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tome 1, Chapitre 27 « L’interrogatoire » tome 1, Chapitre 27

Grey

Grey était surpris par la considération avec laquelle était traité le mestre Narses. Lorsque Lord Alleister avait ordonné à ses gardes de le conduire au cachot, tous les témoins avaient dû s’attendre à ce que s’ensuive un sévère interrogatoire, avec sans doute un peu de torture pour faire bonne mesure.

Or les gardes avaient bien saisi le mestre, et l’avaient conduit dans une cellule dans les sous-sols de Château-Brillant, mais ils ne l’avaient pas mis aux fers. Leur seigneur avait donné des consignes pour qu’on traite le mestre avec tous les égards qui lui étaient dûs, comme s’il restait un invité comme les autres…. Or il ne l’était plus, depuis que le jugement des dieux -et la tête de son seigneur- était tombés : il était à présent coupable aux yeux des Sept comme à ceux des invités, des accusations d’empoisonnement dont il avait été la cible.

Lord Alleister était donc supposé voir en lui le probable assassin de son père, et pourtant il continuait de lui témoigner respect et attention. Il était probable que leur hôte souhaite ainsi ménager la maison Palamede, déjà violemment impactée par les derniers événements. Mais Grey ne pouvait s’empêcher de rechercher une motivation secrète derrière cette attitude.

Lord Alleister pouvait en effet avoir au moins deux bonnes raisons de ne pas traiter Narses comme un coupable : il était possible qu’Alleister sache que Narses n’était pas coupable parce qu’Alleister savait qui était le vrai coupable.

Il était aussi possible qu’Alleister sache Narses coupable… mais qu’il ne l’en blâme pas parce qu’il était, lui, le commanditaire…

Quelle que soit la raison de la mansuétude du seigneur, elle laissait supposer qu’il jouait un rôle trouble dans cette histoire. Grey était résolu à s’en méfier, et à avancer à pas plus que prudents dans ses prises de position.

Le mestre avait été assis dans sa geôle sur un banc de pierre bas. Alleister et Grey étaient seuls avec lui dans la pièce, qui ne comportait pas de fenêtre et dont la porte avait été fermée.

« Je vous remercie de m’avoir offert d’assister à l’interrogatoire, Lord Alleister », dit Grey.

Il était le seul à avoir reçu cette invitation, immédiatement après que les serviteurs aient emporté le corps sans vie -et sans tête !- de Lord Elias. Ni son frère Connor, ni sa sœur Lindzy n’avaient été conviés, mais Alleister semblait ne jamais les impliquer dans la politique de sa maison.

Cette invitation, qui avait dû passer publiquement pour un geste d’estime, pouvait tout aussi bien être un piège tendu par le coupable ou son complice : après tout, s’ils trouvaient un stratagème pour rendre Grey responsable de quoi que ce soit, il leur suffirait de refermer sur lui le cachot dans lequel il s’était rendu de son plein gré, ce qui serait d’une ironie savoureuse…

Alleister se tourna vers lui.

« Je ne vous demande pas que d’y assister, Ser Grey. Je compte sur votre présence pour me permettre de comprendre ce qui se joue. »

Un intense contentement menaça de s’épanouir en Grey : cette déclaration pouvait signifier qu’il avait atteint son objectif, et gagné la totale confiance du seigneur. Mais cette formulation…. elle était suffisamment ambigüe pour conforter Grey dans son appréhension d’un piège qu’on lui tendait.

Narses les dévisagea tour à tour, mais resta silencieux. Quelque part, plus loin dans les couloirs souterrains, une porte venait d’être fermée dans un fracas métallique dont l’écho se répercuta jusqu’à eux.

« Mestre Narses, avez-vous empoisonné mon père ? », interrogea d’emblée le seigneur.

« Vous savez bien que je n’ai rien à voir avec ces histoires ! », objecta vivement le mestre. Sa figure de fouine curieuse, son visage allongé et ses petits yeux renfoncés auraient rendu douteuses même ses protestations les plus sincères.

« Pour quelle raison vous trouviez-vous à Château-Brillant, quelques jours avant l’empoisonnement de Lord Jakob ? », relança immédiatement Grey.

Le mestre prit une profonde inspiration, qui souleva ses épaules habituellement voûtées.

« J’étais venu au nom de mon seigneur proposer aux Wight une entrevue sur un projet… d’envergure. Je pense que vous savez quel était ce projet, à présent. »

« Je pense que tout le monde sait quel était ce projet, à présent », coupa Alleister, cassant. La figure de Narses se froissa comme un parchemin trop manipulé.

