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tome 1, Chapitre 5 tome 1, Chapitre 5

En silence, elle arriva aux cellules. Une seule était occupée. Le gamin s'y trouvait assit sur un banc, la tête appuyée sur le mur. Il paraissait dormir ou faire semblant de dormir. Ayant gardé ses lunettes de soleil sur le nez, c'était difficile de ce faire une idée dans cet état. Mieux valait rester sur ces gardes. Déborah déverrouilla la porte et Romuald entra. C'était toujours lui qui se chargeait de cette tâche. Cela tenait au fait qu'il était mage de combat. Avec ses capacités, il était plus facile de gérer l'agressivité des suspects. D'ailleurs, celui-ci paraissait être un malin.

Aussitôt que le battant pivota, il se précipita. Seulement pas assez rapidement, et il fut cueilli par Romuald, qui l'arrêta en plein mouvement.

-Ca suffit les conneries ! Maintenant, tu viens là, et tu te calmes.

Le gamin se débattit un peu pour faire bonne figure, mais il paraissait plus choqué qu'il ne voulait l'avouer.

-Tu n'as plus accès à tes ressources magiques, lui expliqua Déborah. Ca ne sert à rien d'essayer de t'en servir. Ces menottes sont enchantées par un exécuteur.

L'autre fit la gueule derrière ses lunettes noires.

-C'est quoi un exécuteur ?! Vous vous croyez dans un film d'horreur ?

Déborah échangea un regard avec son partenaire, celui-ci avait froncé les sourcils. Soit il les faisait marché, soit il ne savait pas grand-chose sur la magie. C'était à voir. De toute façon, ils seraient bientôt fixés.

Alors que le suspect traînait la patte derrière Romuald, la mage ouvrit la porte d'une pièce et les laissa entrer. Elle indiqua la chaise au garçon, et prit place sur la sienne. Son partenaire s'installa près d'elle.

-Très bien. Tu sais pourquoi tu es là ?

L'autre se tortilla sur son siège et haussa les épaules.

-On nous a signalé plusieurs vols ayant eut lieu dans cet hôtel. Bizarrement, on t'y trouve t'amusant à jouer à cache-cache, et t'enfuyant dès l'instant où tu nous vois. C'est pas étrange comme comportement ?

Il ne répondit pas.

Romuald ouvrit le dossier, avant de prendre la parole à son tour.

-On a retrouvé un petit paquet de cartes d'accès et de clé de chambre sur toi. Tu nous expliques ce que tu voulais faire avec ?

Le gamin fixait la table.

-Ca serait peut-être mieux si tu nous donnais ton nom.

-Pourquoi ? grogna-t-il soudain. J'ai qu'un truc à dire : je suis mineur donc vous ne pouvez rien contre moi.

Il eut un petit sourire fier de lui.

Brusquement, Romuald se leva et l'espace d'un instant, sa partenaire cru qu'il allait mettre une claque au garçon. Heureusement, il n'en fit rien, se contentant de lui retirer ses lunettes de soleil.

-Hé, c'est à moi ! Rendez-les moi !

Le suspect se leva pour les reprendre mais le policier le fit asseoir.

-C'est mieux comme ça.

Une fois sûr qu'il ne tenterait pas à nouveau, de bouger, il le lâcha.

-Pourquoi ils ne lui ont pas confisqués les lunettes ?

Déborah se saisit du dossier, et soupira.

-Même si c'est des verres solaires, ils sont à sa vue. Du coup, c'est considéré comme une correction visuel. Rends-lui.

Romuald grommela, mais repoussa les lunettes vers le gamin.

-Qu'est-ce que tu fais avec des lunettes de soleil ?

-J'ai pété mes lunettes de vue ! Ca vous va ?!

Déborah attendit, en silence quelques secondes, que les esprits s'apaisent. L'autre avait remis ses verres, et cachait ses yeux derrière le filtre anti-UV.

-Bon, on reprend qu'est-ce que tu faisais dans cet hôtel ?!

-Qui vous dit que j'y étais ?

-Peut-être le fait qu'on t'y est vu de nos propres yeux, lui fit remarquer Romuald.

L'autre haussa les épaules.

-J'étais dans le jardin, c'est tout. C'est pas un crime.

