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tome 1, Chapitre 8 tome 1, Chapitre 8

De retour aux archives, Déborah n'y trouva personne. Ils devaient sûrement être dans le local de stockage. Tout du moins Denis… Toute cette affaire commençait à lui peser. Dire que son seul souhait était de rentrer chez elle, le plus rapidement possible. Ce n'était pas gagné.

Quittant l'accueil, elle poussa la porte, et se retrouva dans une large zone remplie d'étagère. Sur la plupart, il y avait des boites, en rapport avec des affaires en cours ou passé. Il y avait aussi une partie truffée protection magique : c'était là qu'on gardait les objets potentiellement dangereux.

-Y a quelqu'un ?

Une voix lui répondit de loin.

-Doucement ! J'arrive !

Denis apparut dans son champ de vision. Il n'avait pas l'air pressé et elle eut la soudaine envie de le secouer.

-Tiens, de retour. Tu cherches ton homme ?

Elle ne répondit pas à la question et se contenta d'énoncer les raisons de sa visite.

-J'ai de nouvelles infos : le département adoption n'a pas le dossier du gamin. Du coup, on peut légitimement penser que le père est mage.

-Je vois, je recherche une très forte correspondance dans les empreintes magiques.

-Tout à fait.

-Pour le lieu de naissance, on n'a pas d'autres informations ?

-Aucune. Après, il faudrait pouvoir contacter le service des adoptions normales.

Un bruit de pas, lui laissa deviner que quelqu'un s'approchait. A la démarche, elle reconnue instantanément Romuald. Cependant, elle se garda bien de faire le moindre geste qui aurait pu trahir le fait qu'elle le savait là.

-Je vais le faire ! déclara-t-il dans son dos.

-Non, toi, tu dois accueillir la mère. Mets-là en confiance pour qu'elle signe les papiers. Charles ne devrait plus tarder. Il va vouloir voir le gamin, pour lui parler.

-Bon, je m'occupe du services des adoptions et je demande à Clémence de me prévenir si la mère vient. Je trouverais bien quelqu'un pour me relayer.

-Pas moi, j'aime pas le téléphone, déclara Denis.

-Fait un effort !

Il secoua la tête.

-Désolé, je ne suis pas payé pour téléphoner.

Romuald leva les yeux au ciel. La mage se garda bien de lui demander ce qu'il faisait pendant l'heure précédente. Après tout, elle n'était pas payée pour ça, non plus. Elle remarquait juste que comme à son habitude, son compagnon s'énervait quelques minutes avant de revenir à la normale ou alors, c'était parce que c'était elle et qu'il faisait des efforts.

-Bon donne-moi ton téléphone alors !

-Je te l'offre bien volontiers, déclara Denis en lui faisant signe de le suivre.

Son partenaire se tourna vers Déborah.

-Ca t'embête si j'appelle d'ici ?

-C'est à toi de voir.

-Comme ça, je m'occuperais des empreintes aussi.

La mage se demanda comment il réussirait à téléphoner, accueillir la mère du gamin et chercher les empreintes en même temps. Mais bon, elle devait le laisser faire.

-Très bien.

Elle jeta un coup d'oeil à sa montre.

-Charles ne devrait plus tarder. Je vais l'accueillir.

-Tu t'occupes de la paperasse ?

-Déjà fait !

-Tu sais que je t'aime, toi !

-Si vous voulez roucouler, aller le faire ailleurs que dans mes archives !

Avant que Romuald puisse ouvrir la bouche, Déborah le devança.

-Désolée, on n'a pas de temps pour ça. A tout à l'heure.

Elle tourna les talons.

Le problème, c'est que tout le monde savait qu'ils étaient ensembles. De ce fait, les commentaires sur leur relation allaient bon train. Que diraient-ils une fois qu'ils sauraient pour leur séparation ?