« Lord Jakob avait en tout cas agréé cette rencontre, et nous étions supposés nous revoir deux semaines plus tard, à Château-Brillant. Mes seigneurs auraient été également présents cette fois. »

« Combien de temps êtes-vous resté chez les Wight ? », interrogea Grey.

« Une seule nuit, le temps d’évoquer la question avec Lord Jakob, puis de me restaurer pour le voyage de retour. »

« Et quelques jours plus tard… »

« Le messager de Lord Alleister annonçant l’organisation du tournoi pour célébrer son ascension est parvenu à Lord Elias trois jours après que je sois moi-même rentré à Oestgard. Je vois bien ce que la coïncidence peut avoir de troublant, mais je le répète : quel intérêt aurais-je eu à empoisonner le potentiel allié qui avait convenu d’une entrevue avec mes seigneurs ? Ça n’aurait eu aucun sens. Me soupçonner d’un tel acte, en fait, c’est questionner ma loyauté envers les Palamede, qui en douze ans de service n’a jamais été mise en défaut. »

« Même lorsqu’il est question de mettre le Val à feu et à sang ? », pointa Grey en lui jetant un regard par en-dessous. La loyauté à son seigneur impliquait en contrepartie une trahison envers son suzerain Lord Arryn, ce qui était un crime terrible.

Narses fit jouer ses épaules, manifestant son inconfort. Il biaisa en revenant à la question plus spécifique de l’empoisonnement de Lord Jakob :

« A quoi aurait rimé de supprimer un interlocuteur pour passer le rôle à un successeur manifestant la même ouverture d’esprit ? Ça n’aurait pas été d’une effroyable efficacité, vous en conviendrez avec moi. »

Grey fut contraint d’acquiescer. La proximité temporelle entre la visite de Narses et l’empoisonnement était suspecte, mais elle s’expliquait difficilement par un lien de cause à effet, si on se plaçait du point de vue des Palamede : l’empoisonnement, comme tout ce qui s’était ensuivi depuis le début du tournoi, était plutôt de nature à contrecarrer leur projet.

« On en revient alors à l’hypothèse du sabotage par une partie tierce », accorda Alleister. » Quelqu’un d’autre qui aura voulu empêcher la rencontre de se tenir… Aviez-vous parlé avec qui que ce soit de la nature du sujet dont Lord Elias entendait entretenir mon père ? », interrogea-t-il.

« J’avais seulement évoqué avec votre père un projet ambitieux pour la montée en puissance des deux familles dans le Val, et qui nécessiterait de mobiliser des moyens importants à la fois du point de vue financier, militaire et diplomatique.

Nous étions seuls dans la pièce.

La question n’a jamais été abordée avec qui que ce soit d’autre au cours de ce voyage. »

« Si le projet n’a pas été ébruité, comment se fait-il qu’il soit connu des Fingal ? », demanda alors Grey, sourcils froncés. Alleister s’éclaircit la gorge avant de répondre :

« Mestre Narses l’a dit : l’entreprise implique la mobilisation de moyens importants. Il se trouve que les Fingal disposent de ressources qui auraient été utiles à sa réalisation : j’ai donc été conduit à en parler à Lord Willard. Et j’ai dû exposer assez profondément le plan de Lord Elias pour l’amener à entamer les négociations, parce qu’il avait compris que le projet impliquait les Palamede et qu’il se montrait particulièrement réticent à l’idée de les aider. J’ai mal jugé son intérêt pour l’affaire, et je n’ai pas vu du tout venir sa dénonciation. »

C’était le moins qu’on pouvait dire.

« Au point où nous en sommes, puisque nous sommes là tous les trois sans oreille indiscrète, et que vos ennemis en savent déjà trop, m’en diriez-vous davantage sur ce projet ? », osa Grey. Son regard était dirigé vers Alleister, mais il vit du coin de l’œil la silhouette du mestre se redresser comme en signe d’avertissement : un indice de plus, nota Grey, que les rôles des uns et des autres n’étaient décidément pas tout à fait ceux qu’on pouvait attendre d’une scène interrogatoire.

« Je ne vois pas de raison de ne pas le faire », répondit Alleister après un instant de réflexion. Il s’éloigna de quelques pas, pour aller s’adosser, mains dans le dos, au mur du fond de la geôle.

« Vous avez compris que les Palamede entendaient conquérir militairement un surcroît de pouvoir. Leur premier objectif était de s’emparer du fief des Corbray : une famille au prestige terni par son implication du mauvais côté de la guerre entre le roi Aerys Targaryen et Lord Robert Baratheon. »

« Et dont les terres se trouvent à mi-chemin entre Oestgard et Château-Brillant, la configuration idéale pour une attaque concertée », observa Grey.

