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tome 1, Chapitre 11 « Chapitre 5.2 » tome 1, Chapitre 11

Si tous les regards se braquèrent sur lui, personne ne bougea.

– Vous attendez le bonheur pour bouger ou quoi ?

Il s'assit sur la couchette du blessé, visiblement agacé. Taëdyl croisa les bras, puis lui jeta un regard méprisant.

– Commence déjà par nous parler correctement au lieu de balancer des ordres comme ça. Hors de question de t'écouter sans la moindre raison.

– Je refuse d'approcher de tous ces spécimens, renchérit Kessa. Je suis très bien où je suis et je t'entends parfaitement.

– Vous êtes sérieuses ?

Ennuyé, le Citadin les regarda tour à tour avant de se pincer l'arrête du nez, yeux clos et narines dilatées.

– Je suis sérieuse. Et, ce sera sans doute la seule fois de ma vie, mais je suis d'accord avec la Zévrine...

– Haute-Zévrine !

– ... on peut très bien t'écouter de là où nous sommes, pas besoin de venir faire le harem autour de toi. C'est fou ce besoin des palots d'être le centre de l'attention et de vouloir que les Elfes Noirs leur obéissent !

En réalité, Taëdyl était partagée. Elle se doutait bien que l'Elfe avait une raison pour leur demander de venir, et elle mourrait d'envie de découvrir ce qu'il avait à révéler ; ça concernait sans doute l'état de l'Hybride. Mais en même temps, qu'un Citadin, un de ces Elfes Purs Originels s'abaisse à porter un métis, puis à demander l'attention d'une Elfvar relevait du miracle. Le voir s'empourprer de colère et chercher ses mots s'avérait bien trop jouissif pour qu'elle y renonçât par curiosité.

Les autres viennent nous chercher dans une demi-heure, ça me laisse largement le temps pour le faire mariner un peu.

– Olala, elle va tomber dans le couplet de la victimisation ? Pauvres Elfes Noirs, haïs de tous blablabla. Vous n'êtes pas normaux, vous n'êtes pas normaux, c'est tout !

L'accablement se lut sur le visage de Régoël.

Cette expression vaut toute la klétamine des mondes.

– Kessa, tu m'aides vraiment pas là !

Barossa manqua de s'étouffer devant le reproche.

Ah, je retire, cette expression-là vaut toute la klétamine du monde !

– Tu prends sa défense, c'est ça ? À cette... cette...

– Chérie...

Le nom lui tira une grimace de dégoût. Comment la mage faisait-elle pour ne pas voir l'évidence ?

– ... S'il te plaît... j'aimerais ne pas avoir à hurler dans la cellule...

– Et pourquoi pas ? le provoqua Taëdyl.

– Parce que hurler tous les détails d'une tentative d'évasion a toutes les chances de la faire échouer.

L'intervention lui serra la gorge : le pauvre métis se forçait à parler, sans pourtant avoir la force d'ouvrir les yeux ou de remuer un muscle. D'un coup, la situation n'avait plus rien de jouissif, le voir braver la souffrance pour soutenir le Citadin pendant qu'elle s'amusait se révélait même dérangeant.

Inconsciente de ce dilemme interne, Salomée en rajouta une couche.

– Le zombie n'a pas tort... surtout qu'il y a peut-être des micros cachés un peu partout. Peut-être même des caméras, ils nous espionnent forcément. Du coup, faut chuchoter et se cacher pour mettre notre plan au point et... vous savez ce que c'est, des caméras, au moins ?

Mais qu'est-ce qu'elle raconte ?

– Mais qu'elle est stupide cette Humaine, comme si ces gens allaient s'embêter à mettre en place un système de surveillance !

– En fait, il y a des caméras dans le couloir, la contra Régoël. Dans la cellule, par contre, il n'y a rien.

Contrairement à elle, il a observé les lieux. Intéressant.

– Et comment tu pourrais en être sûr ?

Salomée, toujours agrippée à elle, s'était hissée sur la pointe des pieds pour poser le menton sur son épaule, sans doute dans l'espoir d'apercevoir son interlocuteur. Avec douceur, Taëdyl décrocha les doigts de Salomée –elle commençait à lui faire mal–, et lui fit face.

– Nous autres Elfes, que l'on soit de la branche Originelle ou bien de celle qui apparut mystérieusement il y a des millions d'années, nous avons certaines... facultés que les Humains, les Zévrins, les Fées et autres n'ont pas.

– Vous voyez à travers les murs ?

– Euh, non.

– Vision infrarouge alors ?

– Non, en réalité, ça concerne l'ouïe. Nos oreilles ne captent pas les mêmes sons et les mêmes fréquences que les vôtres. Tout ce qui fonctionne avec des signaux électriques, nous sommes capables de le détecter avec un minimum de concentration. Ça fait comme un bourdonnement très très léger.

– Et il n'y a rien de tel qui provient de la cellule. J'ai étudié les autres, c'est la même chose, il y a juste les caméras du couloir, conclut Régoël. Du coup, vous venez oui ou non ?

