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Altitude des Songes Tome 1-La voie de l'espoir
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tome 1, Chapitre 12 « 12-LE CONSEIL DES MAITRES » tome 1, Chapitre 12

Nous arrivions au sommet de la tour, mon ami était complètement à bout de souffle. Il s'agissait d'un effet combiné de la guérison miraculeuse de sa blessure, des duels dans la cour et de la longue séance dans les thermes. J'étais monté dans cette tour la veille, je frappai à la porte, un compagnon vint nous ouvrir. Nous rentrions dans la grande pièce circulaire.

- Mes chers Compagnons, il est temps pour vous d'aller à votre cour d'archerie, dit le Maître Prescia.

Je repérai Douce dans un coin de la pièce installé paisiblement sur des coussins les jambes croisées. Elle avait les mains ouvertes vers le plafond, la droite dans la paume gauche, ses yeux étaient complètement fermés, son visage était dans un état de détente ultime. Les compagnons rangèrent leurs tablettes et leurs coussins dans une grande armoire ainsi que leurs cahiers. Rien n'était laissée au hasard, toute leur journée était organisée et articulée dans un seul but, un apprentissage sans aucune source de distraction, tels que les bavardages entre élèves ou récréation.

- C'est exactement le but Prince Hassor, nous ne croyons pas qu'à terme le jeu et l'apprentissage ne fassent bon ménage. Cela peut paraître brutal, mais personne n'est obligé de rester, dit la vieille dame à mon intention.

- Que se passe-t-il si cela se produisait ?

- Nous apprenons ici que tous les choix que nous faisons ont des conséquences et que seuls les plus déterminés méritent notre enseignement.

Je me doutais que cette dernière remarque était adressée à mon compagnon Halkens qui comprit que le sous-entendu lui était destiné. Douce était toujours immobile, ne devait-elle pas nous enseigner la méditation ?

- Elle se prépare pour son épreuve de ce soir, j'ai accepté de vous initier aux premières techniques de méditation, répondit le maître Prescia à ma question silencieuse.

- Cela fait longtemps qu'elle est dans cette position, demande Halkens.

- Depuis que vous êtes entré dans les thermes.

- Mais à quoi cela lui sert-elle de rester aussi immobile qu'une statue ?

- Si tu ne le sais pas, ce n'est surement pas à moi de te le révéler.

- Pourquoi suis-je devenu aussi faible, je suppose que c'est aussi un secret ?

Je sentais mon ami agacé, mais je ne pouvais pas lui jeter la pierre. Il était un homme fort se retrouvant enfermé dans un corps faible. Après un mois coincé au lit, il aurait accepté sa faiblesse, mais elle ne nous avait pas expliqué en quoi consistait ce cadeau qu'elle lui avait offert en récompense.

Le maître Prescia se releva et nous fit signe de nous installer sur les coussins qu'elle disposait au centre de la pièce. Je fis le premier pas pour m'installer, Halkens m'emboita le pas et se laissa tomber lourdement sur le coussin, elle posa très lentement un genou à terre devant mon ami

- Peux-tu me montrer ta blessure ?

Son âge lui conférait une aura qui exigeait une obéissance immédiate.

- On voit à peine l'emplacement de la blessure, la flèche t'avait traversé de part en part te déchirant au moins deux muscles, tu devais beaucoup saigner. Sache que je n'ai aucune compétence dans l'art des soins, je ne sais pas si tu aurais survécu sans l’intervention de Douce. Je pense que j'aurais cassé la flèche et aurais tiré la pointe par le devant. Au préalable j'aurais chauffé à blanc mon poignard pour cautériser la blessure, la chaleur t'aurait fait atrocement souffrir, je parle d'expérience. Une fois évanoui, j'aurais profité pour faire un grand bandage qui aurait protège la plaie de toute infection. Peut-être après avoir gardé le lit pendant deux mois, je dis bien « peut-être », tu aurais pu commencer à te lever et marcher quelques pas avant de te rallonger, le chevalier que tu vois là est mon élève la plus douée. Elle se releva avec beaucoup de précautions et mit sa main à plat au-dessus de ses hanches, à l'âge de onze ans, pas plus haute que ça, elle transperça la défense du Maître d'armes. À quinze, elle fut prise au piège dans le royaume Neustrasi avec son maître qui est mort au cours de cette mission. Elle a permis à six soldats de remmener quarante Lanthians sains et saufs dans leur foyer et cela fait vingt ans qu'elle prépare la venue de ton Prince, loin des siens. Elle a étendu sa toile d'espions, d'indics et tout autre moyen qui vous permettra de regagner votre chez vous en vie et vous occupez sa chambre. Elle passe toutes ses nuits dans les thermes réservés aux femmes.

