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tome 1, Chapitre 4 tome 1, Chapitre 4

En entrant, elle salua les gens et se dirigea vers son bureau. Elle sortit les papiers nécessaires pour faire son rapport sur les événements de la veille. Prenant un stylo, Déborah commença à remplir la feuille, mais hésita. Devait-elle parler de ce qu'avait Romuald ? Après tout, elle était la seule au courant, et il risquait gros si cela venait à se savoir.

La mage lui en voulait pour ça. D'un côté, elle savait les difficultés qu'il avait traversé et voulait le soutenir au mieux. De l'autre, elle le voyait s'enfoncer depuis trop longtemps. Tuer quelqu'un qui n'avait rien demandé ne l'aurait pas aidé, au contraire.

-Salut, Déborah.

Elle releva la tête, Lise s'approcha d'elle, et s'installa sur la chaise à côté de la sienne.

-Salut.

-Je voulais te féliciter pour hier.

Elle sourit.

-Merci, c'est gentil. Je n'ai pas fait grand-chose. Juste mon travail.

-Il paraît que le gamin est prometteur en terme de magie ?

Elle devait parler du voleur.

-On peut dire ça. Il a enchaîné l'invisibilité et la célérité.

-J'avoue que je comprends pourquoi c'était toi qui étais à l'extérieur. Alain ne maîtrise pas le sort de célérité.

Comme dans tous les domaines, il y avait des mages plus ou moins doués. Certains ne pouvaient apprendre que les sorts de bases, d'autres se spécialisaient dans un ou deux parce qu'ils les maîtrisaient à la perfection. C'était le cas de sa mère : Elise. Une illusionniste… Un nom prometteur pour des mages qui agissaient directement sur les êtres humains.

Sa génitrice n'avait développé qu'un seul pouvoir, mais il était tellement poussé qu'il lui valait d'être crainte de tout son entourage. Déborah y comprit. C'était sûrement la raison pour laquelle elle lui téléphonait toutes les semaines, mais prétextait une surabondance de travail pour ne pas la rencontrer. Il y aurait forcément un moment ou un autre où elle viendrait à parler de ses problèmes avec Romuald.

Sa mère l'adorait. Pour elle, il était l'homme parfait. Si jamais elle venait à apprendre que sa fille ne voulait plus vivre avec lui, elle allait la harceler de questions, la poussant à tout déballer même les détails les plus intimes.

Car Elise avait le pouvoir d'obliger les gens à dire la vérité en sa présence. Jusque-là, ce n'était pas forcément contraignant. Seulement elle les poussait aussi à révéler des choses dont ils n'avaient même pas conscience. C'était ça le plus gros problème.

Sa parente et sa curiosité maladive, faisait qu'elle utilisait parfois son pouvoir sans le faire exprès. Du coup, la mage préférait limiter la casse. Si jamais elle lui parlait de François et des sensations qui l'avaient traversé ce matin… Au moins, elle serait fixée sur ce qu'elle ressentait, mais sa mère ne lui pardonnerait jamais cet égarement auprès d'un homme marié. Encore plus parce que Romuald était la victime.

Elle revint à la réalité.

-Je ne suis pas, non plus, la plus forte du service.

C'était la vérité. Le plus doué des environnementaliste, en terme de capacité, c'était Yves. Il était secondé par Phil, un mage de combat, lui aussi très doué. Une caractéristique qui ne plaisait pas à son partenaire qui passait son temps à le rabaisser lorsqu'ils étaient seuls. Romuald n'arrêtait pas de répéter que lui-même avait plus de réserve magique et récupérait plus vite. Ce qui semblait d'ailleurs être vrai.

Cependant, Déborah ne voyait pas l'intérêt de faire une compétition sur la base de critères innés. C'était le hasard qui avait fait les choses ainsi.

En plus, aucun des deux hommes ne s'intéressait aux compétences de la troisième mage de combat du département : Lise. Elle progressait en silence, et faisait son travail sans faire de vagues. Du coup, elle aurait pu être plus forte qu'eux deux sans qu'elle le sache.