– Non, s'entêta Kessa. Tu n'avais qu'à m'en parler avant de mettre l'espèce de zombie au courant.

Quel ego mal placé...

– L'hybride, je t'avais bien dit de la fermer !

Intriguée, Taëdyl reporta son attention sur les deux hommes. Le Citadin se passa une main sur le visage avant de fusiller le blessé du regard. Pourtant, sitôt que les paupières meurtries se soulevèrent, son expression s'adoucit.

Le palot... compatit à son sort ? Impossible, on croit rêver !

– Et je t'avais prévenu que tu ne les convaincrais jamais toutes les deux, répliqua Féhnaël d'une voix lasse et enrouée.

Il tenta ensuite se de redresser sur ses coudes, échoua et retomba sur le matelas. Taëdyl assista alors à une scène surréaliste quoique d'une brièveté telle qu'elle fut sans doute la seule témoin : les doigts du guerrier se déplièrent, sa main amorça un geste vers la joue abîmée avant de se raviser et de revenir sur ses genoux.

– Certes, mais Kessa...

– Taëdyl sera plus utile qu'elle, apprend à choisir tes possibles alliés mieux que ça.

Possibles alliés ? Féhnaël a réussi à rallier l'autre à notre cause ? Mais comment...

– Non, je maintiens qu'une Haute-Zévrine sera un atout non négligeable. Deux combattants sont moins utiles qu'un combattant et un mage.

– Une mage sans magie et un combattant seront moins utiles que deux Combattants, une Humaine et un Hybride, même blessé comme je le suis.

– Ne parlez pas de moi comme si j'étais absente, cria Kessa, furieuse.

Taëdyl suivait l'échange avec intérêt, mais se garda bien d'intervenir de nouveau. Ce que le palot acceptait du métis le braquerait sans doute de sa part, à elle. Mieux valait le laisser continuer ce qu'il avait, de toute évidence, déjà commencé à négocier hors de la cellule, même si elle devait culpabiliser pour cela. Laisser tout le travail à un équipier amoindri ne lui plaisait guère.

– Arrivera le moment où tu devras choisir, Régoël. Ta "copine", où l'équipe qui a le plus de chance de survivre. En attendant, cours vers elle, t'es pas prêt pour le reste.

Ah non, raté, il est juste tenté de rallier notre cause. Trop attaché à sa petite réputation encore...

– Ce n'est pas ma... je... et puis merde, tu me fais chier l'Hybride !

Un grognement, comme un rire étranglé, chatouilla les oreilles de Taëdyl, lui hérissa les poils. D'un mouvement brusque, elle fit volte-face, ce son ne pouvait provenir que d'un endroit : la cellule voisine, celle où le Renard était enfermé.

Celui-ci, toujours bâillonné et ligoté dans la camisole, était secoué par des gloussements, ses deux oreilles orientées vers la cellule B.

Il ne peut pas avoir une aussi bonne ouïe que les Elfes ! Ce n'est qu'un... vulgaire Renard !

Perplexe, elle décida de tester un peu l'étrange prisonnier : elle siffla entre ses dents. Un sifflement diffus, à peine perceptible par le commun des mortels. Un son si bas que même Salomée, collée à la mercenaire, ne le perçut pas. Pourtant, les oreilles rousses du Renard frémirent, puis ses yeux se braquèrent sur elle. Deux orbes fauves et malicieux qui la clouèrent sur place.

On lui avait répété de se méfier des Renards, ces créatures viles, mauvaises. On lui avait appris à les mépriser, à les haïr ; si elle en croisait un, la seule solution était de le tuer. On lui avait rabâché combien leur cruauté guidait leur acte, à quel point ils étaient incapables d'autres choses que la barbarie.

Enfin, on les lui avait toujours décrits comme la laideur incarnée ; or, Taëdyl ne voyait là qu'un jeune homme intrigué ; nulle haine dans son regard. Un jeune homme à la chevelure flamboyante et dont le teint n'avait certes rien de commun, dont le visage pointait un peu à la manière d'un museau, mais un jeune homme au charme indéniable.

Elle ne retrouvait pas en lui cet ennemi qu'elle était censée craindre et détester.

Il est loin d'être vilain ce petit sauvage, et je ne vois pas une once de cruauté chez lui. en fait, son air taquin me donnerait presque...

– Envie d'apprivoiser un Renard.

– Pourquoi tu parles d'apprivoiser un Renard tout à coup ? Tu te prends pour le Petit Prince ?

La mercenaire cligna des yeux, arrachée à son idyllique vision. Elle n'avait pas eu conscience de parler à voix haute.

– Le petit prince ? Shôra ? Quel rapport...

– Mais non, le Petit Prince ! De Saint Exupéry ! Tu connais pas ? C'est pourtant un livre très...

– La littérature humaine est sans doute passionnante, la coupa Féhnaël de sa voix toujours cassée, mais si on pouvait se concentrer un peu... j'ai de plus en plus mal au crâne, je suis pas sûr d'être opérationnel encore longtemps, donc si vous voulez savoir de quoi il retourne...


Texte publié par Carazachiel, 11 juillet 2018 à 22h41
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