« Un nouveau rêve. Un nouveau cauchemar. De quoi me rendre folle. Un Chevalier qui tombe, le corps pourrissant, qui se meurt de l’intérieur. Je le connais, mais impossible de mettre un visage, un nom sur lui. Du moins c’est ce que je pensais avant que Thiago ne s’écroule en pleine réunion avec les Chevaliers de la Table Ronde. Il était en sueur, mal, frémissant et nous nous sommes de suite tous inquiétés. Quelle ne fut pas notre surprise d’apprendre qu’il ne prenait plus ses médicaments que les médecins lui donnaient contre son cancer généralisé.

Je n’aurais jamais cru qu’eux, qu’Arthur, qui parle sans cesse de sauver l’Humanité puisse traiter ses soldats, ses frères d’armes de cette manière. Et Sagramor… Notre chef de section, que je voyais rude, parfois injuste et violent avec nous, que tout le monde pense fou… Lui nous a défendu. Je les ai stoppé, lui et Arthur en pleine dispute sur le sujet. Il a appris cette vérité en même temps que nous. Il ne savait même pas que les médecins mentaient ouvertement aux Tarrasques. »

La feuille est froissée, comme si quelqu’un l’avait saisi et presque arrachée du journal.

« Je ne suis pas d’accord avec cela. Je compte bien me battre. Nous avons tous fais des erreurs par le passé, nous sommes tous capables de nous racheter, même le pire criminel, surtout en cette ère. Je compte épauler Sagramor pour faire changer les choses. Pour qu’aucun autre Thiago n’ait à souffrir de cette manière et qu’aucune autre coterie n’ait à voir un de ses compagnons s’effondrer. Car ce qu’Arthur ignore, ce que les coterie sans Tarrasque dans leur rang ignorent, c’est qu’un Tarrasque reste un frère d’arme, un compagnon, un Chevalier sur qui compter en mission lorsque la situation dérape. Un Tarrasque est un monstre en rédemption. Et j’ai l’impression qu’il n’y a que Sagramor pour le voir. »

L’encre change de couleur, le stylo a tant appuyé sur les mots précédents que le papier en est presque déchiré.

«Thiago nous a expliqué sa présence chez les Tarrasques. Ce n’est pas un enfant de cœur. Il a tué des milliers de personnes en faisant sauter toute une ville. Mais il a également tué des milliers de créatures de l’Anathème. Il a fait cela pour les stopper. Pour essayer de sauver une partie de l’Humanité. En tuer cents pour en sauver mille. Un choix difficile. Il est coupable de la disparition de civils, de femmes, d’enfants… Et en plus de porter ce fardeau, il doit maintenant s’entendre dire qu’il est malade. C’est injuste…

Parce que Nasser fait partie de notre famille, parce que notre coterie, Kimera, est le dernier lien qui nous unit tous, pour l’Humanité et contre l’Anathème, il est hors de question de les laisser tomber. »