Elle nous avait assommés par son argumentaire. Je lisais dans le regard d’Halkens un début de compréhension. En matière de sacrifice, il nous faudrait toute une vie et sans aucune garantie d'arriver un jour à un tel niveau d'engagement et de foi. Le maître Prescia venait de s'installer en face de nous

- Bien je pense que nous pouvons commencer cette petite initiation. Mettez-vous dans la même position que moi puis fermez les yeux. Je vais diriger la méditation, tout d'abord vous allez visualiser dans votre esprit les muscles du front et les détendre puis les muscles de la mâchoire, du cou puis des épaules, des bras, du dos, du ventre et des jambes.

Elle marque une pause et nous laissa seuls dans nos esprits. Je répétai le balayage des muscles, je me concentrai pour y dissiper toute trace de tension. Je reconnectais facilement à l'état d'esprit que j'avais dans les thermes.

- Maintenant que vous êtes bien détendu, vous allez diriger votre concentration sur votre respiration sans essayer de la contrôler, je veux juste que vous observiez l'air chaud qui sort au niveau de vos narines et la sensation de l'air frais quand l'air pénètre dans votre corps.

Je me concentrai sur ma respiration, mais il n'était pas évident de se concentrer sur quelque chose d’aussi abstrait que le souffle. Je perdais la notion de temps, mes pensées sautaient d'une idée à une autre idée.

- Si vous perdez l'objet de votre méditation ramenée lentement mais avec fermeté votre esprit sur votre respiration. Les pensées sont comme des bulles d'air qui cherchent à remonter à la surface de l'eau, si votre esprit s’accroche à une pensée, il faut lâcher prise et les laissés remontés à la surface de votre âme.

À plusieurs reprises, je constatai que mon esprit malgré moi s'accrochait à des idées qui n'étaient pas l'objet de la méditation du jour. Je ne m’apercevais pas immédiatement de mon erreur, j’essayai de le ramener lentement vers ma respiration.

- Graduellement, vous allez sortir de cet état de méditation.

Quand j'ouvris les yeux, le Maitre Prescia nous donna à chacun une tasse de thé fumante. Elle revint avec des tablettes qu'elle installa devant nous avec des gâteaux secs.

- Ce sont des gâteaux que je fais moi-même, je n'ai pas la réputation d'être une bonne cuisinière, mais leur côté nutritif et revigorant est incontestable.

À la première bouchée, sa remarque prit tout son sens. Ils avaient la consistance d'un quatre quart fortement aromatisé d'une épice très forte ressemblant à du gingembre. J'essayai d'en diluer le goût avec une gorgée de thé qui donna un véritable coup de fouet dans mon corps.

- Merci Maitre ça nourri, dis-je d'un sourire entendu.

- Merci Maitre, répéta avec hésitation Halkens.

Cela était nouveau pour lui, j'avais eu presque quatre jours de plus pour m'habituer à tous ses changements.

- Bien les enfants, vous savez depuis quand existe notre royaume ?

D'un hochement coordonné, nous lui signifions notre ignorance.

- Mille quatre-vingt et un à la fin de cette année. Je suis née trois cent quarante-neuf ans (8) après l'unification des vingt et un clans sous le règne du Roi Harmonie. Mon Maître devint notre second Roi, notre arbre généalogique a des branches extrêmement longues.

Elle avait plus de sept cents ans, une question s'empara de moi

- Peut-elle vivre aussi longtemps que vous Maitre ?

- Si personne ne la tue, elle pourrait même vivre plus longtemps. Je vous donne mon âge pour que vous compreniez une chose primordiale, nous ne pouvons rallonger la vie de nos corps que si l’esprit est correctement préparé. Bien dormir est un de nos entraînements de l’esprit.

