaux. Les canapés faisaient face à un mur-écran en état de veille qui diffusait dans le salon, plongé dans une atmosphère feutrée, une vision à couper le souffle de galaxies lointaines. Evan reconnut sans mal M51, la galaxie du Tourbillon et ses deux magnifiques spirales d’or et de feu.

Allant dans la grande cuisine américaine toute en chrome, acier inoxydable, marbre bleu et BoisFer, il posa sur le comptoir marbré de la cuisine un paquet de farine et du sucre. Il sortit encore d’autres aliments du frigo, dont un filet de citron et des œufs. Il prit également un plat creux et volumineux en plastique blanc qu’il récupéra dans l’une des étagères bordées d’aluminium rutilant. Avec des gestes habiles, il fit une pâte en mélangeant les différents ingrédients. Quand il l’eut terminé, il la mit au four.

Il lui fallut attendre environ une vingtaine de minutes pour que la pâte chaude et dorée puisse accueillir la meringue qu’il avait préparée en attendant. Il baissa l’intensité du grand four pour que l’ensemble cuise à feu doux puis patienta en faisant la crème au citron.

Evan décapsula une autre bouteille de mourch. Il lança négligemment la capsule en plastique biodégradable par-dessus son épaule et elle atterrit dans le broyeur-recycleur incrusté dans le mur. Ce dernier le gratifia d’un léger broiement reconnaissant. Il but plusieurs gorgées tout en cassant lestement des œufs.

Le jeune ignemshir reposa la bouteille sur le comptoir, battit les œufs, mélangea avec le jus de citron pressé et ajouta les ingrédients habituels avant de finir avec une pincée de gingembre, et mit le tout dans une casserole cuisant à feu fort. Il remua à l’aide d’un fouet, le mélange s’épaissit. Il ôta la casserole, ouvrit le four puis sortit la tarte. En voyant sa couleur, il émit un grognement approbateur en secouant la tête. Il renversa la crème, en pris un peu du bout du doigts pour en savourer le goût puis mit la casserole dans le lave-vaisselle. Evan nettoya le comptoir et la cuisine. Il termina en passant un torchon sur le marbre luisant tout en finissant sa bouteille.

Malia avait toujours exigé que la cuisine soit d’une netteté irréprochable et après sa mort, Princeton s’était appliqué à honorer cette volonté. Il s’était pratiquement reconverti en maniaque de la propreté. Evan avait d’abords pensée que c’était là sa manière de faire son deuil mais les mois et les années étaient passé sans qu’il ne redevienne comme avant. C’était pourquoi Evan laissait toujours la cuisine dans un état impeccable.

Le jeune homme se jucha sur l’un des tabourets matelassés qui s’alignait devant le comptoir. Ses blessures étaient déjà moins douloureuses. Malgré sa fatigue, il avait peu dormi. Son sommeil avait été coupé par un cauchemar où Rayn Harlec le condamnait à être brûlé par la Niera. Deux petites assiettes, deux fourchettes, un couteau et une spatule avaient été disposés avec soin autour de la tarte aux citrons meringuées. Il fixa les couverts, l’air songeur, une main sur la bouche, accoudé au comptoir avant de regarder vers le grand portrait accroché sur le mur-écorce, face à la porte. C’était un portrait de Sue qu’il avait peint cinq ans plus tôt. A cette même date. Ses yeux se plongèrent dans ceux pétillant de malice du portrait.

