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tome 1, Chapitre 8 tome 1, Chapitre 8

Quelques jours plus tard, Dvan rentra juste avant le coucher du soleil. De toute façon ici, tout le monde se cachait la nuit. Le couple avait pris les habitudes du lieu. Ils ne savaient pas bien pourquoi, mais préféraient faire comme tout le monde au cas où les choses pourraient devenir dangereuse. On parlait de monstres rodant la nuit, bien qu'ils n'en aient jamais vu.

Rosa avait su qu'il rentrait grâce au bruit des volets qu'ils avaient fermé par l'extérieur. Elle était habituée à ce bruit et cela ne la faisait plus sursauter à présent. Ils se claquemuraient tout comme leurs compagnons. Des histoires effrayantes parvenaient des villages alentours bien que la jeune femme n'y accordait pas beaucoup de crédit.

Dvan ouvrit la porte et entra. Elle lui sourit. Il fit de même avant de fixer sa poitrine nue. A croire qu'il avait toujours autant de mal à se faire à cette idée.

-Mon chéri ?

-Pardon, je ne voulais pas te paraître inconvenant. C'est lui que je regardais.

Il rougit.

-Je le sais bien. Approche.

Il ne se fit pas prier, s'assit à côté de son fauteuil, et continua de fixer le petit être collé au sein en train de téter.

-Il mange vraiment là ?

-Bien sûr.

-Comment tu le sais ?

-Je le sens.

-Désolé, je ne fais que poser des questions stupides…

Rosa se tourna vers lui et lui caressa tendrement le visage.

-Ce n'est pas stupide. Tu ne sais pas et tu demandes. Ca serait stupide si tu ne demandais pas.

Il ne bougea pas et appuya sa tête contre son genou, avec le sourire aux lèvres.

-Il a fini de manger.

Dvan leva les yeux vers le bébé.

-Tu veux le porter un peu ?

Il se redressa à la hâte, en hochant la tête.

-Oui, bien sûr.

Rosa referma son chemisier et lui tendit Danian.

-Tu devrais t'asseoir ici. Tu serais mieux.

-Sans doute.

Il prit place dans le fauteuil avec son fils dans les bras. Le géant le fixait avec attention.

-Il bouge beaucoup, non ?

-Ne t'en fais pas. Plus ça ira, plus il bougera.

-Vraiment ?

Elle posa ses mains sur ses épaules et lui massa doucement. Il devait être fatigué. Il fallait avouer que Danian avait de la voix, et savait faire comprendre son mécontentement. Malgré cela, Dvan ne disait jamais rien. Il le prenait dans ses bras et le serrait tendrement contre lui, pour le rassurer.

-Tu es formidable, lui souffla Rosa à l'oreille.

-Pourquoi ?

-Tu veilles sur nous comme tu l'avais promis.

-Mais je n'ai rien fait.

-Tu es un bon père et un bon mari.

Il lui lança un regard peu convaincu.

Elle lui embrassa le front, et il releva la tête pour venir chercher ses lèvres. Alors qu'ils échangeaient un tendre baiser, un bruit résonna à l'extérieur. On avait l'impression que quelque chose grattait le bois de la porte.

Rosa sursauta. Aussitôt, Dvan se releva et lui tendit le bébé. Elle le serra encore elle. Le géant passa une main autour de ses épaules pour la rassurer.

-Qu'est-ce que c'est ?

-Je l'ignore. Si je veux le savoir, il faudrait que je sorte.

-Dvan, non ! C'est dangereux. Si jamais il t'arrivait malheur, je…

Elle vint se coller à lui comme pour le retenir.

-Ne t'en fais pas, pour le moment je reste là. On ne sait pas ce que c'est et je préfère attendre d'être sûr que vous ne risquez rien tous les deux.

-Merci, Dvan.

Il fixa la porte, qui ne bougeait pas. Le grattement continuait, effrayant.

-Qu'est-ce qu'on fait ?

-Pour le moment, nous allons faire comme à notre habitude.

-Est-ce que tu crois que je devrais coucher Danian dans son berceau ?

Dvan fronça les sourcils.

-Je vais venir avec toi.

Se saisissant de la lampe, il la suivit dans la chambre. Tout était silencieux dans la pièce. Il jeta un coup d'oeil dans les moindres recoins, sans trouver quoi que ce soit. Rosa attendait sans dire le moindre mot. D'ici, on n'entendait presque pas le grattement.

-Je pense que c'est bon. Nous laisserons la porte ouverte.