Elle nous regarda tour à tour.

- Cela vaut aussi pour toi mon enfant, si tu n'arrives pas à contrôler ta colère, elle te consumera ton âme ainsi que ton corps. Ce soir, Douce vous conduira au conseil des Maitres.

- Rencontrerais-je votre Roi ce soir ? Demandai-je.

- Seuls les Maitres du conseil restreint sont habilités à le rencontrer, laissez le temps devenir votre allié. Après le diner revenez ici et attendez dans la cour.

En regagnant la chambre de Douce, je constatai qu’Halkens semblait apaisé par cette initiation à la méditation. Nous faisions un crochet par les cuisines, un commis nous remis un plateau préparé à notre intention, selon les ordres donnaient par Douce. Une fois installés à table, nous soulevions le torchon et commencions par la tourte qui était encore tiède, en quelques minutes, nous avions mangé le plat, le fromage et la succulente pâtisserie. Avec le broc d'eau, nous faisions une rapide toilette, puis nous fîmes le trajet en sens inverse. La journée était passée à une vitesse folle.

En pénétrant dans la cour, nous découvrions le Chevalier Douce de trois quarts dos en armure complète. Elle portait un bouclier sur le bras gauche en forme d'amphore échancrée sur les deux côtés de taille moyenne permettant une utilisation polyvalente. Je n'avais pas besoin de le toucher pour savoir qu'il était en acier Lanthian. Ses épaules étaient recouvertes d’une cape bleue azur avec l'emblème Lanthian en noir, cerclé de fil d'or. Une épée courte à la taille, je discernai une grande dague dans le bouclier. Elle fit demi-tour pour nous faire face, son grand sabre était accroché désormais dans son dos pour ne pas gêner l'utilisation du bouclier. Elle avait replacé les trois fleurs de lys sur le haut de l'écharpe de cuir. Ses cheveux étaient attachés en trois nattes sur l'arrière de sa tête, deux petites tresses partaient du sommet de son front jusqu'à l'arrière formant une couronne d’or.

Sous son uniforme flambant neuf, elle avait endossé une fine cotte de mailles. Elle tenait sous son bras droit un heaume finement ouvragé, son aspect solennel lui donnait un air beaucoup plus mûr, même l'expression sur son visage était plus sérieuse. Je ne voyais plus l'aspect de la jeune fille qui nous avait induits en erreur sur son expérience.

- Tu es magnifique dans cet uniforme. Je te souhaite bonne chance pour ton épreuve. Dis-je en essayant de rattraper les mots qui étaient sortis par mégarde de ma bouche.

L'espace d'un instant je revis son sourire qu'elle réprima aussitôt.

- Vous êtes un beau parleur Prince Alexie Villyann Hassor.

- Même si mes mots sont déplacés Chevalier Douce, ils sont le reflet exact de ce que je pense, dis-je en me rebiffant.

- Je voulais juste t'offrir la possibilité de te rétracter et d'éviter cette conversation gênante.

Elle regardait Halkens qui essayait de se faire aussi petit qu'une souris, sa beauté m'avait subjugué à un tel point que j'en avais oublié Halkens à mes côtés.

- Je préfère passer pour un imbécile plutôt que pour un menteur.

Elle se rapprocha de moi en approchant sa bouche de mon oreille. Je sentais son odeur, j'entendais sa respiration tellement elle était proche de moi. Mon cœur s'accélérait, mes mains transpiraient.

- Merci pour le compliment, il me va droit au cœur. Je sais qui tu es et qui tu seras. J'ai hâte de revoir tes cheveux à une longueur normale qui rendra à ton visage la grandeur que je vois dans ton cœur. Maintenant, je dois me concentrer, cette soirée est très importante. Je crois que tu le comprends aussi.

Je ne pouvais pas réfléchir en étant aussi proche d'elle, heureusement qu'elle en était capable et en quelques pas je fus capable de repenser à notre peuple.

- Suivez-moi maintenant, nous dit-elle.