Ils étaient avant tout partenaire et devraient travailler ensemble. Toute cette histoire n'était pas simple et elle lui tournait dans la tête. Son problème était avant tout, l'état mental et physique de Romuald. Il n'aurait pas changé, cette pensée ne lui serait pas venue à l'idée non plus.

Que devrait-elle faire ? Lui dire la vérité sûrement. C'était le mieux à faire.

Elle attendrait ce soir, au moment de quitter du travail.

***

Regagnant son bureau, elle eut la surprise de voir le téléphone sonnait avant qu'elle puisse s'asseoir. Elle décrocha pour tomber sur Clémence, lui expliquant que Charles venait d'arriver. L'agent d'accueil en profita aussi pour lui demander si elle devait bien orienter la mère vers Romuald. La mage acquiesça.

-Elle est tombée sous son charme. Il vaut donc mieux qu'il s'en occupe, plutôt que se soit moi.

-Tu n'as pas peur qu'elle te le vole ? rit l'agent d'accueil.

Déborah entra dans son jeu.

-C'est pas son type.

-Tu ne m'as pas l'air très jalouse.

-La peur n'évite pas le danger.

C'était la vérité. Elle n'avait jamais été trop possessive avec Romuald. Après tout, ce n'était pas en le surveillant en permanence qu'elle éviterait qu'il s'en aille. Enfin, pour le moment, elle n'en était plus à penser à ça.

-Bon, je t'envoie Charles. Tu es as ton bureau ?

-Tu téléphones où ?

-Ha oui, tu as raison.

Sans savoir pourquoi la voix tonique de Clémence, lui fit du bien. Après un dernier éclat de rire, elle raccrocha.

Déborah se dépêcha de récupérer les papiers nécessaires. Tant qu'ils ne seraient pas signés par la mère, Charles ne pourrait pas intervenir. La mage se prit à espérer que le gamin n'aurait pas changé d'avis.

Un homme grand, aux allures de père Noël apparu dans son champ de vision. Il n'avait pas changé depuis la dernière fois. Elle lui fit un petit signe et il s'approcha.

-Bonjour, je suis Déborah Aubry ! C'est moi que vous avez eu au téléphone.

Il s'approcha et lui serra vivement la main.

-Nous nous sommes déjà vu, n'est-ce pas ?

-Oui, je travaille ici, depuis un petit moment.

-Vous n'avez pourtant l'air si âgé, plaisanta-t-il.

-Je suis juste bien conservée.

Elle lui fit signe de la suivre.

-Je vais vous présenter à Romain Pottit. Notre suspect qui s'amuse à jouer à cache-cache dans un hôtel. Par contre, je vous préviens, il vient juste d'apprendre pour la magie. C'est encore difficile pour lui.

-Je comprends. J'aimerais lui parler un peu, si cela ne vous dérange pas.

-Tant que vous accepter que l'entretien soit filmé, cela ne posera pas de soucis.

-Je comprends, et j'accepte les termes du contrat.

Ils traversèrent le couloir menant aux cellules, avant de s'arrêter devant celle où se trouvait enfermer le jeune garçon. Celui-ci, voyant que quelqu'un venait d'arriver, sauta sur ses pieds pour regarder de qui il s'agissait.

Lorsque la porte le retenant prisonnier s'ouvrit, il ne cacha pas sa joie. Le gamin était fébrile, mais tentait de le cacher. Déborah ne put retenir un sourire, face à cette scène.

-Romain, je te présente Charles, c'est lui qui va s'occuper de toi. Charles, voici, Romain, le garçon dont je vous ai parlé.

L'exécuteur s'avança avec un visage avenant.

-Bonjour, Romain. Je suis Charles, exécuteur. Tu sais ce que ça signifie ?

Le gamin fixa ses baskets.

-C'est vous qui allez me retirer mes pouvoirs…

-C'est vrai, mais c'est plus complexe que ça. J'aimerais te parler un peu, si tu veux bien.

Le garçon interrogea Déborah du regard. C'était comme s'il cherchait son approbation. Elle hocha la tête, le rassurant du même coup. Elle recula pour disparaître de leur champ de vision. Ainsi, il oublierait peut-être sa présence.

