Pourquoi vous inscrire ?
«
»
tome 1, Chapitre 6 tome 1, Chapitre 6

Déborah sentit une présence dans son dos et un papier atterrit sous son nez. Son regard se tourna vers celui-ci, alors qu'elle se redressait. Elle savait déjà qui se tenait derrière elle, sans avoir besoin d'un sort. Cependant, elle se concentra sur ce qui était écrit sur la feuille.

-Tu avais raison, lui souffla Romuald. Le gamin a été adopté.

La mage ne répondit rien. Finalement, elle était agréablement surprise de voir que son partenaire était parti travailler et non, traîner dans un coin.

Elle fixa les documents officiels du tribunal, les lisant rapidement. Bien sûr, il n'y avait aucune mention du fait que l'enfant avait un risque d'être mage. Évidemment sinon, il n'aurait jamais été placé dans cette famille. C'était une erreur, mais en même temps, Déborah ne pouvait s'empêcher de penser que le gamin était heureux et aimait sa mère. Quelle aurait été sa vie, s'il avait été adopté par des mages ?

-Alors ?

Romuald s'impatientait.

Qu'aurait-il voulu ? Quelle lui décerne une médaille pour service rendu ? Non, ce n'était pas ce qu'il attendait. Ce qu'il voulait s'était qu'elle s'occupe de lui.

-Bien. Tu sais quoi faire ?

Elle se retourna et lui lança un regard interrogateur.

-Bah, t'aider…

La mage secoua la tête.

-Tu prends ça, et tu appelles le service des adoptions, du côté RM. Signale-leur la connerie. S'il y en a un, qui est passé entre les mailles du filet, il est possible qu'il y en est deux, voir plus.

Son compagnon soupira. L'idée ne l'enchantait guère.

-Vu comment ils sont réactifs, je vais y passer la matinée.

-Commence maintenant alors si tu veux terminer, avant ce soir.

Il reprit son acte du tribunal et le balança sur son bureau, histoire de bien montrer son mécontentement. Ensuite, le mage se laissa tomber lourdement sur sa chaise qui émit un craquement. Il posa la main sur le combiné et suspendit son geste.

-Et toi, tu fais quoi ?

-Le rapport, et j'attends la mère du gamin.

Il hésita. L'idée d'écrire le compte-rendu ne l'enchantait guère, mais passer un coup de fil pour être ballotté d'interlocuteur en interlocuteur, ne lui faisait pas plus envie.

Voyant que Déborah se détournait de lui, il composa le numéro de téléphone. Une fois, cela fait, il se tortilla pour trouver une position supportable pour sa jambe, ce qui s’avérait presque impossible.

La mage suivit ce manège du coin de l'oeil. Combien de temps faudrait-il encore pour qu'il craque et reprenne des médicaments ? Elle n'aurait su le dire, mais elle le sentait fébrile à son côté. Le problème, c'était qu'il ne supportait plus d'être debout sans bouger. Cependant la position assise, voir même celle allongée, ne parvenait pas non plus à le soulager de ses douleurs.

Reportant son attention sur le rapport, Déborah s'empressa d'ajouter les nouveaux éléments que son partenaire venait de lui apporter. Autant s'occuper utilement, plutôt que de se demander combien d'enfants mages avaient été confié à des familles qui ignoraient tout de leurs talents et se trouveraient démunie face à leurs pouvoirs.

L'espace d'un instant, elle se demanda s'il fallait faire une recherche d'hérédité avec les empreintes magiques. Logiquement non. A quoi bon savoir qui était les parents du gamin ? Soit ils étaient morts, soit n'avait aucune envie de s'occuper de lui.

Dommage, elle aurait aimé savoir ce qui s'était passé. Mais cela ne la regardait pas. Même si elle ne pouvait s'empêcher de penser que peut-être quelqu'un aurait voulu connaître son existence. Seulement ce n'était pas à elle d'en décider. C'était au garçon. C'était lui le premier concerné. S'il n'avait pas de parents mages, il avait au moins une mère qui s'inquiétait pour lui, c'était déjà une bonne chose.