Elle hocha la tête avant de déposer l'enfant dans son lit. Pour le moment, il paraissait fatigué. Une bonne nouvelle, peut-être parviendrait-il à mieux dormir cette nuit.

-Tu as faim ? lui chuchota-t-elle.

-Oui, s'il te plaît.

-Bien. Après, je te ferais chauffer de l'eau, pour que tu puisses te laver.

Il lui sourit.

-Tu es un ange, Rosa.

-Non, c'est toi mon ange gardien.

Elle frissonna en entendant à nouveau, le grattement. Une chose était sûre malgré sa peur, elle n'avait aucune envie de sortir pour voir de quoi il s'agissait.

La jeune femme servit un bol fumant de soupe à Dvan. Lui non plus n'aimait pas les bruits pourtant, il tentait d'en faire abstraction. Elle prit sa main dans la sienne, comme pour y rechercher du réconfort, et le géant lui caressa tendrement.

Ils dînèrent en silence, trop perturbés par les événements extérieurs. Finalement, après avoir terminé le repas, ils décidèrent d'aller se coucher pour oublier le reste.

Une fois propre, Rosa vint se blottir dans les bras de Dvan. Il la serra contre lui, avec tendresse, et embrassa ses cheveux, pour la rassurer.

-Je suis désolée…

-Ce n'est rien. C'est normal d'avoir peur. On a tant affronté ensemble. Ca ne peut pas se terminer comme ça.

Elle avait beau savoir qu'il cherchait à la rassurer, l'argument ne faisait pas mouche chez elle. Pour une fois, ils avaient de la chance alors, elle ne cessait de se demander quand cela s'arrêterait.

Brusquement, le hurlement d'un chien la fit sursauter. La pauvre bête semblait à l'agonie. C'était vraiment horrible à entendre, et elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Tout ce boucan réveilla Danian qui se mit à pleurer.

Aussitôt, elle se précipita et le souleva, pour le bercer tendrement. Dvan la suivit et les serra contre lui. Rosa se laissa aller et posa sa tête sur son torse. Ils restaient tous deux silencieux alors que les grattements s'étaient accentués depuis que les cris du bébé avaient résonné.

-Que fait-on ? demanda la jeune femme.

-Reste là. Je vais aller voir !

Elle le retint.

-Non, pitié, Dvan ne sors pas !

Il secoua la tête.

-Je ne vais pas sortir, juste aller voir la porte d'entrée.

Ils se regardèrent avant qu'il l'embrasse comme pour la rassurer.

-Je ne prendrai pas de risque. J'ai encore envie de rester à vos côtés avec vous deux.

-D'accord.

Le géant les quitta et elle ne put s'empêcher de resserrer sa prise sur Danian en lui murmurant des mots doux. L'enfant se calma quelque peu, seulement, elle avait peur qu'il ressente la terreur qui l'habitait en ce moment même.

Qu'est-ce qui pouvait bien se cacher la nuit dans ce village ? Jusque-là tout était plutôt tranquille. Quand elle avait posé quelques questions pour essayer d'y voir plus clair, on lui avait parlé de monsieur le comte qui les protégeait. Elle ne savait pas de qui il s'agissait, mais elle avait bien envie qu'il arrive.

-C'est bon…

Elle se mit à hurler de peur presque aussitôt accompagnée par les cris de Danian. Avant qu'elle ne puisse bouger des bras larges l’enserrèrent, et elle se retrouva contre le torse de Dvan. Le géant passa doucement sa main dans ses cheveux.

-Rosa, c'est moi. N'ais pas peur.

-Dvan, murmura-t-elle alors que des larmes coulaient sur ses joues. Qu'est-ce qui se passe Dvan ? J'ai peur. J'ai très peur.

-Je sais, Rosa. Je sais.

-Danian, si jamais…

-Il ne lui arrivera rien. Je te le jure. S'il le faut, je me battrai, mais il n'arrivera rien à notre fils.

Elle avait confiance en lui, mais elle ne savait pas ce qui rôdait dans les rues du village.

-Tu as une arme ?

-Mon marteau est resté à la forge, grogna-t-il.

Elle, mieux que personne, connaissait sa force et savait de quoi il était capable. Seulement sans armes et contre des ennemis dont on ignorait tout cela ne la rassurait pas.

A nouveau, des bruits résonnèrent à l'extérieur comme si un combat venait à se dérouler. Des voix humaines les tirèrent de leur torpeur. Des hurlements d'agonies donnèrent la réplique aux cris des blessés.

-Qu'est-ce qui se passe ?

-Je vais voir !

Elle retint son bien-aimé par le bras.

-Dvan, non ! On ne sait même pas de quoi il est question ! C'est dangereux !