-Tu n'as sûrement pas envie qu'on diminue tes pouvoirs ?

-Pas trop non, répondit de manière hésitante Romain.

-Je te comprends. Tu dois avoir un peu peur et être énervé aussi.

Un silence lui répondit.

-Je ne savais pas ce que je risquais. Sinon j'aurais sûrement pas fait ça. Enfin, je crois… En fait, j'en sais rien… Je ne savais pas que j'avais ça, en moi. Je pensais que j'étais le seul. Maintenant, je m'en veux d'avoir été aussi bête…

-Tu veux que je te raconte quelque chose ?

Le gamin hocha la tête, curieux.

-Mes deux parents étaient mages : ma mère, une exécutrice de faible niveau, et mon père, un illusionniste assez puissant. Elle, elle ne se servait pas de sa magie, elle la trouvait inutile. Lui, faisait de son mieux pour aider les autres. Enfant, je voulais être comme lui. Seulement, à mon adolescence, quand mes pouvoirs se sont développés, le verdict est tombé : j'étais un exécuteur.

-C'est grave ?

-Non. Mais pour moi à l'époque, ça l'était. Dans ma tête, un exécuteur était quelqu'un qui devait faire du mal aux mages. Tout ça, parce que nous avons le pouvoir d'utiliser la magie des autres pour les blesser. Seulement après, avoir réfléchit longtemps, je me suis rendu compte que je pouvais me servir de mes pouvoirs pour aider les autres.

-Comment ?

Le gamin semblait bien accrocher et sa remarque fit sourire Déborah. Pour peu, on aurait pu croire qu'il suivait le scénario d'une série télé à succès.

-Imagines-toi que quelqu'un, utilise ses pouvoirs pour faire du mal à d'autres de manière volontaire. Moi, je peux lui retirer sa magie et il ne pourra plus jamais s'en servir pour faire du mal aux autres.

-Oui, mais il peut toujours les tuer, avec un pistolet par exemple !

-C'est sûr, mais privée de leur pouvoir certains perdent confiance en eux.

-Je vais perdre confiance en moi ?

Son interlocuteur secoua la tête.

-Bien sûr que non. Pour toi, la mesure est temporaire. C'est pour d'aider à devenir un grand mage.

-Je ne suis pas sûr de réussir…

-Ne pars pas défaitiste. Que sais-tu faire comme sort ?

-Invisibilité et quand on court vite.

-Je vois, tu dois avoir un bon niveau.

-Je ne sais pas…

-Je te le dis.

-Ha ?

Le silence se fit.

-Tu veux me poser des questions ? Si c'est le cas, n'hésite pas, lui proposa Charles.

-Qu'est-ce qu'elle a dit votre mère ?

Charles ne s’attendait sûrement pas à cette question.

-A quel propos ?

-Quand elle a su que vous étiez comme elle.

-Disons que ça ne l'enchantait pas, mais en même temps, elle ne pouvait pas y faire grand-chose. On est ce qu'on est. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était que j'utilise mes pouvoirs de manière réfléchit. Je pense que c'est ce que voudraient tes parents.

-Ma mère… murmura-t-il. Elle ne comprend pas la magie…

-C'est normal, c'est nouveau pour elle. Mais tu vas l'aider. Tu lui apprendras les choses petit à petit, d'accord ?

Le garçon hocha la tête.

-D'accord.

Un bruit de pas, fit tourner la tête à Déborah. Sans doute son partenaire, qui arrivait avec la mère. Un coup d'oeil à sa montre, lui apprit que le temps passait vraiment trop vite. La journée serait bientôt terminée et alors, elle pourrait enfin s'échapper.