-Le principal, c'est que le voleur est été attrapé, finit-elle par dire.

-Oui. D'ailleurs à ce propos, tu sais qui va l'interroger ?

Déborah haussa les épaules.

-Sûrement Yves et Phil, puisque ce sont eux qui l'ont ramené ici.

Lise hocha la tête.

-Enfin, on verra bien. Tu veux manger avec nous ce midi, si c'est tranquille ?

C'était le cas pour le moment.

-Pourquoi pas, ça pourrait être sympa.

-Super !

Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas déjeuné avec ses collègues, et pour cause, elle se retrouvait toujours avec Romuald. Au vu de son comportement du moment, personne n'avait envie de lui adresser la parole, si c'était pour se faire rabrouer. Du coup, Déborah se retrouvait toujours avec, pour ne pas le laisser seul.

Quand on parlait du loup…

Le brun approcha d'une démarche claudicante.

-C'est ma place, déclara-t-il à l'attention de Lise.

Celle-ci n'insista pas et tourna les talons.

-A ce midi.

Déborah lui répondit d'un hochement de tête.

Une fois sa collègue éloignée, Romuald posa sa chaise à son côté. Elle ne dit rien, attendant la suite. Pour tout dire, elle n'avait même pas envie de le saluer. Finalement, lui ne mit pas sa propre menace à exécution puisqu'il s'adressa à elle :

-T'étais où hier ?! J'ai téléphoné chez toi et tu n'as pas répondu !

-Peut-être que je n'en avais pas envie...

Il ricana.

-Non, sérieusement, t'étais où ?

Elle ne répondit pas. Elle ne voyait aucune raison de se justifier auprès de lui.

-T'as les mêmes fringues hier, t'as dormi où ?

Le ton s'était fait plus hargneux.

La mage le fixa.

-Toi aussi, t'as les mêmes vêtements, mais vu l'odeur, je dirais que tu as traîné dans un bar toute la nuit.

Il serra les dents. Il n'aimait pas être pris en faute.

-T'étais avec un mec, c'est ça ?!

Elle soupira. Toujours les mêmes histoires sans queue ni tête.

-Non, avec dix, il faut au moins ça, pour me combler.

Déborah ne pus que se délecter de la surprise sur son visage, avant de reporter son attention sur le rapport qu'elle tentait de rédiger. Cependant, il ne lâcha pas l'affaire.

-C'était qui ?

-Qui était qui ?

-Ce type !

-Mais arrête avec tes types !

Il croisa les bras.

-Tu as dormi où ?

-A l'hôtel.

Sur ce point, elle ne mentait pas. De toute façon, elle se voyait mal expliquer qu'elle avait passé la nuit dans la chambre de François. Même s'il ne s'était rien passé et qu'il ne se passerait sûrement jamais rien. Romuald savait faire travailler son esprit, à les imaginer dans toutes les positions sexuelles possibles et imaginables, pour finalement croire que c'était là, la vérité.

De toute façon, il ne voudrait jamais imaginer qu'un homme recherche son amitié. Pour lui, il ne désirait qu'une seule chose : coucher avec elle. Il devait vraiment se sentir diminuer depuis son accident pour se sentir menacé ainsi par tout le monde. Pourtant, Déborah l'avait aimé sincèrement et n'avait jamais voulu d'autres hommes que lui. A présent…

Elle n'aurait normalement pas dû avoir à se cacher pour parler à François puisqu'ils ne faisaient rien de mal. C'était de cette vie-là qu'elle avait assez.

-Qu'est-ce que tu foutais à l'hôtel ?

-Attends, laisse-moi réfléchir. Il me semblait qu'on y était hier, pour le boulot.

-Ha, cet hôtel-là…

Déborah secoua la tête.

-Bon, rempli ton rapport au lieu de perdre du temps, en vaine discussion.

Elle lui tendit un papier qu'il ne prit pas.