Elle se concentra sur ce qu'elle écrivait alors qu'elle entendait Romuald, au bureau d'à côté qui bataillait avec l'administration. Un petit sourire éclaira son visage. Elle était contente de ne pas s'occuper de ce problème. Rester à voir s'il parviendrait à garder son sang-froid. Si tel n'était pas le cas, elle se verrait obligée d'intervenir.

Brusquement, son téléphone sonna, lui rappelant qu'elle aussi avait des tâches à accomplir. Elle décrocha, et fut accueillit par la voix enjouée de Clémence. Comment faisait-elle pour avoir tant d’énergie dès le matin ?

-La dame que tu attendais est arrivée.

-D'accord. Merci Clémence. Je suis là, tout de suite.

-A tout de suite, alors.

Déborah jeta un regard rapide à Romuald qui lui fit signe de se tirer une balle dans la tête avec ses doigts. Elle ne put s'empêcher de sourire. C'était ridicule, mais cela la faisait toujours rire.

-Je vais recevoir la mère, lui murmura-t-elle.

Il posa la main sur le combiné du téléphone.

-Je te rejoins quand j'aurais terminé.

-Je crois que ça sera plutôt l'inverse.

Il leva les yeux au ciel. Ils s'étaient compris.

La mage rejoignit l'accueil. Une femme était assise sur un siège en plastique beige et tenait nerveusement son sac à main contre elle. Il était clair qu'elle était stressée par la situation. Déborah sentit son coeur se serrer à cette vision.

Clémence hocha la tête pour lui faire comprendre qu'il s'agissait bien de la personne attendue. En même temps, elle était la seule à être présente dans le hall d'accueil alors il était difficile de se tromper.

-Madame Pottit ?

La femme releva la tête, surprise.

-Je suis Déborah Aubry, c'est moi que vous avez eu au téléphone.

-Mon fils, est-ce que…

Elle ne termina pas sa phrase.

-Nous allons en discuter calmement. Veuillez me suivre s'il vous plaît.

L'autre se leva et l'accompagna en silence.

La mage prit le couloir qui partait sur la droite et poussa une porte coupe-feu, pour gagner un petit bureau utilisé pour recevoir le public. D'un geste de la main, elle invita son interlocutrice à s’asseoir. Celle-ci accepta même si visiblement elle était fébrile.

-Bien. Je vous ai fait venir ici, pour votre fils.

-Il va bien ? Il n'a rien fait de mal ?

Évidemment mieux valait commencer par expliquer la situation du gamin, avant de parler de magie.

-Votre fils a été arrêté pour vol.

-Quoi ?! Non, c'est pas possible. Il n'aurait jamais fait ça. C'est un gentil garçon.

C'était toujours difficile pour les parents de se rendre compte que leurs enfants n'étaient pas parfait et se comportaient différemment lorsqu'il n'était pas là. Seulement-là, si ce que le suspect leur avait raconté était vrai, il n'avait pas volé pour son propre plaisir.

Déborah hocha la tête.

-Nous l'avons arrêté alors qu'il quitté un hôtel. Si je vous dis ça, cela vous fait penser à quelque chose ?

Elle vit la main de la mère se crisper sur l'anse de son sac. Elle était parfaitement consciente de ce dont elles parlaient.

-J'ai travaillé au Solaire hôtel, finit-elle par avouer.

Une révélation qui n'en était pas une, d'après les dire de son fils.

-Qu'est-ce qu'il est allé faire là-bas… murmura-t-elle.

-D'après votre fils, il voulait se venger de ceux qui vous ont renvoyé.

Elle fit la grimace.

-Mais qu'est-ce qui lui est passé par la tête ?! Pourquoi il a fait ça ?!

