Taëdyl
Une subite envie d’écraser son poing sur le nez de Féhnaël s’empara de Taëdyl. Se rendait-il seulement compte du drame qu’il pouvait provoquer ? Elle avait réussi pendant deux longues semaines à se préserver de la plupart des remarques, mais risquait à présent de devenir la cible de Barossa. Tout ça à cause d’un gamin inconséquent dont la langue s’agitait plus vite que les neurones.
– Qu’est-ce qui est illégale ?
Mais elle peut pas se mêler de ses affaires celle-là ? Je comprendrai jamais ce besoin d'être le centre de l'attention.
– Que je sois si sexy dans cette tenue bleue. Féhnaël trouve que ça devrait être illégal, assura la mercenaire avec aplomb.
Heureusement que ces abrutis étaient trop occupés à insulter l’hybride pour vraiment prêter attention à ce qu’il disait.
– Tu n’es pas plus sexy qu’un gallinacé, la Charbonneuse.
– Tu préfères Kessa ? répliqua Fénhaël. Ou peut-être qu’elle n’est pas... ton genre de prédilection ? Ou alors, tu es jaloux ? Mais jaloux de qui, telle est la question.
Surprise, Taëdyl se tourna vers l’hybride. Elle n’était pas la seule à avoir été percée à jour ! Finalement, les répliques du métis n’avaient peut-être rien d’accidentel, non, il devait les calculer, savoir qu’elles feraient mouche.
Mais qui est-il à la fin ?
Malgré ses talents certains de déduction, il ne pouvait être un Espion : sa remarque sur les hybrides au service de l’empereur le lui avait fait réaliser. Taëdyl s’en voulait de ne pas y avoir songé toute seule. Il ne pouvait pas plus qu’elle rejoindre leurs rangs.
Mais alors, comment avait-il acquis toutes ces connaissances ? Certainement pas en autodidacte. Sa mère avait-elle été Espionne ? Taëdyl ne voyait que cette possibilité.
D’ordinaire, personne ne découvrait sa filiation. Ceux qui la croisaient régulièrement ou qui l’avaient vu grandir la prenaient pour une simple esclave ; elle avait un frère aîné. Les autres la pensaient Mercenaire Libre, car peu talentueuse. Nul ne s’était douté jusque là qu’elle était une de ces Elfvars illégales. Une cadette non déclarée —raison pour laquelle la carrière d’Espionne lui demeurait inaccessible —, non vendue. Son aîné avait toujours brouillé les pistes à la perfection.
Une bouffée d’anxiété la submergea. Si Féhnaël avait découvert ça si rapidement, combien de temps mettrait-il pour se rendre compte qu’elle était enceinte ? Et s’il en parlait à leurs geôliers contre sa liberté ?
– Taëdyl, ça ne va pas ? Écoute, je suis désolé d’avoir échappé... cette information, je...
Sans réfléchir, elle le saisit par le col pour coller leurs lèvres... ou du moins, en donner l’illusion. En d’autres circonstances, elle se serait régalée de ces lèvres fines, un peu humides, tremblantes à présent. Mais là, la mercenaire n’avait que deux envies : aboyer et mordre.
D’une voix sourde, elle menaça :
– Encore un mot et tu peux dire adieu à tes attributs masculins. Je les éclaterai comme des bulles de savon. Ce n’est pas comme s’ils allaient te servir un jour, mais je te garantis une douleur atroce.
– Ils me servent régulièrement, je te remercie de ta sollicitude.
– J’en doute, mais ce n’est pas le sujet. Ose reparler et je te...
– Sans vouloir t’offenser, je vais devoir refuser ce massage. On ne se connaît pas assez pour se tripoter encore.
Malgré le ton badin, il évitait son regard. Il avait toujours peur.
– Si tu pouvais me lâcher maintenant, ils vont commencer à trouver ça louche.
Tentée de le gifler, elle se contenta de reculer, un sourire factice aux lèvres.
– Je ne parle pas assez fort pour qu’ils entendent, Taëdyl. Tout à l’heure, oui, mais là, non.
– Tu l’as fait exprès ?
– Honnêtement ? Non. Pas pour toi. Pour l’autre, oui, il me fait froid dans le dos. Jouons cartes sur table. Je connais tes secrets, et si je veux m’évader d’ici, tu es ma meilleure option.
MES secrets ? Sa meilleure option ? Le petit enfoiré !
Cette fois-ci, la mercenaire vit rouge. Elle se rua sur lui, le plaqua au matelas en lui maintenant les poignets au-dessus du crâne et grimpa sur ses hanches. Mine de rien, elle les enserra de ses genoux avant d’y exercer une pression qu’elle savait douloureuse. Son air affolé la ravit. Le voir déglutir avec peine la réjouit. Elle nota bien qu’il ne se débattait pas, mais était trop furieuse pour y réfléchir.
– Ils vont pas faire ça devant nous quand même, s’écria Kessa.
– Par Ylfaël, mais qu’est-ce que tu t’imagines, geignit l’hybride.
– Tu vas me vendre. Ta liberté, contre des infos sur...
– Ils ont sans doute déjà analysé ton sang. C’est peut-être même pour ça que tu es là. Une illégale enceinte, une aubaine, ils peuvent tester tout ce qu’ils veulent sur toi sans rien risquer. Et ce à chacun d’entre nous.
– Comment...
– Tu te rends compte qu’ils ne relâcheront pas pour autant ? la coupa-t-il avec hargne. Tu crois être la seule à ignorer la nature de mon père ? Ils n’ont rien vu, leurs analyses échoueront, aucune chance qu’ils me laissent partir. Alors, lâche-moi !
– Qu’est ton père ?
– Comme si j’allais te répondre.
La pression de ses genoux s’accentua. Fénhaël resta de marbre.
– Je ne te lâcherai pas sans garantie.
Elle fouilla dans son regard à la recherche d’un indice. Fier, il tenta de ne pas ciller pendant quelques instants.
– Tu portes des lentilles, tu n’as pas les iris couleur bronze en réalité. Oui, moi aussi je sais observer. Pourquoi porter des lentilles ?
– Pour passer pour un humain. Tu t’en doutais déjà. Je ne répondrai pas à ce sujet. Si je te donne une autre info sur moi, tu me lâches enfin ? Ce n’est pas que Régoël s’approche un peu trop, mais quand même.
– Je ne vois pas quel autre secret intéressant tu pourrais avoir.
– Je suis marié.
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