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tome 1, Chapitre 6 tome 1, Chapitre 6

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Danse, harmonie, cacophonie, symphonie.

Les prises se succédaient rapidement sous ses doigts, les unes après les autres.

Rien de vraiment concret.

Chacun de ses mouvements était précis et calculé même si la tension était palpable dans chacun de ses muscles.

Que des élucubrations de vieux clerc en manque d'attention.

Une rage inhabituelle bouillonnait au fond de son âme. Rage qu'elle essayait de canaliser dans de l'exercice physique sur un aplomb délicat

Qui se permet d'entrer dans mon esprit.

Elle prit appuie sur les faibles prises qu'elle avait trouvé et sauta dans un cri de fureur pour en attraper une autre qui lui offrira plus de stabilité.

Sans y avoir été invité.

La distance qui menait au plateau s'amenuisait alors qu'elle évoluait sur la paroi rocheuse.

Et sans prévenir.

Elle se hissa avec l'énergie qu'il lui restait pour s'asseoir sur le bord de la falaise et contempler le vaste horizon qui s'offrait à elle. Elle étira consciencieusement ses doigts encore crispés par la longue escalade pendant qu'elle essayait de reprendre fastidieusement son souffle.

Qu'il aille se faire foutre !

Ces efforts physiques intenses avaient eu l'avantage de la calmer, même si ça risquait de ne pas durer longtemps.

Les îlots se mouvaient dans les airs de façon irrégulière, certains ayant pris le large depuis plusieurs jours pour être remplacés par de nouveaux. Très peu d'entre eux avaient été amarrés. Les quelques à l'être étaient habités par des populations trop lointaines pour être visibles depuis les hauteurs d'Eysul.

* * *

Le clerc était chez Hayjie depuis plus d'une heure quand il commença à la fixer du regard sans bouger ne serait-ce qu'un cil. Un malaise palpable s'installa dans le petit salon aux décorations sobres et naturelles initiées par sa mère. Les meubles étaient en bois clair et les quelques coussins entreposés dessus avaient été réalisés dans un lin écru. La table basse, le buffet et les meubles de salle à manger étaient conçus ou tressés dans le même bois.

- Tout va bien ?

Le religieux ne répondit pas, concentré sur une tâche qui lui était obscure jusqu'à ce qu'une présence inconnue se fit sentir dans son esprit. Une présence totalement différente de celles qu'elle avait eue jusqu'à présent.

- Qu'est-ce que vous faites ?

L'absence de réponse la mit sur la défensive, jusqu'à lui bloquer l'accès à ses souvenirs personnels, mais ce n'était pas suffisant. Cette présence était forcément humaine, se trouvait dans la même pièce qu'elle et ne pouvait être Sian, celle-ci n'étant jamais parvenue à ce genre de pratique.

- Sortez immédiatement !

Le ton qu'elle avait employé était tranchant, menaçant et aucunement hésitant, mais cela n'arrêta pas le parasite qui persistait à vouloir faire tomber les murs qu'elle s'était bâti contre lui.

La réponse ne se fit pas attendre plus longtemps. Elle attaqua à son tour jusqu'à le faire plier. L'expression de l'homme passa par plusieurs étapes, quittant l'assurance dont il faisait preuve pour passer par l'incompréhension, l'étonnement, pour enfin finir par la souffrance. C'est la voix de Siannlie qui l'interpella.

- Hayjie ! Arrête !

L'intéressée n'attendit pas plus longtemps pour lâcher son emprise sur le clerc à genoux devant elle, s'en voulant d'avoir perdu le contrôle d'une façon aussi stupide.

Elle ne s'attarda pas davantage dans cette maison, encore sur les nerfs. Aucun remord n'était visible sur son visage ou dans son âme. Du moins pour l'instant.

* * *

L'astre descendait lentement dans le ciel, changeant les couleurs des reflets sur l'océan.

L'air frais que rendait possible la hauteur de la falaise vint caresser son visage aux yeux fermés. Le chant des vagues parvenait à atteindre ses oreilles malgré le vacarme ambiant où se disputaient les oiseaux dans d'innombrables piaillements.

* * *

Odona, malgré ses souhaits de la réprimander sur ses agissements envers le clerc, préféra garder le silence pour écouter la mélodie de son vaste royaume aux récifs colorés, à la faune luxuriante, aux vestiges d'un passé oublié, au silence particulier qui y règne, et à tant d'autres choses merveilleuses à ses yeux.

Sa seule notion du temps se résumait à ses visites à Astalie, Chandra et Hayjie. Entrer en contact avec les autres Gardiens était trop dangereux pour leur sécurité.

- Odona ?

- Je t'écoute, Hayjie.

- Je sais que tu as eu connaissance de ce que j'ai fait. Je sens ta déception.

- Je le suis. Prends cela comme un simple avertissement.

- J'ai peut-être été un peu trop violente...

- Un peu ? Trouve-toi chanceuse que Chandra et Astalie ne s'en soient pas rendu compte.

- Ce sont des astres... Ils ne peuvent pas s'en rendre compte. Tout va bien ?

Il y avait eu un problème. Elle ne savait pas où, elle ne savait pas qui, mais il se passait quelque chose de néfaste dans l'océan et se répercutait directement sur son énergie vitale.

- Au revoir, Hayjie.

Elle coupa le lien qu'elle avait créé pour tenter de se concentrer sur les évènements qui venaient de se produire dans son royaume, mais comme toujours, la vision était trouble et seuls les sons étaient assez distincts pour témoigner de la catastrophe qui avait lieu.

- Octale ?

- Odona !