-Et les objets que tu avais dans les poches ?

-Je sais pas.

-Ils sont arrivés là, tout seuls ?

L'autre haussa les épaules.

-Ton nom ?

Il ne répondit toujours pas.

-Pas de papier d'identité sur lui… grommela Romuald. Le test des empreintes magiques ?

-Fait et en attente de résultats.

-Alors on sera vite fixé.

-Normalement.

-Comment ça, normalement ?

-S'il n'a pas fait son recensement magique, on ne saura pas.

Le brun fronça les sourcils.

-C'est pour ça qu'on a pris ses empreintes et qu'on va les comparer au fichier des cartes d'identité. En réduisant sur une tranche d'âge dans la région, on devrait y arriver.

Romuald reprit la parole.

-Bon, tu vois, tu ferais bien de parler tout suite. Ca nous évitera à tous de l'énervement et on pourra appeler tes parents.

Le gamin ne répondit toujours pas.

-Ils seront sûrement ravi de voir à quoi tu occupes ton temps libre !

Déborah reprit la parole, et jeta un coup d'oeil à sa montre.

-Je ne sais pas comment sont tes parents, mais il est 9h45. Ils ont dû se rendre compte de ta disparition. Tu crois qu'ils sont dans quel état ?

L'autre baissa la tête. Il avait perdu de sa superbe.

-Ce n'est qu'une question de temps avant qu'on sache qui tu es. Ca sera peut-être cet après-midi ou ce soir… Dans ce cas, ils ne seront prévenus que demain. Tu imagines ce que ça leur fera de ne pas savoir où tu es pendant une journée entière ?

Le garçon hésita, mais resta silencieux.

-Bon, parlons de ce que tu risques, alors ! reprit Romuald.

-C'est pas moi.

-C'est ça, gros malin ! En ce moment-même, des environnementalistes font des relevées sur la magie qui a été utilisée dans l'hôtel. Comme on a ton empreinte magique, il sera facile de savoir à qui elle appartient.

L'autre resta bouche bée.

-Tu ne comprends pas de quoi, on parle, n'est-ce pas ? déclara Déborah.

-Au mieux, tu vas voir tes ressources magiques restreintes. Au pire, tu seras privé de magie définitivement. Et encore, là, ça ne concerne que la magie...

La mage posa la main sur le bras de son partenaire.

-Attends, je crois qu'il ne sait pas quoi on parle.

-Il joue juste au con !

Déborah secoua la tête pas sûr.

-Tu sais que ce que tu fais, c'est de la magie ?

Aucune réponse.

-Je possède les mêmes sorts que toi. Nous sommes tous les deux environnementalistes.

-Laisse tomber Déb, tu parles dans le vide.

L'autre hésita.

-Je suis pas seul à pouvoir faire ça ?

Romuald se mit à rire.

-Tu croyais quoi ? Que tu étais un super-héros ?! Qu'en foutant le bordel dans cet hôtel t'allais sauver la planète ?

Il s'enfonça dans son siège. Il était en train de se fermer. Ce n'était pas la bonne solution.

-Reprenons. Tu es un mage, mon garçon. Seulement, tu n'as pas l'air d'être au courant. Il va falloir que tu suives une formation pour maîtriser tes pouvoirs. Enfin, si tu ne te fais pas brider avant à cause des infractions que tu as commises.

Le gamin releva la tête, et risqua un regard sur Déborah.

-Ca veut dire quoi ?

-Qu'on peut réduire la puissance de tes ressources magiques. Tu n'auras plus accès aux sorts les plus puissants. Voir même te couper totalement de ta magie.

Le visage du garçon se décomposa.

-Je pourrais plus être invisible ou faire d'autres trucs comme ça ?

-Oui. C'est ça, de faire des conneries avec ses sorts. La magie, c'est sérieux, répliqua Romuald.

L'espace d'un instant, il n'y eu aucune parole de prononcer.

-Romain Pottit, lâcha-t-il soudain.

Déborah hocha la tête.

-C'est bien. Maintenant, est-ce que tu pourras nous expliquer ce que tu faisais dans cet hôtel ?

-Vous allez appeler ma mère ? Ne lui dites pas pour les pouvoirs, elle ne sait rien. S'il vous plaît… Elle va être très en colère ! Et si elle ne me croit pas ?!