— Ton dessert préféré, murmura-t-il. Fait en ton honneur petite peste. Je me souviens encore. Lorsque Princeton nous en faisait, tu t’arrangeais toujours pour en avoir plus que moi. Tu me mentais sur le nombre de part que tu avais mangé ou tu me mettais en colère pour que j’aille bouder dans ma chambre. Comme ça tu gardais le reste pour toi… Ah ! Sue… tu es une vraiment sale petite peste. Mais tu étais ma petite peste à moi…

La sonnerie de l’entrée retentit dans le penthouse. Evan se figea. Charlaine ? Non, la connaissant cela était peu probable puisqu’il lui avait dit qu’il préférait rester seul. Elle respectait toujours ses sentiments. Peut-être madame Chèvrechoux. Pourvu que ce ne soit pas par rapport à ses chats… Un carré de lumière apparut en même temps que son neshir lui murmura quelques informations relatives à la personne qui venait de sonner. Désormais, c’était comme si cette connaissance avait toujours été dans son esprit. Seul les neshirs Impériaux, c’est-à-dire, doté d’une tête d’aigle impérial en guise de pommeau, pouvait faire usage du murmure neshirien.

En voyant dans le carré lumineux le visage de la rouquine de ce matin, il eut une mine perplexe mais il était soulagé que ce ne soit pas la vielle dame du troisième. D’après Wazushendi, elle se prénommait Ella Kean, faisait un mètre soixante-deux et avait six cents abonnés sur le réseau social Keep… en plus d’un dégout viscéral pour tout ce qui était à base de carottes… Comme d’habitude son neshir ne lui donnait que des informations peu importantes ou franchement insignifiantes… il aimait vraiment se payer sa tête. Au cours de ces neuf années sous son pouvoir, Wazushendi ne s’était jamais privé de lui jouer des tours…

Evan marcha jusqu’à la porte. Cette dernière se déverrouilla et coulissa dès qu’il le voulut. Il se retrouva alors nez à nez avec la fille aux yeux rieurs et à la chevelure flamboyante.

— Soit sauf et que les cendres te protègent, lui fit-elle en souriant.

— Toi de même, répondit-il avec l’ébauche d’un sourire.

Elle huma l’air en fermant ses yeux bleus, son sourire s’accentuant, et elle s’exclama :

— Ça sent drôlement bon chez toi, tu cuisines ?

Evan se sentit encore plus déconcerté. Elle lui parlait comme si leur première rencontre ne remontait pas au matin même. Hier encore, il ignorait jusqu’à son existence.

— Oui, je me suis fait… Un gâteau, répondit-il avant de se dire qu’avec une réponse pareille, il ne devait pas avoir l’air très fin.

— Si son goût est aussi délicieux que son odeur, j’en prendrais bien une part, dit-elle en hochant la tête et jouant avec sa natte de cheveux rougeoyant sur l’épaule.

— Ça ne sera pas possible, malheureusement.

Elle ne s’offusqua pas de son refus et rit avant de dire en haussant les épaules.

— Dommage. J’aurais bien aimé te donner mon avis sur tes talents. Merci encore de m’avoir prévenu. Madame Chèvre est passée comme tu avais dit. Elle s’est plainte pendant presque un quart d’heure…

Elle gloussa brusquement et dit :

— J’ai cru comprendre que tu étais un peu celui qui mettait les choses en ordre par ici. Elle m’a menacé d’aller te voir si jamais je continuais. Je n’ai rien à craindre de ta part, j’espère ?

Elle attendait visiblement une réponse mais il était clair que vu son attitude, elle éprouvait tout sauf de la crainte à son égard.

— Je ne mange pas les gens, finit-il par dire d’une voix égale, trouvant qu’elle parlait quand même beaucoup. Et elle s’appelle Chèvrecho…

— Ah ! Je voulais te demander, s’exclama-t-elle en le regardant avec attention. On ne se serait pas déjà croisé quelque part ? Ta tête me dit vraiment quelque chose. Déjà ce matin…

— Je ne pense pas, répondit-il en se demandant ce qu’elle faisait toujours là.

— Si, affirma-t-elle. Enfin non… Ah ça y est ! la finale du championnat de garoway des Aspirant des Deux-France. Celle de l’an dernier, c’est ça ? Il y avait des holopubs partout et aussi des post sur l’Observer de Kiona Paine.