Je remarquai qu'Halkens avait effectué discrètement un repli stratégique pour se mettre hors de portée de mon regard. Je n'avais pas envie de m'en justifier devant lui, je n'avais jamais pensé qu'un jour, je pourrais la posséder. Je n'avais jamais même osé rêver que cela pouvait être réciproque. Elle ne m’avait pas éconduit, elle croyait en moi plus fort que moi-même.

De toutes mes forces, J'essayai de faire rentrer dans un coffre trop petit tout le désir et l'amour que j'éprouvais pour elle. L'idée me vint de faire comme avec mes vêtements, je pliais soigneusement chaque pensée pour qu'elles occupent moins d’espace.

Nous descendions dans les souterrains sous l'immense forteresse, nous arpentions un gigantesque labyrinthe. Seule la petite torche de Douce perçait l'obscurité, je ne pourrais jamais retrouver le chemin seul. À l'allure où nous avancions, il était impossible de retenir tous les changements de direction. Tous les murs se ressemblaient, des fausses portes décoraient aussi cet enchaînement de couloir. L’objectif était identique à celui du mur d'enceinte extérieur.

Je discernai une forte source de lumière au bout du couloir, deux Chevaliers également en armure gardaient une porte lourdement renforcée. Deux grandes torches brulaient juste derrière eux, celui de droite était une grande femme aux cheveux blonds coupés très courts et à la musculature très développée. Elle ne portait qu'une fleur de lys au sommet de son écharpe, l'autre était un homme plus petit et plus mince avec des cheveux noirs. Son visage était très fin. Il avait un regard moins dur mais il portait deux fleurs de lys en argent.

- Bonsoir Chevalier Adroit, Chevalier Vaillante je suis très heureuse de vous voir ici, dit Douce en se jetant dans les bras de la grande blonde.

Elle la surplombait d'une tête et demie, son bras gauche se referma dans une étreinte très fraternelle. Le regard du Chevalier Vaillante jusque-là si dur s'humidifia, une larme coula de son œil gauche et roula sur sa joue avant qu'elle ne cache son visage dans l'épaule de Douce.

- Bonsoir Chevalier Douce, nous sommes très fiers de toi. Tu es notre exemple, va leur montrer ce que nous savons déjà, dit-elle en la repoussant sans le moindre effort,

- Merci grande sœur, répondit Douce.

Douce s'avança à son tour vers l'autre chevalier. J'avais la forte conviction qu'elle les connaissait personnellement depuis très longtemps, même si je ne voyais pas son visage, je savais que des larmes roulaient sur ses joues. Je luttais pour retenir cette émotion qui ébréchait le mur de mon contrôle. Il s’agissait d’un moment important pour nos peuples et pour Douce. D'un geste rapide de la main, je m'essuyais les yeux et tendais mon bras vers Halkens. Il devait respecter leur intimité. Le chevalier Adroit lui tendit la main que saisit Douce, son autre main vint se poser délicatement sur sa tête en signe d'affection

- Ne les fait pas attendre, tu as rendez-vous avec ton destin.

Il lui lâcha la main pour lui ouvrir la porte qui était semblable à toutes les autres, je lui emboitais le pas et pénétrais dans une pièce en forme d'hémicycle sur quatre niveaux.

- Garde Halkens du Royaume de Vituri, vous ne pouvez assister à la première session, dit le Chevalier Adroit.

Je me retournai et lui fis signe d'obéir sans discuter. La porte se referma derrière moi, Douce me montra une chaise et me fit signe de m'y assoir. Je ne voyais correctement que les maitres du premier rang, ma vision commençait à s'acclimater à cette faible luminosité sans pouvoir discerner les visages. Je comptai quarante-trois personnes sur les gradins, La pièce n'était éclairée que par de petites lucarnes sur les côtés de l'hémicycle et cinq petites torches accrochées au mur.

Je ramenai mon regard sur les maîtres du premier rang. Ils étaient au nombre de huit, chacun portant trois étoiles d’or au sommet de leur écharpe. À l'extrémité gauche deux hommes dont un très grand et très massif portaient le même uniforme noir avec des remparts blancs au niveau de la poitrine, j'avais remarqué le même dessin sur les boucliers des trois chevaliers.

