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tome 1, Chapitre 24 tome 1, Chapitre 24

Un son strident et on ne peut plus désagréable me tire du sommeil. Si j'en crois la tête blonde ébouriffée d'ou s'échappe un grognement, Cléandre dormait encore, lui aussi.

– Par tous les arbres, Clary, éteins-moi ce foutu réveil !

J'ignore ce qui du juron ou de sa méprise m'étonne le plus.

– C'est la sonnette, pas un réveil. Clarenz peut toujours essayer de l'éteindre, mais il aura du mal.

– Fatigué, mal au crâne, aux hanches, besoin de café.

Une tasse dans chaque main, le cousin s'assoit près de nous. Cléandre en prend une sans attendre. Grimaçant, il en avale le contenu encore fumant. J'hésite à prendre la deuxième... j'ignore si elle m'est destinée. Les yeux rivés sur le crâne blond, Clarenz me la tend néanmoins avant de lâcher qu'il est ravi, le gel a tenu toute la nuit. Puis il récupère nos tasses vides pour aller les laver. Il n'aime pas quand la vaisselle sale traîne.

Le temps que la caféine agisse un peu sur l'organisme de mon homme, je me blottis contre lui. Nous échangeons de chastes baisers, il caresse mon visage, mes épaules. Il me fait part de son bonheur quant à notre réconciliation... Puis ses doigts descendent le long de mon torse, s'arrêtent sur mon ventre. Dommage que la boîte de préservatifs soit vide, j'aurais bien remis ça... Au vu de ses yeux brillants quand j'évoque la chose, lui aussi. Il s'humecte alors les lèvres :

– Nathéo, à ce propos...

Des coups à la porte happent son attention. Il se lève et se dirige vers la porte, nu comme un ver, tandis que son cousin vérifie le contenu de son sac à dos. Je n'ai pas le temps de le retenir, de lui conseiller de passer au moins un slip, il a déjà ouvert la porte... sur une magnifique jeune femme, laquelle se jette à son cou et parsème son visage de baisers. Pourquoi se laisse-t-il faire ? Mystère. Pire, il a l'air heureux de son sort. La jalousie me foudroie.

– C'est qui encore celle-là ? Craché-je malgré moi.

– Bah, c'est Ava. On dirait que tu es jaloux, tu ne devrais p...

– Évidemment que je suis jaloux, regarde-là, on dirait une fée !

Les multiples bracelets à ses poignets tintent lorsque, d'un mouvement gracieux, elle se tourne vers moi. Toujours accroché au cou de mon Cléandre. Pendant quelques secondes, nous nous dévisageons, puis son visage s'illumine. Elle abandonne enfin le corps nu de mon amant pour se diriger vers moi d'un pas aérien. C'est bien simple, je crois la voir voler au-dessus du sol ! Cette fille irradie de bonheur, de douceur, d'amour. Sa longue robe verte pale semble flotter autour d'elle, étincelante de mille reflets chatoyants. Elle me fait penser aux nymphes des bois qui peuplaient les contes que ma mère me lisait dans mon enfance.

– Le célèbre Nathéo ! roucoule-t-elle. L'homme qui rendait Cléandre heureux ! Bon, et qui l'a fait se bourrer la gueule aussi. J'avais hâte de te rencontrer, mais il faisait le timide ! Clary a raison, tu n'as aucune raison d'être jaloux.

Je sais où ils veulent en venir.

– Cléandre a beau être gay, une jolie fille reste une jolie fille ! Eh puis, d'où tu sais, pour nous, c'était censé être un secret !

J'en conclus que pendant qu'il me refusait le droit de parler de mon bonheur, lui annonçait à tout son entourage qu'il était en couple. Le principal intéressé lève les yeux au ciel :

– Tu réfléchis en bisexuel, là. Non seulement je le suis pas, mais en plus Ava est ma tante.

– Ta tante ? Elle ? Mais elle a notre âge ! OK, j'ai compris, tu te fous de ma gueule. Clarenz est pas ton cousin non plus, c'est ça ? Et la nuit dernière, c'était quoi ? Est-ce que tu veux vraiment te remettre avec moi ? Parce que bordel, tu viens de câliner une meuf alors que t'as le pénis a l'air !

Clarenz nous indique alors un tas de linge au pied du canapé. Quand nous avons remonté un Cléandre en état d'ébriété, il a eu la bonne idée de remonter ses habits en même temps. Parfait. Ava, elle, penche la tête de côté, ses lèvres s'étirent de ravissement.

– Pénis qui est resté incroyablement flasque alors que je suis sublime, non ?

Elle marque un point. Sans attendre ma réponse, elle se dirige vers Clarenz et attrape son sac avant de retourner vers la porte. Mon amoureux, lui, me rejoint sur le canapé-lit. Il me saisit le visage, plonge ses yeux dans les miens puis il m'embrasse, avec la langue, avant de se pencher pour saisir son pantalon.

