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tome 1, Chapitre 19 « Chapitre 8.2 » tome 1, Chapitre 19

Il pensa avoir succombé à l'attaque. Ça expliquait pourquoi il avait la sensation de tanguer au milieu de nulle part, pourquoi il ne s'était pas affalé sur le sol. Il ne comprenait donc pas pourquoi il souffrait toujours autant. Ni pourquoi il pensait encore. Les Elfes noirs, pour une raison inconnue, ne possédaient pas d'âme. Leur mort marquait la fin définitive de leur existence, en théorie. Depuis quelques années, certains hybrides héritaient cependant d'une âme, un Dieu avait donc été donné aux Elfes noirs : Eden.

Féhnaël avait vu le jour plusieurs années avant cette époque. Il ne faisait pas partie de ces Hybrides "chanceux". Mais alors, que lui arrivait-il ?

Au bout de quelques minutes, il s'aperçut que des bras le soutenaient, qu'une personne le berçait avec douceur pendant qu'elle lui chantonnait une étrange chanson. Salomée. Quand était-elle revenue ? Pourquoi ?

Du coin de l’œil, il découvrit aussi le Citadin, lequel étudiait les plaquettes de pilules avec une moue dubitative. Kessa tout comme Taëdyl demeuraient invisibles.

D'un geste rageur, Regoël jeta les plaquettes au sol.

– Ces trucs ne seront utiles que si les entailles de l'Hybride...

– Il s'appelle Féhnaël.

Pauvre Humaine, si elle voulait changer les mentalités, elle avait beaucoup de travail devant elle. Malgré tout ce qui pouvait désormais les rapprocher, Féhnaël ne serait jamais rien de plus qu'un mâtiné aux yeux de l'Elfe pure race. Pire encore, un mélange entre une Elfgrim et un Citadin. S'il n'avait rien dit lorsqu'il l'avait découvert, Régoël avait accusé le coup ; ses expressions l'avaient trahi.

– ... s'infectent. Je vais pas m'en encombrer. Foutues tuniques, si seulement on avait des poches...

– Ce sont des antibiotiques ?

– Des quoi ?

– Des médicaments humains contre les bactéries.

– Non, ce sont des microbiophages.

– Des quoi ?

– Ce n'est pas à moi de combler tes lacunes intersidérales en matière de médecine, de magie ou de technologie, gamine.

Le guerrier et l'étudiante s'épièrent un instant sans que l'Elfe ne montrât le moindre signe de faiblesse : il avait décidé de ne rien dire, il s'y tiendrait. Il arborait cet air hautain qui ornait si souvent le visage de sa race.

La voix mélodieuse de Kledren vola au secours de Salomée.

– Les microbiophages sont des bactéries inoffensives pour la plupart des races pensantes, elles sont aussi très résistantes et dévorent la quasi-totalité des virus, bactéries et parasites.

– Les Renards en savent quelque chose, ils ont envoyé un des rares virus que ces bactéries ne mangent pas il y a quelques années, cracha Regoël.

– Pas du tout nous...

– Sur la ville impériale, Zévrinbad. Une véritable hécatombe, il y a eu des milliers de morts. La pire attaque microbiologique de tous les temps.

– Mais ce n'était pas...

– Des semaines se sont passées avant qu'on trouve un traitement grâce aux gamins immunisés.

– Mais nous n'avons rien fait, glapit le Renard.

– Je n'ai rien compris à votre histoire, je ne sais même pas de quel empire vous parlez, leur apprit Salomée.

Cette remarque tira un ricanement à Féhnaël ; ils formaient un groupe bien particulier, tous les quatre. Une Humaine ignorante, un Renard certes savant, mais isolé par la haine que lui portaient les deux derniers : un Elfe et un Hybride, lesquels se détestaient eux-même mutuellement.

Affligeant, et dire qu'ils allaient devoir cohabiter jusqu'à la fin de leur vie...

– L'empire Zévrin, reprit Régoël d'un ton suffisant. Le plus grand Empire de tous les temps, dirigé par la puissante faille Zemdââ et..

– J'ai dit que je comprenais pas, pas que je voulais savoir, le coupa Salomée. Féhnaël, ça va mieux ? Tu gigotes depuis tout à l'heure, mais t'as pas dit un mot.

L'intéressé déglutit avec peine, puis hocha la tête avec vigueur — ce qui se traduisit en réalité par un faible mouvement de haut en bas — avant de se racler la gorge pour leur demander : " Où est passé la mage ?".

Un échec, seul un affreux borborygme lui échappa, suivi d'une quinte de toux qui devait être communicative puisque Salomée ne tarda pas à tousser elle aussi.

– Il vaut mieux que tu évites de parler pour le moment. Préserve-toi un peu, déclara-t-elle une fois calmée, et quand ça ira mieux, tu me raconteras comment tu as fait pour te débarrasser de Kessa ! Je suis sûre que tu as utilisé un pouvoir secret que seuls les Hybrides ont !