Des larmes se mirent à couler sur ses joues, et elle chercha quelque chose dans son sac. Après quelques secondes, elle en tira un mouchoir et s'essaya les yeux de ses mains tremblantes.

-Qu'est-ce qu'il a volé ?

-Rien qui n'est de la valeur. Juste des cartes magnétiques et des clés de chambres. Il s'est aussi amusé à déplacer des objets, sûrement pour faire tourner en bourrique les employés.

-Je ne comprends pas… C'est pas si grave alors ? Qu'est-ce qu'il risque ?

On en arrivait au problème le plus important.

-Madame, savez-vous où vous vous trouvez ?

Son interlocutrice hésita.

-A la police, non ?

-Nous sommes un département spécial, ici. Le département RM.

-Je ne connais pas.

Évidemment, c'était normal, pour les non-mages.

-RM veut dire ressources magiques, précisa Déborah.

L'autre lui lança un regard surpris.

-Que…qu'est-ce que vous voulez dire ?

-Je vais vous expliquer. Aussi fou que cela puisse paraître, il existe de la magie et des gens qui savent l'utiliser les mages. Ici, nous sommes policiers, mais nous sommes aussi mages. Nous utilisons nos pouvoirs pour nous assurer que personne n'abusera de sa magie pour contourner la loi.

La femme la regardait avec de grands yeux.

-Pourquoi me racontez-vous de telles choses ?

-Je pense que vous savez déjà pourquoi.

-Non, je ne sais pas, et je ne vois pas le rapport avec mon fils, lâcha-t-elle avec énervement.

Déborah ne s'en formalisa pas.

-Votre fils a été adopté, n'est-ce pas ?

L'autre paru choquée.

-Comment savez-vous ça ?

-Vous n'êtes pas mage. Le garçon nous l'a confirmé. Lui-même ne savait rien de ces pouvoirs. Il les a découvert par hasard. Le problème, c'est que cela pourrait être dangereux tant pour lui que pour les autres, d'utiliser sa magie sans savoir ce qu'il fait vraiment.

-Comment pouvez-vous être sûr qu'il est… Enfin, c'est ridicule…

L'espace d'un instant, elle parut hésiter à se lever, mais savoir que son fils se trouvait là, l'obligea à rester.

Bon puisque la discussion ne menait à rien, il allait falloir utiliser une autre méthode : la technique de choc. Seulement, il ne s'agissait pas de juste faire de la magie l'air de rien devant elle. Il allait falloir l'éveiller.

La difficulté variait selon la personne qui se trouvait face à vous. Certains s'éveillaient naturellement, à la première trace de magie qui leur passait sous les yeux ou entrait en contact avec eux. Pour d'autres, c'était plus difficile. Il fallait recourir à un sort.

Sort beaucoup plus simple à lancer pour les illusionnistes, même si tout le monde devait en être capable. Les mots de pouvoir, Déborah les connaissait par coeur. Il ne lui restait plus qu'à les murmurer et attendre qu'ils fassent leur effet.

Ce n'était pas la première fois qu'elle avait recours à cette technique et, ça ne serait sûrement pas la dernière. Seulement, elle devait avouer qu'elle n'aimait pas ça. Elle avait l'impression de faire pression sur la personne pour l'obliger à voir ce qu'elle voulait lui montrer.

Elle repensa au gamin désorienté, avec ses lunettes de soleil. Il aurait besoin de soutien et le meilleur serait sûrement celui de sa mère. Pour cela, il fallait qu'elle soit capable de le comprendre, ou tout du moins d'accepter ce qu'il était.

-Votre main, s'il vous plaît.

-Pardon ?

-Vous ne me croyez pas, je le sais. Il faut que je vous montre.

L'autre hésita.

-Pour votre fils. Il a besoin de vous, encore plus que n'importe quel enfant de son âge.

La mère finit par accepter et approcha sa main tremblante de la policière. Celle-ci traça un symbole avec des gestes sûr, sur sa paume. Elle murmura les mots qui activeraient le sort. Il y eu comme un petit éclat lumineux, qui disparut en un instant.