– Tu es le seul à me faire... cet effet, Nathéo. Alors, détends-toi.

Des paroles bien plus réservées que cette nuit. Même si le Cléandre cru m'a plu sur le moment, je suis heureux de retrouver mon habituel et doux amant, plus ravi encore de cette déclaration d'amour à peine voilée ! Pour un peu, j'en oublierai la conversation que nous devons avoir. Mais pas en public, alors, en attendant de nous retrouver tous les deux, je me tiens tranquille.

– Vous feriez mieux de retourner en bas, le studio doit être libéré avant huit heures, tu le sais Cléandre.

Un coup d'œil à mon portable m'apprend qu'il nous reste deux minutes. Juste le temps de nous habiller.

Pendant que nous attendons l'ascenseur, mon amoureux bâille, les yeux rivés sur sa « tante ». Je ne me fais pas à l'idée que cette magnifique fée puisse être sa tante. Un mystère de plus à élucider.

– Pourquoi t'es là, au fait ?

– Tu es en état d'emmener Clary au lycée ?

Au lycée ? Ce gamin va encore au lycée ? Je me sens un peu mal. Nous avons couché devant lui cette nuit ! Voilà un sujet de plus à aborder lors de notre grande conversation.

– Je... Non. Je suis en état de descendre m'affaler sur une table du bar en attendant que le café fasse effet.

Et c'est ce que nous faisons alors que les deux autres vident les lieux, non sans rappeler à Cléandre leur rendez-vous de l'après-midi. Un serveur ne tarde pas à nous apporter deux tasses fumantes ainsi que des habits propres pour mon beau blond — comme j'ai passé les siens, lui est descendu en sous-vêtement.

Après son deuxième café, il m'accorde toute son attention. Ses mains ne cessent de replacer ses mèches de cheveux. Nous y voilà. La grande conversation. La guerre des compromis. Mais avant de commencer, je le prie de bien vouloir éteindre son téléphone ; je ne tiens pas à être interrompu par un texto de Clarenz, ou même de cette Ava. Pas comme l'autre fois.

Il s'exécute, puis me surprend en prenant la parole.

– Bon, le moment désagréable de notre réconciliation est venu, c'est ça ? Comment veux-tu procéder ?

Je n'en ai hélas pas la moindre idée. Ça le fait sourire. Il me propose alors de déterminer, en premier lieu, quels compromis nous allons devoir faire. Ce que nous attendons l'un de l'autre. Les limites à ne pas franchir.

Je pince les lèvres. J'ai bien des idées à ce propos, comme lui tenir la main à la fac ou dans la rue, mais oserai-je le lui demander ? Il me sauve en prenant les devants. Une des choses qu'il me demande — parce qu'il ne me l'impose pas — est de respecter son désir de ne pas répondre à toutes mes questions. Il consent néanmoins à ce que je lui pose toutes celles me passant par la tête, tant que je n'insiste pas. Il ne m'a pas interdit d'enquêter dans son dos. J'accepte.

De mon côté, j'exige une relation monogame entre nous. Je ne suis pas Sarah, je n'accepterais plus de le partager avec quelqu'un d'autre. Il accepte. Fort de cette victoire, je m'emballe :

– Je veux aussi que tu fasses ton coming out ! Je veux crier à la face du monde que je t'aime et que tu m'aimes !

Il se fige aussitôt.

– Je ne suis pas prêt à parler de sentiments, Nath. Si on pouvait se contenter des marques d'affection physiques pour le moment...

– Même en public ?

Après un instant d'hésitation, il secoue la tête.

– Non, pas en public. Mais dans certains endroits sûrs, comme ici, ça me va. Et... pour le coming out, c'est non.

Je m'en doutais un peu, mais la déception le broie le cœur.

– Je comprends... mais alors garde à l'esprit que je ne vais pas t'attendre toute ma vie.

– Je sais. J'ai justement un compromis à te proposer. Pour la fac, c'est non, mais... je suis d'accord pour qu'on se présente comme un couple à nos familles.

La déception s'évanouit. Je le dévisage, pas sûr de bien comprendre. Il ne me paraît pas au mieux de sa forme avec ses cernes et ses yeux brillants. Quand ses doigts ne torturent pas ses cheveux, ils se tordent entre eux. Il prend sur lui. Il prend vraiment sur lui. Pour moi.

En douceur, mes mains attrapent les siennes pour empêcher ses doigts de tressauter.

– Tu veux dire que je pourrais dire à mes parents que nous sommes ensemble ?

Un rire nerveux lui échappe.

– Tes parents le savent déjà, je ne suis pas stupide. Les miens, par contre... ils ne le savent pas. Je ne leur ai présenté personne depuis Kaname.

C'est à mon tour de trembler. J'ai presque l'impression de vivre une demande en mariage, c'est stupide !

– Alors, si tu es d'accord, Nathéo, je te présenterai à ma mère. Puis à mes parents.


Texte publié par Carazachiel, 13 janvier 2020 à 10h13
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