-J'ai bien le droit de m'interroger sur ce que fait ma femme !

-Je ne suis pas ta femme !

-T'es quoi alors ?

Elle soupira.

-Quelqu'un qui voudrait remplir son rapport tranquillement, mais n'y parvient pas.

-Je te fais chier, c'est ça ?! Tu peux le dire !

Déborah se tourna vers lui.

-Oui, tu me fais chier, alors maintenant occupe-toi des papiers et fiche-moi la paix.

Interloqué, il ne répondit d'abord pas, avant de déclarer :

-Qu'est-ce que tu as ce matin ? Tu es d'une humeur de dog !

Elle décida de ne pas lui répondre. S'il n'était pas capable de comprendre par lui-même, elle ne pouvait rien y faire. Avant qu'il ne puisse répondre, une silhouette déboula et leur fit signe de la suivre dans son bureau : Patrice, lui chef d'unité.

-Qu'est-ce qu'il nous veut ? grogna Romuald fidèle à son habitude de pester contre tout et tout le monde.

La mage ne répondit pas, se leva et prit la direction de la pièce dans laquelle son supérieur avait disparu. L'autre la suivit en marmonnant dans sa barbe.

Après avoir frappé, et reçu une invitation, elle entra, son compagnon sur les talons. Celui-ci, une fois à l'intérieur se tue et ferma la porte derrière lui.

-Vous vouliez nous voir ? demanda Déborah tout en connaissant la réponse à la question.

-Oui. Il paraît que c'est vous qui aviez arrêté notre voleur hier, est-ce vrai ?

Finalement, Yves devait lui avoir expliqué l'essentiel. Ce n'était pas quelqu'un de mauvais, et la mage le savait. Il aimait juste un peu trop se mettre en avant. Une chose que Romuald ne pouvait pas supportait, évidemment puisqu'il faisait de même.

-Pourquoi ne l'avez-vous pas ramené ?

Avant que Déborah puisse répondre, son compagnon la devança.

-Ils avaient l'air si heureux de le faire !

Mieux valait taire le fait qu'il attendait avec avidité que tout le monde tourne le dos pour prendre une tonne de médicaments.

Leur supérieur fixa Romuald sans rien dire, avant de reporter son attention sur la jeune femme.

-Alors comment les choses se sont-elles déroulées ?

-Le voleur est clairement un environnementaliste, expliqua Déborah. Il a de bonnes capacités. Il a utilisé deux sorts : invisibilité et célérité, en les enchaînant, ce n'est pas donné à tout le monde. Je l'ai poursuivie et rattrapé. Romuald, lui, a pris la voiture pour nous suivre, et finalement lui a coupé la route. Voilà comment on l'a attrapé.

Elle avait volontairement passé sous silence, le sort que son partenaire avant jeté sans faire attention à François présent, à ce moment-là. En un sens, cela lui pesait, mais elle ne voulait pas qu'il perde son poste par sa faute.

-Très bien. Puisque vous l'avez arrêté, aller l'interroger.

Déborah hocha la tête.

-Y a personne qui l'a fait depuis hier ? demanda Romuald. Et Yves et Phil ? Ils sont partis dormir ?

A ce moment-là, la mage regretta de ne pas être illusionniste, sinon elle lui aurait lancé un sort pour le faire taire.

-Vous allez le faire maintenant, déclara d'un ton calme Patrice.

Il lui fit signe de sortir.

-Ok, j'y vais.

-Déborah, restez. J'ai un autre point à voir avec vous.

A ce moment-là, Romuald se retourna. Elle lui fit signe d'y aller, mieux valait prévenir les ennuies. Il la fixa avant de sortir. Leur supérieur le regarda partir, sans un mot. Une fois la porte fermée, il demanda :

-Un sort d'insonorisation, s'il vous plaît.

Cette demande surpris, la mage.

-Est-ce vraiment nécessaire ?

-Vous savez le faire, n'est-ce pas ?