Il parlait rapidement, comme si soudain toute la pression qu'il avait accumulée été relâché d'un coup.

Romuald frappa un grand coup dans ses mains.

-On se calme. De toute façon, elle sera au courant de tout. Donc maintenant plutôt que de pleurnicher, expliques-nous ce qui se passe ?

Il ne dit rien, hésitant.

-Il a raison, ça plaidera en ta faveur, lui expliqua Déborah.

L'autre sembla peser le pour et le contre, avant de se mettre à table.

-Je voulais juste leur faire peur. J'ai jamais volé dans les chambres des clients. Je voulais pas leur causer d’ennuis à eux.

-Minute, à qui tu voulais faire peur ?

-Au responsable de l'hôtel.

Déborah hocha la tête.

-Quel était ton intérêt ?

-C'est à cause de lui si maman a perdu son travail ! Elle travaillait en cuisine, mais ce type, il lui hurlait toujours dessus. Le soir, elle revenait en pleurant. C'est pas normal. Elle l'a dit, mais il l'a renvoyé ! C'était pas sa faute. Ils ont dit qu'elle avait volé des choses, alors que c'était pas vrai !

Le gamin était là, serrant les poings, tout en racontant ce qui s'était passé. Pour peu, on aurait pu s'attendre à le voir sauter en l'air, comme un diable de sa boite.

-C'est pas juste. J'ai voulu parler au mec. Je suis allée le voir. Mais il m'a poussé et mes lunettes se sont cassées. C'était vraiment pas le moment pour en acheter une nouvelle paire, et elles étaient plus sous garantie.

Bien sûr, ce n'était pas le fond du problème, mais cela s'ajouter encore.

-C'est là, que j'ai fait ce truc. Je ne savais pas comment, mais il me voyait plus.

-L'émotion sûrement, déclara Déborah et son partenaire hocha la tête.

Elle le fixa en silence, avant de passer sa main devant lui, en murmurant.

-Haut potentiel.

-Haut comment ?

-Suffisamment pour que le premier sort qu'il utilise soit l'invisibilité.

-Ca me renseigne vachement.

-Sort de niveau médian.

Romuald hocha la tête.

-Pour la célérité, tu l'as appris quand ?

-C'est quoi la célérité ?

Il semblait vraiment curieux. C'était bien un gamin qui leur faisait face. Il voulait faire le fort, mais en vérité, il était très fragile.

-La vitesse que tu as utilisés lorsque tu t'es mis à courir.

-Ha ?! Ca j'avais jamais fait, avant ce soir.

Déborah soupira, et tourna la tête vers Romuald qui haussa les épaules.

-Quoi ?! Quoi ?!

Le garçon paraissait être de plus en plus effrayé.

-Il vaut mieux que tu gardes les menottes pour le moment. Ca sera mieux pour toi.

-Pourquoi ? Promis, je ne m'échapperais pas !

Se fut Romuald qui prit la parole.

-C'est pas ça, le problème. Dans l'état actuel des choses, soit tu apprends rapidement à maîtriser ta magie, soit il faudra appeler un exécuteur pour te brider avant même que tu passes devant le juge.

-Mais pourquoi ? Promis, je serais sage.

Déborah secoua la tête.

-C'est pas nous qui pouvons en décider. Mais à terme, il y a des chances pour que tu ne puisses plus maîtriser tes pouvoirs. C'est pour ça, qu'il faut intervenir avant.

-Je peux pas garder les menottes seulement ?

-Ce n'est pas une sécurité convaincante.

Le gamin s'agita.

-Mais promis, je…

-Ce n'est pas une question de promesse ici, c'est une question de maîtrise, grogna Romuald.

L'autre se laissa retomber contre le dossier de sa chaise.

-Bon revenons au bazar que tu as mis dans l'hôtel. C'était pour punir quelqu'un pour avoir renvoyé ta mère ?

Le garçon hocha la tête.

-Tu crois que c'était intelligent ?! Ca va beaucoup l'aider ta mère, de te savoir là ?!

Il baissa les yeux. Pour peu, on aurait pu croire qu'il allait se mettre à pleurer. Cela n'aurait pas étonné Déborah. Elle posa la main sur le bras de Romuald. En le regardant de plus près, lui non plus, ne paraissait pas aller bien. Il paraissait avoir chaud que la pièce n'était pas un four.

