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tome 4, Chapitre 6 tome 4, Chapitre 6

Les jours suivants, le violoniste tente de nouer des relations dans la bourgeoisie, il frappe aux portes des quartiers huppés mais on lui répond invariablement que sa présence n'est pas nécessaire et le jeune homme perd bientôt confiance. Il ne connaît personne dans la capitale et il commence à désespérer. Un soir, alors que le froid fait rage, il renonce, épuisé et frigorifié. Dans sa petite chambre, il étale le contenu de sa bourse sur le lit, il n'a plus de ressources et il devient urgent de trouver une source de revenus ou se retrouvera sans toit, le ventre vide en plein mois de décembre. La peur de souffrir du froid et de la faim le paralyse un long moment roulé en boule dans son lit mais celle-ci est plus forte que sa mélancolie.

- Jamais, jamais, je ne connaîtrai la misère ou la faim, je me le suis juré ! murmure-t'il entre ses dents dans le noir de la chambre anonyme où il a élu domicile.

Il s'est toujours étonné de sa peur viscérale de mourir de froid ou de faim depuis sa tendre enfance dans un foyer aisé mais il n' est jamais parvenu à s'en défaire. Les heures s'écoulent dans le silence et le jeune homme finit par s'endormir d'épuisement. Le lendemain matin, il s'éveille le cœur un peu plus léger et il se remet à réfléchir à son avenir. Il sait que s'il veut vivre de son art, il doit trouver une source de revenus stables mais dans l'immédiat, il ne voit pas comment il pourrait faire.

- Tu es à Versailles, dans la capitale ! Tu ne dois pas laisser passer ta chance, tu le sais. Tu n'as rien à perdre, tu ne laisses derrière toi que des souvenirs et des regrets. se gourmande-t'il en silence.

Il plie bagage et il reste un moment debout au milieu de la rue, ce n'est que lorsqu'il manque de se faire renverser par un cheval au galop qu'il se reprend. Il ne sait pas où aller et il décide de marcher au hasard. Il observe les bâtiments des quartiers bourgeois autour de lui et il sourit, il sent qu'il est enfin à sa place depuis bien longtemps, il se demande comment approcher les hautes sphères de la société et il se dit que le mieux reste encore de rencontrer des pairs, la compagnie d'autres musiciens lui manque.

- Versailles est la capitale des violonistes, tu ne vas pas me faire croire que tu ne rencontreras personne pour parler musique et peut-être te donner des informations. se dit-il en reprenant sa marche.

Lorsqu'il arrive aux abords du château où vit le roi, il reste un moment à observer l'immense demeure qui brille sous le soleil.

- Tu es face à ton destin et tu dois te battre, tu le sais. C'est ici et maintenant que tu dois être alors saisis ta chance ! se murmure-t'il, le cœur battant à tout rompre.

Confiant, le musicien se rend dans les tavernes proches de l'académie de musique et du château de Versailles où il écoute les conversations. Il tente de nouer des relations avec les musiciens de petite envergure qu'il y croise et il espère servir de remplaçant à l'occasion. Afin de ne pas perdre son temps, il travaille beaucoup en journée à composer et faire ses exercices puis le soir venu, il court les maisons bourgeoises pour proposer ses services. Au petit matin, il rentre dormir quelques heures ayant gagné de quoi vivre une journée de plus et épargner un peu.

xXxXx

Les premières lueurs enflamment le ciel et éclatent en fleurs colorées. Le jeune violoniste s'est glissé dans la foule parmi le peuple.

- Les feux d'artifices sont gratuits et ouverts à tous. Voyons si je peux nouer quelques connaissances utiles pour mon avenir. Je n'ai jamais été aussi prêt de Versailles. se dit Florentin en regardant alentour.

Il étudie les costumes et il sourit de voir toutes les classes sociales réunies pour cette soirée de fête. Il prend conscience que le spectacle ne durera que quelques minutes et il relève les yeux vers le ciel pour s'émerveiller des couleurs qui éclatent dans le ciel nocture sous les vivats et les hourras. Les dernières étincelles meurent dans le ciel et les quelques torches qui encerclent la cour d'honneur tremblent sous le vent luttant contre l'obscurité qui semble engloutir la foule qui commence déjà à se disperser. Le violoniste sait que beaucoup vont finir la soirée dans des tavernes s'enivrant pour oublier leur morne quotidien.

Florentin hésite mais il se décide à pousser la porte de la taverne. Depuis plusieurs jours, il a repéré un groupe de musiciens qui jouent jusque tard dans la nuit dans l'arrière-salle. Il les a entendu alors qu'il venait s'y réchauffer et passer le temps en lisant un livre. Comme de coutume, le musicien s'installe et il demande une bière qu'il sirote en tournant les pages de son livre qui l'ennuie. Son verre vide, il se force à se lever et la main tremblante de peur d'être une nouvelle fois rejeté, il pousse la porte de l'arrière-salle.

- Bonjour, je suis violoniste et compositeur et je me demandais si vous pouviez me conseiller ou si vous avez besoin de mes services... Je viens d'arriver dans la capitale et je n'y ai pas de connaissances.

Les trois jeunes gens le détaillent un moment du regard puis ils s'observent les uns les autres en silence. Florentin remarque leur mise soignée, il se demande s'ils ne sont pas dans des cercles proches du pouvoir.

- Bonjour, je suis Andrea Miror, je joue de la flûte et voici Gabrielle et Landry Valleiry qui jouent tous deux du luth. Nous jouons dans des soirées bourgeoises et un violon ne sera pas de trop. Pouvons-nous nous retrouver demain soir vers huit heures dans la salle du haut, on ne nous entendra pas de la salle. Vous nous jouerez quelque chose et nous verrons si nous pouvons vous joindre à notre groupe.

