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tome 1, Chapitre 8 « Un mal qui ronge » tome 1, Chapitre 8

Furans avait laissé des consignes à ses hommes et rassemblé quelques affaires, puis le nouveau trio s’était mis en route. Ils avaient réussi à quitter la vallée de la Kashifaan avant la tombée de la nuit, et alors qu’ils établissaient leur camp, ils avaient pu observer le Soleil se coucher derrière les hautes montagnes sacrées d’Aren.

Le spectacle, bien que beau, n’avait rien d’agréable pour Dimitri et Mart. La boule incandescente qui disparaissait derrière les pics réchauffait d’anciennes blessures gravées au fer rouge dans leur mémoire. Or la voir disparaître pour plonger le monde dans le noir était pire encore.

Dimitri n’attendit pas l’obscurité totale pour ériger un cercle de flammes autour de leur campement. La lumière ne suffit cependant pas à lui rendre sa sérénité. Il n’aurait pas dû revenir. Les matériaux précieux qu’il espérait obtenir avaient tout à coup perdu en valeur à ses yeux. Lui qui avait tant fait d’efforts pour oublier, aujourd’hui se rappelait beaucoup trop bien.

– Je monterai la garde cette nuit. Reposez-vous bien.

– C’est inutile, Monsieur l’Ardent, répondit Furans. Nous sommes en parfaite sécurité ici.

– Et puis nous n’avons encore rien mangé. Tu ne voudrais quand même pas nous envoyer au lit sans repas ! ajouta Mart en forçant un sourire.

– Je n’ai pas faim, ni sommeil. Faîtes comme vous voulez.

En un geste de Dimitri, le feu de camp arda. Le forgeron ne comptait cependant pas en profiter. Il planta là ses compagnons pour aller s’asseoir plus loin, en bordure du cercle de flammes, à observer les montagnes.

Furans finissait de récurer son bol, alors que Mart lui résumait l’histoire qui les avait menés là, Dimitri, Cyril et lui.

– Et c’est la mort du Créapoil - Hathiir, c’est ça ? - et l’absence du livre sur l’autel qui le plongent aujourd’hui dans cet état alors ? demanda le douanier.

– Oui et non. Hathiir a été la première menace à surmonter dans ce monde, mais aussi notre premier ami. Sa perte nous a plus touchée que tu ne pourrais sans doute l’imaginer. Et Dimitri en était encore bien plus proche que moi…

– Je vois. Tu ne peux pas le réconforter ?

– Si ça n’avait été que ça, peut-être. Mais il s’est passé des choses dans ces montagnes que j’ignore. Quelque chose que Dimitri a dû affronter seul. Il n’était plus le même en revenant, et il n’a jamais voulu nous en parler.

Furans fit une moue désolée. Il ne savait pas quoi dire de plus. Sans doute que les héros qu’il rencontrait enfin étaient bien différents des histoires qu’il avait entendues. Il était encore jeune, à peine plus âgé qu’eux. Le récit de leurs aventures avait dû l’impressionner, à l’époque. Mart détourna le regard et se leva. Il n’avait pas envie de lire dans les yeux de son nouveau compagnon la déception ou la pitié qu’ils devaient lui inspirer.

– Je vais voir ce que je peux faire pour lui.

Il renversa le fond de casserole dans un bol et s’en fut.

Dimitri ne dit rien lorsque Mart s’installa à côté de lui. Depuis qu’il avait reçu le don du feu, il n’avait plus jamais eu froid, et pourtant, il eut l’impression que la présence de son ami le réchauffait un peu.

– Tiens, on t’a gardé un bol. Ce n’est plus très chaud, mais ça ne devrait pas poser problème.

Il ne le regarda pas, mais il sentait sur lui le sourire de Mart. Il allait refuser, mais accepta finalement le plat que lui tendait son ami. Lui aussi avait traversé des choses difficiles, il pouvait au moins lui donner l’illusion de l’aider un peu. Et peut-être que cela marchait même mieux qu’il ne pensait lui-même.

Dimitri tourna la tête et esquissa un demi-sourire.

– Merci.

Mart lui sourit en retour. C’était le premier vrai sourire que Dimitri voyait sur ses lèvres depuis longtemps.

– De rien. Mange, puis viens te reposer. On a encore du chemin à faire.

Mart le quitta. Il prit son temps pour manger tranquillement. Les yeux toujours rivés sur les montagnes qu’il n’aurait jamais voulu revoir. Elles n’étaient plus visibles, mais il les sentait. Jusqu’au plus profond de lui-même, il sentait leur présence, et en était inquiet.