Quittant son poste, elle alla à la rencontre de Romuald et de la mère avec les papiers, bien en main. La mage savait déjà où il avait dû l'installer et rejoignit la salle d'accueil. Elle frappa, avant d'entrer et salua à nouveau la mère, en tendant les formulaires à son compagnon. Il les réceptionna avant de les présenter à son interlocutrice. Déborah étouffa un sourire, c'est lui qui allait devoir s'en occuper. Il ne devait pas en être très heureux.

-Voilà madame. Je vais vous expliquer : il faut signer les documents ici et ici.

Le trouvant peu clair et un peu somnolent, sa partenaire vint à sa rescousse.

-Ces papiers attestent que vous êtes d'accord avec la réduction de pouvoir de votre fils. Ils expliquent aussi que ce ne sera que temporaire à moins que l'avis du juge y soit contraire.

-Il pourra toujours… enfin vous savez…

Romuald répondit.

-Oui, il sera toujours capable de faire de la magie, mais à plus faible échelle. Après avec la formation adéquate, il ne devrait plus y avoir aucun souci.

La mère hocha la tête.

-Ces documents concernent la réduction de pouvoir. Les autres seront pour la mise en liberté provisoire, mais nous nous en occuperons ensuite.

-Il ne va pas souffrir ? s'inquiéta-t-elle brusquement.

-Non, rassurez-vous. Ce n'est pas notre but. Nous sommes avant tout policier.

La femme parut hésiter.

-Comment ça va se passer ?

Se fut Déborah qui prit la parole.

-C'est assez simple. Un mage spécialisé va venir voir Romain. Il lui suffira juste de jeter un sort. Rassurez-vous, c'est un professionnel.

-Est-ce que…

Elle hésita.

-Est-ce qu'il faut que je sois là ?

Romuald secoua la tête.

-Vous pouvez l'être, mais vous n'y êtes pas obligé.

-Mais Romain…

-Ne vous en faites pas pour lui. Il est entre de bonnes mains.

La mère baissa les yeux.

-Tout ceci est si complexe… J'ai du mal à me faire à cette idée…

-C'est normal. Tout vous tombe un peu dessus sans prévenir, mais ne vous en faites pas, avec du temps, ça ira mieux.

Elle jeta un regard reconnaissant à Romuald.

L'espace d'un instant, Déborah se demanda comment son compagnon faisait pour être si agréable, avec une inconnue alors qu'il faisait la gueule à la plupart de ses collègues. Est-ce que c'était parce qu'il gardait une certaine rancoeur envers eux ? Leur en voulait-il de ne pas l'avoir soutenue après ce qui lui était arrivé à son genou ?

-Je préférais rester ici. Est-ce que ça ira pour Romain ?

Elle signa le papier.

-Ne vous en faites pas, la rassura Déborah. La personne qui va lui jeter le sort est en train de le rassurer.

-Il est d'accord, alors ?

-Oui, il a compris que c'était pour son bien. En plus, pour le moment ce n'est que temporaire.

Romuald rangea le papier dans le dossier, et fit signe à sa partenaire d'y aller.

-Je m'occupe de ce qui concerne le juge et les papiers de sortie.

-Très bien, je vais voir Charles.

Leurs regards se croisèrent. Il y avait toujours ce petit plus chez lui, quand il la contemplait. Elle chassa cette pensée. Elle savait bien qu'il l'aimait, ce n'était pas le problème. Elle n'arrivait pas à l'aider.

Une chose à la fois, sinon elle ne s'en sortirait pas. La mage regagna la cellule, et ne put s'empêcher de sourire. Charles était toujours en pleine discussion avec le garçon qui, lui posait des questions. Cela faisait plaisir à voir. Romain avait besoin de soutien.

Elle toqua discrètement à la porte, avant d'entrer.

-C'est bon. Romain, ta mère est là, elle a signé les papiers. Tout est en ordre.

Le gamin baissa la tête.

-D'accord.

Il prit une grande respiration.

-On peut y aller…

Le gamin était moins assuré qu'il ne voulait le montrer.

-Est-ce que ma mère va venir ?