A partir de maintenant, elle verrait chaque utilisation de magie. Comme cela présentait un risque, les mages évitaient en général de se servir de ce sort. Dans le cas de Déborah, elle le faisait pour la bonne cause. Son action était totalement justifiée par le fait que cette femme possédait un enfant mage.

Alors qu'avant, il aurait fallu une procédure en justice pour déterminer s'il fallait oui ou non, l'éveiller. A présent, c'était au représentant de l'ordre de prendre cette responsabilité. Mais était acté qu'éveiller un membre de la famille ne serait plus considérer comme un délit, encore plus s'il pouvait se révéler un soutien pour le mage. De même, il était légal d'éveiller son conjoint pour les couples mixtes.

Déborah ne pouvait s'empêcher de se demander ce qu'elle ferait dans un tel cas. Jusque-là, elle n'avait des histoires sérieuses qu'avec des mages, du coup, elle n'avait pas eu besoin de s'interroger plus que de raison.

Revenant à la réalité, elle prononça à nouveau un mot qui fit naître une petite boule de lumière douce. Un des premiers sorts que les environnementalistes apprenaient à maîtriser. Il permettait d'éclairer faiblement une zone, et suivait le lanceur de sort.

Son interlocutrice eut un mouvement de recul, en voyant apparaître cette manifestation magique. Déborah ne lui en tint pas rigueur. C'était souvent le cas lorsqu'on avait passé sa vie à croire ou plutôt à ne pas croire à certaines choses.

-Qu'est-ce que…

-N'ayez crainte. Il s'agit seulement d'un sort des plus basique. Juste pour vous montrer ce qu'il en est.

La femme fixait toujours la sphère lumineuse, comme si elle craignait pour sa vie. Voyant cela, la mage annula son sort, faisant disparaître ce qu'elle avait matérialisé quelques minutes auparavant.

-Il peut faire ça ? demanda juste la mère.

-Oui. Et beaucoup plus. Ce garçon paraît être doué. Il doit apprendre à maîtriser sa magie.

-Comment on fait ça ?

Déborah lui sourit, tentant de la rassurer. Tout ceci devait être éprouvant pour la pauvre femme.

-Nous vous donnerons une adresse. Il ne sera pas seul. Tous les jeunes mages doivent apprendre à se servir de leur pouvoir.

La mère lui paru très reconnaissante et la remercia vivement. La policière se sentit gênée, elles n'avaient pas encore abordé le point le plus important : ce que risquait le gamin pour avoir fait mauvais usage de sa magie, même s'il ne savait pas qu'il en possédait.

-Seulement vous devez savoir que son comportement devra être sanctionné.

-Je comprends bien. Je lui en parlerais dès que je le verrais. Je ferais bien attention…

Déborah soupira intérieurement. Il ne s'agissait pas d'une vulgaire punition. Nous n'étions pas dans le bureau du directeur.

-Votre fils devra passer devant un juge pour répondre de ses actes.

-Quoi ?!

La femme colla sa main sur sa bouche. Son malaise était palpable. L'espace d'un instant, la mage cru qu'elle allait se remettre à pleurer, mais elle réussit par un effort de volonté à se retenir.

-Le problème, c'est que les autorités sont très attentives pour tout ce qui concerne l'usage excessif de la magie. Parce que nous pouvons facilement causer des dégâts ou blesser les autres, nous devons être plus que prudent. Votre fils s'est servi d'un sort pour voler dans cet hôtel. Il en a utilisé un autre pour tenter de fuir. Cela ne jouera pas en sa faveur.

-Est-ce qu'il a blessé quelqu'un ?

-Fort heureusement non.

La mère poussa un soupir de soulagement.

-Après, le fait qu'il ignore sa condition pourrait jouer en sa faveur. Cependant, il paraît être assez puissant comme mage.

-Ha ? Est-ce que c'est grave ?

