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tome 1, Chapitre 23 tome 1, Chapitre 23

Pendant quelques instants, nous nous dévorons des yeux sans mots dire. Puis nos lèvres se rejoignent pour une série de baisers tendres. Ses mains caressent mon visage, mes cheveux. Je me sens bien, enveloppé dans ce cocon de douceur.

Soudain, il se redresse sur un coude, puis me déclare de but en blanc :

– J'ai envie d'une levrette.

Mes yeux s'agrandissent de surprise. D'ordinaire, Cléandre n'utilise pas un langage aussi cru. Il y met les formes, il fait comprendre les choses à travers ses caresses, ses regards... ou en se mettant à quatre pattes sur le lit, les fesses tendues vers moi. L'idée m'embrase, toutefois, je tente de garder la tête froide.

– Tu es encore bourré ?

Ridicule, vu la conversation que nous venons d'avoir, il ne l'est plus, c'est certain. Notre récente réconciliation débriderait-elle ses paroles ? Ou bien la proximité de Clarenz, toujours endormi sur la table ?

Sa bouche part à la conquête de mes tétons, y laisse une empreinte humide avant de remonter vers ma mâchoire. J'aime tellement qu'il la parsème de baiser de la sorte : tout mon corps frissonne !

- As-tu besoin que je le sois ? s'enquit-il d'un ton taquin.

La situation me rappelle quelque chose, mais quoi ? Il ne me laisse pas le temps d'y réfléchir. Déjà, ses lèvres s'emparent des miennes pour un baiser torride. Ma température augmente encore, le désir me coupe le souffle : je le veux tellement !

Mes doigts agrippent ses cheveux, mes cuisses capturent ses hanches, ma langue assaillit la sienne. Sentir nos langues s'enrouler me grise. D'ordinaire, il n'aime pas trop ça, mais aujourd'hui, ça provoque une tension plus qu'appréciable chez lui. Ne me reste qu'à le faire mettre à quatre pattes pour le prendre comme il en a envie !

Mais alors que mes mains se posent sur ses biceps, il me retourne sans la moindre hésitation ventre contre le matelas, puis se presse contre mes fesses. J'avale ma salive. Aucune équivoque dans son geste, ce soir, c'est moi qui passe à la casserole. Comme toujours, une légère appréhension me saisit. Même si j'aime la sensation, suite à une mauvaise expérience, j'ai toujours peur d'avoir mal. Je me morigène. Non seulement Cléandre à des doigts de fée en ce qui concerne les préliminaires, mais il a aussi une manière de faire l'amour douce, respectueuse et à damner les saints, quelle que soit sa position.

Pourtant, au moment où ses caresses se font plus précises, il se fige.

– Clary, on a des capotes et du lubrifiant quelque part ? La salive ne suffira pas.

Mon esprit met plusieurs secondes à comprendre pourquoi mon amant interpelle son cousin : depuis la table située à peine un mètre plus loin, Clarenz nous observe. Il ne va tout de même pas rester... là, si ? Nul besoin de l'observer bien longtemps pour comprendre qu'il se rince l'œil. La bosse dans son pantalon parle pour lui, bien plus que son visage toujours impassible. Même si Cléandre m'a expliqué pourquoi, je reste mal à l'aise. Ne pas exprimer ses émotions, c'est pas humain ! Ou alors c'est humain, mais pathologique ! ce que je me garde bien d'avouer à voix haute, mon chéri n'apprécierait pas. Je crois bien qu'il aurait raison, d'ailleurs.

Sans un mot, il se lève, puis disparaît dans la salle de bain.

Soulagé, je tortille le postérieur. Cléandre gémit ; il a du mal à se contenir.

– Nathéo, ne bouge pas comme ça ! Tu me mets au supplice !

– Je sais.

– Alors qu'on a pas encore les capotes.

– Tu es tellement rigide à ce sujet... on sait tous les deux qu'on a rien, on peut pas faire sans, pour une fois ?

Il exerce une délicieuse pression sur moi. Pendant un instant, je pense qu'il va le faire, mais il recule avant de me murmurer que non, on ne peut pas, et que sans lubrifiant mes fesses ne le supporteraient pas. Il n'a pas tort.

– Clarenz, tu les trouves ces capotes !

– J'ai ! Avec le tube de lubrifiant aussi.

– Attends, il revient ?

- Ben, les capotes vont pas venir toutes seules, tu sais ? s'esclaffe Cléandre.

En effet, elles arrivent portées par Clarenz, en compagnie non pas d'un lubrifiant mais d'un gel de massage alimentaire — je reconnais le flacon rose. Toujours sans un mot, toujours impassible, il les lance à son cousin, puis se rassoit. Face à nous. Les yeux rivés sur nous. Décidément, il ne me revient pas. Je ne l'aime pas. Je suis sûr qu'il a des vues malsaines sur Cléandre.

Un mélange de honte, de colère et d'excitation m'envahit. Qu'il se permette de nous observer me met hors de moi... et en même temps, quel embarras de constater que son regard m'excite !

Mais lorsque les doigts frais de mon amant glissent sur ma peau, je me crispe, puis proteste. Pour la forme. Pour ne pas passer pour un pervers exhibitionniste. Le contact se rompt aussitôt, je sens Cléandre se figer.

– Quoi ? J'ai dit une bêtise ?

– Tu as juste dit non et c'est loin d'être une bêtise. Tu veux qu'on arrête ?