-Ca dépends de ce que tu préfères…

Déborah croisa les doigts en espérant qu'il ne voudrait pas la voir. Se fut le cas.

-Je vais gérer ça, seul. Après tout, c'est moi qui ai fait des bêtises.

-Ne t'en fais. C'est réparable, le rassura Déborah.

-J'espère…

Elle lui sourit.

-Mais oui, c'est le cas.

-Elle a raison, souffla Charles. A partir de maintenant, tu ne peux que mieux faire.

Le garçon eut un petit sourire. A croire que le fait d'avoir parlé avec l'exécuteur lui avait fait du bien.

-Je dois faire quoi ?

-Te détendre. C'est moi qui vais m'occuper du reste. Ne t'en fais pas. J'ai l'habitude de faire ça.

Le gamin hocha la tête.

-Est-ce que vous voulez que je sorte ? demanda Déborah.

-Moi, ça ne me pose pas de problème, lui assura Charles.

-Vous pouvez rester, s'il vous plaît.

Même s'il ne le montrait pas. Le garçon paraissait terrifié. Pas étonnant. La mage aurait été dans le même état d'esprit s'il s'était agi d'elle-même. Peut-être sa présence le rassurait-elle quelque peu...

-D'accord, je suis là.

Charles hocha la tête, avant de se lever.

-Très bien. Ne bouges pas.

-Pourquoi ?! Sinon ça va faire mal ? s'interrogea Romain.

-Non. Ca serait juste un peu plus long.

Cette phrase parue le rassurer. Il resta assis sans bouger, attendant la suite.

Charles tendit les mains et commença à incanter. Ses doigts faisaient des gestes alors que le murmure de sa voix s’amplifia quelque peu. Déborah pouvait discerner la magie qui s'agglomérait autour du garçon, menait par la voix du mage. Celle-ci se posa sur son corps comme une fine couche de poussière. Une fois que l'exécuteur eut terminé de parler, l'air vibra, avant que tout redevienne comme avant.

Le garçon ouvrit un œil, surpris.

-C'est tout ?

-Que voulais-tu de plus ?

-Ca a l'air simple.

-Tout n'est pas obligé d'être complexe.

Charles lui sourit.

-Il est temps de faire un test, déclara Déborah.

Elle quitta la cellule pour récupérer les clés de menottes dans la petite armoire accrochée sur le mur. Lorsqu'il la vit revenir, le garçon étouffa un sourire, et tendit les mains. Aussitôt, elle le libéra de ses entraves. Il regarda ses bras comme s'il les voyait pour la première fois.

-Vas-y, l'encourage Charles.

Le gamin le regarda hésitant.

-Tente de faire un sort.

-Euh…

Avant que Déborah ne puisse parler, il se concentra et devint invisible.

-Ca marche !

Il redevint visible.

-Alors ? l'interrogea la policière.

-C'est plus dur, mais j'y arrive quand même. Est-ce que je peux courir ?

-Tu verras, si c'est possible au fur et à mesure. Par contre, je te rappelle que tu ne dois plus utiliser tes pouvoirs pour faire n'importe quoi.

Il baissa la tête.

-Je sais. Je serais sage.

La policière sourit.

-N'oublie pas que tu auras une formation. Une fois que l'on t'aurait retiré le sort qui te bride, tu pourras continuer ta formation et apprendre des sorts de plus haut niveau.

-J'ai hâte.

C'était la vérité. Il souriait et paraissait avoir envie d'en apprendre plus sur ses pouvoirs.

-Bon, moi, je vais y aller. A bientôt, Romain !

-Au revoir, monsieur.

-Je vous raccompagne ? proposa Déborah en serrant la main de l'exécuteur.

-Je trouverais la sortie, ne vous en faites pas. Je vais passer voir Patrice.

Bonne idée, comme ça, je n'aurais pas à le faire, pensa la mage.

-A bientôt, Charles, et bon retour.

-Merci, et à bientôt.