-Normalement non. Mais s'il ne parvient pas à contrôler ses pouvoirs, il est clair qu'il faudra les brider.

-Comment ça ?

-L'empêcher d'utiliser toute ou juste une partie de sa magie.

-Est-ce que ça fait mal ?

Sur ce point, Déborah devait avouer qu'elle était ignorante.

-Je ne pense pas.

-Alors faites-le. Oui, faites ça, comme ça, nous pourrons retrouver une vie normale.

Le coeur de la mage se serra en entendant cela. Il était naturel que cette femme pense ainsi, cependant, elle doutait que son fils voie les choses de cette façon. Couper un mage de sa magie était une punition, ou une béquille dans certains cas pour ne pas se laisser sombrer. Personne ne le choisissait délibérément.

-S'il n'a plus ces pouvoirs, alors vous le relâcherez ?

Déborah secoua la tête.

-Il faut qu'il passe devant le juge. C'est lui qui décidera de ce qui devra être fait.

La mère serra les poings impuissante. Elle voulait bien faire, mais ne savait pas quoi faire…

-Je veux juste retrouver mon petit garçon. Vous avez des enfants ?

-Non.

-Alors vous ne pouvez pas comprendre ce que c'est que d'avoir peur pour lui !

Le coeur de la mage se serra en entendant cela. Elle aurait pu lui rétorquer qu'elle ne savait pas ce que c'était que d'être mage. Mais elle n'en fit rien. A quoi bon se disputer pour ce genre de chose. Après tout, c'était juste une personne inquiète pour son enfant.

-Est-ce que je dois faire appelle à un avocat ? s'inquiéta soudain la femme.

-C'est votre droit. Seulement, compte tenu de la nature de l'affaire, il faut que se soit quelqu'un qui est l'accréditation RM.

-Encore votre truc… soupira la mère.

Elle paraissait complètement perdue.

-Je peux vous donnez une liste de personnes compétentes.

-Est-ce qu'elles ont fait des études de droit ?

-Oui. Elles sont spécialisées en droit magique et sont elles-mêmes mage, pour la plupart.

L'autre paru sceptique, mais n'ajouta rien.

-Et si je ne prends pas d'avocat ?

-C'est à vous de juger. Je ne peux pas décider pour vous.

A nouveau, ce moment d'hésitation revint.

-Est-ce que ça compte cher ? S'il n'a pas d'avocat, à quoi sera-t-il condamné ?

Déborah secoua la tête.

-Je suis désolée madame, je n'en sais rien. Pour le prix, je peux vous donner les numéros de téléphone pour que vous puissiez vous renseigner, mais pour le reste, je ne peux pas vous en dire plus.

-D'accord. Mais est-ce que je peux le voir ?

-Oui, mais je devrais rester présente et la conversation enregistrée.

L'autre haussa les épaules.

-Je n'ai rien à cacher. Je veux juste voir mon fils.

Déborah acquiesça.

-Bien, si vous voulez bien me suivre.

La mage se leva et son interlocutrice la suivit, nerveuse. Peut-être craignait-elle de revoir son fils ? A quoi s'attendait-elle ? A le voir blessé ou traumatisé ?

Au fond, ils lui faisaient de la peine tous les deux. Le gamin pensait sûrement être le seul à avoir ce genre de pouvoir et du coup, ne pas prendre de risque. Quant à la mère, apprendre ce qu'était son enfant alors que dans son esprit, il était encré que c'était impossible, ne devait pas être simple à gérer.

Déborah la conduisit dans une autre salle, bien moins accueillante : juste une table et trois chaises comme mobilier.

-Attendez-moi, là.

Elle ressortit pour aller chercher le gamin. Pour se faire, elle coupa par l'espace de travail. Sans qu'elle y fasse attention, son regard fut attiré par Romuald, qui toujours au téléphone, un air énervé sur le visage. Il lui fit un signe pour lui faire comprendre qu'il lui passait le relais. Pour toute réponse, elle secoua la tête pour lui faire signifier son manque d'intérêt.