Deux femmes étaient enveloppées dans un uniforme blanc avec une grande coupe noire sur la poitrine, la femme la plus à droite paraissait la plus âgé des huit. À sa gauche un homme était habillé d’un uniforme bicolore. Une bande verticale noire à droite et blanche à gauche coupait le vêtement en deux parties égales. Sur la partie supérieure était dessiné un œil blanc et noir à cheval sur les deux rayures. Sous les pectoraux un trait noir et blanc délimitait un rempart et sur son ventre se trouvait une coupe noire et blanche. Maitre Prescia était drapé d’une toge noire avec un œil blanc au niveau de la poitrine, comme les deux hommes à ses côtés. Tous étaient armés à l’exception des deux femmes en blanc. Douce continua d'avancer puis posa le genou gauche à terre.

- Chevalier Douce aux rapports, dit-elle.

- Maitre Prescia, je vous prie de commencer, dit l’homme à l’uniforme bicolore au centre de l'assemblée.

- Le Chevalier Douce a commencé sa formation, il y a trente-six ans. Avec son maître le Chevalier Clarté, elles ont permis à six soldats et quarante Lanthians de rentrer sain et sauf au pays. Le Chevalier a perdu la vie au cours de cet acte de bravoure, depuis ce jour nos frontières sont fermées. Ses missions et sa connaissance du terrain nous ont permis de laisser ouvert un canal de communication avec le royaume de Vituri par le biais du Prince Alexie Villyann Hassor ici présent. Maître Synergie je vous laisse continuer.

Maitre Prescia se rassit alors que l'homme au centre qui semblait présidait le conseil se releva.

- Prince Hassor ces faits sont portés à votre connaissance mais aussi à tous les Maitres se trouvant derrière moi.

Je gardais le silence, mon regard était concentré sur Douce.

- Chevalier Douce, je n'ai pas jugé utile de tester vos capacités à l'arc ni celle dans la voie de l'esprit. Le Maitre Prescia ainsi que moi-même, avons constaté que votre niveau dans ces domaines à lui seul justifierait le rang de Maitre. Votre manque de présence à la capitale et votre obstination à ne pas prendre d'élève vous a interdit le rang de Maitre jusqu’à présent, j'ai convoqué cette assemblée pour remédier à ce petit problème. Je sentais presque sa honte, si elle avait été encore une enfant, elle serait partie se cacher sous une pierre. Malgré sa position, elle endurait les remontrances, le regard braquait sur l’hémicycle, elle acceptait les mots du Maitre Synergie. Je ne sentais aucune colère dans ses paroles, il se contentait d'énoncer des faits

- Maitre Protection, je vous prie de poursuivre.

Le vieil homme avec le rempart sur la poitrine se leva.

- Nous sommes ici pour évaluer vos capacités à devenir Maitre malgré votre jeune âge. Vous devrez nous convaincre. Pourquoi vous n'avez vous pas pris en charge la formation d'un Acolyte ? Lui demanda-t-il sur un ton très autoritaire ;

Il n’était pas d’accord avec le Maitre Synergie, elle devait faire ses preuves.

- Là où j'étais et là où j'allais, il était trop risqué d’entamer la formation d'un élève.

- En tant que Maitre vous ne pourrez plus, vous en dispensez. Vous devez transmettre ce que vous avez appris, poursuivit-il.

Douce releva rapidement la tête en signe d'acceptation.

- Dans ses derniers rapports le Chevalier Clarté ne tarissait pas d'éloges à votre sujet. Je me souviens des mots précis, "elle a développé sa propre technique", j'aimerais beaucoup la voir de mes propres yeux. Maitre Rude, je vous prie de bien vouloir descendre, dit-il en se tournant vers les gradins.

Je distinguai une masse se lever et se diriger vers les escaliers, une véritable montagne de muscle descendait de l'hémicycle. Je lisais une forte détermination et une grande concentration dans son regard et son attitude, Douce se releva et fit demi-tour et vint vers moi. Je ne la quittai pas des yeux, il avait un bouclier aux mêmes formes que celui de Douce, le sien était juste taillé à sa dimension.

- Garde ça pour moi et n'ait pas peur, me murmura-t-elle.

