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tome 1, Chapitre 7 tome 1, Chapitre 7

Le dieu Lir se promène sur le rivage et il écoute la rumeur du vent. Une sirène vit là avec un humain. Il voit leurs enfants batifoler dans l'eau, leur queue de poisson battant l'eau dans des éclaboussements d'eau et des éclats de rire. Il se mêle à son ancienne communauté qui a prospéré et s'est jointe à une autre communauté sur la côte anglaise. Il se glisse parmi eux, chuchotant ça et là. Il parle d'une rumeur disant que de l'union d'une sirène et d'un humain, quatre beaux enfants sont nés, vivant sur la terre et dans l'océan sur la plage qu'ils ont quitté des années plus tôt. Intrigués, un groupe est mandaté pour aller voir et ils observent un long moment la sirène et le pêcheur nager dans les vagues houleuses de ce jour de tempête. Cachés derrière un rocher, ils observent longuement les enfants en discutant à voix basse de l'attitude à adopter.

- Melen! crie l'un d'eux en quittant le groupe.

Le cœur battant, la sirène se retourne à ce cri et ses yeux s'arrondissent.

- Pesk ! Comme tu as changé !

Les deux sirènes se jettent dans les bras l'un de l'autre en larmes.

- Vous êtes revenus par ici ?

- Oui, une rumeur disait qu'une sirène vivait toujours ici.

- Oui, je suis restée et... Je me sentais si seule. Où êtes-vous allés ?

- De l'autre côté, en Angleterre. Nous y avons été bien accueillis. Nous sommes quelques-uns à être revenus.

Les larmes se mêlent au sourire de la sirène.

- J'ai toujours su que vous finiriez par revenir.

- Où vis-tu ?

- J'ai longtemps vécu seule dans une grotte et je vis, je vis avec mon mari et mes enfants. Dans une maison de pêcheurs.

- Parmi les humains ?

Interloqué, son ami la regarde avec des yeux ronds.

- Oui, il est venu me voir à plusieurs reprises et il m'a convaincue de le suivre. Pour moi, il est allé voir un puissant sorcier au loin et nous pouvons prendre forme humaine ou sirène à volonté. Mais nous devons rester discrets, il est le seul qui connaît notre existence.

- En espérant qu'il en reste ainsi.

- Tout va bien ?

Melen manque pousser un cri en sentant deux bras l'enserrer.

- Tu m'as fait une de ces peurs.

- Et à moi donc ! Tu ne revenais pas alors, j'ai commencé à m'inquiéter.

Puis Morgan lui murmure plus bas à l'oreille :

- Tout va bien ?

- Oui, quelques membres de ma communauté sont revenus s'établir dans les parages.

Les traits du pêcheurs se crispent et il déglutit avec difficulté. Un silence s'installe que l'homme ne se décide pas à briser. Il inspire profondément avant de se décider à poser la question qui lui brûle les lèvres.

- Tu comptes les rejoindre ?

Son cœur bat dans sa poitrine à lui briser les côtes et il ne se rend pas compte qu'il serre la femme un peu trop fort contre sa large poitrine.

- Tu me fais mal...

- Pardonne-moi.

- Je ne sais pas. Peut-être lorsque j'aurais fini les tâches ménagères en attendant que tu rentres de la pêche les jours où je ne viens pas avec toi pour m'occuper de la maison.

- Deux jours par semaine sera-t'il assez ?

- Je ne sais pas. La mer me manque, tu sais ?

- Je sais... Mais je croyais que je serais une raison suffisante pour t'en éloigner un peu.

- Et le dimanche comme nous ne travaillons pas, il doit être possible de trouver quelques heures pour rejoindre la mer comme c'est déjà le cas.

- Cela te suffira-t'il ?

La sirène rougit, confuse de l'aveu qu'elle va faire.

- Tu te doutes bien que les jours où je reste à terre, une fois mes tâches accomplies, je rejoins la mer en guettant ton retour.

- Tu ne me l'avais jamais dit...

- Tu ne m'as jamais posé la question.

- Je sais, elle m'a brûlé les lèvres maintes fois mais je n'ai jamais osé la laisser les franchir. Je ne pourrai pas t'empêcher de les rejoindre, tu le sais. Si... si cela devait arriver, préviens-moi.