– Sans vouloir briser tes rêves, les seuls Hybrides à avoir des pouvoirs sont ceux issus des mages Zévrins.

– Et des mages noirs, ajouta Kledren. La petite Jade est mi-Humaine, mi-Zévrine il me semble, non ?

– Oh, mais tu commences à être pénible à venir étaler ta science toi ! On a compris, toi, le Renard, tu es un érudit et tu sais tout ce qu'il y a à savoir sur tes ennemis. Mais vu que tu es en cage, on dirait que ça t'a servi à rien, alors ferme-là.

Kledren ne répondit rien. Pourtant, Féhnaël aurait payé cher pour avoir cette réponse. Pourquoi le Renard était-il parmi eux ? Qui était ce fameux mécène prêt à payer des scientifiques pour faire disparaître les Hybrides ET pour garder ce " prince" Renard ? Et surtout, pourquoi Kledren se trouvait-il i ci alors qu'il s'était débarrassé de Kessa sans difficulté ? Parce que Féhnaël en était certain : le Renard l'avait sauvé.

Comment ? Ça restait à déterminer. Plus tard. Quand son crâne cesserait de se prendre pour un tambour. Quand sa joue cesserait de le cuire, son œil de pulser, ses côtes de le harceler. Pour le moment, le métis se disait qu'il pouvait lui accorder sa confiance, au moins de manière temporaire.

Soudain, une pensée qu'il avait eue quelques heures plus tôt lui revint. La tête appuyée contre l'épaule de Salomée, il lança à Kledren d'une voix méconnaissable, presque incompréhensible :

– Phonoïd ?

– Non, mais j'avais un parlephone avant.

Féhnaël grimaça. Ce simple mot lui avait presque arraché la gorge et voilà qu'il devait se débrouiller pour préciser son idée en le moins de mots possible. Un seul lui vint à l'esprit :

– Où ?

– Où est mon parlephone ?

Le jeune homme hocha la tête, soulagé de s'être fait comprendre.

– Ils l'ont mis dans un sac de toile quand ils m'ont capturé. Mais c'était il y a des mois, à moins de recharger sa batterie, il ne doit plus fonctionner. Et il ne te servirait à rien, ce n'est pas un phonoïd !

Voilà un deuxième élément qui plaidait en faveur de la libération de cet otage mystérieux. S'ils parvenaient à trouver l'appareil, à la faire fonctionner, il appellerait Saëdann. Son Espion ferait à coup sûr tout pour le tirer de là. Sa décision prise, le jeune homme se détacha de l'étreinte de Salomée pour clopiner vers la cellule B. Là, il récupéra la première clef de verre avant de se diriger vers Kledren.

– Qu'est-ce que tu comptes faire L'Hybride ?

– Il a un nom !

Le métis ne prit pas la peine de leur répondre, sa gorge enflée aurait de nouveau noyé ses mots. Il se contenta donc de montrer les deux clefs, puis pointa Kledren de l'index.

– Tu plaisantes, tu vas pas le libérer quand même ?

– Moi, je suis pour.

Salomée, bras croisés sur sa poitrine, le dévisageait avec morgue. Féhnaël, lui, s'appuya contre le mur, ses jambes ne le tiendraient jamais si ces deux-là décidaient de débattre.

– Pourquoi faire, un super groupe d'aventurier ? railla l'Elfe.

– Non. J'applique ce que Taëdyl m'a dit tout à l'heure. Il faut s'entourer de gens utiles, et cet homme un peu étrange nous sera utile. Il l'a déjà prouvé : il a lancé l'espèce de clef plate à Taëdyl tout à l'heure, ne l'oublie pas.

Comme un miroir, Régoël adopta la même position. En plus imposant, il la dépassait d'une vingtaine de centimètres.

– Les détenus des autres cellules seront au moins aussi utiles, et ce ne sont pas des ennemis de l'empire.

– Kessa n'en était pas une non plus, si ? Après, rien ne t'empêche de partir tout seul de ton côté.

Féhnaël du bien admettre qu'elle l'impressionnait. Même s'il la voyait trembler comme une feuille, elle avait tenu bon et venait non seulement de tenir tête à un Elfe, mais elle l'avait aussi mouché.

Contrarié, Régoël haussa les épaules, puis abdiqua, paumes en l'air.

– Très bien, faites ce que vous voulez.

Satisfait, Féhnaël leva le pouce avant de se tourner vers le Renard. Une nouvelle fois, sa vue lui provoqua des sueurs froides. Cette fois, il parvint pourtant à maîtriser sa terreur. Ce Renard leur apporterait plus de bénéfices que de risques. Salomée l'avait compris, elle aussi. Elle l'ignorait, bien sûr, mais ça avait aidé le métis à accepter sa propre décision.

Alors que le cadenas s'ouvrait, l'espoir revint gonfler le cœur de Féhnaël : il reverrait peut-être Saëdann, finalement.


Texte publié par Carazachiel, 16 août 2019 à 10h59
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