L'exécuteur quitta la cellule, après un dernier signe de la main pour Romain qui lui rendit. A croire que le gamin s'était trouvé un nouveau grand-père. Au moins, c'était un exemple positif pour lui, il ne pouvait espérer mieux.

-Et maintenant ? murmura le gamin en retenant son souffle.

Déborah se tourna vers lui avec un sourire.

-On retrouve ta mère. Elle a déjà dû signer les papiers nécessaires à ta remise en liberté. Évidemment, tu ne dois pas quitter la ville et te rendre à ta convocation au tribunal.

-Avec maman ? demanda-t-il.

-Oui, c'est elle ton responsable légal. Il faut qu'elle soit là.

Le garçon hésita.

-Est-ce que je pourrais perdre mes pouvoirs ?

-Je ne sais pas, mais j'en doute. Va bien à tes cours et apprends à maîtriser ta magie. Ca jouera en ta faveur.

-Je vais apprendre quoi ?

-Des tas de choses.

-Ca durera combien de temps ?

-Ca dépendra de toi et de la puissance de ta magie.

-Comment ça ?

-Tu pourras juste apprendre les bases, si c'est ce que tu souhaites. Sinon tu peux pousser la formation plus loin. Après, selon tes capacités, tu pourras en apprendre plus ou moins.

Elle lui fit signe de la suivre.

-Où on va ?

-Je dirais voir ta mère pour qu'elle te ramène chez toi.

-C'est vrai ?!

-Oui.

Le garçon ne put s'empêcher de sourire. Il la suivit jusqu'à la salle où Romuald finissait de faire remplir les papiers à sa mère. Elle frappa à la porte, avant de l'ouvrir.

-C'est bon, déclara-t-elle, avant d'inviter Romain à entrer.

Celui-ci arriva timidement dans la pièce.

-Romain !

Sa mère se leva et se précipita sur elle. Il tenta de la rassurer du mieux qu'il pouvait. C'était comme s'il voulait faire plus vieux que son âge et ne pas passer pour un enfant, aux yeux des policiers présents. Déborah ne put s'empêcher de sourire. Est-ce qu'elle aussi prendrait un jour son enfant dans ses bras, le gênant devant les autres ?

C'était un beau rêve, mais pour cela, encore fallait-il en avoir un. Elle avait encore le temps… A nouveau, elle chassa cette pensée pour se concentrer sur le présent.

-Tous les papiers ont été signé.

Romuald les revérifia une dernière fois.

-Alors, on peut y aller ? demanda la mère.

-Oui, je vais vous raccompagner, déclara son partenaire.

Pour cette femme, il était sûrement son héros du jour. Alors que les autres disparaissaient, elle resta seule dans la pièce, et s'installa sur la chaise. Que devait-elle faire ? Où était la solution ? Pourquoi ne pouvait-on pas tout résoudre avec de l'amour ? Elle avait essayé. Elle avait été présente pour lui, mais cela n'avait servit à rien. Si elle continuait comme ça, rien ne changerait.

Combien de temps resta-t-elle ici à attendre que quelque chose se passe ou que quelqu'un vienne l'aider à prendre sa décision ? Elle savait pourtant bien que personne ne pouvait le faire à sa place.

-Déb ?

Brusquement, une voix la tira de ses réflexions, elle se retourna pour faire face à Romuald qui la fixait sans comprendre.

-Qu'est-ce que tu fais là ?

-Rien.

Elle jeta un coup d'oeil à sa montre.

-Je donne le rapport à Patrice et j'y vais.

Il hocha la tête.

-Je te ramène. Comme ça, on repart ensemble.

Il passa affectueusement sa main autour de ses épaules et l'attira contre lui. Elle aurait voulu rester à son côté, et se laisser faire. Mais cela n'aurait pas été cohérent.

-Ca ira.

Elle se sépara rapidement de lui, attrapant au passage les documents restaient sur la table. En l'espace d'un instant, la mage avait quitté la pièce, laissant son compagnon seul.