Son cri de détresse la glaça, mais elle ne pouvait rien faire pour l'aider dans l'instant. Du moins, là où elle se trouvait actuellement.

- Je vais prévenir Astalie et Chandra.

- Les attaques se multiplient ici, on a besoin d'aide, où est-ce que tu es ?

- Je ne sais pas. Je dois couper, essaie de résister jusqu'à l'arrivée des soeurs.

- Ne nous laisse pas !

L'abandonner n'avait pas été un choix facile, mais elle ne pouvait rien pour lui dans l'immédiat et garder la communication risquait d'épuiser ce qu'il lui restait de forces pour lui apporter l'aide dont il a besoin.

* * *

- Hey. Tu parles toute seule maintenant ?

Siannlie venait de s'asseoir à côté d'elle, mais elle ne détourna pas son regard du paysage pour la regarder.

- Ça m'arrive.

- Le clerc ne compte pas t'en tenir rigueur.

- Et ? Il était en tort. Tout ce dont je peux me sentir coupable, c'est d'avoir répondu plus violemment que ce que j'aurai dû.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Après toutes ses élucubrations, il a essayé d'entrer dans mon esprit sans prévenir.

- Je vois. Il méritait de souffrir un peu, finalement.

- Tu te diabolises ces derniers temps, c'est plutôt drôle.

- Je sais être juste, c'est différent. Il n'avait pas à agir de cette façon. Tu crois qu'il y a fais sur moi également ?

- Non, il n'y en avait aucun signe. T'as envie de faire quelque chose de dingue ?

- Comment ça ?

- Viens.

Hayjie se leva et aida son amie à s'éloigner en sécurité du précipice avant de l'attirer sur le bord opposé qui donnait directement sur l'océan. La hauteur était beaucoup moins impressionnante de ce côté-là même si elle restait dangereuse si on s'y prenait mal à la réception.

- Qu'est-ce que tu veux faire ?

- Sauter.

- Sauter ?! Mais tu es dingue !

- Vu le nombre de fois où tu me l'as répété, je pensais que tu t'en serais déjà rendu compte.

- Tu l'as déjà fait au moins ?

Elle retira ses sandales et sa tunique qu'elle plia près du grand arbre aux feuilles bleues pour se retrouver en chemisier et en pantalon de toile.

- Trois fois. Jambes collées, bras serrés le long du corps, tête rentrée dans les épaules, et bien sûr, les pieds en premier.

- Et ce n'est pas dangereux ?

- Un peu, mais en suivant les instructions, ça devrait aller.

- Un peu ?!

Elle haussa simplement les épaules en souriant pendant qu'elle reculait davantage vers le précipice.

- Hayjie !

Elle venait de sauter dans le vide, prenant le peu d'élan qu'il lui restait pour s'éloigner au maximum de la paroi de la falaise. La chute fut courte et l'impact, rude, mais les sensations que cela procurait dépassaient de loin les désagréments que cela causait.

Siannlie scrutait les vagues à la recherche d'un signe de vie de son amie. Plus les secondes passaient, plus l'inquiétude la gagnait.

Après son heurt avec la surface de l'eau, elle prit le temps de recouvrer ses esprits avant de remonter à la surface. Juste à temps pour voir Sian sauter.

* * *

De sinistres créatures venaient de naître des bas-fonds contaminés de l'océan. Des émanations nauséabondes et noires suintant de leur peau polluaient l'eau à leur passage. Cette contamination ne laissait apparaître que leurs yeux jaunes aux pupilles verticales et leurs dents aiguisées qui les menaçaient.

Octale poussait les animaux sous sa protection dans différentes directions, sans savoir qu'il était en réalité la cible principale de cette attaque.

Si Odona ne pouvait rien pour eux, il lui fallait trouver une solution rapidement.

- C'est Chandra. Trouve un miroir. Nous serons derrière pour te tirer de ce faux pas.

- Et pour les autres ?

- C'est toi qu'ils veulent.

* * *

- Tu es folle de me faire peur comme ça ! Et lâche-moi aussi, je sais encore nager.

Elle se libéra d'Hayjie, qui était venue la remonter à la surface après son plongeon inattendu, pour retrouver la terre ferme qui se trouvait à quelques centaines de mètres de leur position.

- Il n'y avait pas de quoi avoir peur.

- Tu ne remontais pas, il aurait pu se passer n'importe quoi !

- Je ne voulais pas t'inquiéter.

Sian dégagea son visage de ses cheveux sauvages quand elle pu enfin avoir pied.

- Et à cause de tes conneries, j'ai de l'eau dans les oreilles.

- Je suis désolée.

Elle s'était retournée pour faire face à Hayjie qui ne semblait pas se rendre compte que ses agissements l'angoissaient un peu plus à chaque nouvelle originalité dans ses activités.

Au-delà du fait qu'elle semblait énervée, des larmes qu'elle tentait de camoufler coulaient le long de ses joues.

- Tu l'es toujours mais tu ne fais rien pour arranger les choses ! Plein de gens t'aiment et tu ne fais rien pour leur faciliter la vie !

- Je ne voulais pas que ça se passe comme ça.

- Qu'est-ce que tu cherches dans ce cas ?! Pourquoi tu t'amuses à prendre tous ces risques insensés ?!

- Je ne sais pas... Je me sens hors du temps... Je ne sais pas comment expliquer...

- Tu veux qu'on en parle ?

Son ton s'était rasséréné en voyant la détresse de son amie qui ne lui répondit que d'un hochement de tête affirmatif. Elle prit ses mains et la conduisit jusque sur la plage pour être dans un environnement plus favorable à la discussion.


Texte publié par Adrielle, 28 mai 2018 à 00h17
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