« Quand on prépare la guerre, on ne s’allie pas avec son voisin, mais avec le voisin de son voisin », confirma Alleister. Grey apprécia la devise avec modération : les Archelon étaient eux aussi voisins des Palamede.

« L’affaire aurait créé des remous, mais n’aurait pas nécessairement entraîné de réaction immédiate, s’agissant d’une famille qui avait trahi les Arryn neuf ans plus tôt », poursuivit Alleister. « Pour mener son plan à bien, Lord Elias ambitionnait de rallier les maisons mineures comme les nôtres -la sienne, la mienne, la vôtre-, face aux vieilles maisons du Val.

En venant trouver les Wight, il espérait mettre de son côté notre écurie et notre armée montée. De leur côté, les Palamede possèdent de fantastiques forges, et des forgerons dont le travail est salué dans tout le Val : il leur manquait le fer en quantité suffisante pour armer tous les hommes qu’il leur faudrait ranger sous leurs bannières.

J’ai cru pouvoir trouver chez les Fingal à la fois le minerai, et la flotte qui aurait facilité le transport des troupes le long des côtes. »

Une nouvelle alarme silencieuse tintinnabula en Grey.

S’ils ne possédaient pas de véritable flotte, les Archelon avaient eux aussi leur propre port, et une mine de fer très productive : exactement ce que les Wight étaient allés chercher du côté des Fingal. Pourquoi aller chercher au Nord des ressources disponibles dans le Val ? Le sentiment se renforçait en lui que les Palamede n’avaient probablement pas prévu de faire des Archelon des alliés. Mais quoi alors ? Une cible ?

Narses parut comprendre ce qui l’agitait.

« Les Archelon ont une réputation ancestrale de passivité. Lord Elias considérait que votre père refuserait de participer à quoi que ce soit -et qu’il était donc inutile de perdre du temps à tenter de le démarcher. Il faisait aussi le pari que votre père ne réagirait pas non plus à un conflit ne menaçant pas directement Carapace.

Il vous avait sortis de l’équation, en quelque sorte, comme votre famille l’a fait, seule, depuis des générations. »

« Je savais par ailleurs que j’avais un atout pour ranger, et durablement, les Fingal de notre côté », poursuivit Alleister : « Ma sœur Lindzy, dont Ser Wallace semble s’être follement épris dès qu’il l’a vue. »

Son ton se teinta d’amertume. « C’est l’orgueil de Lord Elias qui nous a conduit à la catastrophe : il a pris le comportement de Ser Wallace pour une insulte personnelle. Sa façon d’approcher Lindzy, publiquement et sous son nez alors qu’elle lui était initialement promise, l’a mis hors de lui : il est subitement devenu hors de question de céder Lindzy aux Nordiens. »

« Tout ça pour… une femme », commenta Grey, incrédule.

Alleister pencha la tête de côté.

« On en a connu bien d’autres dans l’Histoire, des tragédies nées de l’amour pour une femme. Et Lindzy n’est pas n’importe quelle femme. »

Ce commentaire raviva dans l’esprit de Grey le souvenir d’une pique de Lady Prudence Hawk concernant l’affection un peu trop profonde que semblait éprouver Alleister pour sa sœur adoptive. S’il y avait bien un troisième amoureux dans cette histoire, Grey se demandait si l’amour de Lindzy ne pourrait pas être le mobile qui aurait poussé Alleister lui-même à éloigner son prétendant le plus sérieux.

« Cependant, » reprit Alleister, « je ne crois pas que Lord Elias ait jamais éprouvé le moindre attachement pour elle : c’est sa propre réputation qu’il voulait défendre, pas son futur mariage. »

Grey s’accorda un instant de réflexion silencieuse. D’une façon générale, tous ces échanges étaient assez déroutants : chacun partageait ses informations et ses points de vue comme s’il s’était agi d’une réunion de concertation stratégique. Il avait cru être invité à une mise au bûcher, et il se retrouvait finalement autour d’un feu de camp entre amis.

« Ça n’explique pas ce qui s’est passé ce matin lors de la chasse, mais ça confirme que les événements de cet après-midi en revanche sont à peu près certainement le fruit des manœuvres des Fingal : les choses sont probablement allées plus loin qu’ils ne l’avaient prévu, mais leur intérêt était clairement d’écarter Elias Palamede, et ce sont eux qui ont mis le feu aux poudres en dénonçant son mestre », finit-il par dire.