Je ne détectai aucune trace d’appréhension dans son regard, elle croyait en ces mots, sa démarche ne trahissait aucune peur. L'objet qu'elle venait de me laisser était son sabre long dans son fourreau, elle mit son casque et abaissa sa visière. Elle sortit son glaive et se plaça face au géant. Ils posèrent leur lame l’une contre l’autre.

- IdamGourouNiritayamai, dit-elle.

- IdamGourouNiritayamai, lui répliqua le maître Rude.

Le combat commença sans autre forme de procès, il chargea avec son grand bouclier en avant et donne un premier coup rapide avec. Il visait son bouclier, mais elle évita de justesse d'un pas de côté sur la gauche. Le glaive du maitre jaillit simultanément droit vers son cœur, elle dévia sa lame d'un coup oblique droit et haut. Il rétracta rapidement son bras pour assener un coup avec le tranchant de son bouclier, elle continuait d’esquiver en reculant.

Il était plus rapide qu’elle, une bouffée d’angoisse montait en moi. Leurs armes n’étaient pas émoussées, il pouvait gravement la blessée. Elle n'arrivait pas à riposter, j'avais le souvenir du combat de la matinée, elle était pourtant très forte. Je voyais clairement la différence de niveau entre un Chevalier et un Maitre.

Elle ne pouvait bloquer aucun coup de bouclier, l'impact la renverserait à coup sûr. La différence de poids et de taille était abyssale, elle était contrainte à reculer. Une fois acculée contre le mur, le combat se finirait très vite, il continuait dans sa tactique, un coup de bouclier suivit d'une attaque-éclair en fente. L'enchaînement ne laissait aucune fenêtre pour riposter.

Au bout de huit enchainements, elle se retrouva le dos collé au mur. Elle échappa au bouclier d’un bond de côté, puis elle prit appui sur le mur pour faire une roulade en avant, elle passa in extremis sous sa lame. Pendant une fraction de seconde les adversaires se retrouvèrent dos à dos, mais il ne fut pas surpris.

Il rétracta son bras droit tout en faisant basculer son épée dans sa main. La pointe de son arme se dirigea droit sur sa poitrine, elle se résolut à présenter son bouclier en opposition, l’attaque puissante d’estoc la repoussa vers l’arrière.

Elle était déséquilibrée et n’avait plus le temps pour esquiver, le bouclier du maître vint s’écraser sur le sien. Le choc fut extrêmement violent, le bruit du métal me glaça le sang, elle fut projetée brutalement en arrière. Elle roula sur trois mètres avant d’arrêter sa course, il chargeait déjà en préparant un coup puissant de taille vertical, elle se redressait à peine quand sa lame se leva.

Le temps sembla ralentir, je voyais lentement le tranchant de son arme descendre sur Douce. Soudain elle bondit d’un saut rapide et puissant vers son adversaire en levant en un éclair son bouclier qui s'écrasa sur sa main droite. Le glaive du Maitre s’envola et retomba sur le sol, pendant que la lame de Douce se plaçait sous sa gorge. Gracieusement, elle rengaina son épée et releva sa visière, elle posa son bouclier à terre, le maitre était debout, je lisais une incompréhension totale sur son visage. Je l'avais pensé plus rapide qu'elle et hors de portée de son bouclier. Elle saisit la main en sang de son adversaire, je vis la doyenne se lever et se rapprocher des deux combattants. Elle se mouvait avec beaucoup de grâce malgré son grand âge, j’avais appris depuis peu à ne plus me fier aux apparences. Je remarquai qu’elle ne portait aucune arme à sa taille. Personne ne lui emboitait le pas, elle vint se placer entre Douce et le maitre Rude. Elle lâcha enfin ses mains, le sang avait disparu, il fit bouger ses doigts et se baissa pour ramasser et rengainer son épée.

- Merci beaucoup Maitre Douce, dit-il en la regardant droit dans les yeux..

- Merci de vous être donné à fond, Maitre Rude, lui répondit-elle.

Elle lui tendit sa main droite qu’il serra avant de reprendre sa place dans l'hémicycle. Elle revint vers moi, je me levai en faisant la moitié du chemin, je lui rendis son sabre ainsi que son fourreau et son écharpe de cuir. Je remarquai ses pupilles rouges, au moment où je croisai son regard. Le rouge se dissipât dans la couronne noire et elles reprirent leurs formes initiales.