Elle hocha la tête.

-Alors faites-le.

Un murmure et un carré apparu entre ses mains. Elle le jeta en l'air et celui-ci grandit jusqu'à toucher chacun des coins de la pièce. L'espace d'un instant, il y eut un reflet brillant puis plus rien.

-C'est fait, monsieur.

-Bien. Parlons de deux choses : la première concerne votre coéquipier, la deuxième un événement dont je voulais vous parler.

Un frisson lui parcouru la nuque, mais elle n'en laissa rien paraître.

-Je vous le demande, et j'aimerais avoir une réponse franche, dans quel état se trouve Romuald Chifenier ?

Une question qu'elle aurait préférée de tout coeur éviter.

-Tout dépend ce que vous entendez par là…

Un bon moyen de meubler la conversation sans rien dire.

-Est-ce qu'il a été un poids pour vous, hier ?

Elle prit une expression la plus neutre possible, avant de répondre.

-Il n'a pas posé de problème.

Son supérieur lui lança un regard suspicieux.

-Ce n'est pas parce qu'il est votre petit-ami que vous devez le protéger.

Elle soupira.

-Ce n'est plus mon petit-ami.

Dans son coeur, elle avait pris sa décision, restait à la faire accepter par Romuald.

-Je vois que vous revenez à la raison. C'est une bonne initiative.

Elle ne répondit rien, parce qu'elle ne voyait pas quoi dire sur le sujet. Elle n'avait pas besoin de connaître l'avis de son responsable sur ses relations intimes.

-A ce propos, est-ce qu'il était encore alcoolisé, hier ?

Ca non plus, ça n'était pas passé inaperçu. Elle le savait.

-Non, monsieur.

Il la fixa tentant de voir si elle lui disait la vérité. Finalement, il hocha la tête.

-Là, il l'était ?

Déborah fixa le coin du bureau. Que pouvait-elle répondre sinon la vérité ?

-Oui, monsieur.

-Bien. C'est ce que je pensais. Surveillez-le, au moindre faux pas, il dégage.

-C'est un bon policier, il a été blessé…

Mais il ne lui laissa pas le temps de parler.

-Il a été blessé parce qu'il n'a pas respecté les ordres donnés ! On lui avait dit d'attendre, pas de foncer tête baissée, seul. C'est déjà bien qu'il puisse encore travailler avec ce qui s'est passé.

La mage sentit la colère la gagner. Si elle s'était écoutée, nul doute qu'il aurait pris à nouveau la défense de Romuald. Pas parce qu'elle l'avait aimé, et mais parce qu'elle comprenait ce qu'il avait dû ressentir. S'il n'avait pas respecté les ordres, ce n'était pas juste pour briller et se mettre en avant. C'était parce qu'il n'avait pas supporté d'attendre les bras croisés en entendant des enfants hurler de douleur.

-A ce propos, je vais bientôt demander une visite médicale pour lui. Nous verrons bien les résultats.

Elle savait déjà qu'il serait déclaré inapte. Sans ses capacités physiques au meilleur de sa forme, il était un danger pour lui-même et pour les autres. Au pire, il serait renvoyé. Au mieux, il finirait dans un bureau. Déborah doutait qu'il soit capable de le supporter, surtout actuellement.

-Bon, gardez-le à l'oeil, tant qu'il reste cohérent et qu'il arrive à suivre une conversation, ça ira. En attendant, il est clair que vous ne serez pas sur les affaires les plus risquées.

Elle hocha la tête. Que pouvait-elle répondre de toute façon ?

-Deuxième point : nous allons mettre en place un partenariat avec le conseil des maîtres des sceaux. Vous savez comment ils sont frileux lorsqu'il s'agit de sortir de leur zone de confort, du coup, c'est à nous de faire de notre mieux. Il nous envoie une personne. J'ai décidé de la faire intégrer votre équipe, au départ en observation et ensuite, elle pourra y trouver sa place. Vous veillerez à ce que ça se passe le mieux possible. S'il y a le moindre problème avec monsieur Chifenier, vous m'en informerez personnellement, est-ce clair ?