Narses releva lentement la tête, qu’il avait gardée baissée depuis plusieurs minutes, le regard rivé à ses mains, jointes entre ses genoux. Il fixa alors ostensiblement le mur qui lui faisait face, comme pour ne dévisager aucun de ses deux interlocuteurs.

« Ce sont les coupables les plus évidents, assurément. Sauf si… »

Grey et Alleister eurent le même mouvement de tête étonné.

« Sauf si… quoi ? »

« Sauf si nous avons plus d’un ennemi dans la place, ce qui paraît aussi très probable. Je jure sur les Sept, sur mon honneur et sur ce que vous trouverez de plus précieux, que je ne portais pas d’herbes toxiques avec moi en arrivant à Château-Brillant. Quelqu’un les a mises dans ma besace. »

Grey fronça de nouveau les sourcils. « Mettons que ce soit vrai ; pourquoi ne seraient-ce pas les Fingal qui l’auraient fait ? »

« Parce qu’il leur aurait fallu des talents de tire-laine que je n’ai pas connaissance qu’ils possèdent, Ser Grey. Je serais surpris que les Nordiens aient pu compter sur quelqu’un de suffisamment adroit et discret dans leur entourage pour me jouer ce genre de tour. »

« Et à qui pensez-vous alors ? »

Les yeux du mestre se plissèrent. « J’ai été étonné du savoir-faire de votre septa en matière de soins. Ça n’est pas le genre de choses qu’on s’attend à trouver chez une religieuse. Et puis… J’ai eu l’occasion ensuite de découvrir qu’elle possédait d’autres talents, si vous voyez ce que je veux dire. »

Ce fut au tour de Lord Alleister de froncer les sourcils, d’incompréhension. Mais Grey comprenait parfaitement où Narses voulait en venir : la façon dont Eleanne avait mis la main sur le journal du mestre Owain. Les événements de la nuit s’étaient précipités et Grey n’avait pas pris le temps de s’interroger sur le fait que la septa se soit trouvée en possession du journal avant de se le faire subtiliser par Barthelme Senjak : il s’apercevait, là, de l’énigme que posait cette question.

Mais c’était une question qui devrait attendre, parce que ce n’était ni le lieu, ni le moment, pour l’évoquer : Eleanne avait nécessairement dérobé le journal d’Owain par des moyens douteux, et Grey n’avait aucune envie que leur hôte doute de la probité de la délégation Archelon. Une septa qui démontrait des talents d’infirmière et de fureteuse… c’étaient deux compétences qui auraient pu permettre de piéger Narses, et Grey comprenait parfaitement pourquoi, de son point de vue, elle était alors suspecte.

« De quoi parle-t-on, ici ? », interrogea Lord Alleister, du ton de celui qui aimerait comprendre ce que tous les autres dans la pièce semblent savoir. Grey coupa court, feignant d’être scandalisé :

« Ma septa a été agressée cette nuit ! Quand et pourquoi aurait-elle voulu vous nuire ? »

« Pour protéger des secrets », murmura le mestre en se levant et en se tournant vers Lord Alleister, qui l’observait avec une incompréhension suspicieuse. « J’ai été surpris de me voir accuser par le bâtard de Lord Fingal si peu de temps après vous avoir fait part de ma découverte, Milord : on aurait difficilement trouvé meilleur moyen de me faire taire et de me discréditer. »

L’autre continua de le dévisager sans répondre. Grey se demanda dès lors si Narses n’avait pas touché du doigt une vérité cruciale : était-il dangereux de révéler à Lord Alleister qu’on progressait dans la résolution du mystère de l’empoisonnement de son père ?

« De quelle découverte parle-t-on ? », s’enquit-il.

Narses se rassit sur son banc de pierre en affectant un air faussement innocent.

« J’ignore si Lord Alleister souhaite que cette information soit partagée. »

Alleister gardait sa mine renfrognée.

« Parlez sans crainte. Je n’ai rien à cacher. »

Narses haussa un sourcil dubitatif, mais ne commenta pas.

« Je connais de source sûre les compétences qui ont valu à Mestre Owain de se trouver engagé à Château-Brillant. » Il avait prononcé les mots « de source sûre » en regardant fixement Grey et en écartant insensiblement les pouces de ses mains jointes… comme s’il ouvrait un livre. Ses lèvres n’avaient pas prononcé les mots, mais son corps lui criait : « DANS LE JOURNAL D’OWAIN », comme pour lui souffler où chercher.