L'énervement devait le gagner. Il allait falloir abréger, avant que cela ne devienne invivable.

-Bon, alors avec tout ça, tu reconnais que c'était bien toi, qui semait le désordre dans l'hôtel ?

-Est-ce que je pourrais garder mes pouvoirs si je reconnais ?

-Tu crois que t'es en position de négocier ?! râla le brun.

Déborah ignora son collègue et reprit.

-Ca ne se passe malheureusement pas comme ça. Soit tu reconnais, soit tu ne reconnais pas, mais de toute façon le dossier passera devant le juge. C'est lui qui décidera pour tes pouvoirs. Évidemment, si tu fais amande honorable, cela aura plus de poids que si tu joues les gros durs qui n'en ont rien à faire de rien.

A nouveau le gamin posa le pour et le contre.

-Ok, je l'ai fait. Mais j'ai jamais volé dans la chambre des clients. Ils n'y étaient pour rien. Je voulais juste faire peur aux gens pour que le responsable soit mal. Ca lui aurait appris à renvoyer maman. Pour l'autre, je voulais me venger, mais j'avais encore trouvé quoi !

Déborah pris bonne note de ce qu'il lui disait, malgré l'enregistrement vidéo.

-Très bien. On va appeler ta mère !

-Et moi, je fais quoi ? demanda le gamin plein d'espoir.

Il fut rapidement douché par la réplique de Romuald.

-Tu retournes en cellule, et tu attends !

Le visage de l'autre se décomposa.

-Mais ?

-On va faire le reste au plus vite, lui promit Déborah.

Ils se levèrent tous les trois et le brun saisit le gamin par le bras pour le raccompagner. Ce geste était un peu trop brutal au goût de la mage, mais elle ne pouvait se permettre d'intervenir ici, elle lui en glisserait tout de même un mot, une fois qu'ils seraient seuls.

Déborah attendit le retour de son partenaire. Lorsqu'il sortit, elle contempla sa démarche claudicante. La douleur devait encore avoir augmenté. Pourquoi ne prenait-il pas ses béquilles comme on lui avait demandé ? Simplement parce que sinon, il ne pourrait plus être sur le terrain.

Il vint se positionner à son côté et passa le bras autour de sa taille, mais elle s'esquiva. Comme si c'était le moment, et au travail, en plus. Le mage dû comprendre, car il ne retenta pas sa chance, pour le plus grand soulagement de Déborah. Comment lui expliquer sans qu'il s'énerve que leur relation était terminée ?

-Tu ne dis rien ? Tu es bien songeuse. C'est cette affaire qui te met dans cet état ?

Elle ne pouvait pas lui dire que c'était lui, le problème.

-Je réfléchissais.

-A quoi ?

-Au gamin, à toute cette histoire…

Elle reprit la direction de son bureau, Romuald sur ces talons.

-Vérifie avec l'identité du gamin, s'il a été adopté.

-Qu'est-ce qui te fais penser, ça ?

-Il ne connaît rien à la magie mais a des pouvoirs. Il ne vient pas d'une famille de mage, donc j'ai pensé à ça.

-Ca pourrait être son père, le mage.

Déborah hocha la tête. C'était une possibilité. Seulement, vu sa puissance, elle imaginait sans mal que ses deux parents devaient être mage. A moins que sa mère soit une latente. Mais ça, elle ne le saurait pas de la voir.

-Je vais contacter la mère.

-Pourquoi tu lui demandes pas si elle l'a adopté, par la même occasion ?

C'est vrai qu'elle aurait pu le faire.

-Je voulais la ménager. Si elle ne sait rien de la magie, ça ne va pas être triste pour lui expliquer.

Romuald soupira.

-Je gagne quoi, si je jette un coup d'oeil au fichier des adoptions ?

-Le droit de faire ton boulot correctement !

Il lui souffla à l'oreille :

-Je m'attendais à quelque chose de plus sexy…

Elle s'éloigna.

-Tu crois quoi ? Qu'on est là pour s'amuser ?

Il la regarda avec une moue déçu.

