« J’ai l’impression de ne semer que mort et désolation dans mon sillage. Au final, Raphaël avait raison. J’ai l’impression que tout le monde a besoin de moi mais peut-être que personne n’a besoin de moi au final. C’est sans doute une manière pour moi de fuir mes propres emmerdes. Voir celles des autres, s’occuper des autres, quitte à en faire trop, pour ne pas regarder mes propres pieds s’enfoncer dans la boue du mensonge et de la culpabilité. Et je viens d’en avoir une couche en plus… »

Plusieurs ondulations sur le papier empêchent de lire tout un paragraphe du journal. Apparemment, l’écriture en elle-même n’indiquait rien de précis, quelques gribouillages colériques tout au plus.

« Il m’a fait confiance. Je l’ai supplié. Je lui ai demandé de croire en moi, de croire en ce que nous étions, lui et moi. Des frères d’arme. Nous avons vécu l’enfer tous les deux pendant des années. Nous avons couru sous le feu ennemi, dans des missions que peu auraient eu le courage d’affronter. Mais nous l’avons fait car nous étions nous. Une équipe. Nous pouvions compter les un sur les autres, nous n’aurions jamais laissé tomber personne. Je lui ai dis que je l’aiderais à se relever s’il tombait.

Est-ce que je suis prête à renoncer à mes discussions avec Riley ? Ma complicité avec Nasser ? Mes entraînements avec Thiago ? Je n’en sais rien, et c’est bien le pire. Ce que je sais, c’est que jusqu’à ma mort je porterai le poids de leur tragique destin sur mes épaules. Ils me lèguent, les un après les autres, un héritage que je me dois de porter. Des réponses auxquelles je dois trouver des réponses. Je me dois d’être assez forte pour aller jusqu’au bout, sans sacrifier personne d’autre. Mais au final, une vie vaut-elle la survie de l’Humanité toute entière ? Je suis tentée de dire que oui. »

Le papier a été froissé, puis défroissé pour pouvoir écrire.

« Je vais achever cette mission. Je ne compte pas faire en sorte que leur mort soit vaine. Ils n’auront pas donné leur vie pour rien. Je vais les traquer, les trouver, les éliminer tous, jusqu’au dernier. Quitte à devenir la pire des démones, plus enragée qu’un avatar de l’Anathème. Pour l’amour, la peur, la joie, pour tout ce qui fait que nous sommes humains, tout ce que fait que je me bats tous les jours, je ne laisserai jamais tomber. Même si j’en meurs, que l’on me remette dans une armure pour que je continue à me battre. Jusqu’à ce que le Monde n’ait plus besoin de moi. »