Sans même prendre le temps de regagner son bureau, elle se dirigea vers celui de son supérieur. Elle n'y trouva personne et se contenta de poser le dossier dessus, de récupérer ses affaires, avant de partir. Elle gérait le reste demain. Pour le moment, elle voulait juste se reposer ou plutôt se détendre : prendre un bon bain chaud et se préparer pour son rendez-vous avec François.

Rendez-vous ? Mais qu'est-ce qu'elle racontait ? C'était juste un dîner entre amis. Il fallait qu'elle arrête de tout mélanger et qu'elle se réveille un peu.

La mage quitta rapidement le bâtiment après avoir salué tout le monde. Elle n'avait qu'une envie, regagnée son appartement, et retrouver un peu de tranquillité. Ce qui apparemment ne devait pas être à l'ordre du jour.

Une voix derrière elle.

-Déb !

Elle ferma les yeux, avant de se retourner.

-Déb ! Attends-moi !

Romuald arriva du plus vite qu'il pouvait, et finit par venir se planter devant elle. Elle leva la tête vers lui.

-Déb, qu'est-ce qui se passe ?

Elle hésita, toute cette histoire la fatiguée tellement.

-Depuis ce matin, tu es si étrange. Je ne comprends pas...

Il passa sa main derrière sa nuque, lui caressant tendrement les cheveux. Comment pouvait-il tour à tour s'énerver et ensuite redevenir gentil et amoureux ?

-Dis-moi ce qui ne va pas.

A ces mots, elle sentit les larmes lui monter aux yeux. La mage n'avait toujours pas envie de parler de ce qu'elle avait sur le coeur, mais à présent, elle savait qu'elle ne pourrait plus y échapper.

-C'est fini…

-Mais de quoi tu parles ?

Elle prit une grande inspiration.

-Je ne baisse pas les bras, mais je ne t'aide pas. Je m'en rends compte à présent. Parfois, il faut savoir faire place nette pour avancer…

-Hein ?

A croire que Romuald commençait seulement à saisir ce qu'elle voulait lui dire.

-Déb, ne me dis pas que…

Elle continua à parler lentement. C'était comme si elle essayait de se rassurer elle-même.

-Je dois te laisser te débrouiller seul…

-Attends ! Tu ne veux pas dire…

Elle hocha la tête.

-Je veux qu'on se sépare…

C'était si difficile à dire. A croire qu'elle l'avait eu sur le bout de la langue toute la journée. De pouvoir le dire maintenant, elle se sentait vidée de toute énergie, mais au moins, la mage avait fait ce qu'elle pouvait.

Face à elle, Romuald s'énerva et haussa le ton.

-Quoi ?! Mais non ! Tu ne peux pas faire ça ! Après tout ces années...

-Si je le peux… répondit-elle d'une voix neutre.

Il se saisit de ses mains, comme pour la garder près de lui. C'était comme si, en restant près d'elle, elle allait changer d'avis.

Le coeur de Déborah se serra. Il avait l'air tellement mal. Mais elle devait rester impassible sinon, elle allait fléchir et changer d'avis. Déjà là, sa seule envie était de le prendre dans ses bras. Mais elle devait faire ce qui était mieux pour lui, comme pour elle.

-Je t'en pris, laisse-moi une deuxième chance, la supplia-t-il. Je ferais tout ce que tu voudras…

C'était plus pathétique qu'autre chose. Clairement, il ne s'y attendait pas, et n'était pas prêt à faire face à la situation. Pour seule réponse, Déborah secoua la tête.

-On en est plus à la deuxième chance. Ce n'est même pas la question… Je veux que tu sois bien.

Il se mit à hurler :

-Mais comment je pourrais l'être sans toi ?!

Malgré l'envie qui la prenait de répondre sur le même ton, elle resta calme.

-Arrête ! Je suis là, je n'arrête pas de faire de mon mieux, et rien de change. Tu n'en fais qu'à ta tête. Les médicaments, l'alcool, maintenant la cigarette… Peut-être que si je ne suis pas là pour m'occuper de tout, tu te rendras compte de l'état dans lequel tu es.