-Oui. Ne vous en faites pas. Je lui ferais bon accueil.

Déborah se mit à prier pour que la personne qui allait arriver soit une femme. Sinon Romuald allait encore devenir d'une jalousie maladive. Elle n'avait pas envie de le supporter dans cet état.

-Bien. La personne devait arriver au début de la semaine prochaine. Si les choses se passent bien, vous l'aurez comme partenaire attitré, pour remplacer monsieur Chifenier.

A ces mots, Déborah sentit son coeur louper un battement. Il avait déjà tout prévu et maintenant, il la mettait au courant. Que pouvait-elle faire de cette information ? Si elle en parlait à Romuald, il allait s'énerver, et décider de lui dire sa façon de penser. Cela n'aiderait en rien. Mais si elle n'agissait pas, elle aurait l'impression de l'abandonner. Encore un casse-tête…

-Vous ne dites rien ?

-Je n'ai pas mon mot à dire, monsieur. Ce n'est pas moi qui décide de ce genre de choses.

Il la regarda en souriant.

-Je crois que c'est tout. Avez-vous autre-chose à demander ?

-Est-ce que je peux prendre mon après-midi de mercredi en récup ?

Pourquoi avait-elle demandé ça ? Voulait-elle vraiment aller faire une promenade à la mer avec François ? C'était vrai que ça serait plus simple pour eux deux, si elle était présente pour lui indiquer le chemin. Mais était-elle vraiment en train d'organiser sa semaine pour passer le plus de temps possible en sa compagnie ?

Il n'était pas d'ici, et repartait vendredi. Elle ne le reverrait sûrement jamais. Et par-dessus tout, il était marié. A quoi s'attendait-elle ? Que souhaitait-elle ? Ce n'était pas réaliste, elle aurait dû le comprendre et se faire une raison. Seulement, elle avait très envie de passer du temps avec lui, pour oublier son quotidien trop morne.

Patrice parut réfléchir.

-Pourquoi pas… Vous devez sûrement avoir besoin de repos. Puisque vous êtes célibataire, je pourrais vous inviter à dîner, mercredi soir, qu'en pensez-vous ?

Cette demande la laissa bouche bée. Il réagit rapidement, en la voyant ainsi.

-Rassurez-vous. C'était juste une blague pour détendre l'atmosphère.

Elle haussa un sourcil. Déborah n'y croyait pas vraiment. Elle le voyait plus comme une tentative désespérer de faire marche arrière, après un accueil qui n'avait pas été bon. Mais que croyait-il celui-là aussi, qu'elle allait sauter sur l'occasion ? Il avait minimum vingt ans de plus qu'elle et cela ne l'attirait pas particulièrement. En plus, c'était son supérieur hiérarchique.

-Enfin, prenez votre mercredi et reposez-vous. Vous devez en avoir besoin. Et rappelez-vous ce que je vous ai dit.

Elle hocha la tête.

-Je n'oublierais pas, monsieur.

-Bien. J'attendrais votre rapport sur l'arrestation du voleur et sur son interrogatoire.

-Bien sûr. Je m'en occupe dès que possible.

Elle recula de quelques pas, même si elle hésitait à se retourner.

-Déborah, prenez soin de vous. J'ai envie de vous voir au meilleur de votre forme.

Mais qu'est-ce qu'il racontait ?

Sans répondre, elle tendit la main, et le carré sembla se décoller des angles de la pièce pour rapetisser et disparaître entre ses doigts.

-Bon courage.

-Merci monsieur. Je vous apporte les rapports dès que possible.

Il lui refit un sourire.

-J'ai hâte de vous revoir.

