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tome 1, Chapitre 4 tome 1, Chapitre 4

– Je ne peux rien vous dire de plus, elle ne s’est toujours pas réveillée. Tout ce que nous pouvons faire pour l’instant est attendre. Et prier pour qu’elle s’en sorte, termina Panoramix dans un soupir, les traits tirés et la voix lasse et fatiguée.

Deux heures s’étaient écoulées depuis qu’Astérix avait appris la nouvelle à Abraracourcix, et à présent tous s’étaient réunis dans sa hutte – enfin en vérité, seulement les principaux décideurs du village et ceux au courant de cette affaire, c’est-à-dire peu de monde. Ces derniers étaient disposés en arc-de-cercle devant leur chef, lui-même étant juché sur son haut siège. Il était de ce fait le seul à être assis. Même son épouse Bonnemine, qui se tenait en retrait près de la fenêtre et faisait mine de s’intéresser à l’extérieur, était debout. C’était la seule femme présente.

Suite à ces mots, un malaise s’installa parmi les protagonistes en même temps que se prolongeait le silence. La situation était inédite et personne ne savait quoi en dire. Déjà, il n’était toujours pas certain que la jeune femme survive, malgré les soins du druide – elle avait déjà perdu beaucoup de sang et plusieurs de ses blessures étaient profondes. Et les quelques constatations de leur sage n’avaient strictement rien de rassurant ; il leur avait confirmé la responsabilité de flèches et de lames dans les plaies qui lui avaient été infligées. Etait-elle donc poursuivie ou cela n’avait-il été qu’une attaque en un endroit localisé ? S’était-elle trouvée par hasard là où elle n’aurait pas dû être, de sorte qu’elle en avait été chassée ? Une agression involontaire paraissait peu probable de par la multiplicité des lésions. Mais viendrait-on la chercher ? Et si c’était le cas : devaient-ils la protéger ? La question était pertinente, dans le sens où ils n’avaient aucune idée de la raison de ces blessures ; si cela se trouvait, elle était responsable de choses suffisamment graves pour les expliquer. Même si, du fait de sa qualité de femme, l’ensemble des hommes avait du mal à y croire.

Mais à ce titre, ils ne savaient même pas si son réveil était réellement souhaitable.

Comme tous les regards pesaient sur lui, Abraracourcix secoua la tête, indécis et incapable d’ajouter quoi que ce fût. Près de lui, une note discordante résonna soudain, résultante de la maladresse du barde dont les doigts avaient glissé sur l’instrument à sa ceinture. L’attention de tous convergea vers lui par cette brusque interruption et Assurancetourix se ramassa un peu sur lui-même, une grimace honteuse tordant ses lèvres. Toutefois, le moment de gêne ne dura que quelques secondes car ils se désintéressèrent très vite de lui.

– Je suppose que nous ne pouvons pas faire grand-chose, dans ce cas…, finit par dire le chef, que tous s’étaient remis à fixer dans l’attente de son jugement. Hormis renforcer les gardes à l’entrée du village et se tenir prêt en cas d’attaque. L’abandonner à son sort n’est pas envisageable, même si nous ne savons pas ce qu’il en est… et même si nous ne savons pas à quoi nous attendre.

Panoramix hocha la tête en signe d’assentiment tandis qu’il esquissait un mince sourire.

– C’est mon avis également. Je vais préparer une bonne quantité de potion magique au cas où. Mais je pense également qu’il faudrait limiter les sorties des personnes les plus fragiles. Si cela se trouve, cet individu – ou ces individus – qui l’a agressé rôde encore dans la forêt ; mieux vaut prendre le moins de risque possible.

Plusieurs des hommes présents acquiescèrent à ses propos.

– Vous le pensez réellement, Ô druide ? Quelqu’un rôderait encore dans la forêt et pourrait nous attaquer ? intervint soudain Bonnemine en se retournant vers eux, le visage inquiet.

Elle allait souvent dans la forêt cueillir diverses plantes pour cuisiner, sa question n’étonna donc personne. Panoramix se tourna vers elle et lui répondit par l’affirmative. Le visage de la villageoise se décomposa tandis que la perspective d’une agression se faisait jour dans son esprit. Si cela se trouvait, elle aurait pu en être la malheureuse victime. Mais jusqu’à présent, elle avait toujours circulé dans la forêt sans crainte.