Narses semblait naviguer entre différentes postures, se méfiant de lui comme d’Alleister, mais adressant des signaux à l’un puis à l’autre pour faire progresser subtilement leur connaissance de la situation, au cas où l’un des deux pourrait lui venir en aide.

Il y avait donc bien des informations importantes dans le journal. Sans doute suffisamment importantes pour permettre d’innocenter Narses, si celui-ci tenait tant à ce que Grey s’y intéresse. Mais Grey n’avait pas besoin qu’on lui rappelle qu’il devait s’y intéresser : c’était la première chose qu’il aurait faite si Narses ne leur avait pas soufflé le carnet.

La nuit précédente, lorsqu’ils avaient récupéré le journal d’entre les mains de Barthelme Senjak, Narses et lui avaient négocié que Narses conserverait le carnet, mais qu’il devrait partager avec Grey tout ce qu’il découvrirait. Ils avaient aussi convenu d’une séance de lecture commune le lendemain : lorsqu’ils avaient regagné le château, il était trop tard pour que Grey s’y plonge car la nuit était passablement avancée et Grey voulait être en forme pour la chasse du matin… Il aurait bien envoyé sa septa commencer la lecture avec Narses, mais celle-ci avait été bien trop secouée par son agression.

Il avait donc dû se contenter de faire confiance au mestre et lui abandonner le journal en comptant sur sa bonne foi… La seule alternative aurait été de répondre positivement aux regards d’Edoyn, qui durant tout le trajet de retour marchait derrière le mestre et n’attendait qu’un signe de Grey pour récupérer l’objet par la force.

Mais comment se permettre une telle action contre un mestre, fonction respectée entre toutes, qui de plus était au service d’une maison stratégiquement centrale pour les relations entre les Archelon et les Wight ? La violence étant exclue, Grey en avait été réduit à miser sur l’honnêteté de Narses.

Sauf qu’apparemment, lorsqu’il avait trouvé une piste dans le journal, ce rat avait été voir Lord Alleister plutôt que lui, contrairement à ce à quoi il s’était engagé. Grey fut soudain content que le mestre se retrouve dans la situation qui était la sienne, en pénitence de sa fourberie. Il se retint d’employer un sarcasme pour évoquer le fait qu’il aurait dû connaître lui aussi, de source sûre, cette information, et interrogea seulement d’un air faussement naïf :

« Et quelles étaient alors les précieuses compétences de Mestre Owain ? »

« Owain avait visiblement des connaissances très poussées en pharmacopée : et il travaillait secrètement au château… à la confection d’un poison. »

S’il n’avait pas eu la certitude de l’existence du journal, Grey aurait reçu cette déclaration avec énormément de scepticisme : rapportée par Narses, la révélation qu’Owain était un maître des poisons offrait une issue si confortable à l’énigme de l’empoisonnement de Lord Jakob qu’elle en serait parue effroyablement douteuse.

Mais il y avait le journal. Et pour arrangeante qu’elle soit pour celui qui était devenu l’un des principaux suspects, cette explication était aussi parfaitement logique et plausible. Elle était aussi cohérente avec les informations que Grey avait obtenues de son maître de chasse.

« Je sais pour ma part que « quelqu’un » à Château-Brillant entretenait une communication avec vos voisins les Armrod », rappela Grey. « Et que « quelqu’un » est parti récemment dans la direction du Château des Toiles des Armrod, et n’est pas retourné cette fois à Château-Brillant après avoir dépassé le point de rendez-vous habituel. »

« Les pièces s’imbriquent avec cohérence », conclut Alleister. « Les Wight ont une longue tradition de conflits avec les Armrod. Leur fourberie et leur cruauté est réputée dans tout le Val.

Mon père a toujours suspecté que nos voisins soient responsables de la maladie qui a emporté ma tante Leah et son époux -les parents de Connor et Lindzy : pour lui, il s’agissait -déjà- d’un empoisonnement.

Qu’ils aient manigancé pour placer un assassin auprès de mon père me paraît tout à fait plausible : ce ne serait qu’un chapitre de plus dans le long livre de leurs exactions à notre égard. »

Il y eut un instant de flottement, puis Alleister reprit la parole, d’un ton parfaitement déterminé.

« Je vais monter une expédition contre le Château des Toiles : je capturerai Lord Armrod et je lui extirperai des aveux. C’est le seul moyen de disculper Mestre Narses de l’empoisonnement de mon père, et de réhabiliter un tant soit peu les Palamede. »


Texte publié par Akodostef, 8 mai 2020 à 15h51
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