— L’Observer ? tu es… d’une schola ? Demanda Evan surpris car elle ne ressemblait ni à une aspirante scientis, ni à une aspirante salomen. Elle avait l’air trop normal.

Ceux qui rentraient dans les Trois-Ordres étaient marqué par leur ordre d’une manière ou d’une autre… Et d’ailleurs comment avait-elle pu se souvenir de lui alors qu’il n’avait même pas jouer tous les matchs et que lors de la finale, il n’était entré sur le terrain que pendant le troisième quart-temps. D’autant qu’il y avait toute l’équipe présente sur les holopubs et il n’était pas particulièrement mis en avant par rapport aux autres.

Les holopubs… Elles n’étaient à ses yeux qu’un caprice du magister magnus Dreiven qui dirigeait la schola. A sa connaissance, il en faisait usage deux fois plus que les autres magistri magni. Evan détestait toute cette communication. Cela le rendait malade, surtout pour les tournois de neshirinshi. Se pavaner comme une starlette devant des objectifs dans des tournois où ceux qui perdaient un duel y laissaient leur peau une fois sur quatre, était à ses yeux incompréhensible. Cela lui donnait toujours le sentiment tout n’était qu’une mascarade sordide. Il détestait ça. En général, il ne se donnait même pas la peine de sourire.

— Non, du tout, pouffa-t-elle. J’ai un ou deux amis qui y vont. Evan Kupenda, c’est ça ?

— Oui…

— Bah ça alors… j’ai du mal à croire que j’ai l’un des champions des Deux-Frances en face de moi. Tu sais, je trouve que tu joues vraiment bien. Même si tu n’es pas entré longtemps sur le terrain, honnêtement ce serait mentir si je disais que ton jeu ne m’avait pas marqué. Tu m’as paru aussi bon que Jahandar.

En entendant le nom de Jahandar, un ancien aspirant noguemi qui désormais appartenait aux Trépassés, Evan sentit son cœur se serrer.

— Tu avais les cheveux plus courts avant. Je t’avais même demandé en ami sur Keep mais tu as dû recevoir des milliers de demande !

— Je ne sais pas… murmura Evan sentant monter en lui forte tristesse. Je ne vais jamais dessus.

— Vous êtes tous tellement fascinant ! Je suis tellement contente de te rencontrer, Evan.

Le jeune ignemshir esquissa un sourire forcé, légèrement mal à l’aise, se demandant comment faire pour se débarrasser d’elle sans passer pour un rustre. La jeune fille soupira et lui demanda :

— Au fait j’en ai ramené un…

— Un quoi ?

— Un porc.

— Pour quoi faire ?

— Pour tester si ce que tu m’as dit ce matin était vrai.

Elle rit aux éclats tandis qu’Evan esquissait un sourire franc pour la première fois en comprenant où elle voulait en venir.

— Le truc du porc égorgé…

— Ouais, franchement, tu as fait une de ces têtes. C’est toi qui me l’as sorti ce matin. Je ne fais que te renvoyé la balle. Tu as un sens de l’humour assez noir. Mais je te crois. Au moins je suis contente de ne pas t’avoir dérangé hier.

La jeune fille continuait de le fixer avec insistance. Voulait-elle quelque chose ? Il allait le lui demander quand elle lui dit :

— On fêtait la fin de la césure hivernale. C’était une sacrée soirée. Si tu veux je t’inviterai à la prochaine, comme ça, je te présenterais mes amis. Ils seront super contents de te rencontrer.

Quel charmant programme, pensa Evan avec sarcasme.

— Je ne suis pas très friand de ce genre de soirée. C’est trop bruyant à mon goût et les gens ont souvent du mal à rester modérés.

Elle cessa brusquement de sourire, de la surprise dans le regard. Elle ne s’attendait visiblement pas à ce genre de réponse.