C'était ridicule malgré la décision qu'elle avait prise, elle ne pouvait pas s'empêcher de le couver du regard et de se sentir attirer par lui. Sûrement, parce qu'elle l'aimait encore. Contre ça, il n'y avait rien à faire. Pas de sort ou de remède magique… Juste le temps et du courage. Elle espérait en avoir suffisamment.

Sans s'arrêter, elle fila aux cellules pour récupérer le gamin. Celui-ci attendait, assit sur un banc. Il se contentait d'agiter l'une de ses jambes, comme si c'était la seule activité digne d'intérêt. Il devait se sentir beaucoup plus mal qu'il ne le laisser voir.

Déborah le fixa quelques secondes, avant de déverrouiller la porte. Cette fois-ci, il n'essaya pas de se mettre à courir comme cela avait été le cas, la première fois. Il releva la tête et l'interrogea du regard.

-Ta mère est ici ! Elle veut te voir.

Il tressaillit, mal à l'aise, mais se leva et approcha de la policière. Il portait toujours ses menottes et, elle les lui laissa. Mieux valait qu'il ne puisse pas se servir de ses pouvoirs pour l'instant. Ainsi, il ne blessait personne.

-Est-ce qu'elle est très en colère ? murmura-t-il.

-Non, elle est très inquiète pour toi, plutôt.

-Ha…

Cela semblait l'étonner plus qu'elle ne l'aurait cru possible.

-C'est normal. Tu es son fils.

Le gamin haussa les épaules. Cela n'avait pas l'air de le rassurer.

Ils poursuivirent le chemin en silence. Elle ne voyait pas quoi dire pour rassurer le suspect, et lui-même, devait éviter de lui parler à cause de son statut de policier.

Arrivée devant la pièce, elle l'invita à entrer et il baissa la tête. Il n'avait plus rien du gamin qui faisait le fier la veille. Là, il était juste un pauvre garçon qui n'avait pas compris ce qu'étaient ses pouvoirs.

-Romain !

Sa mère se précipita sur lui et Déborah due la repousser.

-Désolée vous ne pouvez pas avoir ce genre de contact avec un suspect. Vous pouvez vous parler en ma présence, mais pas vous toucher.

-Quoi ?

-C'est pas grave, maman.

La mage remarque que le garçon, avait repris un ton beaucoup plus assuré pour s'adresser à sa mère.

-Pourquoi tu as tes lunettes de soleil ?

-C'est parce que…

Il semblait chercher un mensonge adapté, mais Déborah intervint.

-Il nous a dit avoir cassé les autres.

Sa mère le fixa, surprise.

-Est-ce que c'est vrai, Romain ?

Il hocha doucement la tête, en détournant le regard.

-Pourquoi est-ce que tu ne me l'as pas dit ?

Il ne répondit pas.

-Qu'est-ce qui s'est passé ?

A nouveau, elle n'obtint aucune réponse.

-La dame m'a dit ce que tu avais fait. Romain, qu'est-ce qui t'es passé par la tête ?

Il hésita avant de dire d'une petite voix :

-Je voulais t'aider maman.

Il devait sincèrement le penser.

-Mais comment ? Je ne vois pas en quoi voler dans l'hôtel allait m'aider ?!

-C'était pas juste qu'ils te renvoient alors que faisait de ton mieux. Tout ça à cause de ce type.

Elle soupira.

-Mais qu'est-ce que tu cherchais à faire ?

-Je voulais te venger, en lui faisant peur.

-Mais Romain en quoi ça aurait arrangé les choses ?!

Il haussa les épaules.

-Sur le coup, ça paraissait une bonne idée. J'ai voulu parler avec ce type, mais il m'a poussé et c'est là que mes lunettes se sont cassées. Juste après, je me suis rendue compte qu'il ne pouvait plus me voir. Alors je me suis dit que j'allais faire un truc contre lui, et contre tous ceux qui avaient été méchant avec toi. Je pensais que si j'avais ce pouvoir ce devait être pour une raison.