-Avant ça te plaisait ce genre de truc…

Elle ne répondit pas. La flamme s'était éteinte à force de trop de déception.

Déborah rejoignit son bureau et commença à prendre des notes.

-Tu fais quoi ?

-Le rapport d'hier et d'aujourd'hui. Tu devrais faire de même.

Il haussa les épaules.

-J'ai rien à ajouter de plus que ce que tu as mis.

Romuald fouilla dans ses poches et en tira le tube contenant ses cachets, il en fit tomber un dans le creux de sa main, avant de le porter à sa bouche. Il l'avait avec le reste d'une bouteille d'eau qui se baladait sur son bureau.

-Combien ? demanda seulement Déborah.

-Combien quoi ?

Elle lui lança un regard noir. Ce n'était pas la peine de faire l'innocent, elle savait que trop bien ce qu'il faisait. Comme il ne voulait pas parler, elle se concentra sur ce qu'elle écrivait. Dire qu'elle devait aller en parler à Patrice. Enfin, elle pourrait toujours contourner le problème en lui remettant juste le rapport. Elle n'avait pas le temps ou l'envie de lui faire un exposé de la situation. Surtout qu'il n'y avait rien de tragique.

Alors que Romuald commençait à s'éloigner, elle le rappela.

-Tu vas où ?

-Fumer une clope.

Elle se leva. C'était quoi encore ces histoires ?!

-Tu as arrêté !

-Juste une petite…

Elle secoua la tête et tendit la main.

-Quoi ?

-Ton paquet !

Il hésita, mais face à son regard noir, il comprit qu'il n'aurait pas le dernier mot. Avec un soupire, il lui donna. Elle l'ouvrit pour compter les cigarettes restantes. A nouveau, elle tourna la tête vers lui, et lui fit signe de ne pas la prendre pour une idiote.

Lentement, il tira la rescapée de sa poche.

-La dernière ?

-Euh…

-Euh quoi ?

-Ok, je l'ai fumé ce matin.

Énervée par cette révélation, elle lui donne un coup de poing dans l'épaule.

-Aïe ! Mais qu'est-ce qui te prends ?

-Ce qui me prend ?! Ce qui me prends, c'est que j'en ai marre que tu gâches tout ce que tu entreprends. Ca fait combien de temps que tu as arrêté ?

-Oui, mais…

-Je te demande une durée !

Il passa la main dans ses cheveux, prenant son air de tombeur. Seulement depuis le temps, ça ne marchait plus sur elle. Encore plus à présent.

-Je sais pas, finit-il par avouer.

-Moi, je le sais ! Quatre ans ! J'étais là. Tout ça, pourquoi ? Pour que tu craques bêtement ?!

Il baissa les yeux. Il savait bien qu'elle avait raison.

-Tu n'étais pas là, et…

-C'est sûrement moi, la responsable, alors !

-Non, c'est pas ce que je voulais dire. Je me sentais seul hier et…

Elle le mit face à ses propres failles.

-Tu l'as acheté quand ce paquet ?

Il haussa les épaules.

-Y a un petit moment…

-Alors ton excuse d'hier ne tient pas !

Elle balança ce qu'elle avait dans les mains dans la corbeille, et retourna à son rapport.

-Tu sais quoi ? Tu veux faire n'importe quoi ? D'accord. Mais fais-le, sans moi. J'en ai marre de veiller sur toi !

Romuald resta planté là, comme un piquet avant de finalement se laisser tomber à son côté. Il passa la main dans son dos.

-Je t'ai blessé ?

Elle ne répondit pas. Elle se fichait de ses pitoyables excuses. Ce qu'elle voulait s'était retrouvé l'homme dont elle était tombée amoureuse, pas le type trop fier de lui, pour demander de l'aide et qui préférait se détruire la santé, plutôt que d'avouer ses faiblesses.

Déborah aurait voulu se trouver n'importe où plutôt que là. La journée avait pourtant bien commencé. Il avait tant parlé avec François. Il était si agréable et savait écouter. Mais pourquoi pensait-elle à lui dans un moment pareil ? Surtout qu'il n'était pas du tout son type d'hommes.

-Déb parle-moi, murmura-t-il à son oreille.