— Modéré ? D’accords, je vois, murmura-t-elle alors que ne restait plus que le fantôme d’un sourire, comme si ses propos lui avaient causé une sévère déconvenue. Je ne m’attendais pas à ça… mais après tout, je n’ai pas côtoyé beaucoup de Sangs d’Acier. Je sais que vous préférez rester entre vous, mais vu que tu habites par ici, si loin du centre de la cité, je m’étais dit que… Eh bien…

— Ce n’est pas contre toi, je ne suis pas friand de leur soirée non plus.

Son sourire revint comme si cette dernière phrase l’avait rasséréné.

— Donc tu es plutôt du genre à faire des soirées pâtisseries…

— Pas exactement non plus…

— Tu es bien mystérieux, Evan Kupenda. Ce n’est pas du tout l’image que j’avais de toi… En général, tu tires toujours la tronche sur les holopubs alors je t’avoue que je ne t’imaginais pas être passionné par la pâtisserie.

— Je ne suis pas passionné par la pâtisserie.

— Si tu le dis, répondit-elle avec un sourire taquin.

— Et souvent, l’apparence n’est qu’apparence...

— Je n’en disconviens pas ! Et sans vouloir paraître indiscrète, qu’est-ce que tu as fait pour que ta famille t’exile par ici ? Ça devait être une sacrée gaffe, hein ? je m’y connais en gaffe, mon père te le confirmera…

Le regard de la fille descendit brièvement vers sa main et son neshir avant de le fixer de nouveau. Cela le poussa à caresser la base de son pouce où s’était trouvé pendant deux ans l’anneau de bois gravé des armoirie Harlec. Il ressentit comme un vide au-dedans de lui. Tessa… Décidément la césure hivernale n’avait servi à rien du tout.

— Je crois que tu te méprends, je ne suis pas un Sang d’Acier… fit Evan agacé car il avait de plus en plus envie d’être seul. Je suis un ma’nkel… un fichu ma’nkel.

— Ah… fit-elle prise en dépourvu. Un ma’nkel ? Pourtant, ton uniforme… Je veux dire… un ma’nkel ne peut pas…

Evan ferma brièvement les yeux, la mâchoire serrée, s’apprêtant à l’envoyer paître pour de bon. C’était tant pis pour ses bonnes manières et l’amour propre de la jeune fille. Soudain elle joignit ses deux mains devant elle en penchant légèrement la tête.

— Je suis désolé, s’empressa-t-elle de dire. Je parle, je parle et je fais des grosses gaffes.

Il prit une brève inspiration, se retenant de l’envoyer paître et répondit sèchement :

— Ce n’est pas grave, nous sommes très peu nombreux à Kiona Paine de toutes les façons… Cinq peut-être…

— Tu dois être vraiment doué, Evan. On m’a toujours dit que les ma’nkel étaient tous à Bastian Dufer ou au Mont Doré.

Son visage s’éclaira.

— Sinon, tu pourras me faire visiter le coin. Je suis nouvelle dans le quartier. Et comme tu es mon voisin, et en plus en charge du bien être des habitants de l’immeuble… Ce sera sympa !

— Je ne suis pas en charge du…

Evan soupira puis répondit finalement :

— Pourquoi pas, si j’ai du temps.

— Ne t’en fait pas, je ne suis pas très demandeuse, répondit-elle. Demain soir tu as quelque chose de prévu ?

Demain soir ? Rien que ça. Cette fille était vraiment… Pourquoi faisait-il autant d’effort ? Il aurait été tellement plus simple de lui claquer la porte au nez… Des bruits si discrets qu’il fallait tendre l’oreille pour les remarquer, attirèrent l’attention d’Evan. Et malgré cela, il n’aurait pas mis sa main à couper que quelqu’un était vraiment dans les escaliers. Une voix s’exclama :

— Mais qu’est-ce qui te prend autant de temps ?

Les joues clairsemées de taches de rousseur d’Ella, virèrent à l’écarlate.

