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En arrivant dans ses modestes quartiers, Centia chercha avec acharnement la raison pour laquelle elle s’était entêtée à donner autant d’espace au capharnaüm qui l’entravait. Rien de plausible ou de satisfaisant ne lui vint, alors elle fit montre d’un courage surprenant pour ranger les affaires éparpillées à même le sol du réduit.

Après une heure, elle sentit les moteurs ralentir et le bruit tenace qu’ils produisaient en vibrant dans la carlingue de métal du petit transporteur. Elle se fit la promesse de trouver le moyen de rattraper le retard accumulé sur la modernisation de l’astronef hérité de leur père du temps où ils vivaient encore sur Kohbor VII.

Le problème du Persée était que tout était en fin de vie. Les propulseurs avaient failli les lâcher avant même le début de leur dernière mission de transport, puis ce fut au tour des générateurs de pesanteur.

Le talent de son frère avait permis de la rétablir en moins d’une heure, mais il n’en fallait guère plus pour provoquer le chaos dans l’habitat.

Elle secoua la tête pour sortir du catalogue assez idiot de tout ce qu’elle et son frère avaient dû remplacer et tomba sur la revue abandonnée sur le sol. Le bloc de papier était une antiquité de plus de cent cinquante ans, mais elle aimait parfois la feuilleter sans que rien ne lui vienne en tête.

Si l’impression était défraichie et les couleurs passées, elle trouvait dans la composition désuète de ces images figées un élan de nostalgie que son cœur appréciait à sa juste valeur.

« En approche de l’astroport, Centy. J’ai besoin de toi pour la manœuvre, grésilla la voix de son frère dans l’intercom.

— Incapable de te passer de moi ?

— Tu m’es trop indispensable… Si j’avais quatre bras…

— Ferme-là, j’arrive… »

Agacée par l’ironie dont il n’aurait jamais fait preuve si elle s’était retrouvée dans le même compartiment que lui, la mécanicienne ramassa le magazine avec un mouvement d’humeur et observa avec attention l’image fixée par l’encre sur le fragile support.

Elle avait entendu dire que le papier dont était faite la chose était constitué d’une pâte invraisemblablement tirée de plantes… Amusée par l’absurdité d’une telle affirmation, elle se contenta d’observer la forme oblongue de l’astronef représenté sur la couverture.

Une sorte de cigare affublé de deux paires d’ailes triangulaires à l’aspect métallisé.

Mais comment diable ses ancêtres avaient-ils pu accepter un jour de monter dans des aéronefs aussi primitifs ? Aucune explication ne lui vint et elle repoussa une mèche cendrée derrière son oreille.

« Parait même que l’intelligence artificielle n’existait pas à cette époque ! »

La voix de son frère la contraria de nouveau ; s’il savait qu’elle regardait cette image, c’est qu’il avait eu accès à la caméra du pont...

« Dégage avorton ! »

Elle pianota rapidement sur le clavier à la sortie de son placard. Elle avait expulsé l’intrus sans ménagement ; loin de l’ennuyer ou de provoquer une quelconque frustration, elle entendit au loin le rire saccadé de Yantot.

Tu ne paies rien pour attendre, maugréa-t-elle silencieusement.

Elle recentra son attention sur l’avion aux hublots arrondis et au nez trop peu profilé pour filer à une allure normale en atmosphère ; elle se disait que les hommes qui avaient un jour conçu ce genre d’appareils ne devaient proprement rien connaître aux lois de la physique pour avoir créé des formes aussi peu adaptées à un vol sans boucliers cinétiques.

Malgré tout, quelque chose la fascinait dans ces créatures d’acier d’un autre temps ; que pouvaient bien ressentir les hommes qui avaient volé dans ces boites de conserve lancées à trois cents kilomètres par heure ? Quel monde étriqué avaient-ils réellement pu visiter avec de pareils engins ?

« Cent’… s’éleva la voix de son frère, un peu plus tenace que d’ordinaire.

— J’arrive, l’assisté. »

Elle verrouilla l’intercom de telle sorte qu’il ne pourrait plus outrepasser sa permission pour lui parler ; le but n’était pas de le museler définitivement, mais bien de s’autoriser à souffler un peu dans une relation que ne lui laissait que peu de temps libre.

Du moins c’était bien là son avis.

Elle n’avait jamais assez de temps à consacrer à sa petite personne.

Sitôt le frisson et l’adrénaline de quelque situation dangereuse évacués, tous ses voyants repassaient au vert et elle ne ressentait alors qu’un ennui profond.

Le petit cargo approchait doucement de la trajectoire d’entrée dans l’atmosphère de Kohbor VII…

Une nouvelle mission. Un frisson de plus…


Texte publié par Théâs, 11 février 2019 à 22h52
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