Sentir son souffle chaud, aussi prêt d'elle, la fit frissonner. Elle s'en voulait de le trouver toujours aussi attirant, malgré tout ce qu'il lui faisait subir. La mage n'avait qu'une envie se jeter dans ses bras pour qu'il la serre fort contre lui. Seulement, ça n'arrangerait en rien, le problème.

-Fait ce que tu veux, c'est ta vie ! finit-elle par déclarer, d'une voix froide.

Elle ne devait pas craquer maintenant.

-Laisse-moi travailler. Contrairement à d'autres, j'ai à faire.

Il se leva sans un mot et parti en traînant la patte. Elle ne redressa pas la tête et se força à rester concentrer sur le papier sous ses yeux. Dès qu'elle ne l'entendit plus, Déborah passa sa main sur son visage. Si elle s'était écoutée, elle se serait levée pour aller se passer un peu d'eau sur la figure. Mieux valait qu'elle termine son rapport calmement.

Mais avant cela, il fallait qu'elle prévienne la mère du garçon. Encore une chose qui n'allait pas être simple. Avec un soupire, la mage vérifia l'identité du suspect. Il n'avait pas menti. Sur la photo, il était plus jeune et sans lunettes noires mais c'était bien lui. Déborah chercha le numéro de téléphone indiquée dans le dossier et le composa.

Il y eut plusieurs sonneries sans réponse et alors qu'elle allait renoncer, enfin quelqu'un décrocha.

-Allo ?

-Madame Pottit ?

-Oui ?

-Déborah Aubry, police département RM.

Elle sentit que l'autre retenait son souffle.

-Nous avons arrêté votre fils, hier.

-Quoi ? Ce n'est pas pas possible, c'est un gentil garçon !

Elle allait encore parler, mais la mage devança.

-Il est actuellement dans nos locaux.

-De quoi l'accusez-vous ?

-Ce serait sûrement mieux d'en discuter face à face.

-D'accord, je viens tout de suite.

Alors qu'elle s’apprêtait à raccrocher, Déborah la retint.

-Je vais vous donner l'adresse.

-Je connais.

-Nous sommes un département spécial. Nous sommes situé au 101 rue du quai.

Il y eut un blanc au téléphone, la personne semblant réfléchir.

-Derrière le canal, l'aida la mage. Vous passez devant le supermarché « mini prix » et vous tournez à droite. Vous continuez tout droit puis encore à droite.

Elle entendit qu'on froissait une feuille de papier.

-Très bien. J'arrive tout de suite.

Son interlocutrice raccrocha, et Déborah en fit de même. Elle se leva. Autant prévenir Clémence que la femme qui allait arriver, venait la voir, elle.

Quittant l'espace bureau, elle gagna le hall d'accueil. Vétuste comme la majorité du bâtiment, il avait été peint en jaune à l'origine et se révélait maintenant tirer sur le beige avec l'usure. Au sol, des petits carreaux de la même couleur que les murs, se partageait l'affiche avec d'autres d'un gris terne. Tout était fait pour vous mettre la bonne humeur.

La jeune femme salua la réceptionniste, qui sursauta.

-Ne débarques pas de l'arrière comme ça ! Tu m'as vraiment fait peur.

Elle lui sourit. Clémence avec ses airs de mamie gâteau, n'était pourtant pas une femme à qui l'on pouvait en compter.

-Désolée. Y a une femme qui va venir, pour voir son fils. Tu peux me l'envoyer.

-Pas de soucis.

-Tu viens manger avec nous ce midi ?

-Oui, j'ai déjà prévenu Lise.

L'autre hocha la tête.

-Et ton…

Elle hésita semblant chercher un mot adapté.

-Ton partenaire.

Déborah soupira.

-Je doute que ça présence soit bienvenue.

-Pour toi, les autres le supporteront, tu sais.

-A ce niveau-là, c'est moi qui risque de ne pas le supporter.

C'était sorti tout seul.

-Vraiment ? J'aurais jamais cru que ça pourrait se dégrader autant entre vous. Vous étiez tellement amoureux. Ca fait combien de temps que vous êtes ensemble ?

-Six ans.

-Tout ça, et toujours pas de bébé en route. C'est de son fait, c'est ça ?

Déborah hésita. Clémence avait tendance à chercher le ragot.

-Non, ça ne s'est pas fait, c'est tout.