– Évidemment, ton cousin nous regarde !

Je m'attends presque à lui apprendre quelque chose, à lui tirer un glapissement surpris, un cri étouffé, que sais-je ! Il se contente de se frotter le nez, le rose aux joues, avant de murmurer :

– Je trouve ça plutôt excitant d'avoir un spectateur, moi. Mais si ça te gêne...

– Je trouve ça plutôt excitant de vous regarder faire, déclare Clarenz. C'est comme regarder un docum... porno.

Un frémissement me hérisse les poils. L'idée me paraît terriblement séduisante malgré l'identité du spectateur ; sa tête ne me revient toujours pas. Mon éducation me revient également : on ne fait pas ce genre de chose en public. C'est privé. C'est intime. Le contraire serait immoral.

– Mais forcément, vous êtes bourrés tous les deux. J'ai pas cette excuse, moi, répliqué-je d'une voix où perce la contrariété. Et puis, j'ai pas envie que ça finisse en plan à trois.

Aussitôt, Cléandre s'exclame avec une surprenante assurance qu'il n'y a aucun risque. Certes, ils sont culs et chemises, mais tout de même, ne s'avance-t-il pas un peu ? D'autant que le regard de Clarenz sur son cousin reste dérangeant. Le principal intéressé se penche en avant, me sonde. Ma respiration saccadée, mes joues rouges et mon regard rivé sur son entrejambe ne semblent pas le leurrer l'espace d'une seconde.

– Je confirme. Et je peux aller chercher de la liqueur, si tu as besoin. Mais ce serait dommage, Clé a déjà bien décuvé, et moi, je ne bois pas d'alcool. Je peux aussi sortir si tu veux pas assumer ton envie que je te regarde te faire...

– Stop ! On a compris l'idée.

Je déglutis, pas encore prêt à assumer cette envie, comme il dit. La honte l'emporte, je me recroqueville dans le lit. Nous ne ferons rien.

C'est compter sans la douceur de Cléandre, sans ses paroles apaisantes. Il sent bien que j'en ai envie sans oser, néanmoins, il ne compte pas me forcer à quoi que ce soit. Ce n'est pas son genre. Il se contente de m'assurer que personne dans cette pièce ne me jugera, que j'ai le droit d'avoir une imagination aussi débridée que je le veux. Qu'il ne doit pas y avoir de fantasmes inavouables entre nous. Qu'en avouez un ne nous force pas à l'essayer. Qu'à tout moment, je peux changer d'avis, revenir en arrière, lui dire non pour tout stopper sans besoin de justification. Que lui ne se gênera pas pour le faire, le cas échéant. C'est une question de respect mutuel.

D'une voix un peu trop fluette à mon goût, je leur demande s'ils ont déjà fait ce genre de choses. Cléandre secoue la tête. Son cousin détourne les yeux avant d'avouer qu'il a toujours été intrigué par les rapports sexuels, par les émotions et les réactions physiques qu'ils suscitaient. Lui n'a pas encore franchi le cap, ça ne l'intéresse pas pour le moment. Il estime n'avoir pas trouvé la bonne personne et n'imagine pas coucher avec quelqu'un sans en être fou amoureux. Voilà qui explique la certitude de Cléandre : quoiqu'il arrive, deux nous serons et deux nous resterons sur ce canapé-lit.

Peut-être que ma jalousie m'a poussé à juger Clarenz trop vite. À présent que j'y prête attention, son attitude n'a rien de malsain, au contraire. Il choisit ses mots avec soin, ne cesse de jeter des coups d'œil à Cléandre pour guetter son approbation. Malgré ça, il parle avec un tel naturel que j'en suis subjugué. Hormis son regard fuyant, aucune gêne ne transparaît dans son comportement, de quoi me faire sentir normal avec mes désirs anormaux.

Lorsqu'il cesse de parler, le silence s'installe. Ils m'offrent le loisir de réfléchir, de peser encore une fois le pour et le contre. Mes yeux passent de l'un à l'autre, mon cerveau analyse la situation. Le studio est verrouillé de l'intérieur, personne ne peut nous surprendre. Cléandre ne dira rien de tout ça à personne, j'imagine que le cousin non plus.

Je me trouve donc dans un milieu imperméable aux fuites d'informations. Le garçon que j'aime à la folie me désire plus que tout... je dois l'admettre, les iris de Clarenz braqués sur nous me réchauffent agréablement le bas-ventre. D'autre part, une telle situation, ou devrais-je dire une telle opportunité ne se représentera peut-être jamais.

Mais le plus important reste la certitude qu'un simple non de ma part arrêtera tout. L'un comme l'autre sont d'accord avec ça. Si l'un de nous trois veut partir : il le pourra.

J'hésite encore.

Un frisson me parcourt alors que j'attrape Cléandre pour l'attirer sur moi. Lui aussi frémit. Ses pupilles s'agrandissent, son regard m'interroge, son souffle accélère. Même Clarenz semble retenir le sien.

Soudain, je réalise : aucune trace de cette insondable douleur dans les yeux de mon amoureux ce soir, son attention tout entière est focalisée sur moi. Malgré la présence de son cousin, il ne verra que moi. Pas de fantôme du passé entre nous. Plus de petite amie officielle. Il ne sera qu'à moi.

Ma décision est prise.

– Oui.


Texte publié par Carazachiel, 26 novembre 2019 à 09h40
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