Il finit pourtant par se lever pour aller se coucher auprès de son ami. Cela ne le dérangeait pas que Furans ait pris sa tente. Peut-être qu’un peu de proximité arriverait à le calmer.

Il avait chaud, beaucoup trop chaud. Il ne suait pas cependant. Non, il se sentait sec. Sa peau allait se craqueler, se fissurer. Sa gorge était sèche, aride comme un désert. La roche alentour était chaude. Le Soleil tapait impitoyablement.

De la roche ? Non. Ce n’était pas possible. Il avait juré qu’il n’y retournerait jamais, il ne pouvait pas se trouver là !

Il rêvait, cauchemardait ! Et pourtant, ça semblait si réel… Le vent portait la poussière, il la sentait sur sa langue. Il battait le paysage, tournoyait, tourbillonnait. Sans apporter aucune fraîcheur.

Il avançait contre le vent. Pourquoi ? Rien ne l’attendait devant. Tout n’était qu’un piège. Manigancé par quel esprit tordu, il l’ignorait, mais il savait qu’il ne devait pas y aller. Pourtant, encore une fois, il se trouvait à se démener contre le vent, en quête de l’élémentaire qui provoquait cette terrible aridité.

Le vent cinglait ses membres. Les bras devant le visage, sa vision était limitée. Il ne savait pas bien où il allait, et tout en lui criait de faire demi-tour. Pourtant, il avançait.

– Rien d’autre que la mort ne vous attend dans ces montagnes. Retournez d’où vous venez.

La voix rocailleuse était encore plus profonde que dans ses souvenirs. Elle écharpait l’intérieur de sa tête, grattait aux extrémités de son cerveau.

Dimitri hurla une première fois. Puis il mit un autre pas en avant.

Une lame de sable entailla son bras droit.

– Va-t'en tant qu’il en est encore temps ! gronda la voix désincarnée.

Dimitri fit un autre pas, la douleur irradiant de son bras. La chaleur essayant de s’échapper par la blessure.

Des griffes rêches lui labourèrent le dos. L’esprit lui tournait autour, immatériel, intouchable. Fait de vent et de sable, aucune arme n’avait jamais réussi à en venir à bout.

Et aucune n’aurait jamais dû. Il le savait. Mais il ne pouvait s’empêcher de revivre la scène. La chaleur était insupportable. Pire que la douleur. Mais ce n’était pas la chaleur des roches ou du Soleil qui le brûlait. C’était la sienne. Celle en lui qui bouillonnait furieusement, et cherchait et se déverser à l’extérieur.

D’autres blessures suivirent, l’élémentaire se déchaînait. Et lui sentait à peine les coupures. Ou plutôt, il n’en sentait pas la douleur. Juste la chaleur qui s’en écoulait. La brûlure de son sang en fusion.

Il reçut encore une taillade, puis une autre, puis encore une. À bout de forces, il mit un genou à terre, courba le dos. Puis il hurla, et tout son feu intérieur se rua hors des blessures. Le temps s’arrêta. Non, il ne saignait toujours pas. C’était le vent qui avait tari. Lorsqu’il leva les yeux, il vit, dressée tout autour de lui, la statue de verre aux multiples griffes. L’élémentaire ne tourmenterait plus personne.

Plus personne sauf lui. C’était avec lui qu’il passait les pires nuits.

******

Où était-elle passée ? Cyril regarda autour de lui. Ces couloirs lui étaient inconnus. S’était-il déjà rendu dans cette partie du château ? Il n’en avait pas l’impression. Il n’arrivait cependant pas à en être sûr. L’hésitation le rongeait. Il ne se sentait pas très sûr de lui. Pourtant, en s’engageant à sa poursuite, il était bien décidé à retrouver Shalys.

Il ne devrait pas se trouver là. Elle lui avait dit qu’elle était occupée, non ? Il devrait rentrer se reposer et réfléchir calmement. Pourquoi s’obstinait-il autant ? La situation le dépassait, il devrait aller chercher conseil auprès de ses amis. Mart saurait quoi faire, lui.

Cyril secoua la tête et le regretta aussitôt. Quand cette migraine était-elle apparue ? Il devait se débarrasser de ses doutes et, pour une fois, assumer ses responsabilités. Il allait mettre les choses au clair avec la princesse, et il allait le faire maintenant. Elle ne pouvait plus être bien loin, il avait entendu une lourde porte se refermer juste avant qu’il ne tourne à l’angle du couloir. Il ne restait plus qu’à découvrir derrière laquelle elle se trouvait.