- Je sais, nous avons passé un accord, il y a des années de cela.

- Et il tient toujours.

Pesk fait mine de ne pas entendre leur entretien et il observe autour de lui. Rien ou presque n'a changé et il regrette de ne pas être revenu plus tôt dans les parages.

- L'endroit est sûr, à ton avis ? se hasarde-t'il à demander.

- Je ne sais pas. Je veux dire... La grotte où nous vivions passe toujours pour hantée. Je crois que ceux qui nous ont dérangés étaient des naufrageurs qui cherchaient un lieu où entreposer un trésor ou quelque chose comme ça.

- Pourquoi n'êtes vous pas revenus avant ?

- Nous avons trouvé à nous établir et une rumeur a circulé comme quoi une sirène vivrait toujours dans les parages. Et les hommes de l'endroit parlent de nous, nous nous sommes montrés imprudents.

- Vous reviendriez vous établir par ici ?

- Il y a les grottes sous-marines qui nous semblent plus sûres que celles près de la côte. Mais nous serons toujours sous l'eau sans pouvoir choisir et on ne sait jamais, la possibilité de rejoindre la terre ferme en cas d'attaque de prédateur est essentielle à notre survie.

- Je sais... murmure Melen.

- Et l'île des trépassés ? Personne n'y vient jamais, on la dit hantée par les âmes des prisonniers qui y ont passé leur vie dans cette prison naturelle à la merci des uns des autres. Je ne suis pas moi-même certain que rien de dangereux ne s'y trouve mais elle est loin de la côte et les bateaux prennent toujours soin de passer au large. L'intérêt de cette île, c'est qu'un mur a été construit tout autour pour l'isoler du monde extérieur pour faire pression psychologiquement sur les prisonniers. Le mur s'est effondré par endroit mais la majorité reste debout. J'ignore s'il y a des grottes sous-marines ou quelque chose dans le genre mais vous seriez à l'abri du regard des hommes et vos chants passeraient pour les chants des prisonniers morts là-bas. dit Morgan qui se décide à se joindre à la conversation.

La sirène le regarde un moment cherchant le piège avant de reprendre la parole :

- Merci, humain, j'irai voir moi-même ce qu'il en est mais si tu dis que personne n'y vient jamais, cela pourrait nous permettre de revenir. Qu'en dis-tu Melen ? Tu connais les hommes et leurs habitudes mieux que moi...

- Je ne sais pas, mais si les hommes croient ce lieu hanté en restant discret notre espèce pourrait y trouver la paix.

- Entourée de murs... conclut Melen. Et si on nous voit et que nous sommes attaqués ? Nous serons coincés. Il faudrait des ouvertures en profondeur, très en profondeur. Je crois qu'on dit qu'il y a des tunnels sous-marins sous cet endroit.

- Nous pourrions tenter de nous y établir pour voir. J'imagine que tu ne rentres pas avec nous ?

La sirène hésite mais elle a choisi un humain et elle ne peut revenir en arrière.

- Non, ma vie est sur terre. dit-elle avec une pointe de regret dans la voix.

- J'ai vu quelque chose bouger. dit Melen en entraînant son époux dans l'océan.

Ils plongent et ils émergent à bonne distance pour observer ce qui se passe.

- C'est un des tiens ? questionne le pêcheur.

- Je ne sais pas, je ne vois rien mais j'entends des voix et avec le vent, il est difficile de se faire une idée.

Ils attendent un long moment mais la voie semble libre.

- Nous pourrions sortir ailleurs ?

- Et nos vêtements ?

- Ou nous attendons la nuit pour rentrer... souffle l'humain avec une grimace.

Enlacés, ils restent un long moment à observer autour d'eux sans rien voir et ils ont beau écouter, ils n'entendent que le vent. Main dans la main, ils nagent sous l'eau jusqu'à atteindre le rivage mais tout est calme. Ils s'habillent rapidement et ils remontent sur le chemin

- Nous avons été imprudents... dit la jeune fille alors qu'ils rentrent chez eux.

- Je sais, nous avons été fous de ne pas attendre la nuit. Le curé m'a dit qu'il voulait te parler.