Il se radoucit.

-Je suis désolé ! Je vais…

Elle leva la main, pour l'empêcher de parler.

-C'est trop tard.

Mais il continua quand même.

-Je ferais de mon mieux. Mais je t'en prie, ne part pas !

-Il le faut.

Elle fit un pas en arrière, se libérant de son emprise.

-Dis-moi au moins que tu ne m'aimes plus ! Que c'est pour ça, que tu ne veux plus qu'on soit ensemble ! Je le comprendrais...

-Mais ce n'est pas le cas.

Elle était sincère, et sentit les larmes lui monter aux yeux.

-Je t'aime, mais je te fais du mal. Alors autant arrêter de se faire du mal.

-C'est faux. Tu ne m'as jamais fais de mal. Tu as toujours là, pour moi…

-Justement, c'est le souci. Je suis trop présente pour toi. Je t'empêche de faire des erreurs. Je t'empêche de te rendre compte de l'état dans lequel tu es.

Elle baissa les yeux. Pendant un instant, ils restèrent silencieux.

-Si je change, est-ce que tu voudras à nouveau de moi ?! demanda brusquement Romuald.

Elle secoua la tête, avant de dire qu'un ton plus sévère qu'elle ne l'aurait voulu.

-Est-ce que tu crois que c'est si simple que ça ?! Que tu vas perdre tes mauvaises habitudes en un jour ?! Tu verras que ça sera plus dur que prévu. Attendons de voir ce que nous réserve le destin.

-Oui, mais…

Elle se retourna.

-Arrête avec tes « mais » !

Il était clair que Romuald ne voulait pas en rester là. Dommage qu'il n'est pas utilisé son énergie, avant, pour faire en sorte de changer de comportement, et d'accepter les choses comme elle était. Ils auraient pu former une famille s'il y avait mis du sien, elle en était sûre. A présent, c'était fini.

-Je te raccompagne, déclara-t-il brusquement.

-Ca ira.

En vérité, elle ne voulait pas qu'il sache qu'elle risquait de changer d'avis s'il se montrer trop gentil ou protecteur avec elle.

Elle tourna les talons, marchant plus vite qu'elle ne l'aurait souhaité.

-Déb… Déb !

-A demain !

Il fallait qu'elle regagne l'arrêt de bus au plus vite, parce qu'elle sentait déjà ses yeux s'embuaient de larmes. Il ne fallait qu'il la voie dans cet état-là. Heureusement, Romuald ne la poursuivit pas. Peut-être parce que lui aussi avait du mal à digérer les choses. C'était si bête de voir les choses se terminer ainsi.

Elle se concentra sur autre chose : rentrer chez elle, se détendre un peu, choisir des livres pour François. Soudain, elle se mit à craindre ce repas. Et si les choses tournaient mal ? S'ils ne trouvaient rien à se raconter ?

Déborah se força à se détendre. Elle ne devait pas remplacer un stress par un autre. Son bus arriva, et après avoir acheté un ticket, elle s'installa à côté d'une fenêtre. Il y avait de la circulation dans le centre-ville. Quelle idée de louer un appartement dans un coin aussi passant. C'était en particulier pour cette raison qu'elle passait beaucoup de temps chez Romuald. Son immeuble était excentré donc pas forcément dans un coin apprécié, mais il était beaucoup plus vaste, et avec un ascenseur.

Elle regarda les gens dans leurs voitures : ceux qui s'énervaient, ceux qui relativisaient et ceux qui semblaient s'amuser de la situation. Dans quelle catégorie pouvait-elle se situer ? Celle de la femme qui se disait que si elle était rentrée avec sa magie, elle aurait été plus vite. Pas très digne d'une policière au département RM.

Elle ferma les yeux quelques secondes. Vivement qu'elle soit chez elle.


Texte publié par Nascana, 15 juin 2019 à 22h41
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