Il s’approcha de la première porte sur sa gauche. Il allait frapper, mais quelque chose le fit retenir son geste. Encore ses doutes ? Non. Il s’agissait d’autre chose. Un bruit indistinct. Lorsqu’il approcha son oreille du bois, il put distinguer des gémissements. Très faibles, il les entendait à peine, et pas seulement à cause de l’épaisseur de la porte qui l’en séparait.

De quoi pouvait-il bien s’agir ? Les cachots se trouvaient dans une tout autre aile du château… Une prison spéciale, plus secrète ?

Cyril avait de nouveau la tête claire, et son cerveau travaillait à toute allure. Retrouver Shalys était tout à coup passé en second plan : quelque chose de louche se tramait ici, et il n’aimait pas ça.

Prenant son courage à deux mains, il poussa brusquement contre le battant. La lourde porte s’ouvrit sans difficulté, et presque sans bruit. Les charnières avaient été bien entretenues. Cyril en fut surpris. Cette surprise n’était cependant rien comparé à l’horreur qui s’offrit à ses yeux lorsqu’il porta son regard sur l’intérieur de la pièce.

Ils étaient quatre. Quatre pauvres hommes mutilés, ligotés et bâillonnés. Le premier avait un bras entièrement calciné, les hardes qui lui restaient sur le corps étaient couvertes de suie et laissaient entrevoir une peau rose entourée de croûtes noires dont suppurait un liquide jaunâtre. Cyril en détourna vite les yeux, mais les autres – qu’étaient-ils au juste ? Des prisonniers ? Des sujets d’expérimentation ? – n’étaient pas en bien meilleur état.

Le corps ballonné de celui dont s’échappait la plainte semblait sur le point d’exploser sous une pression interne.Ses vêtements étaient complètement trempés et de grosses veines bleues battaient sous sa peau translucide. De l’eau suintait de tous ses orifices, et Cyril ne lisait plus aucune intelligence dans ses yeux ouverts sur des pleurs constants.

Cyril ferma les yeux. Il ne voulait pas voir les détails. Il avait assez bien vu les deux autres pour avoir une idée de ce qui les affectait. Et pourtant, il ne comprenait pas. Comment de pareilles horreurs pouvaient-elles être accomplies sous le nez de tous, dans le château même de celui qui devait être le garant de la paix dans le royaume ? Qui était derrière tout ça ? Shalys était entrée dans une pièce non loin de là… Se pouvait-il qu’elle soit au courant ?

Il ne pouvait se l’imaginer. Elle était tellement… Quoi en fait ? Ces derniers jours, elle s’était montrée plus froide envers lui que jamais.

Ce n’était cependant pas la question. Du bruit retentit dans le couloir. Il devait vite prendre une décision. Il devait mettre Thomas au courant de ce qui se passait ici, mais… arriverait-il à temps ? L’aide de l’archimage et de quelques-uns de ses fidèles ne serait pas de refus, il y avait clairement de la magie interdite à l’œuvre dans cette histoire. Si cependant, comme il le craignait, son intrusion se savait, il encourait le risque que l’opération soit démantelée pour être reprise autre part…

Le choix était cornélien, et il allait devoir le faire dans la hâte.

Qu’en pensez-vous ? Cyril devrait-il essayer de démasquer et affronter lui-même ceux qui sont responsables de ces atrocités, ou devrait-il fuir pour le moment pour revenir avec de l’aide ? Qu’est-ce qui est plus judicieux, qu’est-ce qui collerait mieux au personnage ? Le choix vous appartient.

1. Cyril, révolté par les horreurs dont il est témoin, ne permettra pas que ces hommes souffrent plus longtemps, et encore moins que leurs tortionnaires s’échappent. Il doit agir, et ce sur-le-champ. Les fautifs le payeront cher.

2. Après avoir brièvement estimé la situation, Cyril décide qu’il est plus sage de revenir avec des renforts. Il ne sait pas à qui il va se frotter.Or s’il n’est pas de taille et est réduit au silence, qui sait combien de temps ces atrocités continueront. Il s’en va discrètement pour quérir des renforts.

3. Cyril déteste le rôle qui lui incombe, mais il n’a d’autre option que d’abréger les souffrances de ces pauvres hères. Quoi qui soit en cours ici, ça sent mauvais, et ça ne peut continuer. Il reviendra plus tard avec des renforts, mais il doit d’abord saboter ces expériences.

4. Il ne sait pas quel rôle Shalys joue dans cette affaire, mais soit il doit la sauver d’une organisation dangereuse, soit elle pourra lui en apprendre plus sur cette affaire. Cyril doit la retrouver et l’emmener. C’est peut-être elle qu’il a entendue…


Texte publié par Mart, 6 mai 2019 à 15h37
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