Ce n'était pas son cas, mais elle n'en laissa rien paraître. Fermant la porte derrière, elle regagna son bureau. Romuald l'y attendait fébrile. Seulement, elle n'avait pas envie de lui parler des discussions qu'ils avaient eu. La journée n'allait pas être simple. Vivement que ça se termine, qu'elle puisse rentrer chez elle et souffler un peu. A ce moment, elle se souvint qu'elle avait accepté une invitation de François.

Pour le repos, il faudrait attendre. Déborah ne se voyait pas annuler, encore plus, si la personne qui vous invitait mettait les petits plats dans les grands. Cela aurait été très impoli de sa part. Enfin, il lui faudrait quand même rentrer chez elle pour récupérer les romans qu'elle avait promis de lui apporter.

Elle savait déjà avec certitude qu'elle prendre les trois derniers qu'elle avait lu. Après, elle jetterait un coup d'oeil sur les autres pour trouver les meilleurs. Autant en amener plusieurs, comme ça, il ferait un choix et elle aurait une chance qu'il ne les est pas tous déjà lu. Après, la mage n'avait pas besoin d'apporter toute sa bibliothèque non plus, puisque François partait vendredi soir.

Arrivée à son bureau, elle fixa Romuald. Il avait l'air remonté.

-Alors ? demanda-t-il, n'y tenant plus.

Elle reprit son stylo en main, juste pour avoir l'air d'être occupée. En vérité, elle savait bien qu'elle n'allait rien écrire de particulier.

-Alors quoi ?

-Qu'est-ce qu'il te voulait, l'autre ?

-Rien de spécial…

Mieux valait qu'elle évite de parler de certains éléments, au risque de mettre Romuald vraiment en rogne. Il ne manquerait plus qu'il aille se disputer avec leur supérieur, cela ne l'aiderait en rien, vu sa position précaire. En plus, elle était assez grande pour se débrouiller seule.

-Comment ça, rien ? Pourquoi il voulait te parler en tête-à-tête ?

Brusquement, son partenaire fronça les sourcils.

-Il te drague, c'est ça ?! Je vais lui dire ma façon de penser…

Il voulut se lever, mais Déborah avait bondi pour le retenir, le faisant retomber lourdement sur sa chaise.

-Arrête ! lui ordonna-t-elle.

Romuald ouvrit la bouche, mais ne dit rien, surpris par le ton que venait de prendre sa compagne.

-Tu restes là et tu ne bouges pas ! Ca suffit les conneries !

-C'est pas moi, qui…

Elle lui jeta un regard noir.

-Ne dit pas que ce n'est pas toi qui as commencé ou une autre excuse ridicule du genre ! Tu ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais tu t'es déjà fait ton film comme à ton habitude.

-Alors…

Attrapant Romuald par le col de son pull, elle l'obligea à s'approcher d'elle.

-Il n'y a rien entre moi et qui que se soit !

-D'accord, mais….

-Il voulait me parler de quelqu'un qui va arriver dans le service.

-C'est qui ?

Elle haussa les épaules.

-Je ne sais pas.

-Pourquoi, c'est à nous de se taper les stagiaires ?!

Déborah le lâcha.

-Voilà, c'est pour ça qu'il ne l'a dit qu'à moi, et pas à toi, tu allais encore râler pendant cent sept ans. De toute façon, c'est comme ça, et c'est tout. Je n'y peux rien. Tu n'y peux rien. Les choses sont ainsi.

Romuald croisa les bras sur son torse.

-D'accord. D'accord. Mais pourquoi tu t’énerves ?

Elle se leva, se saisit du dossier et partit. Mieux valait ne pas écouter ses réflexions, sinon elle allait finir par se mettre en colère. Le fait d'avoir peu dormi dans la nuit, commençait à se faire sentir. La mage espérait que François était en meilleure forme qu'elle.

-Allons interroger le gamin.

-D'accord.

Pour une fois, il la suivit sans en rajouter une couche. Est-ce qu'il sentait qu'elle était à bout ?