C'était vrai pendant un moment, ils en avaient parlé. Ils avaient tenté, mais ça n'avait pas marché. Ensuite, ils s'étaient préoccupés de la blessure de Romuald. Là, maintenant qu'elle était dans un état stable, ils auraient pu réessayer, mais elle n'en avait plus l'envie. Ou plutôt, plus l'envie avec lui.

Clémence prit sa main dans la sienne.

-Ma pauvre chérie. Ne renonce pas, si vite. Moi, je l'ai fait et je le regrette encore.

Elle était sincère, et Déborah se demanda comment elle en était arrivée là. Elle avait beau savoir l'attachement de son interlocutrice pour les enfants, elle n'avait jamais imaginé que celle-ci n'en avait pas eu autrement que par choix.

-Ne t'en fait pas. Je ne baisse pas les bras. Il me reste encore quelques années…

Elle sourit. Il restait à trouver un homme qui lui conviendrait et serait en plus, un bon père. Ca devrait être possible.

-Je te souhaite de tout coeur d'y parvenir. Mon mari, lui, ça ne l'intéressait pas vraiment.

-Je suis désolée, pour toi.

Elles restèrent un petit moment sans dire un mot, avant de se reprendre.

-Bon, quand elle arrive, je te l'envoie. A toi seule, ou à toi et ton partenaire ?

-Pour le moment à moi seule.

-D'accord.

Elles se quittèrent, après s'être pris de se retrouver à l'heure du déjeuné.

Il était temps de retourner à ce maudit bureau et de terminer une bonne fois pour toute ce rapport. D'ici là, la mère arriverait peut-être. Dans ce cas, elle devrait avoir un entretien avec elle. Normalement, elle l'aurait fait en présence de Romuald, car c'était toujours plus simple de convaincre quelqu'un à deux. Seulement, il avait disparu et elle n'avait aucune envie de lui courir après.

En arrivant près de la corbeille, elle vérifia que le paquet de cigarettes, y était toujours, mais ne s'abaissa pas jusqu'à l'ouvrir pour voir si le contenu était toujours présent. De toute façon, elle ne pourrait pas passer sa vie, dans le dos de son partenaire pour faire le ménage.

Profitant de l'instant de répit, elle rédigea tranquillement le récit des derniers événements sans citer l'erreur de Romuald. Il n'avait vraiment pas besoin de ça. Elle avait bien vu comment Patrice réagissait avec lui. Il ne lui avait pas pardonné de ne pas avoir suivi les ordres qui étaient d'attendre. Le plus frustrant dans tout ça, c'était qu'il n'avait rien pu faire de plus. Il n'avait sauvé personne, et c'était fait une blessure qui le poursuivrait toute sa vie durant.

Elle relu le texte qu'elle avait écrit et le jugea satisfaisant. Il résumait bien la situation sans entrer trop dans les détails. C'était parfait pour la situation. Son regard se posa sur le bureau de son supérieur. Elle n'avait pas trop envie de le croiser, surtout après sa tentative maladroite pour l'inviter à dîner. Mieux valait qu'il ne réitère pas l'expérience.

Déborah posa le rapport sur le coin de la table. Elle verrait plus tard pour lui remettre. Ou alors, elle demanderait à Romuald de le faire pour elle. Non, c'était sûrement une mauvaise idée.

Autant prendre un café pour se remettre les idées en place. Elle n'avait pas beaucoup dormi cette nuit. Malgré tout, elle ne regrettait rien. Pour une soirée, elle avait oublié ses problèmes. En plus, elle avait obtenu de pouvoir réitérer l'expérience. Il n'y avait plus qu'à espérait qu'elle pourrait à nouveau passer un moment aussi sympathique avec François. Pourquoi pensait-elle à cet homme tellement souvent depuis la veille ?

C'était ridicule, surtout qu'elle savait d'avance qu'il n'y aurait jamais rien entre eux que de l'amitié. Enfin, pour le moment, elle ne se rêvait pas dans ses bras, mais aurait plutôt voulu retrouver ceux de Romuald. Cela n'aurait pas été difficile, mais cela ne l'aurait aidé en rien.

La journée promettait d'être encore longue…


Texte publié par Nascana, 12 mai 2019 à 23h04
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