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tome 1, Chapitre 12 « Une seule personne vous manque... » tome 1, Chapitre 12

Sans savoir comment Dvan avait fini par s'endormir. Des coups sourds l'éveillèrent et il put constater que le jour était déjà devait lever. Il se redressa avec difficulté, le corps froid et courbaturé, et s'avança vers la porte. Il l'ouvrit et se retrouva face à l'une des personnes qu'il avait le moins envie de voir.

-On a parler à tous les deux !

Le contre-maître levait la tête vers lui, le visage fermé.

Dvan se retint pour ne pas écraser son poing directement dans sa face. Rosa n’apprécierait pas.

-Je peux entrer ?

Sans un mot, le géant le laissa passé. L'autre se glissa à l'intérieur, non sans avoir jeté un regard alentour avant. A ce moment, le jeune homme comprit qu'il avait peur de lui. Il savait bien qu'en combat, il n'aurait jamais le dessus sur le colosse que Dvan était devenu. Les tâches difficiles avaient sculpté son corps, son visage balafré et sa taille impressionnante jouait en sa faveur.

Son interlocuteur observa attentivement la petite pièce.

-Ta sœur n'est pas là ?

-Non, elle a sûrement préféré passer la nuit avec vous qu'avec moi. A moins, que se soit vous qui ayez insisté pour la garder.

L'autre déglutit visiblement mal à l'aise.

-Je vois que tu es au courant…

-Tout le chantier l'est, si j'en crois ce qu'on dit.

-Bien, je suis ravi de voir que tu ne le prends pas mal.

Il eut un petit rire nerveux et le géant se retint pour ne pas lui frapper la tête contre la table.

-Toujours est-il que je ne suis pas venu te voir pour ça. Hier, un des hommes, c'est plaint que tu l'as frappé.

-Et alors ?

-Tu reconnais les faits ?

-La prochaine fois, il réfléchira avant de l'ouvrir.

-Je vois. Il ne pourra pas travailler aujourd'hui, et ça sera retenu sur ton salaire. Si ça venait à recommencer, tu sais que je ne pourrais pas te garder.

-Je vois. Je devrais remercier ma sœur alors pour votre indulgence.

-Ne joues pas trop à ce jeu-là, avec moi. Tu sais que je pourrais te renvoyer si tu poses des problèmes.

Il ne le ferait pas. Dvan en avait bien conscience. Pas tant qu'il était seul avec lui. Il aurait trop peur de s'en prendre une en retour. Sur ce point, il avait raison. Le colosse n'hésiterait pas à le frapper si jamais plus rien ne les lié.

-Bon, alors tu es averti. Maintenant ne traîne pas trop pour te préparer.

-Renvoyez moi seulement, ma sœur.

L'autre s'arrêta surprit.

-Pourquoi tu me parles de ta sœur ?

-Elle était avec vous cette nuit, n'est-ce pas ?

-Non, je ne l'ai pas vu.

Dvan se redressa soudain, empreint à une grande inquiétude.

-Rosa, murmura-t-il.

Sans attendre, il sortit en courant, et parcouru le chemin menant au baraquement du contre-maître mais n'y vit personne.

-Rosa ! Rosalina ! Hurla-t-il, mais personne ne lui répondit.

Terrifié, il se mit à réfléchir à toute vitesse. Par où pouvait passer sa sœur pour aller voir ce connard ? Sûrement pas par le chemin que tout le monde empruntait, sinon les autres aurait pu la voir.

Se laissant à peine le temps de reprendre son souffle, il repartit dans une autre direction. Le mieux était de retourner de la maison, pour voir comment procéder. Se faisant, il retrouva le contre-maître, qui le regarda comme s'il était fou, avant qu'il ne puisse ouvrir la bouche, Dvan prit les devant.

-Rosa a disparu !

Il se prit à espérer qu'elle comptait un minimum pour lui et qu'il ne voyait pas juste en elle, une occasion de passer du bon temps.

-Calme-toi, mon garçon.

Le géant s'énerva.

-Ne me dites pas de me calmer. Ma sœur a disparu, j'ai tous les droits d'être énervé !

-Comment ça, disparu ?

Dvan se retint pour ne pas le secouer comme un prunier, histoire de faire entrer plus vite les mots dans sa cervelle.

-Elle devait venir vous voir, hier soir.

-Je ne l'ai pas vu.

-Et elle n'est pas revenu non plus !

-Tu es sûr qu'elle n'aurait pas pu juste partir…

-Seule ? Sans rien au milieu de la nuit ? Ma sœur n'est pas comme ça. Elle ne me quitterait pas. Vous peut-être, mais moi non !

Il tourna les talons.

-Je pars à sa recherche.

-Attends, il va bientôt être l'heure…

Dvan lui lança un regard noir et l'autre se tut, sans doute sentit-il qu'il ne devait pas trop tirer le diable par la queue. Alors il lui emboîta le pas. Ils marchèrent en silence, fouillant le paysage du regard. Ils contournèrent les logements provisoires, pour en faire le tour.