– Il vaudrait mieux que vous préveniez également vos amies, ajouta le druide d’une voix douce, ne voulant troubler davantage la femme qu’elle ne l’était déjà. Ce sera sans doute une précaution inutile, mais mieux vaut être prudent.

– Dans ce cas, nous devrions peut-être organiser une battue, proposa alors Astérix, les mains posées sur la garde de son épée. Nous ne pouvons pas rester trop longtemps dans l’ignorance et dans l’indécision.

Tous ne pouvaient que s’incliner face à ses paroles. Ils dépendaient beaucoup des denrées de la forêt, pour la chasse et la cueillette notamment, mais également des quelques marchandises qui transitaient dans leur village – et notamment les poissons d’Ordralphabétix même s’ils étaient de piètre qualité, mais là n’était pas la question. Ils avaient bien des cultures et élevaient quelques bêtes, mais cela ne pouvait pas assurer leur subsistance sur le long terme, ni même sur le moyen terme.

Et puis de toute façon, se calfeutrer entre les murs de leur village pour éviter des aléas inconnus n’était pas dans leur tempérament.

– Tu as raison, Astérix, renchérit Abraracourcix, le menton posé dans le creux d’une de ses mains, songeur. Mais il nous faudra mobiliser tout le village pour cela.

– De toute façon, il faudra bien leur annoncer la nouvelle, répliqua Panoramix. Ils doivent savoir à quoi s’attendre – du moins le peu que nous sachions – et surtout, pourquoi.

Chose évidente, là encore. Mais tout le monde y avait déjà pensé – elle était seulement dite à voix haute à présent. Comme tous savaient également que le plus tôt serait le mieux car après tout, la restriction des sorties devrait s’appliquer le plus tôt possible. Ce n’était un réel souci dans l’esprit d’aucun d’entre eux – leur peuple était fort et courageux, même les femmes, les enfants et les infirmes ne paniqueraient pas. Ils avaient confiance en eux, et eux-mêmes sauraient les protéger comme cela avait toujours été le cas.

– J’irai faire une annonce après la fin de cette réunion, assura Abraracourcix en se redressant. Le plus vite sera le mieux – et nous pourrons tout organiser le plus rapidement possible. Astérix, Obélix, vous viendrez avec moi pour cela.

Les deux guerriers acceptèrent, même si Obélix renâcla un peu.

– Il vous faudra faire sans moi, toutefois, intervint Panoramix, sans réelle surprise pour aucun d’entre eux. Je préfèrerais ne pas quitter le chevet de cette jeune femme trop longtemps et il me faut préparer la potion. Le plus tôt sera le mieux.

– Bien entendu.

Le druide n’attendit pas davantage pour quitter la hutte, après avoir salué l’ensemble de l’assemblée qui lui présenta ses respects. Un silence ponctua son départ.

– Et si elle se réveille ? demanda alors le barde d’une voix mal assurée, parlant pour la première fois depuis le début de cette réunion. Que ferons-nous d’elle, je veux dire, si elle est réellement poursuivie ?

Les hommes s’entreregardèrent tandis que Bonnemine fronçait les sourcils. Astérix haussa les épaules après quelques secondes de malaise.

– Ce que nous faisons toujours. Nous l’aiderons sans doute à rejoindre les siens, et si elle n’a pas de peuple, eh bien…

– La question ne se pose pas encore pour le moment, rétorqua Abraracourcix en écartant finalement la question d’un geste de la main. Nous ne savons même pas si elle survivra, et si c’est le cas, il lui faudra du temps pour se remettre et être en condition pour entreprendre un voyage. Savoir ce qu’il adviendrait d’elle au-delà n’est pas important pour le moment – nous le verrons en temps voulu. Nous aurons largement le temps d’en discuter plus tard.

Assurancetourix hocha la tête et pinça des lèvres pour éviter de rétorquer, il savait que cela était inutile. Ce n’était pas tant qu’il était inquiet pour la jeune femme – il avait déjà pensé à tous les arguments que leur chef lui avait fait valoir. C’était plutôt pour le danger qu’elle était susceptible de représenter pour eux, et dont ils ne semblaient pas tenir compte bien qu’ils l’eussent évoqué – les seules mesures édictées concernaient une potentielle attaque qu’ils ne craignaient même pas.

Etait-il donc réellement le seul à avoir l’impression que cette histoire pouvait être plus grave et plus lourde de conséquences qu’ils ne le pensaient ?


Texte publié par Ploum, 1er janvier 2019 à 23h16
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