Surprise, Melen se tourne vers lui et ses yeux bleus se voilent d'inquiétude.

- Je ne pense pas qu'il te veuille du mal, c'est un homme bon. Il veut peut-être te connaître un peu mieux...

Tremblante, la sirène pousse la porte du presbytère et lorsque l'homme lui sourit, elle se rassure sous son regard bienveillant.

- Je voulais vous voir pour une question qui me taraude depuis des semaines. Asseyez-vous donc.

Elle s’exécute et elle attend qu'il lui expose l'objet de leur entretien.

- J'ai pris le temps de faire quelques recherches et d'après ce que j'ai lu, les sirènes n'auraient pas d'âme et je crains pour le salut de la vôtre...

- Mes croyances ne sont pas les vôtres, vous le savez fort bien et elles n'ont pas changé.

- Il ne s'agit pas de cela mais c'est une déformation professionnelle qui me fait m’inquiéter. Néanmoins, je me demande si votre espèce est dotée ou non d'une âme.

Elle réfléchit un long moment avant de répondre qu'elle n'en a aucune idée mais qu'elle ne croit pas que les animaux ou les plantes soient foncièrement bons ou mauvais. Et qu'elle croit que ce n'est pas la nature d'un être mais ses choix qui font la valeur d'une âme.

- Dans les contes, on dit que les sirènes n'ont pas d'âme mais comment savoir ? dit l'homme.

- Comment savoir, en effet... dit Melen en souriant.



Dans la grotte où vivent les sirènes, Melen retrouve avec plaisir l'atmosphère des jours d'autrefois. Elle se tourne vers Morgan qui est en grande conversation avec une sirène qu'il ne connaît pas. Il lui sourit et il cherche quoi faire pour se donner une contenance.

- C'est toi l'humain ? demande un jeune homme aux cheveux d'un rouge flamboyant.

- Oui, je...

- C'est la première fois que nous voyons un humain de près, enfin si on peut dire... dit-il en regardant sa queue de poisson argentée.

- Je ne suis guère différent de vous grâce à un grand sorcier sauf que je vis à la surface la plupart du temps.

- On dirait bien, en effet. Tu ne sembles pas constituer un danger pour nous. Je veux dire qu'elle ne t'aurait pas choisi si tu n'en valais pas la peine. dit la sirène en nageant autour du pêcheur qui se sent mal à l'aise mais le regard de son interlocuteur semble plus curieux qu'hostile.

Des voix emplissent la grotte et Morgan tourne la tête pour voir ce qui se passe. Un chœur s'est installé au centre du groupe et il chante une chanson dont il ne comprend pas les paroles mais les notes cristallines l'enchantent. Il se souvient de la voix de Melen lorsqu'elle chante et il se dit que la voix des sirènes doit être plus aiguë que celle des humains pour mieux se propager dans l'eau.

- C'est pour cela que le chant des sirènes nous semble si beau, il est inhumain car il n'est pas fait pour se propager dans l'air mais dans l'eau. se dit-il.

Le jeune homme observe autour de lui curieux de mieux connaître ce peuple qu'il ne connaît que par ce que lui a dit son épouse.

- Viens, allons danser. dit la sirène en le prenant par la main.

- Je ne sais pas danser sous l'eau. s'insurge le pêcheur.

La sirène rit en l'entraînant à sa suite.

- Laisse-toi faire, je vais te guider, tu verras, l'apesanteur permet de se mouvoir différemment.

Le jeune homme se sent flotter et il laisse la sirène le faire monter à haute vitesse vers la surface. Mais juste avant de l'atteindre, elle amorce un virage pour le ramener vers le fond de la mer.

- Tu vas trop vite...

- Ne t'inquiète pas, tout va bien se passer. rit la jeune femme.

Enlacés, ils tournoient un long moment ballottés par les flots. Melen se dit que c'est cela le bonheur et que tout est parfait pour la première fois de sa vie. Elle lève la tête vers Morgan qui lui sourit et elle dépose un baiser sur ses lèvres avant de poser la tête sur son épaule pour se laisser bercer par la danse.


Texte publié par Bleuenn ar moana, 4 février 2019 à 16h10
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