Une forme leur apparu au sol et ils approchèrent en courant. C'était l'homme qui s'en était prit à Rosa la veille. Sentant le sang lui monté à la tête, le garçon empoigna ses vêtements, le souleva du sol et le secoua.

-Dis-moi où est ma sœur ?!

-Lâche-le, il ne te répondra pas.

-Si, il va parler sinon…

-Il est mort !

Devant l'évidence de cette réponse, Dvan le lâcha. Il resta là, un instant, interdit.

Le corps s'étala sur le sol, dans un bruit sourd, comme si la tête avait frappé sur une pierre. Le garçon s'interrogea sur les causes de sa mort, il n'y avait pas de sang visible sur la terre autour du mort. D'autre part, l'homme ne semblait pas avoir été frappé par qui que se soit. En le regardant plus attentivement, le jeune homme aperçu une plaie sur le cou du cadavre. Que s'était-il passé ici et où était sa sœur ?

Un frisson lui remonta le long de la colonne vertébrale.

-Rosa, murmura-t-il pour lui-même.

-Reste-là ! Il va falloir appeler la police, soupira le contre-maître. Ils vont fouiller le coin et foutre le chantier en retard.

Leurs regards se croisèrent. Le géant comprit que sans sa présence, il se serait débarrassé du cadavre dans un endroit peu fréquenté pour avoir la paix.

-Il faut leur dire pour Rosa.

-Oui, oui, lui répondit l'autre, qui paraissait plus s'en faire pour la construction que pour la disparition de sa maîtresse.

A nouveau Dvan prit sur lui. Ce n'était pas en s'énervant qu'il allait retrouver sa sœur. A présent, il lui fallait faire preuve de patience, alors que sa seule envie était de courir à sa recherche. Seulement, il savait bien que s'éparpiller ne lui apporterait rien.

Une enquête fut ouverte qui retarda le chantier, on interrogea tout le monde sans obtenir de vrais réponses. Déjà, parce que personne n'en avait vraiment quelque chose à faire, y comprit les policiers et ensuite, parce que c'était l'heure du repas.

Le géant tenta bien d'attirer l'attention sur la disparition de sa sœur. Mais on lui demanda d'attendre encore un peu, au cas où elle serait partie rendre visite à quelqu'un sans prévenir. Il avait beau argumenter qu'ils n'avaient plus aucune famille et qu'elle ne connaissait personne dans le coin, cela n'eut aucun effet. Pour eux, elle avait juste disparu avec le premier venu et le contacterait sûrement un jour.

A nouveau, Dvan prit sur lui, pour ne pas tous les frapper. Ce n'aurait pas fait réapparaître Rosa, mais au moins, cela l'aurait défoulé. Seulement, il avait peur qu'on l'enferme et qu'elle revienne pendant le laps de temps où il serait absent.

On vint à lui demander où il se trouvait, mais avant qu'il ne puisse répondre à la question, le contre-maître l'avait devancé, pour dire qu'ils étaient ensemble. Même si ce n'était pas le cas, Dvan ne releva pas. Il se fichait bien de qui avait pu tuer ce pauvre type, lui ce qu'il voulait, c'était sa sœur.

Une fois éloigné de la police, il posa quand même la question qui lui brûlait les lèvres :

-Pourquoi avoir dit que j'étais avec vous alors que c'était faux ?

-Tout ce que je sais, c'est que t'as pas tué ce gars. T'avais même pas compris qu'il était mort. Seulement, c'est toi qui avais le plus de truc à lui reprocher donc on ne te laisserait pas passer ça. Et moi, j'ai besoin de ta force de travail.

-Et moi de ma sœur…

Dvan lui lança un regard noir.

-Écoute gamin, à propos de ta sœur…

Le géant s'arrêta, lui tourna toujours le dos.

-Je suis désolé qu'elle est disparue. Mais je ne pense pas qu'elle serait partie comme ça. Pas sans toi…

-Je sais.

Il reprit son chemin. Il n'avait aucun besoin du réconfort de cet homme qui l'avait trahie et avait profité de Rosa. Il voulait juste la retrouver et s'excuser, lui dire combien il était désolé de l'avoir blessé.

Il traîna encore un moment comme une âme en peine, cherchant des indices de ce qui auraient pu se passer alors que le chantier était en pause et que tout le monde en profitait. Ils paraissaient si heureux que cela lui fondait le coeur.

Quand le soleil se coucha sur cette journée terrible, il avait cessé d'espérer et regagna son baraquement, d'une démarche si maladroite qu'on aurait pu croire qu'il avait passé son temps à boire pour oublier. Le ventre vide, il se laissa tomber sur sa couche, refusant de fermer les yeux, mais trop fatigué pour réfléchir. Le sommeil finit par venir le prendre.


Texte publié par Nascana, 7 juillet 2019 à 19h25
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