Marchant d'un pas vif, elle s'éloigna rapidement du bureau. Trop rapidement. Elle avait oublié de calquer son pas sur celui de Romuald comme elle avait l'habitude de le faire. Il était derrière elle, et peinait. Pourtant fidèle à lui-même, il ne dit rien. Serrant les dents, il s'avança en tentant de montrer le moins possible sa boiterie.

Déborah le surveilla du coin de l'oeil, et s'arrêta en faisait semblant de réfléchir à un truc pour lui laisser le temps de la rattraper, ce qu'il fit. Il lui jeta un regard soupçonneux. Mais elle prit la parole, et ne lui laissa pas le temps de s'exprimer.

-Tu t'y connais en maître des sceaux, toi ?

-C'est quoi cette question de merde ?!

-Ca t'arrive de ne pas répondre à une question par une autre question ?

-Sûrement. Pourquoi ?

-Laisse tomber.

Elle reprit sa route, en marchant plus lentement, la diversion était réussie. Cependant, il ne la lâcha pas.

-C'était quoi cette question ?

-Une question.

-Non, mais c'était quoi le but ?

-Obtenir ta réponse. Mais je renonce. Parler avec toi, des fois, c'est comme parler au mur.

Il secoua la tête.

-Pourquoi tu dis ça ?

-Cherche.

Romuald reprit, mais pas sur le même sujet.

-C'est quoi ton histoire de maître des sceaux ?

-La personne qu'on va accueillir, c'est un maître des sceaux. Mais n'en parle pas à tout le monde.

En disant cela, elle savait que de toute façon, il ne le ferait pas. Elle voulait juste qu'il évite de hurler et pester sans raison, en révélant une info qui devait rester confidentielle pour le moment.

-Un ?

Ca y est, on y était. Le retour de la jalousie mal placée… Elle n'aurait vraiment pas cru ça possible. Est-ce que maintenant, il allait s'imaginer des choses avec quelqu'un qu'aucun d'eux n'avait jamais vu ?

-Je ne sais pas.

-C'est complètement con, grogna Romuald. On a deux types de magies différentes qui ont tendance à entrer en interaction si elles sont utilisées ensembles et ils veulent qu'on fasse équipe. Ils ont que des idées de merde dans la tête.

Déborah haussa les épaules. Pour le coup, ce que disait son partenaire était censé.

-Je ne sais pas quoi te dire.

-Bha, moi, je te dis qu'ils ont complètement fumé la moquette.

Elle lui fit signe de se taire. Mieux valait qu'il arrête de grogner ainsi, avant que l'information remonte aux oreilles de Patrice.

-On verra ce que ça donnera.

-Ouais, on verra. Mais j'espère juste que si c'est le merdier, ça ne va pas nous retomber dessus. Enfin, je devrais plutôt dire : me retomber dessus.

Elle secoua la tête.

-Soit pas parano.

-C'est pas être parano. Il sera plus enclin à te protéger que moi. T'es plus son type !

Elle lui lança un regard blasé. Même si elle savait au fond d'elle qu'il avait raison, elle ne voulait pas ajouter de l'eau à son moulin.

-D'ailleurs, c'est peut-être ça le problème ! Il m'en veut peut-être parce qu'on est ensemble…

-Arrête de t'imaginer le pire tout de suite. Prends les choses comme elles sont. On va faire une équipe à trois, point ! Est-ce que ça tournera bien ou mal ? On n'en sait rien, et on avisera.

Déborah coupa court à la conversation. Ca ne servait à rien de tergiverser pendant mille ans sur un événement qui allait arriver, mais pour lequel ils ne savaient rien. Cependant, elle était heureuse de voir qu'il était dans un meilleur état qu'elle l'aurait cru à la base. La discussion était fluide même s'il s'énervait toujours autant.

Pour peu, elle aurait fait marche arrière, heureuse de retrouver l'homme qui lui plaisait tant. Mais malgré tout, c'était le matin, et elle préférait attendre la fin de la journée pour voir ce que ça allait donner.


Texte publié par Nascana, 2 mai 2019 à 22h45
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