Contre son sein, Danian s'était remis à pleurer.

-Pour monsieur le comte, nous triompherons !

La phrase fut reprise et se mit à résonner dans la rue.

-Tu crois que c'est le type dont tout le monde parle ?

Elle hocha la tête.

-Sûrement.

Rassurée de ne pas le voir bouger. Rosa berça tendrement son enfant.

-Il a quelle tête ?

-Je ne sais pas.

-J'ai bien envie d'aller voir.

-Dvan, non ! S'il te plaît, non !

Il ne répondit pas tout de suite.

-J'attends que ça se calme et je vais voir.

-Qui te dit que ce ne sera plus dangereux ?

-Bah, si y a plus de bruit, c'est que les choses sont mortes.

-Ca pourrait tout aussi bien être ceux de notre côté qui sont morts.

Elle lui fit les gros yeux et il baissa la tête.

-J'ai envie de savoir, murmura-t-il.

Cependant, elle savait déjà qu'il n'irait pas à l'encontre de ses désirs. Ce qu'elle voulait, c'était avant tout qu'il reste en vie. Il s'installa dans le fauteuil et pendant un instant, elle eut l'impression qu'il boudait. Quel grand enfant !

Sans un mot, elle s'installa sur ses genoux, avec Danian dans les bras. Aussitôt, il les étreignit tous les deux. Ils restèrent comme ça un petit moment, savourant la présence rassurante que leur offrait le corps de l'autre.

Entre eux, deux, Danian s'était endormi, sûrement grâce au fait que ses parents étaient là pour lui. Rosa s'appliquait à lui caresser tendrement le visage alors que Dvan la regardait faire en souriant. L'espace d'un instant, ils avaient oublié où ils se trouvaient.

Le retour à la réalité fut rapide. Quelqu'un frappa à la porte.

Le couple échangea un regard surpris, ça ne ressemblait pas aux bruits qu'ils avaient entendus précédemment. La jeune femme se releva précipitamment, suivie par son bien-aimé.

Dvan s'approcha de la porte et après un dernier coup d'oeil à Rosa fit tourner la clé avant d'ouvrir le battant. Il reconnue l'un des villageois : Jado.

-Ca va ? Vous n'avez rien ?

-Non. Tout va bien.

-Tant mieux.

Il allait repartir quand le géant le retint.

-Qu'est-ce qui se passe ?

-Une attaque de saloperies ! Le genre dangereux ! Heureusement, monsieur le comte est là !

L'autre lui montra des traces de griffures sur la porte, Dvan y posa la main dessus. C'était profond.

-On dirait qu'ils voulaient venir chez toi.

Le géant ne répondit pas. Rosa s'approcha avec leur enfant dans les bras.

-Comment va le petit ? lui demanda le nouveau venu.

-Bien. Il a eu peur comme nous tous.

L'autre hocha la tête avant de se tourner vers Dvan.

-On aurait besoin de l'aide de tous les hommes présents. Est-ce que ça ira pour ta femme ?

Le géant hocha la tête.

-J'arrive.

Rosa ne les écoutait déjà plus que d'une oreille. Son regard s'était fixé sur un jeune homme aux longs cheveux noirs. Il avait un beau visage et lorsqu'il se tourna vers elle, elle sentit son coeur se mettre à battre plus fort. L'espace d'un instant, elle eut l'impression qu'il n'était plus que tous les deux. Sa peau pâle, paraissant scintiller sous le clair de lune, avait quelque chose de très attirant.

-Qui est-ce ? demanda-t-elle.

Jado suivit son regard.

-C'est monsieur le comte !

-Mais il est si jeune…

A son tour, Dvan le regarda, le visage neutre. Leur interlocuteur éclata de rire.

-Ce n'est qu'une apparence. Il est voué à la nuit.

Le géant interrogea du regard la jeune femme qui secoua la tête.

Finalement, les hommes se mirent en chemin après que Dvan eut déposé un baiser sur son front, et caressé la tête de son fils.

Avant de refermer la porte, Rosa chercha le comte du regard, mais il avait disparu. C'était si étrange. Il y avait quelque chose de bizarre sur lequel elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Finalement, elle leva les yeux vers le ciel avant de rentrer.

Mieux valait ne pas rester comme ça, Danian pourrait attraper froid. La dernière chose qu'elle désirait, c'était que son enfant soit malade. Autant tenter de se reposer un peu, plutôt que de réfléchir à des choses qui ne semblaient étranges qu'à elle.


Texte publié par Nascana, 15 août 2019 à 01h26
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