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tome 1, Chapitre 21 « Chapitre 9.2 » tome 1, Chapitre 21

Son sachet sous le bras, la mercenaire quitta la pièce d'un pas décidé pour continuer son exploration. Le temps pressait, même si le silence et le calme des lieux portaient à croire le contraire. Deux couloirs restaient encore à visiter, seulement deux. S'ils ne renfermaient rien d'utile, tous leurs espoirs, ses espoirs, résideraient dans le bureau verrouillé. Autant dire qu'ils grilleraient sans doute bientôt dans le magma.

Ne te laisse pas gagner par le pessimisme Taë. Tu vas t'en sortir, tu vas trouver !

elle opta pour le plus proche, tout aussi désert que le reste.

Plus étroit que le corridor principal, il se révéla aussi bien plus court. Seulement deux placards avant de se terminer par une double porte percée de deux hublots fumés et dénuée de poignée.

Au moins, ce n'est pas une coupe-feu.

Au moment où sa main poussait un des battants, un frisson la traversa. Tous ses sens en alerte, elle se figea, hésita à faire demi-tour : une odeur métallique s'échappait de ce couloir. Une odeur de sang, une odeur de mort. La mercenaire la connaissait bien pour avoir arpenté Zévrinbad du temps de l'épidémie. Ses contrats de l'époque ne la rendaient pas fière. Des nobles l'avaient engagé pour achever les malades afin d'éviter la propagation du virus. Elle aurait préféré faire partie des équipes de recherches des immunisés, mais un travail restait un travail et elle avait besoin d'argent pour vivre. Mais cette odeur de sang qui prenait aux narines, jamais elle n'avait pu l'oublier.

La jeune femme referma la porte, puis s'adossa au mur pour juguler la nausée qui menaçait de se répandre sur ses pieds. Entrer là-dedans ne la tentait guère, elle songea à choisir la facilité : ignorer cette partie du complexe et faire croire que les lieux étaient inaccessibles. Sauf qu'elle risquait de passer à côté d'une découverte intéressante. Primordiale, non, elle ne croyait pas un instant dénicher le moyen de sortir de là. Par contre, il se pouvait fort que les médicaments nécessaires à Féhnaël se trouvassent en ces lieux.

Je m'attache un peu trop à cet inconnu, c'est mauvais. Je dois absolument penser d'abord à moi, et pas à cet Hybride en piteux état. Et j'aurais peut-être besoin d'antidouleur moi aussi, on ne sait jamais.

Après un long moment d'hésitation, Taëdyl arracha une bande de tissu de son pantalon bleu pour s'en couvrir le bas du visage et supporter ainsi l'odeur nauséabonde du couloir. Puis, prudente, elle s'avança dans le couloir sombre.

Des lumières automatiques illuminaient les lieux à son passage. Elles dévoilèrent un chariot abandonné au milieu de l'allée, plusieurs portes ouvertes sur des salles vides, encore, d'autres closes dont des panneaux indiquaient la fonctionnalité. La mercenaire parvint à déchiffrer « bloc opératoire » et « salle de réveil », les autres se trouvaient encore dans la pénombre. Elle se trouvait donc dans la partie « Hôpital » du complexe. Une partie qui avait abrité un spectacle bien macabre si elle devait en juger par les traces rougeâtres imprimées sur le carrelage. Des traces de pas en provenance du bloc opératoire.

Ils ne sont quand même pas partis au milieu d'une opération ?

Le cœur au bord des lèvres, la jeune femme s'approcha de la pièce avant de changer d'idée. L'endroit pouvait s'avérer dangereux, mieux valait trouver des armes avant.

Le chariot !

Deux enjambées plus tard, ses mains fouillaient les plateaux métalliques avec avidité. Quel soulagement de découvrir, enfin, autre chose que des bandages ! Le contenu de son sachet de papier déversé au sol, Taëdyl effectua un tri plus pertinent.

Tout d'abord, du coton, le désinfectant, des pansements. Deux bandages aussi. Et puis cette pince un peu bizarre mais pointue. Les ciseaux les plus longs, le scalpel, je le garde en main et... le spray mystère, je garde, on sait jamais, le palot saura peut-être à quoi il sert. Ces pinces-là ne serviront à rien. Ces ciseaux miniatures non plus. Quoique...

Finalement, elle glissa la minuscule paire dans sa ceinture. Avoir une « arme cachée » sur elle la rassurait. Ainsi équipée, elle ne craignait plus le bloc opératoire.

Enfin, plus vraiment, on peut pas dire que la présence des cadavres me réjouit.

Malgré tout, à mesure qu'elle approchait de la porte, l'angoisse lui vrillait les entrailles. Qu'allait-elle découvrir là-bas ? Sa main serrée sur le scalpel tremblait sans qu'elle ne pût l'en empêcher, la sueur inondait son dos. Ses oreilles frémissaient, à l'affût du moindre son inhabituel. Enfin, elle s'engouffra dans la pièce. Les émanations de sang la prirent à la gorge en même temps que ses yeux découvraient le carnage.

Au milieu de la pièce, sanglée à un brancard, la fée disparue baignait dans son sang. Hélas, son cœur palpitait encore. Chacune des pulsations provoquait de petits jets de sang hors des affreuses balafres qui l'éventraient.

Incapable de soutenir la vision, Taëdyl eut tout juste le temps d'arracher le tissu sur sa bouche et de se précipiter vers l'évier le plus proche pour vomir toute l'eau ingurgitée un peu plus tôt. Quoi que les scientifiques aient tenté sur la pauvre créature, elle ne souhaitait pas en savoir davantage. L'envie de fuir se fit urgente, mais quelque chose la retint : la compassion. Même si la Fée semblait inconsciente, l'Elfvar ne pouvait pas la laisser souffrir. Elle devait l'achever.

Ce n'est pas pire que pour l'épidémie, ce n'est pas pire que pour l'épidémie, ce n'est pas...

Une fois sa bouche rincée, ses doigts se refermèrent sur le scalpel tandis qu'elle s'approchait de sa future victime. Non, pas sa victime, plutôt celle de cette femme médecin complètement folle. Son ventre menaça de renvoyer un contenu qu'il ne possédait déjà plus quand Taëdyl s'adonna à sa triste besogne. Ses gestes furent rapides, efficaces, elle les avait accomplis maintes fois auparavant. Mais jamais de son propre chef. Jamais sans un contrat signé, sans une bourse remplie de zévrions à la clef.

Alors qu'elle reculait pour quitter ce lieu de mort, ses yeux se posèrent sur une masse informe et sanglante gisant au sol. Le scalpel s'échappa de ses mains, tinta sur le sol carrelé pendant que ses pieds reculèrent. Ses yeux, écarquillés par l'horreur, ne parvenaient à se détacher de la chose.

Et soudain, une violente douleur la cueillit dans le bas ventre, la força à se recroqueviller sur le sol. Une terreur sans nom jaillit, des craintes qu'elle refoulait depuis tant de jours, amplifiées par la terrible découverte.

Alors, Taëdyl hurla.


Texte publié par Carazachiel, 21 octobre 2019 à 13h29
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