Le violoniste sourit, ravi de sa bonne fortune, les jeunes gens lui semblent sympathique et il espère que leur collaboration sera florissante. Epuisé, il les salue avant de rejoindre son auberge dans les rues désertes. Il sourit alors que le sommeil le prend.

Le lendemain, il attend avec impatience le moment de rejoindre les musiciens et c'est très en avance qu'il rejoint la salle qu'on lui a indiquée qui est déserte. Florentin commence à jouer pour tester l'accoustique du lieu et il oublie bientôt où il se trouve, il joue un air bien connu et il se laisse aller à fredonner doucement les paroles de la berceuse mélancolique qu'il trouve parfaite pour un jour d'hiver.

Quelques minutes plus tard, le jeune homme se retourne et il pique un fard en se retrouvant face à une inconnue qui se met à rire. Florentin rougit plus violemment quand il comprend qu'il vient d'être surpris en train de chanter à tue-tête et à pleine voix une berceuse pour enfants.

- Je suis désolé, je me croyais seul, je... me suis laissé emporter.

- Je vois cela, je suis Aisling Side mais on m'appelle mademoiselle Side, je suis chanteuse et mes amis m'ont parlé de vous, ils ne sauraient tarder.

- Vous avez francisé votre nom de famille anglais? s'étonne Florentin en notant le changement de prononciation du patronyme tout en observant la femme rousse aux yeux bleus qui lui fait face.

- Oui, j'ai pensé que c'était le meilleur choix et puis le royaume de France est mon pays désormais. lui répond la femme en repoussant ses longts cheveux blonds qui tombent en boucles désordonnées sur ses épaules.

- Vous avez fait connaissance ! dit Landry qui entrait avec Andrea et Gabrielle. Pardon, j'avais oublié de te parler de notre chanteuse. Mais vous avez fait connaissance donc tout va pour le mieux. Je propose que nous te montrions le morceau que nous travaillons actuellement. Nous n'avons pas prévu de violon sur nos compositions précédentes mais tu te joins à nous, nous y songerons. Ensuite, tu pourras nous jouer quelques unes de tes compositions et ce sera tout pour aujourd'hui.

Florentin observe les musiciens se préparer et sa solitude lui pince le cœur, l'envie de se joindre à leur groupe le tenaille et il se demande si son choix de morceau sera à même de faire bonne impression. Angoissé, il n'entend rien du concert improvisé et il sursaute lorsqu'Aisling répète son nom d'une voix forte.

- Tu rêvassais, mon garçon! Joue-nous quelque chose, ce qui te plaît.

Lorsqu'il dévoile son instrument, des sifflements d'admiration s'élèvent mais il les ignore et il commence à jouer quelques ballades puis des airs à danser qu'il a joué pour des paysans avant de passer à des airs de cour bien conscient de sa bévue.

- J'ai laissé passer ma chance, des airs à danser dans les bals de campagne, quel imbécile! se morigène le jeune homme en entamant des airs à danser pour les bals dans l'espoir de se rattrapper.

Lorsqu'il s'arrête, il observe la mine pincée de son auditoire et il sent la sueur couvrir sa peau.

- J'ai échoué, c'était peut-être ma meilleure chance, pourtant!

- Répertoire varié et intéressant. Tu les as composés? interroge Gabrielle.

Le violoniste acquiesce, la bouche trop sèche pour parler.

- On devrait pouvoir en faire quelque chose mais il te faut un vrai violon, pas cette chose au timbre sourd.

- Je ne me séparerai pas de mon instrument, il est unique. J'ai composé spécialement pour lui afin de m'adapter à son timbre de voix. l'interrompt Florentin.

- Oui. dit la jeune femme en s'approchant. Mais ce qui nous intéresse, c'est ta capacité à nous rapporter de l'argent, tu comprends? Pas ta virtuosité, tes expérimentations, ton instrument de grand prix que tes bourgeois de parents t'ont certainement offert pour satisfaire un caprice avant que tu ne partes tenter ta chance à la capitale.

Le rouge aux joues, Florentin envisage de quitter les lieux mais il se reprend.

- J'ai payé cet instrument par mon travail, mes parents étaient des bourgeois mais ils sont morts, j'ai du vivre de mon travail depuis et quitter ma province. Je jouerai ce que vous voulez, vous m'avez demandé de jouer mes compositions, je l'ai fait. Si vous me fournissez un violon correct, je jouerai dessus. Bien, je crois que ma place n'est pas parmi vous, je ne vous importunerai pas plus longtemps. dit-il en rangeant son instrument.

Landry se lève et il le retient par l'épaule alors qu'il tourne les talons.

- Ma sœur est parfois un peu vive. Nous sommes pauvres, nous avons dû lutter et tes manières sont plus raffinées que les nôtres. Bien, je pense qu'il peut nous apporter un renouveau, un nouveau souffle. Et vous? dit le jeune homme.

- On peut essayer. dit Andrea. Bien, nous devons répéter. Je vais te donner quelques partitions que tu travailleras de ton côté. Rendez-vous dans une semaine ici-même. Fais ce que tu peux, d'accord? Ca te convient?

Le jeune homme acquiesce trop heureux de voir la chance lui sourire tout en prenant les feuillets que le flûtiste lui glisse dans la main.

- Au revoir! Bois à notre santé, tu veux?

- Oui. Avec joie. bredouille Florentin en se dirigeant vers la porte.


Texte publié par Bleuenn ar moana, 3 avril 2020 à 15h46
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