— Rien, j’arrive. T’en fait pas, répondit-elle.

Cette voix… ce timbre suave et particulier. C’était le même que ce matin. Et son accent un peu altier, était celui que l’on rencontrait dans la haut-société noguemienne. Au sein des Familles Anciennes. Lorsque la jeune fille atteignit son palier, Evan fût frappé par son regard. Ses yeux en amande parfaitement dessinés avaient des prunelles de la couleur de l’ambre. Ces dernières étaient d’une rare intensité. Elles donnaient l’impression de renfermé une flamme ardente au-dedans d’elles. Mais il n’y avait pas que cela. Parfaitement reconnaissable, subsistait dans son regard une froideur intimidante qui ne lui était que trop familière. Une Fille des Cendres… Les traits de la jeune fille étaient délicats, très avenants et il témoignait d’un métissage complexe. Son teint caramel éclatant et ses cheveux châtains bouclés aux reflets clairs, étaient reconnaissables entre mille. Un charme étrange irradiait de son visage à la candeur désarmante et une certaine noblesse de toute sa personne. Si elle n’avait pas eu ce regard qu’il connaissait bien, il se serait dit que cette fille était incapable de faire du mal à qui que ce soit ou à quoi que ce soit. Elle était du type à susciter naturellement l’admiration chez ceux qui l’entourait ainsi que le désir de la protéger parce que cette innocence pouvait, à tort, être associé à de la fragilité. Oui, il la connaissait, bien qu’il ne se souvenait pas lui avoir jamais parlé. Cette fille était également celle des holopubs de Pourpre qui recouvraient les façades de nombreux gratte-ciels ces derniers jours. Et elle traînait dans le Moulin… Cela n’avait pas de sens.

— Désolé Lily, on a commencé à discuter et j’ai oublié de lui demander la sauce tomate.

La jeune fille esquissa un sourire espiègle en plissant malicieusement les paupières l’air de savoir ce que son amie avait derrière la tête. Elle répondit simplement :

— D’accords, bah je redescends alors. Ne traine pas.

Elle lui jeta un coup d’œil, curieux de savoir qui était celui qui retenait autant son amie puis s’attarda. En un instant, Evan comprit qu’elle l’avait également reconnu. Son sourire s’était effacé. Elle sembla hésiter à redescendre. Il se demanda pourquoi cette hésitation et ce regard glacé alors qu’il n’avait aucune intention de manger sa copine. Contre son gré, elle se retira dans les marches dans le même silence sans cesser de le fixer comme s’ils avaient un différent. Sa discrétion était absolue à cause des Chesterfield noirs qu’elle chaussait. C’était probablement ses mains glissant sur la rambarde qui avaient attiré son attention plus tôt. Drôle d’individu…

Evan partit vers la cuisine américaine et prit deux boîtes de sauce tomates dans l’un des rangements et les rapporta à la jeune fille qui le remercia chaudement.

— Au fait, je m’appelle…

— Ella, c’est ça ?

Elle acquiesça surprise.

— Zu me l’a dit lorsque tu as sonné.

— Ton bot personnel ?

— Non, mon neshir.

Elle sembla émerveillée.

— Sois sauf et que les cendres te protègent Zu ! s’exclama-t-elle avec entrain à la surprise d’Evan en fixant Wazushendi.

— Que les cendres de l’Immortel, vous protègent, mademoiselle Kean. Je suis ravi de vous rencontrer, fit la voix enfantine que Wazushendi avait choisi de prendre.

Elle avait jailli des haut-parleurs du penthouse. Evan se demanda pourquoi son neshir âgé de près d’un millénaire choisissait toujours une voix d’enfant…

— Ouah, c’est carrément énorme. Ro ne fait jamais ça.

— Ro ?

— Non rien… A la prochaine alors. Je repasserais pour la visite !


Texte publié par N.K.B, 27 septembre 2019 à 09h23
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