- Tu as gagné ton rang de Maitre, félicitations, dis-je.

- Tu te trompes, j'étais déjà Maitre en rentrant dans la pièce.

Elle remit son sabre dans son dos et fit demi-tour sans me donner de plus ample explication. Elle se dirigeait vers le centre de la pièce, la vieille femme avait retrouvé sa place. Maitre Synergie vint se placer devant Douce et il se retourna pour faire face à l'assemblée.

- Si quelqu'un à la moindre chose a exprimé, je l'invite à prendre la parole immédiatement.

Le Maitre Protection se leva et fit quelques pas pour se rapprocher de Douce.

- Je ne pensais pas que tu pouvais être aussi doué que l'écrivait ta sœur, sincèrement, je pensai qu'elle exagérait. Je l'aimais beaucoup, je suis content qu'elle vive à travers toi. Relevez-vous Maitre Douce.

Soudain les épées et les boucliers des Maitres s’entrechoquèrent dans un rythme lent et régulier, ce tambourinage faisait vibrer chaque particule de mon corps, j’étais fier d’être là. La fréquence augmenta et gagna en puissance, je voyais le maitre Protection monter les escaliers, il leva la main et le son s’arrêta net.

Il rompit le silence d’un long et puissant bramement. Quand il s’interrompit, tous les Maitres poussèrent le même cri accompagné de coup sur leur bouclier, je voyais le Maitre Protection arpenter les marches du premier niveau. Il reprit la direction en poussant un cri de guerre dans une langue qui m’était inconnue. L’assemblée le relaya en répétant le même chant, l’hémicycle se transforma en chœur de guerrier. Ils chantaient en canon, le maitre donnait le rythme. Graduellement la sérénade s’estompa, maitre Prescia prit un grand sac derrière elle et s'approcha.

- Maitre Douce, veuillez ôter cet uniforme, luit dit-elle

Elle enleva son casque et le posa au sol. Elle continua avec son écharpe, sa cape, ses pièces d'armure, ses bottes et son uniforme. Il ne lui restait que sa cotte de mailles qui pendait jusqu'à mi-cuisse. Maitre Prescia lui tendit un pantalon noir et blanc, ainsi qu'une tenue qui se révéla être la même que celle du Maitre Synergie. Une fois recouverts de ses nouvelles couleurs, tous les Maitres descendirent des gradins en file indienne. Ils vinrent se présenter et la féliciter. Ils quittèrent tous la salle du conseil par une sortie que je n'avais pas repérée sous les escaliers. Les huit Maîtres du premier rang étaient toujours là.

- Vous pouvez aller chercher le Garde Halkens, dit le maître Prescia.

Lorsque je revenais avec mon ami, les maîtres avaient repris leur place. Douce se tenait dans son tout nouvel uniforme. Je remarquai le regard interrogateur de Halkens, je lui expliquerais plus tard ce qui s'était déroulé. Je n'avais vu aucun Maitre avec les mêmes couleurs que celle de Douce mise à part le maître Synergie.

- Bienvenue amis du Royaume de Vituri. Nous vous écoutons, dit la femme qui semblait être la plus âgée.

J’étais pris au dépourvu, je me levai et rejoignis aussitôt Douce.

- Je suis envoyé ici pour négocier une alliance avec votre peuple. Nous ne voulons pas que tout le continent tombe sous le contrôle du Roi Kama Mitaya Raijin

- Cela fait près de trente ans que nous sommes informés de ce plan. La motivation de notre adversaire nous est également connue, nous nous préparons à cette guerre qui semble inévitable. Notre ennemi est fort et il possède beaucoup de soldats, me répondit la vieille dame.

Je venais d'assister à un duel de maitre.

- Votre peuple est le plus sage du continent et vous possédez de très fort guerrier, continuai-je.

Mon regard se posa sur Douce.

- Oui, nous sommes fort mais peu nombreux, hélas. Il s'agit de la résultante de notre choix de vie, en trente années, ils ont multiplié leur population par trois alors que la croissance démographique de notre peuple est quasiment nulle. Si la solution existe, elle n'est pas dans l'affrontement direct, poursuivit-elle avec un très posé.