Sa mère cacha son visage dans ses mains.

-Romain, dis-moi que tu n'as rien fait de mal ?!

-J'ai caché des trucs. J'ai mis un peu de bazar dans l'hôtel. J'ai pris tout le sel pour plus qu'il y en est. J'ai pris les clés des chambres encore disponibles, ce genre de truc…

Plus elle l'entendait, plus Déborah se rendait compte qu'elle était face à un gamin, et un gamin trop gentil en plus. Il lui aurait été facile de beaucoup de dégâts dans cet hôtel en se servant de ses pouvoirs. En une fois, il aurait pu mettre le feu à l'établissement, et il n'aurait pas pu l'identifier compte tenu de son empreinte magique hors de la base de données. Tout au plus, aurait-il identifié ses parents biologiques.

-J'ai pas été dans les chambres des clients. Ils y étaient pour rien.

La mère se tourna vers Déborah.

-Est-ce que ça jouera en sa faveur ?

Celle-ci hocha la tête. Elle doutait qu'on voie un véritable potentiel criminel chez ce garçon. Il avait besoin d'un rappel à l'ordre et de savoir utiliser ses pouvoirs.

-Très bien.

A nouveau, elle se retint pour ne pas étreindre son fils mais il était visible que c'était difficile et pesant pour elle.

-S'il le faut, ils t'enlèveront tes pouvoirs, lâcha-t-elle soudain.

Cette phrase provoqua une grimace chez Déborah. Elle aurait préféré qu'elle évite de parler de ça avec le gamin.

Celui-ci sursauta, effrayé.

-Quoi ?!

Il se tourna vers la policière comme s'il voulait l'interroger, mais finalement, se contenta de baisser la tête.

-Ce n'est pas grave, poursuivit sa mère.

-Madame, vous ne devriez pas…

-Je ne veux pas ! cria-t-il.

Le garçon se releva d'un coup, se plaquant contre le mur, les yeux fermés et le visage concentré. Il essayait d'utiliser sa magie malgré l'objet enchanté. Ce n'était pas bon pour lui. Il ne parviendrait à rien, sauf arriver à cours de magie. Pour quelqu'un qui ne savait pas contrôler ses pouvoirs comme lui, cela ne laissait rien présager de bon.

Aussitôt, Déborah fut sur lui.

-Arrête ! Ca ne marchera pas et tu es juste en train de te fatiguer pour rien.

Voyant qu'il n'était pas près à l'écouter, elle le secoua gentiment, lui faisant ouvrir les yeux, derrière ses lunettes noires.

-On ne sait même pas ce qui va se passer. Alors attends calmement.

L'autre eut un geste d'humeur et tapa dans le mur avec son talon, y laissant une trace noire avec sa basket. Il paraissait à bout. Il se laissa tomber sur le sol. Il aurait sûrement aimé que ses pouvoirs se déchaînent comme dans les films, seulement ici, c'était la réalité. Pour pouvoir utiliser sa magie malgré les menottes, il aurait fallu en avoir une réserve immense.

Sa mère se précipita sur lui.

-Romain ! Pourquoi tu fais ça ?!

Évidement, elle ne comprenait pas le désarroi du garçon.

Gentiment, mais fermement, Déborah la repoussa. Pour le coup, elle n'aurait pas dit non à un peu d'aide. Quoique Romuald se serait sûrement mis à râler s'il avait était là. Elle l'imaginait sans mal hurler sur la mère.

-C'est rien. Il a juste eut peur.

-Mais peur de quoi ?!

La silhouette par terre prit la parole.

-S'il vous plaît… Je ne veux pas qu'on…

La mage s'agenouilla près de lui.

-Je sais. Mais pour le moment, on ne sait même pas ce qui va se passer.

-Je dirais tout...murmura-t-il.

Au moins, il était prêt à parler. Seulement, il ne devait pas avoir beaucoup de choses à dire, car les policiers avaient reconstitué la majorité de ce qu'il s'était passé sans lui, mais cela jouerait toujours en sa faveur.

-Très bien. Pour le moment, viens t'asseoir.

Il hésita avant de se remettre sur pied. Il paraissait visiblement affaibli et l'espace d'un instant, Déborah eut peur qu'il vacille, mais il tint bon.

-Tu as encore des ressources magiques ? l'interrogea-t-elle.

Il hocha la tête.

Elle n'était pas certaine de ce qu'il avançait, mais pour en avoir la certitude, il lui aurait fallu jeter un sort. Sort qui n'était pas dans ses attributions, elle devrait donc se contenter de le croire sur parole.

Il se laissa tomber sur la chaise.

-Je crois qu'il serait bon d'abréger l'entrevue, au moins pour lui, déclara Déborah.

Sa mère lui lança un regard noir.

-Avec un peu de chance, vous pourrez le récupérer ce soir. Il aura besoin de votre soutien.

-Qu'en sera-t-il pour ses…

La femme sembla chercher un terme adapté.

-Capacité ?

-C'est au juge de prendre sa décision.

Le gamin prit la parole.

-Moi, je veux les garder ! Si je lui dis que je peux les utiliser pour faire quelque chose de bien, il acceptera ?

A nouveau, Déborah due avouer son ignorance.

-Romain, tu es sûr que…

Mais il hochait la tête, déterminé.

-Nous y allons, déclara la policière.

Il se leva sans un mot.

-Ne t'en fais pas, maman. Ca va aller.

C'était étrange comme quelques minutes auparavant, il paraissait un enfant et là, il s'était ressaisi pour se montrer adulte. Le paradoxe des adolescents sans doute.

Il quitta la pièce avec Déborah, la suivant sans un mot. Brusquement, il brisa le silence.

-On peut faire quoi comme métier avec de la magie ?

La mage ne put s'empêcher de sourire face à cette question inattendue.

-Ca dépends de tes capacités.

-Avec les miennes ?

-Policier, juge, avocat, psychologue, professeur…

-Ha ? C'est la même chose que dans le monde réel ?

-On est dans le monde réel.

Il paru septique l'espace d'un instant.

-On les appelle comment les autres ?

-Les non-mages.

-Ha ?! C'est un peu nul comme nom.

-Ca nous rappel que nous ne sommes pas différents d'eux. Certes, nous avons des pouvoirs, mais nous ne valons pas mieux qu'eux.

Le gamin paru réfléchir l'espace d'un instant.

-Pourquoi j'ai des pouvoirs ?

Déborah se garda bien de dire quoi que se soit. Il ignorait peut-être avoir été adopté et ce n'était pas à elle de lui révéler.

-C'est juste comme ça. En général, c'est héréditaire, mais il est possible que ça saute une génération.

Ce qu'elle lui disait n'était pas faux.

Ils arrivèrent à la cellule et le garçon, y entra sans faire d'histoires.

-Vous allez revenir m'interroger ?

Après un coup d'oeil à sa montre, la jeune femme déclara :

-On va déjà manger avant, il est bientôt midi.

-D'accord.

Il s'assit tranquillement, comme pour lui montrer qu'il ne serait pas une menace. Elle ne put s'empêcher de sourire face à ce spectacle.

-A tout à l'heure, murmura-t-il.

Elle hocha la tête et ferma la porte. Il était attachant ce gamin. Ses idées étaient complètement stupides, mais lui-même avait un bon fond.


Texte publié par Nascana, 26 mai 2019 à 18h16
© tous droits réservés.
«
»
tome 1, Chapitre 6 tome 1, Chapitre 6
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
2624 histoires publiées
1173 membres inscrits
Notre membre le plus récent est Pélagie
LeConteur.fr 2013-2024 © Tous droits réservés