- J'en suis arrivé à la même conclusion Maitre Bonté. Il nous faut fragiliser l'union des royaumes du centre, notre peuple pourrait s’unir avec le vôtre, reprit Maitre Prescia

- Pour l'instant Maitre Douce, voici vos ordres, vous commencerez la formation de l'Acolyte Souple. Prince Hassor vous vous présenterez à mes cours de stratégie tous les matins. Je vais faire préparer notre messager le plus rapide, notre Roi attend mon rapport pour écrire son message à votre père. dit le maître Synergie avant de quitter la pièce.

Sur ses talons tous les autres le suivirent à l'exception de Maitre Prescia et de Maitre Bonté qui se placèrent simultanément devant moi.

Pour une alliance solide, il faut que chaque partie apporte quelque chose, voici ma proposition si vous êtes d'accord bien entendu. Le temps que le messager revienne, je pourrais enseigner à votre compagnon à accumuler l'énergie dans le sceau que vous a placé le Maitre Douce, dit le maître Bonté

, Douce venait de me délivrer directement dans ma tête ce message avec la légèreté d'une caresse.

- Je vois que Douce à déjà commencer à vous initier à la télépathie, dit le maître Bonté.

- Vous avez entendu ce qu'elle m'a dit, m'étonnai-je.

- Non, je le pourrais si tel était mon souhait, mais il serait très malpoli de ma part d'écouter. J'ai juste senti le message, je suis comment dire, très expérimentée.

Cela devait surement être drôle, car les trois Maitres se mirent à rire nous laissant comme deux idiots avec Halkens.

- Trêve de badinage, son ton devint tout d'un coup très autoritaire. Je compte sur toi pour lui apprendre que tous les moyens ne sont pas bons pour arriver à ses fins, reprit le maître Bonté.

Elle regardait Douce qui baissait la tête en regardant ses pieds, il s'agissait d'une réprimande faite à une gamine, j'étais presque révolté de ce ton employé à son encontre.

- N'oubliez jamais ceci les enfants, dit-elle sur un ton redevenu très léger

Les deux vieilles femmes quittèrent la salle du conseil.

- Ma sœur m'avait prévenu que le courroux de la mère de tous les Lanthians était impressionnant, dit Douce en se tournant vers nous.

- Que te reproche-t-elle ? Je ne comprends pas, dis-je.

- Je n'avais pas le droit de vous faire le don de notre magie.

- De quelle magie parles-tu ?

- Si je peux te parler dans ton esprit c'est parce qu'il existe un pont entre nos deux esprits. Il est un raccourci qui me permet de communiquer rapidement, il est aussi une porte ouverte sur notre magie. Je dois t'apprendre à ne pas l’utiliser à de mauvaise fin.

Elle nous remmena à sa chambre. Tout au long du trajet, je réfléchissais à la meilleure formulation. Arrivé aux pieds de la tour

- Douce cela me gêne beaucoup de te prendre ta chambre, je peux m'installer par terre et te laisser ton lit.

- C'est ma chambre d'enfant, je n'y ai pas passé beaucoup de temps ces dernières années. Je n'éprouve aucun attachement à cet endroit ni le besoin de le posséder.

- Que tu prennes ton lit ou pas, je dormirais par terre. Je ne pourrais m'endormir avec l'idée que tu sois obligé de passer la nuit dans les thermes.

Ne t'inquiète pas, c'est temporaire le temps de reloger les occupants de la chambre du niveau inférieur. Demain je retrouverais mon espace privé. Ce soir, je vais consulter les rapports de mon nouvel élève, sa formation commencera demain. J’aimerais en savoir plus à son sujet.

Nous regagnons sa chambre, Halkens n'enleva que ses bottes avant de se glisser sous les draps et s'enfoncer brulement dans le sommeil. J'avais une idée très précise du rêve que j'allais explorer cette nuit. J'imaginais Douce dans un univers très différent où je pourrais la posséder, une nuit, un jour entier, un mois et même une année. Je ne voyais aucun mal à pousser ce songe un peu plus, je m'endormais en me concentrant sur son magnifique visage et son regard pénétrant.


Texte publié par Lâhm, 18 juin 2018 à 22h35
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